Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé s'est réunie au Sénat le mardi 15 novembre 2011.
La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :
Annie David, sénatrice, présidente ;
Jean-Pierre Door, député, vice-président ;
Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Présider une commission mixte paritaire est, pour moi, une première ; pardonnez-moi si je commets des maladresses.
Nous avons à examiner un texte très attendu par nos concitoyens dont la confiance dans notre système de sécurité sanitaire a été sérieusement ébranlée par l'affaire du Mediator. A cet instant, j'ai une pensée pour nos anciens collègues, François Autain, qui a longtemps plaidé pour plus de transparence, de contrôle et de surveillance dans le secteur du médicament, et Marie-Thérèse Hermange, tous deux respectivement président et rapporteur de notre mission commune d'information sur le Mediator.
Merci au Sénat de nous recevoir. J'ai l'honneur de remplacer notre président, Pierre Méhaignerie, retenu.
Ce texte est effectivement attendu, et en particulier depuis les affaires sanitaires récentes. L'Assemblée nationale a travaillé également sur le sujet, avec le rapport de Catherine Lemorton sur la politique du médicament et celui que Gérard Bapt et moi-même avons établi sur le Mediator. Notre système du médicament connaît des failles depuis longtemps ; il est temps d'en bâtir un plus sûr.
Le Sénat a certes modifié le texte de l'Assemblée nationale, mais sans revenir sur l'essentiel. Nous avons notamment confirmé l'article 9 bis qui rend les essais comparatifs obligatoires au moment de la demande d'admission au remboursement. Notre volonté a été de préciser le texte, d'une part, pour limiter le recours aux décrets, d'autre part, afin de lever les incertitudes porteuses de contentieux que les entreprises ne manqueront pas de relever. Cette volonté nous réunit car rétablir la confiance dans notre système de sécurité sanitaire est une impérieuse nécessité. Après tant de travaux préparatoires et de déclarations d'intentions, ce texte ne doit pas laisser planer le doute sur la survenance potentielle d'un nouveau Mediator.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur l'ensemble des modifications apportées par le Sénat. Un certain nombre de dispositions peuvent faire consensus entre nos deux assemblées : je pense notamment à nos apports à l'article 9 bis, qui est tout à fait essentiel, à la quatrième partie relative aux dispositifs médicaux ainsi qu'aux dispositions tendant à éviter les ruptures d'approvisionnement.
D'autres modifications du Sénat, bien qu'importantes, semblent moins fondamentales et ne devraient pas s'opposer à la conclusion d'un accord. C'est le cas de celles portant sur le nom de l'actuelle Afssaps ou encore sur la suppression des autorités de déontologie au sein de chaque agence et de la charte de l'expertise sanitaire au sein de l'article 1er.
Ceci étant, j'en viens aux points sur lesquels nos positions semblent plus éloignées.
A l'article 1er, nous avons précisé la nature des déclarations publiques d'intérêts. Nous avons également proscrit, pour les dirigeants des principales agences sanitaires - Haute Autorité de santé, Afssaps, INCa, Inserm - tout lien d'intérêts direct avec l'industrie pharmaceutique dans les trois années qui précèdent leur mandat ainsi que pendant toute la durée de celui-ci. Cette disposition écarte la plupart des professeurs de médecine de la direction des agences, mais ne leur interdit pas de présider les conseils scientifiques ou de siéger en leur sein. Pour un meilleur contrôle, l'ensemble de ces déclarations seront centralisées par la commission de déontologie créée par la loi Sapin. Enfin, nous avons demandé la publicité des conclusions des groupes de travail et confié à la Cada le soin d'examiner les questions relatives aux secrets protégés par la loi afin d'éviter toute invocation abusive.
A l'article 2, le Sénat a renforcé la portée du Sunshine Act à la française en prévoyant la publicité du contenu des conventions et non de leur seule existence. Concernant les étudiants en médecine, nous avons affirmé une position de principe : oui à la conclusion de conventions tripartites avec l'organisme de formation, mais non à tout lien direct avec les entreprises pharmaceutiques. Quant au seuil de déclaration des avantages reçus, nous avons supprimé le renvoi au décret : les avantages devront ainsi être déclarés dès le premier euro, comme le veut d'ailleurs le ministre. Enfin, toutes ces informations devront être disponibles sur un site internet d'accès gratuit.
A l'article 5, le Sénat a interdit aux associations recevant des subventions ou avantages des entreprises pharmaceutiques de siéger au conseil d'administration de l'agence ; les autres le pourront. Nous avons d'ailleurs prévu la présence systématique des associations représentant exclusivement des victimes d'accidents médicamenteux. En fait, la solution résiderait dans l'octroi de subventions publiques aux associations.
A l'article 15, le Sénat a clarifié le régime des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) : si nous avons élargi la définition de l'ATU compassionnelle qui relève d'une procédure dérogatoire, nous avons limité la durée de celles de droit commun à une année renouvelable deux fois parce qu'elles constituent une première étape vers l'autorisation de mise sur le marché.
A l'article 18, nous avons proscrit toute publicité sur les vaccins. Celle-ci ne peut être assimilée à la prévention qui, elle, relève de la puissance publique.
A l'article 19, si la disposition prévue pour la visite médicale collective n'est guère satisfaisante, jouons le jeu de l'expérimentation jusqu'au bout en supprimant toute exception.
Pour finir, nous avons adopté en séance trois articles à conserver impérativement, selon moi, parce qu'ils renforcent considérablement les droits des patients. D'abord, les articles 17 bis et 17 ter, qui reviennent sur la directive de 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux au bénéfice des victimes d'accidents médicamenteux : le premier supprime l'exonération de responsabilité sans faute pour risque de développement du produit dont bénéficient les fabricants de médicaments, ce qui revient à aligner le régime des médicaments sur celui des produits issus du corps humain ; le second assouplit la charge de la preuve qui pèse sur les patients avec la notion de faisceau d'indices. Ensuite, l'article 30 bis A, qui introduit l'action de groupe en matière de réparation pour accidents médicamenteux.
Nous voici réunis pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Toutes les parties ont pu, au cours d'une discussion parlementaire d'une grande richesse, exprimer leurs opinions et formuler leurs propositions.
A l'article 1er, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur, visant à interdire aux dirigeants de la HAS, de l'INCa, de l'Inserm et de l'Afssaps tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction. Cette proposition est peut être intellectuellement satisfaisante. Elle est en fait impraticable et nous priverait des personnalités compétentes dont nous avons plus que jamais besoin. Avoir des liens d'intérêts ne signifie pas être inféodé à l'industrie et dans des secteurs qui sont très techniques, il est dangereux que celui qui prend in fine la décision n'ait pas une connaissance parfaite du fonctionnement du secteur et de ses enjeux. Le Sénat propose aussi la publication des conclusions des groupes de travail des instances sanitaires : de deux choses l'une, soit nous décidons de publier l'intégralité de leurs travaux au risque d'y développer la langue de bois, soit nous garantissons un accès ciblé à ceux qui le demandent, comme le propose le ministre. Mais la solution du Sénat n'est pas satisfaisante. Je vous proposerai donc un retour au texte de l'Assemblée nationale sur ces points.
L'article 1er bis tend à soumettre le choix, par le ministre, du président du conseil d'administration et du président du conseil scientifique de l'INCa à un appel à candidature préalable et à l'absence de tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction.
Je m'interroge sur ce choix, qui s'est porté uniquement sur le président du conseil d'administration et le président du conseil scientifique de l'INCa, à l'exception des autres institutions visées à l'article 1er et vous proposerai la suppression de cet article.
A l'article 2, je vous proposerai un retour au texte de l'Assemblée nationale, plus équilibré et pragmatique. Tout d'abord, je vous propose de revenir sur la suppression du seuil en matière de publication des avantages octroyés aux professionnels par les entreprises. Même s'il est symbolique, ce seuil nous évitera d'avoir à déclarer les stylos et les cafés. Je suis par ailleurs opposé à l'interdiction pour les entreprises de passer des conventions d'hospitalité avec les étudiants ou de leur octroyer des avantages. Cela veut dire que nos étudiants ne pourront plus participer à certains colloques ou réunions scientifiques, ou que ces pratiques perdureront dans la plus grande opacité.
A l'article 4, je vous proposerai de rétablir le nom de la nouvelle agence, l'Afssaps étant malheureusement associée à l'affaire du Mediator, et de revenir au niveau des sanctions administratives fixées par l'Assemblée nationale. En revanche, j'estime utiles les ajouts du Sénat relatifs à la sanction de la publicité pour les dispositifs médicaux in vitro, et aux manquements des grossistes-répartiteurs à leurs obligations de service public.
A l'article 5, le Sénat propose de restreindre les associations de patients siégeant au conseil d'administration à celles qui ne reçoivent aucune subvention ou avantages des entreprises pharmaceutiques. L'adoption de cette mesure aboutirait à exclure la quasi-totalité des associations de patients par exemple. De plus, cette disposition crée une inégalité de traitement entre les professionnels de santé, dont on ne requiert pas l'absence de lien d'intérêts avec l'industrie, et les associations de patients.
Aux articles 6 et 7, le Sénat a prévu l'obligation pour toute entreprise pharmaceutique d'opérer un suivi spécifique du risque, de ses complications et de sa prise en charge médico-sociale, au travers d'un registre de patients atteints, lorsque le médicament, bien qu'autorisé, est susceptible de provoquer un effet indésirable grave. Cette possibilité est déjà couverte par le droit existant. Je vous proposerai donc de revenir au texte adopté par l'Assemblée.
A l'article 8, l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que tout arrêt de commercialisation à l'étranger d'un médicament commercialisé en France doit être notifié à la nouvelle agence. Au Sénat, cette disposition a été supprimée, puis rétablie de manière incomplète. Je vous propose donc de rétablir l'article dans la rédaction issue de l'Assemblée.
Sur l'article 9 bis, qui prévoit que pour le remboursement, l'amélioration du service médical rendu doit être évaluée non pas en comparaison avec un placebo, mais avec les traitements existants, la rédaction issue du Sénat pourra être améliorée, pour prendre en compte les médicaments de niche et les traitements très innovants, et ne pas créer une perte de chance pour les patients.
A l'article 12, nous avions précisé que la dénomination commune internationale devait être généralisée à tous les médicaments et qu'elle pouvait s'accompagner du nom de fantaisie. Au Sénat, la possibilité pour le prescripteur d'indiquer également le nom de fantaisie du médicament a été supprimée. Je vous propose de rétablir le texte de l'Assemblée pour ne pas déstabiliser certains patients, et tenir compte des cas où la dénomination commune internationale n'existe pas, comme pour les vaccins.
A l'article 15, je vous propose de revenir au texte de l'Assemblée nationale, qui établissait un équilibre entre sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques. Je crains notamment que la nécessité d'un renouvellement annuel des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) ne soit nuisible aux patients.
L'article 17 bis, adopté au Sénat, établit le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments, rompant l'équilibre que le Parlement avait trouvé en 1998 sur le sujet. Je ne vois pas comment nous pouvons adopter cet article, sur un sujet très délicat, sans aucune consultation ni étude préalable. Cela mérite un texte en soi.
L'article 17 ter vise à alléger la charge de la preuve lorsque la victime souffre d'une affection similaire à un effet indésirable connu. Sur le fond c'est intéressant, mais l'article ne fixe aucun critère précis pour juger de la présomption de causalité. En l'état nous ne pouvons l'adopter.
L'article 18 porte sur la publicité pour les vaccins réalisée par les entreprises pharmaceutiques. Plutôt que l'interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat, je vous suggérerai de revenir au texte de l'Assemblée qui retient un régime d'autorisation encadrée, ce qui me paraît plus sage, eu égard notamment aux impératifs de prévention.
S'agissant des articles 19, 24 et 26, je suis en profond désaccord avec le choix fait par le Sénat de remplacer le dispositif initial de pénalité financière par une possibilité, pour le comité économique des produits de santé dans les deux premiers cas et pour le ministre de la santé dans le troisième cas, d'infliger des baisses de prix. Entre autres effets pervers, il apparaît que de telles baisses nuiraient à la lisibilité des prix pour les patients et les prescripteurs dans la mesure où ces prix seraient amenés à fluctuer au gré des sanctions.
L'article 19 bis voté par le Sénat prévoit la remise d'un rapport sur la formation médicale initiale et continue. La rédaction d'un nouveau rapport ne me paraît pas s'imposer, d'autant moins au regard des évolutions récentes concernant les décrets sur le développement professionnel continu des médecins. Cet article doit donc à mon sens être supprimé.
Tel est également le cas de l'article 20 bis, dont les dispositions relèvent du domaine de la loi de financement de la sécurité sociale.
Quant aux trois articles 27, 28 et 29 relatifs aux ordonnances, les habilitations qu'ils prévoient me paraissent indispensables compte tenu du caractère très technique des dispositions qui doivent être élaborées, de surcroît dans des délais assez brefs.
L'article 30 bis A crée les actions de groupe dans le domaine de la santé. Je ne suis pas opposé sur le fond, mais j'estime qu'une réforme de cette ampleur ne peut être menée au détour d'un amendement sur un texte dont ce n'est pas l'objet, sans aucune concertation avec les associations de patients, les entreprises et les ministères concernés, et aucune étude d'impact. Surtout, tel qu'il est rédigé, l'amendement limite les actions de groupe aux associations qui ne reçoivent pas de subventions, ce qui restreint considérablement son champ. De plus, l'action de groupe que vous proposez ne permettrait pas d'offrir une indemnisation personnalisée aux victimes, à la hauteur des préjudices subis. Enfin, vous ne précisez pas si vous êtes dans un système d'opt in ou opt out, qui permet en fait d'engager une action sans que les victimes soient consultées. Cette mesure ferait utilement l'objet d'un texte spécifique, mais nous ne pouvons l'adopter telle quelle.
Comme vous le voyez, les dispositions restant en discussion sont nombreuses, tout comme les points de désaccord. Certains sont pour moi non négociables, comme ils sont non négociables, et je le comprends, pour nos collègues du Sénat.
Si nous voulions que la commission mixte paritaire aboutisse, il faudrait donc soit passer des compromis boiteux et peu lisibles pour nos concitoyens, soit que l'une de nos assemblées renonce à la quasi-totalité du texte qu'elle a adopté. Vous proposez d'engager la discussion des articles. Très bien. J'estime pour ma part que le texte issu de l'Assemblée nationale est équilibré et je refuse d'adopter les positions jusqu'au-boutistes du Sénat. Je vous remercie.
Dans ces circonstances, cette commission mixte paritaire semble avoir peu d'avenir en effet.
Il s'agit là d'un projet de loi très attendu, en effet, qui ravit le groupe SRC puisque, grâce à notre collègue Gérard Bapt, qui a aidé à révéler l'affaire du Mediator, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale (Mecss) « Prescrire moins, consommer mieux », dont j'étais l'auteur, a été mis en lumière. Voté à l'unanimité il y a trois ans, nous n'en avions rien fait. Quel dommage d'avoir attendu un drame sanitaire pour reprendre ses conclusions !
A l'Assemblée nationale, nous avons amélioré le texte avec nos collègues de la majorité présidentielle - je pense notamment aux tests contre comparateurs. Pour autant, de manière insuffisante à notre goût. D'où notre abstention sur le vote final dans l'intention de laisser une seconde chance au texte lors de son examen par le Sénat.
La santé, je le rappelle, a été exclue du champ d'application de la directive Bolkestein ; le principe de subsidiarité s'applique. D'ailleurs, le ministre Xavier Bertrand, en acceptant les tests comparatifs, s'est engagé à en parler avec le commissaire européen John Dalli. J'y vois le signe que la France peut être précurseur, nonobstant l'autorisation de mise sur le marché européenne. En tout cas, la santé reste du domaine de compétence des Etats.
En ce sens, la version du Sénat nous convient. Seul point sur lequel nous ayons trouvé quelque chose à redire : le nom proposé pour la nouvelle agence. Pourquoi ne pas revenir finalement à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, son nom actuel, étant entendu que les produits de santé recouvrent les médicaments ?
Merci au Sénat d'avoir durci le texte sur la formation initiale et continue des médecins. Cela était absolument nécessaire dès lors que la loi sur l'autonomie des universités a autorisé les industriels du médicament à passer des conventions avec des facultés de médecine et de pharmacie. Malgré les déclarations de M. Bertrand lors des assises du médicament, les moyens alloués aux professionnels de santé, futurs ou diplômés, manquent pour leur assurer une formation indépendante des laboratoires.
Nous nous réjouissons de l'apparition de la base informatique sur le médicament, qui ne peut se réduire à un simple portail. Cela est possible puisque les Scandinaves l'ont mise en place. S'agissant des études épidémiologiques, il faudra néanmoins apporter des précisions concernant le groupement d'intérêt public (GIP). A ce propos, le rapporteur de l'Assemblée nationale avait introduit, à minuit passé, un adverbe « notamment » que le Sénat a heureusement supprimé.
Concernant la publicité sur les vaccins, n'en déplaise à notre rapporteur, nous appuyons son interdiction. Hier, Mme Pécresse a supprimé un million d'euros de crédits à l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)... Que l'on ne nous parle pas, ensuite, d'impératifs de prévention ! D'ailleurs, si les industriels de la santé en étaient si soucieux, ils auraient certainement mis l'accent sur la prévention de la rougeole plutôt que sur les vaccins Cervarix et Gardasil.
Pour conclure, la volonté de faire échouer cette commission mixte paritaire, que je sens chez le rapporteur de l'Assemblée, me désole car le texte issu des travaux du Sénat est bon et compréhensible par nos citoyens, notamment sur les class actions. Ne prenons pas le risque de décevoir patients et professionnels de santé !
Je m'associe aux propos de Catherine Lemorton à l'intention de Gérard Bapt. Pour nous, ses qualités, qui seraient mises en doute au niveau ministériel selon la presse ce dimanche, ne font pas question.
La majorité sénatoriale, avec ce premier texte soumis à son examen, a voulu saisir la seconde chance offerte par les députés. Merci à notre rapporteur, Bernard Cazeau, d'avoir durci le texte en collaboration, dans une démarche collégiale, avec les groupes CRC et Socialiste-EELVr. Nous avons renforcé l'article 1er pour éviter toute suspicion de conflit d'intérêts, ce qui correspond à un souci réel de la population. Nous avons amélioré la transparence et l'organisation de la pharmacovigilance. Je soulignerai les apports de mon groupe sur le dossier pharmaceutique, sur l'article 15 relatif aux ATU afin de rassurer les malades du sida, sur la formation initiale et continue des médecins avec la demande d'un rapport et sur l'action de groupe en matière sanitaire.
Chronique d'une mort annoncée... de notre commission mixte paritaire, je regrette que le rapporteur de l'Assemblée ait ainsi ouvert nos travaux. Pour notre part, nous souhaitons le maintien dans la rédaction du Sénat des articles 1er, 2, 3, 15 et 30 bis A et la suppression des articles 27, 28 et 29. Je regrette que la majorité de l'Assemblée s'apprête à annoncer son désaccord.
« Plus jamais de Mediator » a déclaré Xavier Bertrand en introduction du débat au Sénat en nous invitant à dépasser les clivages partisans. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé, sachant que nous étions très attendus par les victimes des accidents médicamenteux et l'opinion publique.
Casser cette dynamique serait grave ; pourquoi refuser ainsi le débat ? Qu'avons-nous à craindre de la transparence et d'une large publication des liens d'intérêts ? Ayons le courage, une bonne fois pour toutes, de distinguer ce qui relève de la décision publique et, donc, de l'intérêt général de ce qui relève de l'intérêt des entreprises. Reprenons le débat sur les articles 1er, 2 et 3 de même que sur le 15 qui, dans la rédaction du Sénat, répond à une demande très forte des associations de malades.
Quant à l'article 30 bis A, de quoi avons-nous peur ? Pourquoi faudrait-il attendre une énième étude sur l'action de groupe pour la mettre en oeuvre ? Soyons responsables et cherchons à trouver à un accord.
Quoi qu'on en dise, le Gouvernement s'est montré très réactif après l'affaire du Mediator. Ce texte a été longuement discuté à l'Assemblée nationale et dans un esprit constructif : le ministre a accepté de nombreux amendements que nous avons votés ensemble, loin des clivages partisans. Nous avons abouti à un texte équilibré, qui a fait l'objet d'un consensus relatif, avec l'abstention signalée de l'opposition. Or le Sénat a voulu, si j'ose dire, toujours plus. Et à force, on bascule dans le trop.
Le Ciss, collectif interassociatif sur la santé, qui n'est pas particulièrement de notre côté sur l'échiquier politique, a clairement demandé un retour à notre texte sur les articles 5 et 15 dans son communiqué de presse d'hier. Contrairement à ce que vous affirmez, les associations de patients sont très réservées - c'est un euphémisme ! - sur vos propositions, de même que les médecins et les experts qui ignorent comment le système du médicament pourra bien fonctionner avec votre article 1er, sans parler des visiteurs médicaux qui craignent pour leur avenir. Surtout, votre texte contribue à stigmatiser l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, des médecins jusqu'aux experts en passant par les industriels, ce qui n'est pas de nature à restaurer la confiance !
La dynamique de ce texte se poursuivra puisqu'il a été voulu par ce Gouvernement et cette majorité présidentielle. Je note des divergences entre vous : certains disent vouloir débattre quand d'autres affirment des points non négociables. Il est évident que nous ne parviendrons pas à un consensus sur les articles 1er et 30 bis A.
Madame Archimbaud, personne n'a peur... Notre volonté est d'aboutir à une loi qui fonctionne pour une meilleure sécurité sanitaire. Pour faire un compromis, il faut être deux et faire preuve d'ouverture. Nos positions ne sont pas si éloignées sur le principe, mais nous sommes, nous, guidés par un souci de pragmatisme. L'article 1er, réécrit par Bernard Cazeau, interdirait à M. Maraninchi, dont nous reconnaissons tous l'indépendance et l'esprit de loyauté, de présider l'INCa ou l'Afssaps parce qu'il avait un lien d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.
Même si nous connaissons ses qualités, M. Maraninchi n'est pas la seule personne capable !
Mieux vaudrait laisser aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat le soin de trancher s'il y a ou non conflit d'intérêts lors de l'audition des personnes pressenties. Au passage, j'observe que le texte est incomplet : rien sur la sortie des agences d'expertise, sur les obligations que doivent respecter leurs responsables après leur départ. Votre vision extrêmement fermée du lien d'intérêts est également très pénalisante pour les associations de patients ; les modifications à l'article 5 ont beaucoup choqué.
Concernant les class actions, auxquelles je suis très favorable, il faudrait une proposition de loi globale, qui transcende les secteurs.
Enfin, il n'y a pas, du côté gauche, les gentils et, de l'autre, les méchants qui refusent de débattre : nous avons tous la volonté d'améliorer la sécurité sanitaire. Au Sénat, nous n'avons jamais réussi à avancer avec pragmatisme sur l'article 1er...
Avant même que ne s'ouvre le débat, vous avez annoncé la mort de la commission mixte paritaire...
Personne ne l'a fait !
Comme l'ont fait les sénateurs socialistes !
Ce sont de mauvaises manières que d'empêcher le débat. La volonté de discuter était présente au début de cette réunion, j'espère qu'elle nous anime encore. Je propose que nous passions à l'examen de l'article 1er.
Dépasser les clivages, l'Assemblée nationale y était parvenue. Hélas, le texte, à force de modifications et de remaniements, manque désormais ses objectifs : lien d'intérêts n'équivaut pas à conflit d'intérêts ; le doute ne bénéficie pas au patient pour les ATU ; et, enfin, la question de la visite médicale n'est pas réglée.
Nous pourrions pourtant nous retrouver les uns et les autres sur la pharmacovigilance. Lors des auditions sur le Mediator, nous avons vu comment certains se sont battus à l'intérieur du système. Le texte de l'Assemblée nationale offrait la possibilité de créer une vraie science dans notre pays qui aurait inspiré les choix européens. L'esprit de déconstruction a malheureusement frappé... Vous refusez les améliorations de ce texte sur la formation professionnelle au nom d'une solution que l'on sait utopique... Je m'interroge : pourquoi le consensus à l'Assemblée nationale s'est-il transformé en dissensus au Sénat ?
Nous partageons tous la même préoccupation, celle d'éviter un nouveau Mediator. Je regrette le ton péremptoire du rapporteur de l'Assemblée nationale : on ne gagne rien à caricaturer la position des autres, sauf à faire échouer une commission mixte paritaire. Cessons de jeter l'anathème et de parler de points « non négociables ».
Le texte du Sénat comporte des avancées. Il est le reflet fidèle, en ses articles 1er et 2, des conclusions de la mission sénatoriale sur le Mediator, dont nous avions adopté le rapport à l'unanimité. Nous avons voulu renforcer durablement la prévention des conflits d'intérêts. Exiger trois ans sans lien d'intérêts serait se priver de M. Maraninchi ? Certes, madame Jouanno, mais il représente un cas sur combien ? J'ai entendu le ministre recourir à cet exemple une vingtaine de fois. Je trouve cela indécent de se servir de cet homme, pour qui j'ai la plus grande admiration, comme d'un jouet ! Si nous prenions la peine de nous écouter, nous pourrions avancer.
Oui, il faudrait étendre les actions de groupe aux champs de la consommation ou encore des matériaux dangereux. D'ailleurs, pour avoir présidé la mission sur l'amiante au Sénat, je suis persuadé que si cette procédure avait existé, nous n'en serions pas à compter les milliers de morts aujourd'hui...
Si un progrès est possible, profitons-en. Nous pourrons, ensuite, par une proposition de loi élargir la portée de ce dispositif.
Nous pouvons également trouver un compromis sur l'article 5 en demandant aux associations amenées à siéger au sein du conseil d'administration de rompre tout lien d'intérêts avec l'industrie. En contrepartie, elles, et elles seules, recevraient une subvention publique.
Nous pouvons nous retrouver sur l'article 15 relatif aux autorisations temporaires d'utilisation (ATU) et sur l'article 9 bis sur les tests comparateurs : leurs rédactions sont très proches.
Enfin, l'article 18 : si les campagnes de vaccination sont évidemment une question régalienne, la publicité ne contribue-t-elle pas à renforcer l'intérêt pour la vaccination ?
Avec un peu de bonne volonté, un accord est possible.
J'ai entendu la déclaration du rapporteur pour l'Assemblée nationale comme un constat d'échec. Je crois, comme M. Vanlerenberghe, qu'il y avait matière à compromis, y compris sur l'article 1er en distinguant les rémunérations personnelles des conventions de travail pour les laboratoires ou pour les doctorants ou encore sur les articles 5 et 15 en intégrant les propositions du Ciss.
En fait, le véritable point de désaccord porte sur les actions de groupe que souhaitait déjà le Président Jacques Chirac. Menées par des associations représentatives, elles seraient tout à fait différentes des class actions américaines conduites par des cabinets d'avocats, parfois à l'affût. Si elles avaient existé, Servier aurait sans doute retiré son produit en même temps qu'il l'a fait en Espagne et en Italie : c'est une épée de Damoclès, et les grandes firmes en tiendraient compte. Savez-vous la force physique et morale qu'il faut aux victimes pour s'engager aujourd'hui dans une procédure judiciaire face aux avocats de Servier ? M. Door avait d'ailleurs accepté la mise en place des actions de groupe au sein de la mission de l'Assemblée nationale sur le Mediator, raison pour laquelle j'avais voté pour les propositions qu'il présentait. Enfin, le docteur Frachon et ceux qui se sont tant battus attendent beaucoup de cette procédure, bien qu'il soit trop tard pour les victimes du Mediator.
Le long réquisitoire de M. Robinet avait, en fait, pour seul but de relayer l'oukase gouvernemental sur l'action de groupe. Rien d'étonnant quand plus de cinquante députés de la majorité à l'Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi sur ce sujet...
Je parlerai au nom des vingt mille visiteurs médicaux, oubliés du texte et injustes victimes du drame du Mediator. M'appuyant sur mon expérience d'ancien visiteur médical durant vingt ans et d'actuel vice-président délégué de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille, je suis longuement intervenu à ce sujet, en commission comme en séance. Il faut rétablir des exceptions à la visite collective, notamment pour les médicaments à prescription restreinte. On ne peut pas se passer d'un tête-à-tête avec le médecin s'agissant, par exemple, des anticancéreux.
Dans un rapport de septembre 2011, la Haute Autorité de santé note que l'information délivrée par le visiteur médical est, le plus souvent, reconnue comme utile par les professionnels de santé. Comme de nombreux collègues, j'ai reçu une lettre d'un oncologue de Marseille. La suppression de la visite individuelle ? Une perte d'information, selon lui. Il poursuit : les visiteurs sont des interlocuteurs à part entière, non des colporteurs ; les oncologues ne sont pas des girouettes qui prescrivent sans évaluer le rapport bénéfice-risque. Puis de s'interroger : est-ce à l'Etat de gérer les rapports humains et de dire ceux qui sont autorisés et ne le sont pas ? Nous devons, au moins, rétablir l'amendement de M. Lefrand.
Dépasser les clivages partisans ? Nous étions tous présents lors de la conférence de presse en janvier dernier durant laquelle le ministre a présenté l'avant-projet de loi, de même qu'aux assises du médicament. Nous avons tous la volonté de remettre de l'ordre dans notre système de sécurité sanitaire.
Lors de la mise au point du projet de loi, les consultations entre le ministère et les responsables des deux missions d'information sur le Mediator ont été régulières. A l'Assemblée nationale, nous n'avons pas fait face à une opposition dure : le groupe SRC s'est abstenu, seul le groupe GDR a voté contre.
Je soutiens notre rapporteur, Arnaud Robinet. De quel côté le clivage se situe-t-il, celui des députés ou des sénateurs ? Il faudrait garder l'essentiel du texte... Mais parle-t-on du texte de l'Assemblée ou de celui du Sénat ? Quant à nous, nous souhaitons maintenir certaines dispositions, sans en faire des points de friction. D'abord, la lutte contre les conflits d'intérêts : nous avons ciblé les liens d'intérêts en nous intéressant aux travaux de la commission Sauvé. Notre texte est totalement responsable ; pourquoi vouloir toujours plus ? Ensuite, l'expertise interne serait dangereuse ; non à un corps de fonctionnaires experts qui serait sorti des paillasses des services de recherche et des services hospitaliers. Nous, nous voulons une expertise ouverte. Enfin, l'action de groupe. J'étais favorable à une réflexion parlementaire sur ce sujet à condition qu'il s'agisse d'associations agréées. Il n'était nullement question d'envisager leur mise en place à un moment où l'on en revient aux Etats-Unis et où le Gouvernement envisage d'examiner cette question dans le cadre d'un texte ayant trait à la consommation. Je regrette que l'on en ait une vision étroite et qu'on veuille la cantonner au médicament.
Nous ne cherchons pas à faire mourir la commission mixte paritaire.
Je veux, d'une part, préciser que le texte du ministre Frédéric Lefebvre sur la consommation exclut la class action, d'autre part, rétablir la vérité sur le consensus que l'on attribue au groupe SRC de l'Assemblée nationale : nous nous sommes abstenus pour donner au texte une seconde chance ; nous aurions voté contre si la majorité du Sénat n'avait pas changé entre temps.
La commission mixte paritaire passe ensuite à l'examen des articles restant en discussion.
EXAMEN DES ARTICLES
Je rappelle que huit articles seulement ayant été adoptés conformes, il en reste cinquante et un à examiner.
Article 1er Règles déontologiques et expertise sanitaire
M. Arnaud Robinet a présenté une proposition de nouvelle rédaction de cet article.
En effet, elle vise à rétablir le texte de l'Assemblée nationale tout en maintenant certaines dispositions adoptées par le Sénat. C'est le cas du paragraphe I, y compris la référence aux liens indirects des proches, ainsi que le fait que la déclaration d'intérêts doit remonter au moins cinq ans avant la prise de fonction. L'audition par le Parlement des dirigeants des instances sanitaires visées à cet article a également été conservée. En revanche, je propose de supprimer l'interdiction, peu pragmatique et excessive, de liens d'intérêts dans les trois ans qui précèdent l'entrée en fonction des dirigeants des autorités sanitaires. Seraient également supprimés la compétence de la commission de déontologie créée par la loi Sapin du 29 janvier 1993 en matière de centralisation des déclarations publiques d'intérêts et le contrôle par la Cada du respect des secrets protégés par la loi.
Enfin, nous souhaitons revenir au texte de l'Assemblée nationale sur l'enregistrement intégral et la publicité des séances des commissions, conseils et instances collégiales d'expertise, dans le respect du secret médical et industriel, ainsi que sur la mise en place d'une charte de l'expertise sanitaire, mais en conservant la référence à l'impartialité, à l'objectivité et à l'indépendance de l'expertise.
Le plus marquant des trois points sur lesquels revient votre proposition de rédaction est le délai de trois ans sans lien d'intérêts. Oui, cela écarte la majorité des professeurs de médecine de la direction de ces agences. Point n'est besoin d'être un expert pour les diriger ! Le directeur de ces agences et instituts est d'abord un manager, les scientifiques siégeant au conseil scientifique. Nous ne pouvons accepter cette suppression.
Nous sommes, en outre, attachés à la commission de déontologie créée par la loi Sapin. Le fait qu'elle centralise les déclarations publiques d'intérêts est déjà prévu par le projet Sauvé sur la déontologie de la vie publique et elle dispose de moyens dont les agences ne disposent pas. Notre proposition de bon sens répond à un souci de pragmatisme et de simplification.
S'agissant de la publicité des débats, le contrôle par la Cada est une solution pragmatique, préférable à des affirmations imprécises et sources de contentieux. Un compte rendu écrit n'exclut pas un enregistrement ; une trace écrite est préférable, et les associations l'ont souhaitée parce que cela facilite les recherches.
Enfin, nous avons supprimé la charte de l'expertise au statut flou, parce qu'elle ne sert à rien, mais vise un effet d'affichage. Cependant, je n'en fais pas une affaire.
Avis défavorable à la proposition de l'Assemblée nationale.
Sur la forme, la proposition de M. Robinet tient compte de la rédaction du Sénat. Où est la discussion si vous proposez d'en rester à la vôtre ? Sur le fond, nous n'aurions pas besoin d'experts pour diriger ces agences, mais de hauts fonctionnaires polycompétents sont-ils le meilleur gage de réussite ?
L'agence de la biomédecine est dirigée par un haut fonctionnaire... Pour manager un conseil d'administration, nul besoin d'experts. En revanche, nous avons besoin d'eux dans les conseils scientifiques.
Ne me faites pas de procès d'intention : la rédaction du Sénat reprend celle de l'Assemblée nationale à 70 % ou 80 %.
Si un expert peut présider le conseil scientifique tout en ayant des liens d'intérêts, il y a bien deux poids deux mesures.
Mais le président du conseil scientifique pourra déclarer des liens d'intérêts. L'important est qu'il n'y ait pas conflits d'intérêts.
Tout au long du texte, nous avons essayé d'atteindre le niveau requis pour être efficace dans la lutte contre les conflits d'intérêts. Et l'on n'y parvient pas en se contentant de fixer des exceptions. Le fait qu'elles puissent devenir des règles nous inquiète. Nous avons voulu aller jusqu'au bout de cette démarche. La situation des dirigeants est à part car leurs conflits d'intérêts ne peuvent être contrôlés qu'avant leur nomination. Il faut donc éviter qu'ils apparaissent. Trois ans sans lien d'intérêts, cela ne paraît pas une durée excessive pour des agences aussi importantes.
Regardez l'exemple américain : malgré un cadre extrêmement sévère, le directeur du CDC (Center for Disease Control) d'Atlanta est un scientifique. Avec votre système, on nommera des préfets à la tête des agences...
Vous avez dit que vous ne voyiez pas d'inconvénient à ce qu'un scientifique préside un établissement public, en précisant que ces personnes ne sont là que pour faire du management. Si tel est le cas, je ne vois pas l'inconvénient qui s'attache aux liens d'intérêts qu'ils auront pu avoir avec l'industrie pharmaceutique peu de temps avant de prendre leurs fonctions. Le pouvoir principal se trouve au conseil scientifique, c'est là que se prennent les décisions. Pourquoi se limiter à l'Afsapss ou à la Haute Autorité de santé ? Quid, par exemple, de l'établissement français du sang ou du comité économique des produits de santé ?
Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit ! Il peut y avoir des scientifiques qui se sont démis de tout lien d'intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques depuis plus de trois ans. Le fait qu'il en aurait résulté la non-nomination de M. Maraninchi ne me paraît pas un argument probant : il n'est pas le seul à pouvoir diriger l'agence ! Il faut être ferme là-dessus. Quant aux préfets, j'ai beaucoup d'estime pour certains d'entre eux. Il y a un principe de précaution, vous le connaissez, c'est M. Chirac qui l'a lancé ! Mon texte tient de la même manière que le vôtre, c'est un parti pris sur le niveau du seuil à retenir.
J'ai du mal à vous suivre ! Vous dites qu'il faut surveiller et déclarer les liens d'intérêts... sauf pour le directeur. Vous créez une exception, dont vous reconnaissez qu'elle n'est pas justifiée, puisque c'est le conseil scientifique qui dirige, comme Arnaud Robinet l'a souligné. Pourquoi créer cette exception nouvelle ?
Si ce que vous dites sur le conseil scientifique est vrai, il faut en conclure que ce n'est pas M. Maraninchi qui dirige l'Afssaps actuelle !
Il me semble que l'on a ignoré les travaux de la commission Sauvé et ceux de la mission d'information de l'Assemblée nationale, présidée par Gérard Bapt. Il faut distinguer entre lien d'intérêts et conflit d'intérêts, mais aussi entre experts et décideurs. Un expert peut avoir un lien d'intérêts, voire un conflit d'intérêts. Il ne rend qu'un avis et personne n'est obligé d'en tenir compte. Il en va tout autrement du décideur qui maintient un lien d'intérêts depuis un certain temps avec l'industrie pharmaceutique. Il me paraît normal de le viser. Il faut faire la différence entre le directeur d'une agence et les experts qu'il consulte pour former sa décision.
Cet article reprend non seulement les travaux de l'Assemblée nationale, mais aussi ceux du Sénat sur le sujet.
Bien sûr ! J'ai le plus grand respect pour eux, mais je connais mieux ceux de l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale puis elle adopte l'article 1er dans la rédaction du Sénat.
Article 1er bis A Rapport sur la création d'un corps d'experts interne à l'agence
Je suis défavorable à cet article et au suivant.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis A dans la rédaction du Sénat.
Article 1er bis Conditions de nomination des personnels dirigeants de l'institut national du cancer
Dans un esprit de conciliation, je m'en remets à la sagesse de nos collègues sur cet article qui n'est pas indispensable.
La commission mixte paritaire supprime l'article 1er bis.
Article 2 Obligation de publication des avantages consentis par les entreprises au profit des acteurs du champ des produits de santé
Je propose de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale, plus équilibré et pragmatique. Je m'oppose à l'obligation, adoptée par le Sénat, de publication des conventions, laquelle fait fi du respect du secret industriel et commercial, à l'interdiction des conventions d'hospitalité destinées aux écoles et aux étudiants, ainsi qu'à la suppression de la référence à un seuil pour la publication des conventions entre les professionnels et les entreprises.
La commission mixte paritaire rejette cette proposition et adopte l'article 2 dans la rédaction du Sénat.
Article 3 Dispositions pénales
Tel qu'adopté par le Sénat, cet article propose des sanctions disproportionnées. Je propose le retour au texte adopté par l'Assemblée nationale.
Vous ne facilitez pas notre travail en ne formalisant pas toutes vos propositions par des amendements écrits. Il faudrait au moins signaler oralement les articles sur lesquels vous voulez revenir à votre rédaction.
Nous ne proposons de texte écrit que s'il s'agit d'une rédaction nouvelle, qui n'est ni celle de l'Assemblée nationale ni celle du Sénat.
Je comprends mal pourquoi vous vous échinez à brouiller le débat. Nous devons nous prononcer à partir du texte adopté par le Sénat, texte voté par la dernière assemblée saisie.
Nous devons pouvoir choisir entre les deux textes restant en discussion.
Je ne dis pas le contraire mais pour pouvoir élaborer un texte, il faut bien avoir un point de départ, en l'espèce le texte issu des travaux du Sénat puisque c'est le dernier intervenu.
Il n'y a pas lieu de privilégier un texte plutôt qu'un autre. Les deux doivent être traités sur le même pied d'égalité.
Dans ce cas, pourquoi voulez-vous systématiquement que nous nous prononcions d'abord sur le vôtre ? Je vais donc consulter sur l'article 3, pour lequel je suis saisie d'une proposition de retour à la rédaction de l'Assemblée nationale...
Je ne comprends pas ces problèmes de procédure que je n'ai jamais rencontrés dans d'autres commissions mixtes paritaires. J'invite nos collègues à se reporter au site internet du Sénat, qui explicite la procédure à suivre en commission mixte paritaire et qui indique que la discussion porte sur le dernier texte voté.
On peut, sur la base du texte du Sénat, présenter une proposition de nouvelle rédaction à tout moment... Sur l'article 3, quand la pénalité peut aller jusqu'à 10 %, je m'interroge sur la proportionnalité des peines.
Bien sûr, les sanctions indiquées dans notre texte sont des plafonds. Ce n'est pas à nous de fixer les peines, mais au juge, qui apprécie en fonction de la gravité de la faute commise.
La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction du Sénat.
Article 4 Création et prérogatives de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
Cette rédaction propose de rétablir le changement de nom de la nouvelle agence tel qu'il figurait dans le projet de loi initial, celui d'Afssaps étant associé par nos concitoyens à l'affaire du Mediator. Je souhaite également revenir au niveau des sanctions administratives fixé par l'Assemblée nationale. En revanche, les ajouts du Sénat relatifs au montant de l'astreinte journalière sont maintenus.
La volonté du ministre est de faire ressortir le mot « médicament » dans l'intitulé de l'agence. Or, le médicament est un produit de santé. Il faut un nom qui signifie quelque chose, au niveau international : à l'étranger, une agence « nationale », cela ne veut rien dire ! Il s'agit ici d'une agence française, autant le préciser. Quant aux produits de santé, ils contiennent les médicaments et d'autres produits. Je suis prêt, pour vous faire plaisir, à accepter la formulation suivante : agence française de la sécurité du médicament et des produits de santé.
Je n'y suis pas favorable !
La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale puis adopte l'article 4 dans la rédaction du Sénat.
Article 4 bis A Observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments
Je propose de supprimer cet article. La fonction de l'observatoire sera remplie par le portail du médicament en 2012.
Je ne suis pas d'accord ! Une base informatique n'est pas un observatoire.
La commission mixte paritaire adopte l'article 4 bis A dans la rédaction du Sénat.
Article 4 bis Coordinations
Je suis favorable à la rédaction du Sénat.
La commission mixte paritaire adopte l'article 4 bis dans la rédaction du Sénat.
Article 5 Composition du conseil d'administration et publicité des travaux de l'agence nationale du médicament et des produits de santé
Je propose de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale. En effet, il est inutile d'ajouter au conseil d'administration des représentants d'associations de victimes d'accidents médicamenteux et surtout de restreindre cette représentation à celles qui ne reçoivent aucune aide des entreprises, ce qui exclurait en pratique la quasi-totalité des ces associations.
Si vous avez prévu que trois députés et trois sénateurs siègent au conseil d'administration, ce n'est pas pour n'y évoquer que des problèmes internes de gestion. Sur l'exclusion des associations qui reçoivent des aides, je suis prêt, dans un esprit de conciliation et parce que, souvent, elles n'ont pas d'autres moyens d'existence, de supprimer les mots, au 6°, « et ne recevant pas de subventions ou avantages des entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l'article L.5533-1 ou assurant des prestations liées à ces produits ».
Cela me convient.
J'entends cet esprit consensuel, mais il faudra bien un jour poser le problème du financement des associations de patients atteints de maladies chroniques. L'industrie pharmaceutique joue sur la peur des malades. C'est un vrai problème de démocratie sanitaire. Quand l'Etat acceptera-t-il de donner des moyens à ces associations de patients ?
La commission mixte paritaire adopte l'amendement présenté par le rapporteur pour le Sénat puis l'article 5 ainsi modifié.
Article 5 bis Base de données mise en oeuvre par la Haute Autorité de santé
Je suis saisie de deux propositions de nouvelle rédaction, l'une du rapporteur de l'Assemblée nationale et l'autre de Catherine Lemorton.
Tout en étant favorable aux ajouts du Sénat, je propose que la mise en oeuvre de la base de données s'effectue sous la responsabilité du ministère de la santé.
La base de données, qui doit être gérée conjointement par l'agence, la Haute Autorité de santé et l'union nationale des caisses d'assurance maladie, n'est pas là pour s'occuper de maladies, mais pour renseigner le public et les professionnels sur les médicaments. Quand on tape un nom de médicament sur un moteur de recherches, on doit arriver sur cette base et non sur doctissimo.fr ou je ne sais quel forum, dont on ignore qui l'alimente.
Il faudrait que la base soit placée sous l'égide du ministre de la santé.
Le ministère est compétent en la matière.
Plusieurs rapports ont conclu à la nécessité, pour le politique, d'investir ce champ. Le ministre détient une vision et une responsabilité transversales.
Le rapport de l'Assemblée nationale que nous avons rendu avec Gérard Bapt conclut à l'absence du politique et à la nécessité de son retour dans la chaîne du médicament. Nous avons trop reproché leur absence aux dix à douze ministres qui se sont succédé durant l'affaire du Mediator, pour ne pas reconnaître ici le rôle que doit jouer le ministre de la santé.
Pourquoi, alors, ne pas faire intervenir le ministre pour chaque autorisation de mise sur le marché ? La base de données est validée par l'agence, la Haute Autorité de santé et l'union des caisses d'assurance maladie, parce qu'elle doit être accessible aux assurés, qui supportent une charge financière toujours croissante, afin qu'ils puissent vérifier combien leur ordonnance va leur coûter, surtout s'ils n'ont pas de mutuelle. Je ne vois pas ce que vient faire ici le ministre. Je préfère qu'il prenne les décisions politiques nécessaires, par exemple pour baisser le prix des traitements anti-Alzheimer.
La base de données étant ouverte aux usagers et aux administrations compétentes, la responsabilité du ministre serait recherchée en cas d'erreur.
Cette base de données porte sur le bon usage du médicament. Ce n'est pas un sujet anodin, souvenez-vous de l'affaire du Mediator. C'est pourquoi je souhaite que le ministère soit associé.
Je ne suis pas très favorable à une rédaction qui compliquerait et retarderait les choses. L'Afssaps oui, mais pourquoi le ministre ?
Nous soutiendrons la proposition de Catherine Lemorton.
A la suite d'une égalité des voix, la commission mixte paritaire n'adopte pas la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale, ni celle de Catherine Lemorton.
Dans les mêmes circonstances, elle n'adopte pas l'article 5 bis.
Je constate que nous ne sommes pas parvenus à établir une rédaction commune de l'article 5 bis. En conséquence, je dois conclure à l'échec de notre commission mixte paritaire.