Intervention de Arnaud Robinet

Commission mixte paritaire — Réunion du 15 novembre 2011 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Nous voici réunis pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Toutes les parties ont pu, au cours d'une discussion parlementaire d'une grande richesse, exprimer leurs opinions et formuler leurs propositions.

A l'article 1er, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur, visant à interdire aux dirigeants de la HAS, de l'INCa, de l'Inserm et de l'Afssaps tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction. Cette proposition est peut être intellectuellement satisfaisante. Elle est en fait impraticable et nous priverait des personnalités compétentes dont nous avons plus que jamais besoin. Avoir des liens d'intérêts ne signifie pas être inféodé à l'industrie et dans des secteurs qui sont très techniques, il est dangereux que celui qui prend in fine la décision n'ait pas une connaissance parfaite du fonctionnement du secteur et de ses enjeux. Le Sénat propose aussi la publication des conclusions des groupes de travail des instances sanitaires : de deux choses l'une, soit nous décidons de publier l'intégralité de leurs travaux au risque d'y développer la langue de bois, soit nous garantissons un accès ciblé à ceux qui le demandent, comme le propose le ministre. Mais la solution du Sénat n'est pas satisfaisante. Je vous proposerai donc un retour au texte de l'Assemblée nationale sur ces points.

L'article 1er bis tend à soumettre le choix, par le ministre, du président du conseil d'administration et du président du conseil scientifique de l'INCa à un appel à candidature préalable et à l'absence de tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction.

Je m'interroge sur ce choix, qui s'est porté uniquement sur le président du conseil d'administration et le président du conseil scientifique de l'INCa, à l'exception des autres institutions visées à l'article 1er et vous proposerai la suppression de cet article.

A l'article 2, je vous proposerai un retour au texte de l'Assemblée nationale, plus équilibré et pragmatique. Tout d'abord, je vous propose de revenir sur la suppression du seuil en matière de publication des avantages octroyés aux professionnels par les entreprises. Même s'il est symbolique, ce seuil nous évitera d'avoir à déclarer les stylos et les cafés. Je suis par ailleurs opposé à l'interdiction pour les entreprises de passer des conventions d'hospitalité avec les étudiants ou de leur octroyer des avantages. Cela veut dire que nos étudiants ne pourront plus participer à certains colloques ou réunions scientifiques, ou que ces pratiques perdureront dans la plus grande opacité.

A l'article 4, je vous proposerai de rétablir le nom de la nouvelle agence, l'Afssaps étant malheureusement associée à l'affaire du Mediator, et de revenir au niveau des sanctions administratives fixées par l'Assemblée nationale. En revanche, j'estime utiles les ajouts du Sénat relatifs à la sanction de la publicité pour les dispositifs médicaux in vitro, et aux manquements des grossistes-répartiteurs à leurs obligations de service public.

A l'article 5, le Sénat propose de restreindre les associations de patients siégeant au conseil d'administration à celles qui ne reçoivent aucune subvention ou avantages des entreprises pharmaceutiques. L'adoption de cette mesure aboutirait à exclure la quasi-totalité des associations de patients par exemple. De plus, cette disposition crée une inégalité de traitement entre les professionnels de santé, dont on ne requiert pas l'absence de lien d'intérêts avec l'industrie, et les associations de patients.

Aux articles 6 et 7, le Sénat a prévu l'obligation pour toute entreprise pharmaceutique d'opérer un suivi spécifique du risque, de ses complications et de sa prise en charge médico-sociale, au travers d'un registre de patients atteints, lorsque le médicament, bien qu'autorisé, est susceptible de provoquer un effet indésirable grave. Cette possibilité est déjà couverte par le droit existant. Je vous proposerai donc de revenir au texte adopté par l'Assemblée.

A l'article 8, l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que tout arrêt de commercialisation à l'étranger d'un médicament commercialisé en France doit être notifié à la nouvelle agence. Au Sénat, cette disposition a été supprimée, puis rétablie de manière incomplète. Je vous propose donc de rétablir l'article dans la rédaction issue de l'Assemblée.

Sur l'article 9 bis, qui prévoit que pour le remboursement, l'amélioration du service médical rendu doit être évaluée non pas en comparaison avec un placebo, mais avec les traitements existants, la rédaction issue du Sénat pourra être améliorée, pour prendre en compte les médicaments de niche et les traitements très innovants, et ne pas créer une perte de chance pour les patients.

A l'article 12, nous avions précisé que la dénomination commune internationale devait être généralisée à tous les médicaments et qu'elle pouvait s'accompagner du nom de fantaisie. Au Sénat, la possibilité pour le prescripteur d'indiquer également le nom de fantaisie du médicament a été supprimée. Je vous propose de rétablir le texte de l'Assemblée pour ne pas déstabiliser certains patients, et tenir compte des cas où la dénomination commune internationale n'existe pas, comme pour les vaccins.

A l'article 15, je vous propose de revenir au texte de l'Assemblée nationale, qui établissait un équilibre entre sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques. Je crains notamment que la nécessité d'un renouvellement annuel des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) ne soit nuisible aux patients.

L'article 17 bis, adopté au Sénat, établit le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments, rompant l'équilibre que le Parlement avait trouvé en 1998 sur le sujet. Je ne vois pas comment nous pouvons adopter cet article, sur un sujet très délicat, sans aucune consultation ni étude préalable. Cela mérite un texte en soi.

L'article 17 ter vise à alléger la charge de la preuve lorsque la victime souffre d'une affection similaire à un effet indésirable connu. Sur le fond c'est intéressant, mais l'article ne fixe aucun critère précis pour juger de la présomption de causalité. En l'état nous ne pouvons l'adopter.

L'article 18 porte sur la publicité pour les vaccins réalisée par les entreprises pharmaceutiques. Plutôt que l'interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat, je vous suggérerai de revenir au texte de l'Assemblée qui retient un régime d'autorisation encadrée, ce qui me paraît plus sage, eu égard notamment aux impératifs de prévention.

S'agissant des articles 19, 24 et 26, je suis en profond désaccord avec le choix fait par le Sénat de remplacer le dispositif initial de pénalité financière par une possibilité, pour le comité économique des produits de santé dans les deux premiers cas et pour le ministre de la santé dans le troisième cas, d'infliger des baisses de prix. Entre autres effets pervers, il apparaît que de telles baisses nuiraient à la lisibilité des prix pour les patients et les prescripteurs dans la mesure où ces prix seraient amenés à fluctuer au gré des sanctions.

L'article 19 bis voté par le Sénat prévoit la remise d'un rapport sur la formation médicale initiale et continue. La rédaction d'un nouveau rapport ne me paraît pas s'imposer, d'autant moins au regard des évolutions récentes concernant les décrets sur le développement professionnel continu des médecins. Cet article doit donc à mon sens être supprimé.

Tel est également le cas de l'article 20 bis, dont les dispositions relèvent du domaine de la loi de financement de la sécurité sociale.

Quant aux trois articles 27, 28 et 29 relatifs aux ordonnances, les habilitations qu'ils prévoient me paraissent indispensables compte tenu du caractère très technique des dispositions qui doivent être élaborées, de surcroît dans des délais assez brefs.

L'article 30 bis A crée les actions de groupe dans le domaine de la santé. Je ne suis pas opposé sur le fond, mais j'estime qu'une réforme de cette ampleur ne peut être menée au détour d'un amendement sur un texte dont ce n'est pas l'objet, sans aucune concertation avec les associations de patients, les entreprises et les ministères concernés, et aucune étude d'impact. Surtout, tel qu'il est rédigé, l'amendement limite les actions de groupe aux associations qui ne reçoivent pas de subventions, ce qui restreint considérablement son champ. De plus, l'action de groupe que vous proposez ne permettrait pas d'offrir une indemnisation personnalisée aux victimes, à la hauteur des préjudices subis. Enfin, vous ne précisez pas si vous êtes dans un système d'opt in ou opt out, qui permet en fait d'engager une action sans que les victimes soient consultées. Cette mesure ferait utilement l'objet d'un texte spécifique, mais nous ne pouvons l'adopter telle quelle.

Comme vous le voyez, les dispositions restant en discussion sont nombreuses, tout comme les points de désaccord. Certains sont pour moi non négociables, comme ils sont non négociables, et je le comprends, pour nos collègues du Sénat.

Si nous voulions que la commission mixte paritaire aboutisse, il faudrait donc soit passer des compromis boiteux et peu lisibles pour nos concitoyens, soit que l'une de nos assemblées renonce à la quasi-totalité du texte qu'elle a adopté. Vous proposez d'engager la discussion des articles. Très bien. J'estime pour ma part que le texte issu de l'Assemblée nationale est équilibré et je refuse d'adopter les positions jusqu'au-boutistes du Sénat. Je vous remercie.

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