Intervention de Philippe Laurent

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 12 octobre 2010 : 1ère réunion
Fonctionnement des instances de dialogue entre l'état et les collectivités territoriales — Débat d'orientation

Philippe Laurent :

La question du dialogue entre l'État et les collectivités territoriales est absolument essentielle pour l'avenir de notre pays. La situation, telle que l'AMF la ressent aujourd'hui à travers son réseau territorial, est révélatrice d'un État très centralisé et jacobin. C'est véritablement un problème culturel dont la solution nécessitera énormément d'efforts, notamment du côté de l'État, pour faire évoluer les choses.

La question centrale est de savoir qui, dans notre pays, est détenteur de l'intérêt général. La tradition française veut que l'intérêt général relève du Gouvernement et de l'État central. L'AMF estime que, avec l'évolution des communes et des intercommunalités, nos collectivités détiennent aussi une part de l'intérêt général et que cette situation oblige l'État à recourir au dialogue et à la négociation, et pas seulement à la concertation.

Quant à la comparaison européenne, si elle présente un intérêt, attention à comparer ce qui peut l'être : il existe des cultures politiques extrêmement différentes, avec des organisations et des modes de fonctionnement distincts, si bien que la comparaison n'est pas toujours significative.

Aujourd'hui, le fonctionnement des instances de dialogue n'est pas satisfaisant, même lorsque les règles en sont fixées par la loi.

D'abord, il y a des raisons culturelles, car ces organismes sont plaqués sur une culture qui ne les accepte pas véritablement, hormis un petit noyau au sein de la DGCL.

Par ailleurs, les moyens des associations d'élus sont faibles et celles-ci ne sont peut-être pas assez représentatives. J'observe d'ailleurs qu'on parle d'associations de maires d'un côté et d'associations de départements ou de régions de l'autre, ce qui n'est pas la même chose.

Il y a aussi un certain manque d'intérêt de la part des élus, à l'exception d'un petit nombre, par manque de connaissance ou par sentiment de perdre son temps parfois. J'ajoute que le Sénat joue le rôle de représentant des collectivités territoriales et que cela a peut-être freiné quelque peu l'implication des associations d'élus. Enfin, on ne peut négliger les effets du cumul des mandats.

Ceci étant dit, les associations travaillent aujourd'hui plus étroitement qu'auparavant avec le Parlement, sans doute en raison de la complexité des sujets, comme, par exemple, lors de la réforme de la taxe professionnelle.

La pratique et le discours évoluent également. Le dialogue est réclamé dans les motions des associations et même dans les discours des ministres. La mise en place de la Conférence nationale des exécutifs a été unanimement saluée et c'est la promesse d'un nouvel état d'esprit. Autre exemple : la Commission consultative d'évaluation des normes, présidée par Alain Lambert, résulte d'une volonté des élus et elle fonctionne bien. Ce n'est pas le cas, en revanche, du collège des employeurs territoriaux, qui regroupe vingt élus au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) consacré par la loi en 2007. Le problème de ce collège est qu'il n'y a pas de répartition claire des rôles entre ce dernier et les associations, qui ne peuvent donc pas négocier au nom des maires, par exemple. Une autre évolution positive est le fait que les associations ont pris l'habitude de travailler ensemble au cours de ces dernières années. Il y a énormément d'échanges entre leurs présidents, entre leurs services et entre les niveaux territoriaux.

S'agissant des propositions, il faut d'abord réussir à rétablir la confiance. Cela suppose de la préparation. Rappelons-nous la préparation de la loi Mauroy adoptée en 1982, dont le texte était prêt avant l'élection présidentielle et qui reste la grande référence en matière de loi de décentralisation : si rien n'avait été préparé en amont de l'élection, nous n'aurions jamais eu une réforme d'une telle ampleur.

Ensuite, il faut une plus grande responsabilisation des élus dans tous les domaines, notamment avec de l'autonomie fiscale.

Il faut aussi réduire le nombre d'organismes de consultation et améliorer notablement leur fonctionnement. La Conférence nationale des exécutifs devrait être la base du dispositif avec un secrétariat permanent, une équipe resserrée et des liens réguliers avec l'État. Enfin, il faut renforcer la représentativité des associations d'élus, et notamment celle de l'AMF. Les solutions envisageables sont multiples, il faut les explorer car la mise en place d'un dialogue régulier est une des clés du redressement du pays.

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