Je suis accompagné par Thierry Franck, secrétaire général de l'AMF, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions.
L'année 2009 a été extrêmement contrastée : un fort « dévissage » des cours puis une remontée spectaculaire au-delà de 4 000 points, une certaine exubérance nous imposant un devoir de vigilance, le traitement de l'affaire EADS, qui nous a amenés à prendre des mesures en amont et en aval...
L'AMF a lancé un plan stratégique afin de renforcer la protection de l'épargne et la confiance des investisseurs individuels, afin aussi de mieux assurer la surveillance des risques - contrôle plus serré des acteurs, sanctions plus efficaces, participation à l'effort d'attractivité de la place, au profit des épargnants et du financement de l'économie. Nous avons géré les conséquences de la crise financière. Les OPCVM monétaires, de court terme, sont fondés sur un principe de liquidité ; or ils incluaient un certain nombre de produits peu liquides ou trop sophistiqués, qui dénaturaient ce véhicule de placement. Nous avons adopté une nouvelle classification, imposant des caractéristiques plus pures aux OPCVM monétaires. A cet égard, on suit en Europe la tendance française et la nouvelle réglementation exigera des produits liquides, simples, compréhensibles pour l'épargnant. Quant aux ventes à découvert, nous avons maintenu le dispositif de 2008 et l'interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières. Un certain nombre de mesures prises en Allemagne sont un alignement sur les positions en vigueur en France pour les valeurs financières - mais non la dette souveraine.
Nous avons suivi en 2009 les évolutions juridiques de l'affaire Madoff, faisant en sorte par exemple que les actionnaires de la Sicav d'UBS LuxAlpha, particulièrement touchée, reçoivent assistance et suivi de notre part. Nous sommes en contact avec les avocats des déposants. Et nous achevons nos contrôles sur la manière dont des produits off shore, non admis à la libre-circulation en Europe, proposés par Madoff, ont été commercialisés par des sociétés de gestion ou d'autres intermédiaires financiers. La commission des sanctions jugera de la suite à donner à ces griefs.
Nous avons cherché à mieux anticiper les risques. Notre nouvelle cartographie des risques met l'accent sur la montée de l'endettement et des déficits publics et sur les conséquences de la contraction du crédit bancaire, mode traditionnel de financement de l'économie en Europe. Le marché, axé sur le court terme, sera-t-il en mesure de financer les besoins à moyen et long terme des secteurs de l'énergie, de l'environnement, de l'éducation, de l'alimentaire, bases de la future croissance ? Le rôle du crédit bancaire se tassant, comment faire en sorte que les investisseurs aillent vers les marchés et achètent en confiance des actions ? En France, il existe en outre une épargne liquide qui n'est pas un placement de long terme.
Pour la protection de l'épargne, nous avons renforcé la coopération avec le régulateur prudentiel, l'Autorité du contrôle prudentiel (ACP). Un pôle commun de contrôle des produits d'épargne a été créé, animé par les secrétaires généraux des deux institutions, avec un programme commun de contrôle, des échanges d'information, etc. Les épargnants ont un point d'entrée unique pour l'AMF et l'ACP. C'est un progrès. Nous avons mis en garde les épargnants à l'égard des publicités audiovisuelles, écrites, par exemple sur les CDS. Nous renforcerons aussi les « achats mystères », nos agents se présentant anonymement au guichet des établissements financiers pour connaître l'écart éventuel entre la publicité et le produit réellement proposé. L'information passe également par internet, par un numéro vert, par des tournées en province pour rencontrer les épargnants et les chefs d'entreprise. L'AMF entend faciliter l'accès des PME aux marchés et le 4 juin dernier nous avons consacré une journée à ce sujet - formalités, coût, information...
J'en viens aux enquêtes et aux sanctions. L'AMF élabore actuellement une charte des enquêtes. Elle a créé une phase contradictoire en fin d'enquête. Le projet de loi relève en outre de 10 à 100 millions d'euros les sanctions pour infractions sans profit, ce qui revient à un alignement sur les sanctions prononcées par l'ACP. Nous visons en effet l'harmonisation de nos deux procédures.
Deux groupes de travail ont été mis en place. Le premier traite de l'indemnisation des victimes : car il est bien de condamner les manquements, mais bien aussi de faire en sorte que les victimes soient indemnisées. Il y a un pontage à opérer entre les procédures administratives et civiles. Nous nous penchons aussi sur la class action. Une mission, conduite par Bernard Esambert, vise à mieux encadrer le régime des titres détenus par les dirigeants d'entreprise, qui sont les premiers détenteurs d'information sur leur société ou leur groupe.
Les évolutions des marchés sont préoccupantes, car elles mettent à mal la régulation en tant que telle. Avec les mutations technologiques, il devient possible de donner deux cents instructions à la seconde sur un même titre, avec une durée de validité de 25 microsecondes pour chaque ordre passé ; 95 % à 99 % des ordres sont annulés sans être exécutés. Et les spécialistes de ces opérations fournissent un quart à deux tiers des ordres sur les marchés ! Il faut donc procéder à des investissements technologiques pour être à même de poursuivre la surveillance des marchés.
Les Américains ont une avance sur l'Europe, même s'ils ne savent pas encore expliquer le « flash crash » qui s'est produit le 6 mai à New York. Un opérateur de marché se serait simplement trompé d'arrondi en passant un ordre sur un titre néerlandais de cosmétiques. Est-ce un prétexte ? Les autorités américaines l'ignorent. Nous n'avons pas les moyens de suivre en temps réel toutes les transactions. J'attire votre attention sur ce problème, le plus important pour une autorité de régulation. Si vous nous confiez des pouvoirs nouveaux, sachez que nos moyens ne seront pas suffisants pour mettre en oeuvre une surveillance plus sophistiquée.
Aujourd'hui, quels que soient les pouvoirs qui nous sont dévolus, il nous faut rechercher une bonne articulation entre régulations nationale et européenne. Nous ne pouvons vivre sans une supervision contraignante, sans une agence européenne qui harmonise les règles et la façon dont elles s'appliquent, qui arbitre les différends entre régulateurs nationaux. Même si une telle agence voit le jour, nous aurons toujours de nombreuses tâches ! Toutes les procédures d'enquête et de sanction, par exemple, continueront à nous incomber. Je précise que la coopération entre régulateurs des pays membres est bonne, quelles que soient les divergences dans le débat sur le champ d'intervention souhaitable de l'autorité de régulation.
- Présidence de M. Joël Bourdin, vice-président -