Interrogé par les rapporteurs sur le degré d'acceptation des mécanismes de compensation et la crise de légitimité qui affecterait leur fonctionnement, M. Jean-François Chadelat a estimé encore une fois que personne n'en remet en cause le principe et que lorsque les modalités en ont été contestées, c'était toujours avec des arrière-pensées, soit que le régime estimait ne pas recevoir suffisamment, soit parce qu'il jugeait être trop lourdement contributeur. Les régimes intéressés regardent prioritairement les résultats et ne prêtent pas attention aux mécanismes eux-mêmes.
Or, la compensation est une « boîte de Pandore ». Un faible déplacement du curseur sur l'un quelconque des paramètres entraîne des évolutions qui se chiffrent en milliards d'euros. Il est incontestable qu'il est nécessaire d'éviter des modifications trop violentes et trop fréquentes des mécanismes si l'on veut éviter une crise de légitimité comme celle engendrée en 2002 par la réforme de la définition de la qualité de cotisant.
Sur la question du caractère réformable des mécanismes de la compensation, M. Jean-François Chadelat a rappelé les termes du rapport Bougon de mars 1987, qui soulignent la nécessité de se fonder sur les données absolument fiables et solides si l'on souhaite avancer dans cette direction. Il y a crise de légitimité dès lors que les auteurs des réformes s'appuient sur des données « bricolées ».
Or le problème est qu'un régime de sécurité sociale a d'abord pour fonction de verser des prestations et que les statistiques qu'il établit sont avant tout des sous-produits accessoires de sa gestion. Ceci explique que les données fournies par les régimes ne répondent pas toujours aux critères de fiabilité pourtant exigés pour toute réforme.
D'une façon générale, toute proposition de réforme doit également être fondée sur des situations comparables. De ce point de vue, M. Jean-François Chadelat a très vivement critiqué certaines des propositions contenues dans le rapport Pelé-Normand au sujet de la compensation dont bénéficie le Ffipsa en matière de vieillesse. En effet, les auteurs du rapport ont omis de prendre en compte la règle dite « des quinze ans » qui s'applique spécifiquement au régime des fonctionnaires et aux régimes spéciaux, règle selon laquelle un actif qui n'aurait pas cotisé quinze ans à ces régimes est automatiquement reversé au régime général. Les propositions du rapport Pelé-Normand apparaissent ainsi biaisées par cette absence de prise en compte qui fausse la comparaison avec les autres régimes.
S'agissant de la compensation au sein de la branche maladie, les données fournies par la Canam n'apparaissent pas toujours très fiables. Ce sont des éléments qu'il faudrait prendre en compte avant toute modification du régime de compensation.
Interrogé par les deux rapporteurs sur l'intérêt qu'il y aurait à renforcer les pouvoirs de la commission de compensation, M. Jean-François Chadelat a jugé effectivement choquante l'opération menée en 2002 au détriment de la Cnav, sans qu'aucune des parties intéressées n'ait été au préalable mise au courant. Il a suggéré que toute modification des règles de la compensation, qu'elle soit de nature législative ou réglementaire, ne puisse être adoptée qu'après un avis motivé et rendu public de la commission de compensation.
Sur la question de la transparence des processus de compensation démographique, M. Jean-François Chadelat a jugé que la formule qu'il a lui-même mise au point en 1974 n'est pas aussi compliquée que certains le pensent. Elle consiste, à partir du nombre des retraités réels de chaque régime, à évaluer le nombre de retraités théoriques que ce régime devrait avoir si son ratio de dépendance (cotisants/retraités) était égal au ratio moyen constaté pour l'ensemble des régimes. Si la différence entre le nombre de retraités réels et celui des retraités théoriques est positive, le régime doit verser une compensation ; si le nombre effectif de ces retraités est inférieur à l'effectif théorique, il bénéficie de la compensation.
Toutefois, afin de neutraliser l'effet provoqué par les régimes qui accordent des montants de prestations avantageux à leurs bénéficiaires, le montant de la compensation est calculé sur la base du taux de prestations le plus faible constaté dans l'ensemble des régimes.
Quels que soient les mécanismes de compensation mis en oeuvre, notamment ceux instaurés par l'Association des régimes de retraite complémentaire (Arrco), ils se résument tous, peu ou prou, à cette formule de base, mise en place en 1974.
Dans ces conditions, la question de la transparence ne concerne pas tant les formules de calcul que la qualité des données statistiques produites par les régimes. M. Jean-François Chadelat a toutefois estimé que ce travail de production est convenablement effectué aujourd'hui par la commission de compensation.