Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 20 mai 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et les délocalisations fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité présenter les dernières données disponibles relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune et aux délocalisations fiscales, en précisant que sa communication visait à actualiser un exercice qu'il avait déjà réalisé devant la commission lors des années précédentes. Il a noté qu'il s'était heurté aux mêmes difficultés de méthode qu'en 2007, à savoir la relative « mauvaise volonté » de l'administration fiscale à communiquer des chiffres, ce qui le conduisait à disposer d'un constat malheureusement trop partiel.

Il a indiqué que 843 redevables à l'ISF avaient changé de résidence fiscale en 2006 et que le cap des 2 délocalisations par jour avait été franchi. Il a signalé que le chiffre communiqué par l'administration fiscale était encore un chiffre partiel qui pourrait évoluer, marginalement, de quelques unités à la hausse. Il a observé que les délocalisations constatées depuis 1997 aboutissaient à une perte de recettes annuelles au seul titre de l'ISF de l'ordre de 150 millions d'euros, auxquels il conviendrait d'ajouter les recettes perdues au titre de l'impôt sur le revenu et des droits de mutation à titre gratuit. Il a regretté que ces informations n'aient pas été portées à la connaissance de la commission. S'agissant des bases imposables, il a fait valoir que le montant correspondant aux délocalisations des redevables à l'ISF représentait de manière cumulée, depuis 1997, 18,6 milliards d'euros. S'il a reconnu qu'il convenait de mettre ce montant en perspective avec le niveau des bases imposables en 2007, de l'ordre de 900 milliards d'euros, il a néanmoins souligné que ces 18,6 milliards d'euros constituaient un montant partiel :

- d'une part, parce qu'ils ne mesuraient pas le montant des bases exonérées, notamment au titre des biens professionnels ;

- et d'autre part, parce qu'ils correspondaient à l'addition des bases imposables l'année de leur délocalisation, valorisées à leur valeur historique, sans prise en compte de la hausse ultérieure des prix des actifs mobiliers et immobiliers.

Il a rappelé que, selon une étude de l'inspection générale des finances, les bases exonérées au titre des biens professionnels représentaient entre 50 et 100 % des bases imposables.

Pour 2006, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le montant des actifs délocalisés connus avait atteint 2,8 milliards d'euros. S'agissant des contribuables concernés, ceux-ci étaient en moyenne plus jeunes que l'ensemble des redevables de l'ISF, 54 ans contre 65 ans. Il a ensuite précisé que les premiers pays de destination de ces redevables étaient, dans l'ordre : la Belgique (16 %), la Suisse (15 %), le Royaume-Uni (11 %), les Etats-Unis (10 %).

a souligné l'absence de tableau de bord satisfaisant, jugeant que les informations communiquées par l'administration fiscale traduisaient à la fois de la lenteur, de l'insuffisance et de la mauvaise volonté. Il a remarqué qu'un observatoire des délocalisations fiscales avait été mis en place en 1999, mais que la remontée d'informations était toujours très lente, les départs ne pouvant être connus à 95 % qu'à la fin de l'année n+1, et qu'aucun chiffre, dès lors, n'avait pu être communiqué pour 2007. Il a regretté l'absence d'informations valables et complètes sur les retours de redevables, faisant valoir que si leur chiffre était connu pour 2006 - environ 200 retours constatés - aucun détail n'était fourni s'agissant en particulier des patrimoines concernés. Il a jugé regrettable l'absence d'analyses qualitatives sur les biens professionnels délocalisés, tout comme la lenteur de la remontée des informations s'agissant du bouclier fiscal. Il a ainsi fait remarquer qu'aucune ventilation des bénéficiaires du bouclier fiscal en fonction des revenus et du patrimoine n'était encore disponible pour 2007.

Il a souligné la faiblesse de l'impact du bouclier fiscal, en rappelant que son coût budgétaire s'était établi en 2007 à 232,9 millions d'euros, contre un coût estimé à l'origine de plus de 400 millions d'euros, pour plus de 93.000 personnes concernées a priori. Il a précisé que 46 % des demandes et 33 % des dossiers acceptés émanaient du département de la Réunion, pour un montant moyen, modique, de 379 euros. Dans ce département, le bouclier fiscal représentait une modalité particulière de dégrèvement de la taxe foncière. Il a expliqué la popularité du bouclier fiscal à la Réunion par 3 hypothèses : un nombre significatif de Rmistes dans ce département, une proportion relativement forte de Rmistes néanmoins propriétaires de leur logement et un « bouche à oreille » très efficace.

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur général, a actualisé les données disponibles relatives à l'ISF. Il a montré que le nombre de redevables avait triplé depuis 1997, passant de 178.899 en 1997 à 527.866 en 2007, et que cette croissance s'était accélérée depuis 2004. Il a noté que la hausse du nombre de redevables touchait principalement les deux premières tranches, puisque la première tranche concernait 255.292 ménages et la deuxième tranche, 207.968 ménages. Il a indiqué que le produit de l'ISF avait connu une forte augmentation depuis 2002, et qu'il avait représenté en 2007 4 milliards d'euros, compte non tenu du contrôle fiscal (176,8 millions d'euros) et des relances issues des années antérieures. Observant que l'ISF était un impôt très concentré, puisque la première tranche représentait 48,4 % des redevables, mais seulement 7,6 % du produit et, qu'à l'inverse, la tranche marginale supérieure correspondait à 0,3 % des redevables, mais à 17,5 % du produit, il a considéré que la résolution d'une partie du problème de l'ISF passait par un relèvement du seuil d'imposition à 1 million d'euros au minimum. Il a précisé qu'un tel relèvement permettrait d'exonérer de l'ordre de 100.000 redevables, pour un coût qu'il jugeait limité, de l'ordre de quelques centaines de millions d'euros.

Il a fait remarquer que, contrairement aux idées reçues, l'ISF ne pesait pas que sur l'immobilier : la résidence principale ne représentait ainsi que 16,2 % du patrimoine brut imposable, et 25,1 % dans la première tranche du barème. Il a noté que la hausse de l'immobilier expliquait 50 % de la hausse des bases imposables. Il a enfin montré que les mesures prises sous la précédente législature n'avaient pas significativement érodé les bases de cet impôt, puisque les bases exonérées connues, en pourcentage des bases taxables, étaient passées, entre 2003 et 2007, de 5,7 % à 8,3 %. Il a donc jugé qu'il n'y avait pas eu réellement de « cadeaux aux riches ».

Un large débat s'est ensuite engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

soulignant la précision des propos, a relevé que l'ISF était désormais une spécificité française, et qu'il convenait, dans l'impact des délocalisations des patrimoines professionnels, d'avoir à l'esprit les enjeux en termes d'emploi. Il s'est interrogé pour savoir si la suppression de l'ISF ne pourrait pas être compensée par une modification du barème de l'impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

a souligné la nécessité d'améliorer la méthode d'appréhension du phénomène des délocalisations, en comparant l'évolution des patrimoines délocalisés par rapport à celle des patrimoines restant en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

commentant la proposition d'élever le seuil d'imposition à un million d'euros, a rappelé qu'une exonération de la résidence principale pourrait avoir un effet identique pour les contribuables.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

a rappelé la nécessité d'évaluer les nouvelles niches fiscales prises en matière d'ISF, en application de la loi relative à l'emploi, au travail et au pouvoir d'achat, qui devrait faire l'objet d'un rapport du gouvernement au Parlement avant l'automne 2007. Elle a jugé qu'à l'aune de cette évaluation, il conviendrait de prendre les décisions qui s'imposent, en application des considérations du rapporteur général, selon lesquelles il ne fallait plus « toiser les niches fiscales, mais les supprimer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

a jugé que le constat du rapporteur général restait dans la droite ligne des observations qu'il avait formulées avec M. André Ferrand dans son rapport d'information sur les capitaux, les compétences et les talents. Il a montré les effets économiques vertueux d'une suppression de l'ISF et rappelé que le départ d'un patrimoine avait non seulement un impact budgétaire, mais encore des effets sur l'activité des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

a formulé deux observations : l'immobilier n'est pas seul en cause dans l'augmentation du nombre de redevables à l'ISF, et le relèvement du seuil d'imposition à un million d'euros permettrait de limiter l'effet « couperet » de l'ISF. Il s'est interrogé pour savoir si l'exonération de la résidence principale était compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

a insisté sur la nécessité d'avoir une vision à long terme de la pression fiscale due à l'ISF, en comparant le taux de rendement du capital, qui pourrait être évalué par le taux de rendement des obligations, et le taux marginal de cet impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

a jugé que la proportion des redevables qui se délocalisaient par rapport au total des assujettis était faible. Elle a fait observer que, dans ce domaine, des comparaisons dans le temps étaient indispensables.

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

a souligné que les redevables qui s'expatriaient pour des raisons fiscales étaient avant tout des entrepreneurs. Il a rappelé la difficulté d'inciter les expatriés au retour en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a reconnu que sa méthodologie pouvait encore être affinée, et qu'il pourrait s'y essayer à l'occasion de l'élaboration d'un rapport d'information, qui pourrait paraître d'ici à l'été 2008. Il a rappelé que ces travaux reposaient sur les chiffres de l'administration fiscale, qu'il s'efforçait de mettre en perspective d'une année sur l'autre, et que sa présentation ne correspondait pas à une « instruction à charge ». Il a précisé que la prise en compte d'éléments plus qualitatifs dans ses travaux supposerait l'élaboration d'hypothèses toujours contestables. Il a insisté sur le fait que les redevables délocalisés étaient en moyenne plus jeunes que les redevables de l'ISF et qu'il ne s'agissait donc pas de personnes qui seraient arrivées au bout de leur cycle professionnel.

S'agissant de l'alternative entre exonération de la résidence principale et relèvement du seuil d'imposition, il a montré que l'effet économique ne serait pas le même. Il a considéré que l'exonération de la résidence principale, à supposer qu'elle soit concevable sur le plan constitutionnel, ne répondrait pas aux principes de neutralité fiscale, puisqu'elle favoriserait certains choix patrimoniaux, aux dépens d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

En réponse à M. Yann Gaillard, il a considéré avec lui que, sur un plan politique, la suppression de l'ISF aurait eu le même impact dans l'opinion publique que l'introduction du bouclier fiscal. Il a précisé, au sujet de celui-ci, que l'administration fiscale avait surévalué le coût de la mesure, et l'avait assimilé à une procédure à caractère contentieux qui avait conduit au faible succès de celui-ci en 2007. De son point de vue, il a jugé conforme au caractère déclaratif de l'ISF le principe d'une « auto-liquidation » de l'ISF.

Il a enfin précisé que son rapport d'information à venir, comme celui établi en 2004, prévoirait une comparaison entre le rendement du capital et le taux marginal supérieur de l'impôt de solidarité sur la fortune.

La commission lui a alors donné acte de sa communication.