Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois :

La commission des lois a souhaité se saisir pour avis du volet judiciaire de ce projet de loi, aux articles 1er à 5. Cela n'a pas été fait à l'Assemblée nationale : les députés l'ont regretté puisque sont ici visés les libertés individuelles et leurs garanties juridictionnelles, les modalités d'intervention du juge dans la procédure et l'appel suspensif, les effectifs des magistrats - des renforts ont été promis - la répartition des compétences entre les ordres administratif et judiciaire, la protection de l'ordre public.

En outre, à la demande du Conseil constitutionnel, la compétence du juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, a été étendue et il revient au législateur de décider où placer le curseur. La commission des lois souhaite doter le juge du pouvoir de transformer l'hospitalisation complète en soins ambulatoires - ce qui est en décalage avec la position qu'exprimait à l'instant Mme la présidente Dini... L'Assemblée nationale quant à elle prévoyait quarante-huit heures, lorsque l'hospitalisation complète faisait l'objet d'une mainlevée, pour mettre en place un protocole de soins sans consentement ambulatoires. Mais cette dernière solution est-elle conforme à la Constitution ? Pendant quarante-huit heures, il y enfermement sans raison... Notre proposition permet de sortir du tout ou rien.

Nous attribuons au juge des libertés un pouvoir de contrôle de plein droit des mesures d'hospitalisation partielle sous contrainte. Le Conseil constitutionnel ne l'exige pas mais ces mesures peuvent être elles aussi très attentatoires aux libertés : hospitalisation vingt-quatre heures sur vingt-quatre cinq jours sur sept, hospitalisation de jour cinq nuits par semaine, hospitalisation de nuit cinq nuits par semaine... L'intervention du juge est souhaitable là aussi.

Allons-nous trop loin dans les missions confiées au juge des libertés dans ces procédures ? Le Garde des sceaux le pense mais pour nous, l'intervention du juge doit être systématique en cas d'opposition entre le préfet et un psychiatre. L'Assemblée nationale a prévu un seul cas, celui où le préfet refuse d'ordonner la levée de l'hospitalisation complète recommandée par le psychiatre. Mais il faut aussi prendre en compte le cas où le préfet souhaite une hospitalisation complète et le psychiatre, des soins ambulatoires ; et celui où le préfet souhaite transformer les soins ambulatoires en hospitalisation complète quand le psychiatre estime les premiers suffisants.

Le contentieux est aujourd'hui éclaté entre deux juridictions, administrative et judiciaire, avec des distinctions byzantines incompréhensibles pour les non initiés : la seule légalité externe au juge administratif, le fond au juge judiciaire - incompétent sur la forme - et les conflits éventuels au Tribunal des conflits. Nous créons donc un bloc de compétence judiciaire, solution discrètement suggérée par le Conseil constitutionnel.

Le juge doit statuer dans un cadre serein, et non publiquement, sur des affaires sensibles, conflits familiaux, pathologies touchant des personnes connues localement. Il doit pouvoir statuer dans une salle d'audience spécialement aménagée dans l'hôpital. Le recours à la visioconférence mérite d'être encadré : je songe par exemple au milieu carcéral. On connaît la peur panique qu'un malade mental peut éprouver face à un dispositif de visioconférence, il peut se croire espionné par des extraterrestres, etc. Une attestation médicale certifiant que l'état mental de la personne permet de recourir à cette technique est nécessaire. Par ailleurs, les avocats doivent être auprès de leur client et non aux côtés du magistrat lorsque l'audience se déroule par visioconférence.

Le droit à l'oubli souhaité par l'Assemblée nationale devrait être étendu. Séjours en UMD, irresponsabilité pénale, hospitalisation d'office, tout cela devrait retomber dans le droit commun après un certain nombre d'années. Entrent dans cette catégorie aussi les hospitalisations pour lesquelles l'accord explicite du préfet est ici substitué à des décisions implicites.

Nous supprimons la possibilité pour le tuteur ou le curateur d'intervenir à titre personnel, mention qui figure par suite d'une erreur à l'Assemblée nationale. Enfin, nous souhaitons faire évoluer au plus vite l'infirmerie de la préfecture de Paris en hôpital psychiatrique de droit commun car la situation actuelle n'est pas normale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion