Intervention de Patrick Bazin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 novembre 2009 : 2ème réunion
Audition de M. Patrick Bazin directeur de la bibliothèque municipale de lyon

Patrick Bazin, directeur de la Bibliothèque municipale de Lyon :

A titre liminaire, M. Patrick Bazin a précisé qu'il était attentif depuis de nombreuses années à la question de la numérisation. Il a mentionné ainsi sa participation, en tant que bibliothécaire, au groupe de travail sur les nouvelles technologies de la mission de préfiguration de la Bibliothèque nationale de France. Dans ce cadre, il a indiqué qu'il avait préconisé une numérisation massive, en mode image et en mode texte, d'une partie des collections de la future BNF.

Il a relevé, ensuite, que compte tenu des compétences acquises dans ce domaine, il avait oeuvré à l'introduction des nouvelles technologies de communication dans le fonctionnement de la Bibliothèque municipale de Lyon, lui permettant, dès 1992, d'être la première bibliothèque publique française connectée au réseau Internet, mais aussi de mettre en ligne des documents numérisés.

Il a regretté toutefois de n'avoir pas réussi à développer en interne un process de numérisation, ce qui aurait permis une numérisation en masse des collections de la Bibliothèque municipale de Lyon afin de donner accès, au plan national et international, à une des plus riches collections de France.

Après avoir mentionné l'objectif de démocratisation de l'accès au patrimoine, il a noté que dans le débat actuel autour de la numérisation des collections par la société Google, ne se faisait entendre que l'opinion des éditeurs, reléguant à l'arrière plan le point de vue divergeant des bibliothécaires. Il a rappelé ainsi que ces derniers étaient particulièrement attachés à l'accès à la connaissance et aux livres.

Abordant l'accord conclu entre la Bibliothèque municipale de Lyon (BML) et Google, M. Patrick Bazin a fait remarquer qu'il résultait d'une procédure d'appel d'offres, lancée en 2007 par le conseil municipal de la ville de Lyon, et de la décision de ce même conseil, à la fin du mois de juillet 2008, d'accorder à Google un marché de numérisation. Il a indiqué que les spécifications figurant dans le cahier des charges devaient permettre de sélectionner un prestataire en mesure de numériser gratuitement pour le compte de la bibliothèque de Lyon entre 450 et 500 000 volumes de livres antérieurs au XXe siècle et libres de droit, et de mettre en ligne des ouvrages pour le compte de cette même bibliothèque. Il s'agissait de fournir des fichiers numériques en mode image et en mode texte pour, d'une part, créer une bibliothèque numérique propre à la ville de Lyon et, d'autre part, les rendre accessibles sur Internet. En échange, Google disposait de l'usage total de ces fichiers, y compris à des fins commerciales, la Bibliothèque municipale de Lyon s'engageant à renoncer à tout usage commercial pendant vingt-cinq ans. La numérisation des ouvrages devait s'échelonner sur une période de dix ans et répondre à des exigences de sécurité, la Bibliothèque municipale de Lyon n'étant pas en mesure d'accueillir un centre de numérisation.

Il a indiqué que sur les cinquante-huit dossiers retirés dans le cadre de la procédure d'appels d'offres, une seule proposition leur avait été faite, celle de la société Google.

Il a poursuivi son propos en précisant que la société choisie avait d'ores et déjà construit le centre de numérisation et qu'elle procédait actuellement à des recrutements, tandis que la Bibliothèque municipale de Lyon entrait dans la phase de sélection des ouvrages à numériser. Les critères de sélection sont essentiellement pratiques, excluant la numérisation d'ouvrages trop fragiles ou pas encore libres de droit. Il s'est refusé à définir des critères intellectuels, répondant ainsi à la polémique, commencée en 2004 qui mettait en avant la nécessité de mener des campagnes de numérisation correspondant à des objectifs intellectuels prédéterminés. Il a rappelé qu'il avait mené précédemment des campagnes de numérisation ciblées, citant l'exemple de la numérisation de la Revue du Lyonnais, en partenariat avec la BNF, ou des manuscrits mérovingiens et carolingiens appartenant au fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Lyon.

Relevant les critiques faites à l'égard d'une numérisation de masse des collections, M. Patrick Bazin a souligné qu'il s'avérait difficile d'anticiper, à l'époque du numérique, les usages que les publics seraient amenés à faire des corpus numérisés. Il a plaidé pour le développement d'outils d'engineering textuel facilement utilisables, contribuant à une diversification des usages du patrimoine sur Internet.

Il a précisé enfin que la phase de numérisation devrait débuter très prochainement et que les fichiers numériques seraient récupérés à partir d'un serveur en fonction de la capacité de classement sur les serveurs de la Bibliothèque municipale de Lyon.

Après avoir affirmé l'attachement particulier qu'il portait au développement d'une bibliothèque numérique, il a soutenu l'importance de combiner la valorisation du patrimoine de la bibliothèque de la ville de Lyon avec celui d'autres bibliothèques à travers le monde. Relevant la richesse des notices bibliographiques de certains ouvrages, il a considéré que les métadonnées étaient un facteur de développement du « web sémantique », car elles concouraient à une meilleure accessibilité des contenus informatiques mis au service d'un large public. A ce titre, il a signalé le rôle de contribution des chercheurs pour compléter les corpus existants, dans le cadre d'une bibliothèque numérique conçue comme un espace de travail collaboratif.

Il a fait observer également que la Bibliothèque municipale de Lyon souhaitait contribuer aux projets de portails numériques européens Gallica et Europeana.

Relevant le rôle pionnier, avec la BNF, de la Bibliothèque municipale de Lyon, M. Patrick Bazin a considéré que le développement des bibliothèques numériques publiques contribuait à la valorisation et à la pérennisation du patrimoine mondial.

Abordant les critiques faites relative aux caractéristiques culturelles et linguistiques du moteur de recherche « Google recherche de livres », il a fait observer que si la numérisation des collections françaises n'était pas initiée par la France, elle pourrait l'être par d'autres pays, à l'exemple des bibliothèques universitaires américaines qui possèdent des ouvrages anciens français. Il a souligné ainsi l'enjeu majeur que représente la constitution d'une bibliothèque numérique spécifique et la diffusion de fichiers numériques par d'autres sources à partir des collections françaises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion