Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité présenter les dernières données disponibles relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune et aux délocalisations fiscales, en précisant que sa communication visait à actualiser un exercice qu'il avait déjà réalisé devant la commission lors des années précédentes. Il a noté qu'il s'était heurté aux mêmes difficultés de méthode qu'en 2007, à savoir la relative « mauvaise volonté » de l'administration fiscale à communiquer des chiffres, ce qui le conduisait à disposer d'un constat malheureusement trop partiel.
Il a indiqué que 843 redevables à l'ISF avaient changé de résidence fiscale en 2006 et que le cap des 2 délocalisations par jour avait été franchi. Il a signalé que le chiffre communiqué par l'administration fiscale était encore un chiffre partiel qui pourrait évoluer, marginalement, de quelques unités à la hausse. Il a observé que les délocalisations constatées depuis 1997 aboutissaient à une perte de recettes annuelles au seul titre de l'ISF de l'ordre de 150 millions d'euros, auxquels il conviendrait d'ajouter les recettes perdues au titre de l'impôt sur le revenu et des droits de mutation à titre gratuit. Il a regretté que ces informations n'aient pas été portées à la connaissance de la commission. S'agissant des bases imposables, il a fait valoir que le montant correspondant aux délocalisations des redevables à l'ISF représentait de manière cumulée, depuis 1997, 18,6 milliards d'euros. S'il a reconnu qu'il convenait de mettre ce montant en perspective avec le niveau des bases imposables en 2007, de l'ordre de 900 milliards d'euros, il a néanmoins souligné que ces 18,6 milliards d'euros constituaient un montant partiel :
- d'une part, parce qu'ils ne mesuraient pas le montant des bases exonérées, notamment au titre des biens professionnels ;
- et d'autre part, parce qu'ils correspondaient à l'addition des bases imposables l'année de leur délocalisation, valorisées à leur valeur historique, sans prise en compte de la hausse ultérieure des prix des actifs mobiliers et immobiliers.
Il a rappelé que, selon une étude de l'inspection générale des finances, les bases exonérées au titre des biens professionnels représentaient entre 50 et 100 % des bases imposables.
Pour 2006, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le montant des actifs délocalisés connus avait atteint 2,8 milliards d'euros. S'agissant des contribuables concernés, ceux-ci étaient en moyenne plus jeunes que l'ensemble des redevables de l'ISF, 54 ans contre 65 ans. Il a ensuite précisé que les premiers pays de destination de ces redevables étaient, dans l'ordre : la Belgique (16 %), la Suisse (15 %), le Royaume-Uni (11 %), les Etats-Unis (10 %).
a souligné l'absence de tableau de bord satisfaisant, jugeant que les informations communiquées par l'administration fiscale traduisaient à la fois de la lenteur, de l'insuffisance et de la mauvaise volonté. Il a remarqué qu'un observatoire des délocalisations fiscales avait été mis en place en 1999, mais que la remontée d'informations était toujours très lente, les départs ne pouvant être connus à 95 % qu'à la fin de l'année n+1, et qu'aucun chiffre, dès lors, n'avait pu être communiqué pour 2007. Il a regretté l'absence d'informations valables et complètes sur les retours de redevables, faisant valoir que si leur chiffre était connu pour 2006 - environ 200 retours constatés - aucun détail n'était fourni s'agissant en particulier des patrimoines concernés. Il a jugé regrettable l'absence d'analyses qualitatives sur les biens professionnels délocalisés, tout comme la lenteur de la remontée des informations s'agissant du bouclier fiscal. Il a ainsi fait remarquer qu'aucune ventilation des bénéficiaires du bouclier fiscal en fonction des revenus et du patrimoine n'était encore disponible pour 2007.
Il a souligné la faiblesse de l'impact du bouclier fiscal, en rappelant que son coût budgétaire s'était établi en 2007 à 232,9 millions d'euros, contre un coût estimé à l'origine de plus de 400 millions d'euros, pour plus de 93.000 personnes concernées a priori. Il a précisé que 46 % des demandes et 33 % des dossiers acceptés émanaient du département de la Réunion, pour un montant moyen, modique, de 379 euros. Dans ce département, le bouclier fiscal représentait une modalité particulière de dégrèvement de la taxe foncière. Il a expliqué la popularité du bouclier fiscal à la Réunion par 3 hypothèses : un nombre significatif de Rmistes dans ce département, une proportion relativement forte de Rmistes néanmoins propriétaires de leur logement et un « bouche à oreille » très efficace.
Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur général, a actualisé les données disponibles relatives à l'ISF. Il a montré que le nombre de redevables avait triplé depuis 1997, passant de 178.899 en 1997 à 527.866 en 2007, et que cette croissance s'était accélérée depuis 2004. Il a noté que la hausse du nombre de redevables touchait principalement les deux premières tranches, puisque la première tranche concernait 255.292 ménages et la deuxième tranche, 207.968 ménages. Il a indiqué que le produit de l'ISF avait connu une forte augmentation depuis 2002, et qu'il avait représenté en 2007 4 milliards d'euros, compte non tenu du contrôle fiscal (176,8 millions d'euros) et des relances issues des années antérieures. Observant que l'ISF était un impôt très concentré, puisque la première tranche représentait 48,4 % des redevables, mais seulement 7,6 % du produit et, qu'à l'inverse, la tranche marginale supérieure correspondait à 0,3 % des redevables, mais à 17,5 % du produit, il a considéré que la résolution d'une partie du problème de l'ISF passait par un relèvement du seuil d'imposition à 1 million d'euros au minimum. Il a précisé qu'un tel relèvement permettrait d'exonérer de l'ordre de 100.000 redevables, pour un coût qu'il jugeait limité, de l'ordre de quelques centaines de millions d'euros.
Il a fait remarquer que, contrairement aux idées reçues, l'ISF ne pesait pas que sur l'immobilier : la résidence principale ne représentait ainsi que 16,2 % du patrimoine brut imposable, et 25,1 % dans la première tranche du barème. Il a noté que la hausse de l'immobilier expliquait 50 % de la hausse des bases imposables. Il a enfin montré que les mesures prises sous la précédente législature n'avaient pas significativement érodé les bases de cet impôt, puisque les bases exonérées connues, en pourcentage des bases taxables, étaient passées, entre 2003 et 2007, de 5,7 % à 8,3 %. Il a donc jugé qu'il n'y avait pas eu réellement de « cadeaux aux riches ».
Un large débat s'est ensuite engagé.