La commission procède tout d'abord à l'audition de MM. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Thierry Franck, secrétaire général, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions de l'AMF, à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'AMF et sur le projet de loi de régulation bancaire et financière.
Après avoir entendu Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et les représentants des trois principales agences de notation, nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de régulation bancaire et financière et recevons aujourd'hui Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette audition intervient également, comme chaque année, pour faire le point à l'occasion de la publication du rapport annuel de l'AMF et avant le prochain sommet du G20. L'AMF a publié fin avril sa « cartographie des risques et tendances » sur les marchés et l'épargne.
Nous vivons actuellement une période décisive pour la régulation financière internationale. La Commission européenne met en place depuis fin 2008 un vaste programme législatif ; ses propositions devraient être connues d'ici le début 2011 : procédure d'agrément des agences de notation, nouvelle architecture de supervision européenne, statut des infrastructures de post-marché, compensation et enregistrement des dérivés - des « credit default swaps » (CDS) notamment - ou encore, régime plus harmonisé pour les ventes à découvert et révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers.
L'AMF participe au Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières, auquel succédera la future Autorité européenne des marchés financiers. Monsieur Jouyet, vous avez également été amené, ces derniers mois, à prendre certaines positions fermes sur l'extension du champ de la supervision, en particulier sur les CDS, les infrastructures de post-marché ou la transparence des négociations.
Une forte pression pèse pourtant sur les institutions européennes et les régulateurs nationaux. Elle est liée aux soupçons de spéculation sur les dettes souveraines et aux bouleversements que connaît le fonctionnement technique des marchés. Le « flash crash » du 6 mai sur les marchés américains a révélé l'ampleur des risques. Autre pression, l'avance que sont en train de prendre les États-Unis avec les progrès enregistrés au Congrès par la réforme de la régulation financière.
Le projet de loi de régulation bancaire et financière, substantiellement enrichi par les députés, devrait élargir le champ d'action de l'AMF, en particulier aux produits dérivés, consolider la base légale de ses pouvoirs d'urgence, améliorer la procédure d'enquête et de sanction. Qu'en pensez-vous ? Comment jugez-vous le fonctionnement actuel des marchés et les initiatives en cours au plan européen ?
Enfin, je vous remercie de nous avoir communiqué le rapport annuel 2009 établi sous votre autorité.
Je suis accompagné par Thierry Franck, secrétaire général de l'AMF, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions.
L'année 2009 a été extrêmement contrastée : un fort « dévissage » des cours puis une remontée spectaculaire au-delà de 4 000 points, une certaine exubérance nous imposant un devoir de vigilance, le traitement de l'affaire EADS, qui nous a amenés à prendre des mesures en amont et en aval...
L'AMF a lancé un plan stratégique afin de renforcer la protection de l'épargne et la confiance des investisseurs individuels, afin aussi de mieux assurer la surveillance des risques - contrôle plus serré des acteurs, sanctions plus efficaces, participation à l'effort d'attractivité de la place, au profit des épargnants et du financement de l'économie. Nous avons géré les conséquences de la crise financière. Les OPCVM monétaires, de court terme, sont fondés sur un principe de liquidité ; or ils incluaient un certain nombre de produits peu liquides ou trop sophistiqués, qui dénaturaient ce véhicule de placement. Nous avons adopté une nouvelle classification, imposant des caractéristiques plus pures aux OPCVM monétaires. A cet égard, on suit en Europe la tendance française et la nouvelle réglementation exigera des produits liquides, simples, compréhensibles pour l'épargnant. Quant aux ventes à découvert, nous avons maintenu le dispositif de 2008 et l'interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières. Un certain nombre de mesures prises en Allemagne sont un alignement sur les positions en vigueur en France pour les valeurs financières - mais non la dette souveraine.
Nous avons suivi en 2009 les évolutions juridiques de l'affaire Madoff, faisant en sorte par exemple que les actionnaires de la Sicav d'UBS LuxAlpha, particulièrement touchée, reçoivent assistance et suivi de notre part. Nous sommes en contact avec les avocats des déposants. Et nous achevons nos contrôles sur la manière dont des produits off shore, non admis à la libre-circulation en Europe, proposés par Madoff, ont été commercialisés par des sociétés de gestion ou d'autres intermédiaires financiers. La commission des sanctions jugera de la suite à donner à ces griefs.
Nous avons cherché à mieux anticiper les risques. Notre nouvelle cartographie des risques met l'accent sur la montée de l'endettement et des déficits publics et sur les conséquences de la contraction du crédit bancaire, mode traditionnel de financement de l'économie en Europe. Le marché, axé sur le court terme, sera-t-il en mesure de financer les besoins à moyen et long terme des secteurs de l'énergie, de l'environnement, de l'éducation, de l'alimentaire, bases de la future croissance ? Le rôle du crédit bancaire se tassant, comment faire en sorte que les investisseurs aillent vers les marchés et achètent en confiance des actions ? En France, il existe en outre une épargne liquide qui n'est pas un placement de long terme.
Pour la protection de l'épargne, nous avons renforcé la coopération avec le régulateur prudentiel, l'Autorité du contrôle prudentiel (ACP). Un pôle commun de contrôle des produits d'épargne a été créé, animé par les secrétaires généraux des deux institutions, avec un programme commun de contrôle, des échanges d'information, etc. Les épargnants ont un point d'entrée unique pour l'AMF et l'ACP. C'est un progrès. Nous avons mis en garde les épargnants à l'égard des publicités audiovisuelles, écrites, par exemple sur les CDS. Nous renforcerons aussi les « achats mystères », nos agents se présentant anonymement au guichet des établissements financiers pour connaître l'écart éventuel entre la publicité et le produit réellement proposé. L'information passe également par internet, par un numéro vert, par des tournées en province pour rencontrer les épargnants et les chefs d'entreprise. L'AMF entend faciliter l'accès des PME aux marchés et le 4 juin dernier nous avons consacré une journée à ce sujet - formalités, coût, information...
J'en viens aux enquêtes et aux sanctions. L'AMF élabore actuellement une charte des enquêtes. Elle a créé une phase contradictoire en fin d'enquête. Le projet de loi relève en outre de 10 à 100 millions d'euros les sanctions pour infractions sans profit, ce qui revient à un alignement sur les sanctions prononcées par l'ACP. Nous visons en effet l'harmonisation de nos deux procédures.
Deux groupes de travail ont été mis en place. Le premier traite de l'indemnisation des victimes : car il est bien de condamner les manquements, mais bien aussi de faire en sorte que les victimes soient indemnisées. Il y a un pontage à opérer entre les procédures administratives et civiles. Nous nous penchons aussi sur la class action. Une mission, conduite par Bernard Esambert, vise à mieux encadrer le régime des titres détenus par les dirigeants d'entreprise, qui sont les premiers détenteurs d'information sur leur société ou leur groupe.
Les évolutions des marchés sont préoccupantes, car elles mettent à mal la régulation en tant que telle. Avec les mutations technologiques, il devient possible de donner deux cents instructions à la seconde sur un même titre, avec une durée de validité de 25 microsecondes pour chaque ordre passé ; 95 % à 99 % des ordres sont annulés sans être exécutés. Et les spécialistes de ces opérations fournissent un quart à deux tiers des ordres sur les marchés ! Il faut donc procéder à des investissements technologiques pour être à même de poursuivre la surveillance des marchés.
Les Américains ont une avance sur l'Europe, même s'ils ne savent pas encore expliquer le « flash crash » qui s'est produit le 6 mai à New York. Un opérateur de marché se serait simplement trompé d'arrondi en passant un ordre sur un titre néerlandais de cosmétiques. Est-ce un prétexte ? Les autorités américaines l'ignorent. Nous n'avons pas les moyens de suivre en temps réel toutes les transactions. J'attire votre attention sur ce problème, le plus important pour une autorité de régulation. Si vous nous confiez des pouvoirs nouveaux, sachez que nos moyens ne seront pas suffisants pour mettre en oeuvre une surveillance plus sophistiquée.
Aujourd'hui, quels que soient les pouvoirs qui nous sont dévolus, il nous faut rechercher une bonne articulation entre régulations nationale et européenne. Nous ne pouvons vivre sans une supervision contraignante, sans une agence européenne qui harmonise les règles et la façon dont elles s'appliquent, qui arbitre les différends entre régulateurs nationaux. Même si une telle agence voit le jour, nous aurons toujours de nombreuses tâches ! Toutes les procédures d'enquête et de sanction, par exemple, continueront à nous incomber. Je précise que la coopération entre régulateurs des pays membres est bonne, quelles que soient les divergences dans le débat sur le champ d'intervention souhaitable de l'autorité de régulation.
- Présidence de M. Joël Bourdin, vice-président -
S'agissant des ventes à découvert, quels sont vos conseils ? Les contrats d'échange portent en effet sur les titres souverains. La décision unilatérale allemande a suscité une réaction un peu disproportionnée de notre ministre de l'économie. Quelle est votre approche - notamment dans le cadre de la coopération européenne - des ventes à découvert nues, c'est-à-dire sans détention du sous-jacent ?
Quant à l'articulation entre le collège de l'AMF et la commission des sanctions, peut-on assimiler le collège à l'autorité en charge des poursuites ? Le rapporteur, membre de la commission des sanctions, instruit-il à charge et à décharge ? La présence du commissaire du gouvernement, venu de la direction du Trésor, est-elle utile ou superfétatoire ? Une procédure de transaction, sous la responsabilité de la commission des sanctions et du collège, vous paraît-elle souhaitable ?
Quel est votre sentiment sur le régime d'enregistrement et de contrôle des agences de notation ? Cette nouvelle mission va incomber à l'AMF. Êtes-vous en mesure aujourd'hui de faire face à cette nouvelle tâche ? Les agences ont-elles pris contact avec vous en vue de l'agrément ? Que pensez-vous du régime de responsabilité des agences, actuellement objet de débat ?
La réglementation sur les ventes à découvert doit être élaborée au niveau européen. La décision allemande est une mesure de pure politique intérieure : il s'agit de faire accepter par l'opinion publique les plans de sauvetage et l'aide fournie par l'Allemagne aux pays en difficulté. L'effet est nul mais le signal mauvais pour les investisseurs en dette souveraine européenne, essentiellement asiatiques et américains - ils ont pris peur pendant un temps.
J'appelle de mes voeux un texte européen, le plus rapidement. Il faudrait que nous recevions en juillet les propositions de la Commission, afin que la nouvelle législation soit arrêtée pour l'automne. Cela n'empêche pas des mesures nationales pour assurer une transparence totale des « positions significatives ».
Relèvent-elles du règlement général de l'AMF, du pouvoir réglementaire, de la loi ?
Du législateur. Des pouvoirs d'urgence sur les ventes à découvert s'imposent.
La loi n'est pas votée définitivement. Si, sur des titres souverains ou de grandes valeurs françaises, la situation devenait difficile, sans pouvoirs d'urgence, nous ne pourrions pas « refroidir » le marché et l'encadrer. Or, quand un marché s'emballe, les ventes à découvert suffisent à faire dévisser les titres les plus solides. Il me paraît utile d'obliger les intervenants à avoir défini les voies et moyens de la livraison des titres. Mais le J+1 inscrit dans le projet de loi en première lecture n'est pas applicable, du fait du délai nécessaire pour les vérifications en chaîne. Personne ne livre à J+1 en Europe. Il faut du temps au régulateur pour savoir à qui tel opérateur a emprunté les titres et quand il doit les restituer. Un délai de J+2 est indispensable, si possible au niveau européen, sinon national.
Certains prônent l'interdiction pure et simple des transactions sur CDS sans contrepartie réelle : elles relèvent certes de la spéculation, mais encore faut-il pouvoir identifier les transactions nues.
L'agrément et le contrôle des agences de notation seront temporairement confiés à l'AMF - en attendant la création d'une agence européenne. Jusqu'en octobre prochain, nous serons en phase d'agrément, puis en phase de surveillance, au dernier trimestre. En avons-nous les moyens ? Non, la mission est confiée à seulement deux personnes. Nous avons des contacts avec certaines agences, venues s'enquérir des modalités de l'agrément.
Quant au régime de responsabilité des agences, c'est une question politiquement sensible. Il faut voir comment l'appliquer, comment organiser le contrôle. Je pense pour ma part qu'il ne faut pas trop s'éloigner de la directive européenne.
Quelques mots de nos procédures. Le secrétaire général de l'AMF suit l'instruction des enquêtes et transmet les griefs au collège, les dossiers étant examinés par les commissions spécialisées ou en séance plénière. C'est ensuite la commission des sanctions qui prend le relais, le rapporteur instruisant le dossier à charge et à décharge. Quant à la procédure de transaction, elle n'est pas populaire dans notre pays. Pourtant, des transactions encadrées, appliquées non pas aux grandes affaires mais au tout-venant, nous feraient gagner du temps et solderaient un certain nombre de dossiers.
Notre objectif est d'améliorer la pertinence des enquêtes et la sécurité des procédures. La charte des enquêtes sera bientôt finalisée. Elle énonce les droits et les obligations des personnes interrogées, ainsi que le comportement à respecter par les enquêteurs. Nous revoyons la constitution des dossiers en particulier ; nous apportons des précisions sur les divers secrets à respecter. Nous avons institué un processus contradictoire, non au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme mais au sens courant du terme. Dés la fin de l'enquête, les personnes mises en cause présentent leurs arguments au collège. Il nous a paru indispensable qu'à ce stade, elles soient informées des faits tels que nous les comprenons et des fondements juridiques sur la base desquels est faite la notification des griefs.
Tout ce qui est en cours de modification, dans les procédures répressives, l'est en parfait accord avec l'autorité chargée des poursuites. Il n'y a aucune divergence entre nous. La commission des sanctions a été créée en 2003 : c'était une nécessité, issue de la jurisprudence de la Cour de cassation et la Cour de Strasbourg. Auparavant, au sein de la COB, le déclenchement de poursuite et la sanction étaient dans les mêmes mains. Mais la loi de 2003 est allée un peu trop loin dans la séparation et l'autorité de poursuites a été dessaisie de son rôle : elle ne participait ni à la procédure écrite ni à la procédure orale devant la commission des sanctions. Seule la défense était présente... A l'origine également, le rapporteur était perçu comme le porte-voix de l'autorité de poursuites. Le dispositif a été amélioré en 2008 : désormais l'autorité de poursuites est représentée à l'audience. Nous souhaitons aller plus loin et lui donner une place dans la procédure écrite. Elle recevrait ainsi les mémoires, les observations écrites ; son représentant serait entendu par le rapporteur.
Le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale inclut, je m'en réjouis, un recours du collège contre la commission des sanctions, à titre principal ou incident. Cela signifie que l'autorité de poursuites devient l'une des parties devant la commission des sanctions. Le rapporteur, membre de celle-ci, instruit à charge et à décharge. Il doit être impartial et n'est plus le porte-voix de qui que ce soit. Quant au représentant de l'État, du Trésor, il n'est pas utile à la commission - d'autant moins qu'il s'abstient systématiquement de toute prise de position. Mais sa présence me semble utile pour le ministère ! Certains avocats la contestent. Mais j'y suis pour ma part plutôt favorable, puisque le pouvoir répressif est exercé au nom de l'État et de l'intérêt général.
Pouvoir de transaction, recours du collège, sont des revendications anciennes de l'AMF. J'ajouterai un seul argument à ce qu'a dit le président Jouyet : la transaction prend en compte l'indemnisation des victimes déjà réalisée ainsi que les garanties relatives à une indemnisation à venir.
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -
Des capitaux considérables sont mis en mouvement sur les marchés à terme, y compris sur l'ensemble des matières premières. Les couvertures entraînent des mouvements de marché tous les jours. Qu'en est-il de la surveillance de ce type d'opérations qui peuvent être initiées en France mais se dénouer à l'étranger ? Disposez-vous de statistiques annuelles ?
Vous parlez d'avance significative pour les États-Unis si la loi sur la régulation et la supervision est votée par le Congrès. Sur quels points ? Quand M. Obama a annoncé la création d'une agence de protection des consommateurs, en l'occurrence des épargnants, Mme Lagarde a estimé que nous disposions pour notre part de tout ce dont nous avions besoin. Vous venez de le confirmer. Je suis partisane néanmoins d'une organisation très structurée, comme dans la proposition de la députée européenne Pervenche Berès, qui crée une agence européenne.
A défaut de la création d'une agence de protection de l'épargne, ce rôle revient-il à l'AMF ?
Que pensez-vous des agences de notation ? Comme citoyen ordinaire, je suis choqué du rôle extraordinaire qu'elles ont pris. Nous avons reçu leurs représentants, j'ai été étonné de la politesse manifestée en permanence à leur égard. Je ne perçois pas la justification de leur existence. Et vous ?
Elles suppléent l'incapacité des investisseurs à apprécier par eux-mêmes la valeur et le risque de l'investissement. Que chacun achète plutôt les produits dont il mesure la nature et les risques ! Leurs notes provoquent des effets d'entraînement dignes des moutons de Panurge, elles déresponsabilisent les opérateurs. Et le jour où le thermomètre semble donner une mauvaise indication, on a la tentation de le casser.
Sur les ventes à découvert, si les chambres de compensation procédaient tous les jours à des appels de marge, la pression serait plus forte sur les opérateurs.
M. Bourdin a raison. Mais tout reste à faire sur les matières premières ! L'Europe accuse un retard considérable sur les États-Unis. Les transactions se font à Chicago ou à Londres, mais elles ont un impact sur les prix et les revenus agricoles dans d'autres pays, où la valeur ajoutée agricole est importante. L'AMF n'a aucune compétence sur ces opérations. Il serait bon d'instaurer une meilleure surveillance des marchés physiques et des instruments financiers, mais là encore, il faudrait le faire au niveau européen. Nous avons une politique agricole commune très forte, mais nous n'avons pas organisé les marchés ! Il y a un hiatus entre le degré d'intégration de la politique agricole et l'absence d'organisation des transactions financières sur les matières premières. C'est la première fois que ce point est abordé. Il en va de même pour l'énergie, par exemple pour les certificats d'émission de CO2. Comment réguler ces marchés qui demain seront au coeur de la stratégie de croissance ?
Dans l'appréhension des marchés de quotas de CO2, la Commission européenne ne semble pas avoir tranché entre une approche financière et une autre plus industrielle. C'est pourtant dans le domaine de la régulation financière que les références, les méthodes sont les plus crédibles, face aux risques soulevés par le rapport Prada. Que diriez-vous si le Parlement faisait progresser ce sujet dans le cadre du texte sur la régulation financière ?
On ne sait pas réguler le marché primaire, contrairement au marché secondaire, car l'adjudication des volumes relève des États. Par ailleurs, les relations à Bruxelles ne semblent pas excellentes entre les autorités en charge des marchés financiers, de l'énergie et de la concurrence...
En France, il y a des ponts secrets entre les différentes autorités. Le principal marché des quotas de CO2 se trouve en France. Il faudrait une bourse réglementée à part entière, faire pour Bluenext ce que nous faisons pour Euronext. Au-delà, il faudra un dispositif européen, car les marchés des dérivés sur CO2 sont à Londres et à Francfort.
Madame Bricq, les États-Unis sont en avance pour l'organisation des marchés dérivés et les infrastructures de marché ; en matière de contrôle et de suivi, ils tentent de suivre les évolutions technologiques. L'aspect prudentiel ne relève pas du régulateur, même si je regrette, à titre personnel, le retard pris sur les stress tests...
Concernant l'agence de protection des consommateurs, le rapport Deletré prônait une plus grande unification. Le législateur a opté pour la coordination ; si le pôle commun fonctionne, nous aurons de facto une agence de protection. Reste à voir quel sera le compromis trouvé aux États-Unis entre le Congrès et le Sénat : l'agence se réduira peut-être à un simple bureau du Trésor ou de la Fed... Il faut une agence de supervision au niveau européen, dont un département suive la commercialisation des produits d'épargne.
Monsieur Gaillard, je partage l'avis du président Arthuis : les agences de notation comblent un vide, car les investisseurs ont délaissé l'analyse technique des risques, les entreprises, leur fonction de contrôle interne. Chacun, BCE, grands émetteurs ou investisseurs institutionnels, doit remplir son rôle en matière d'analyse des risques. Il est aussi inquiétant de voir les investisseurs institutionnels déléguer systématiquement leur vote dans les assemblées générales à des organismes d'appréciation, qui sont américains !
L'objectif est de standardiser 80 % des produits sur les marchés internationaux. Il faut travailler sur l'appel de marge, la capitalisation des infrastructures, renchérir certains produits comme les ventes à découvert.
Cette audition a été éclairante. L'examen fin septembre du projet de loi sera l'occasion d'avancer notamment sur les matières premières. Beaucoup d'émetteurs ont mis au point des procédés sophistiqués, avec des titres qui sont du quasi-capital. Il faudrait revenir à des approches plus rustiques pour faciliter l'analyse des risques !
Puis, la commission procède à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, dans le cadre de la préparation du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
La commission des finances, élargie à l'ensemble des sénateurs, vous reçoit, madame le ministre d'État, pour que vous nous éclairiez sur l'usage des crédits mis à votre disposition pendant l'année 2009.
La réforme de la carte judiciaire s'accompagne d'un volet immobilier évalué à 375 millions d'euros. Pouvez-vous clarifier les conditions de remise à disposition des crédits via le compte d'affectation spéciale immobilier à la suite des cessions opérées par France Domaine ? Quel jugement portez-vous sur les délais de mobilisation de ces crédits ? Ces ressources correspondent-elles aux besoins et aux engagements ?
ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Tout d'abord, je rappelle que les budgets sont désormais triennaux, et que je suis arrivée à la Chancellerie en cours d'exercice. Le budget du ministère est la conséquence d'une situation ancienne, la Chancellerie n'ayant pas bénéficié sur la longue durée des mêmes efforts que d'autres ministères. L'activité de la justice a sensiblement augmenté : de 2002 à 2008, le nombre d'affaires civiles a augmenté de 58 %, les décisions en matière pénale, de 10 %, tandis que le taux de réponse pénale passait de 68 % à 85 %. Or, parallèlement, le budget n'a augmenté que de 5 %...
Les moyens de la justice doivent s'adapter à la révision générale des politiques publiques (RGPP). La réforme de la carte judiciaire s'inscrit dans cette volonté de rationalisation de la présence judiciaire sur le territoire, pour adapter au mieux les moyens aux besoins. Ces derniers sont évalués à 375 millions d'euros sur la période 2009-2013 ; les ressources viendront du budget général et du compte d'affectation spéciale immobilier. Celui-ci a encaissé 3,53 millions d'euros en 2009 ; la dotation pour 2010 n'est pas encore connue. Quarante immeubles relevant de la direction des services judiciaires sont en cours de cession pour une valeur vénale de 16,47 millions, mais le ministère ne touchera que 65 % de cette somme, soit 10,7 millions, qui seront affectés au financement de la réforme de la carte judiciaire. Le montant des actifs immobiliers donnés à France Domaine s'élève à 126 millions.
Non. Les besoins sont multiples : par exemple, des locaux pour accueillir les personnels des juridictions fermées, alors que les juridictions maintenues, qui sont souvent en centre-ville, sont déjà à l'étroit...
À Arras, le conseil général a acquis des immeubles pour les besoins de la justice. Cette pratique se généralise-t-elle ?
Pas suffisamment à mon goût ! Je peux vous communiquer la liste de ces opérations.
Pouvez-vous nous résumer les mesures prises en 2009 au titre de la RGPP, et les économies réalisées en termes d'emplois et de crédits ?
La récente loi sur la protection de certaines catégories de personnes représente un défi pour les juridictions comme pour les organismes de tutelle. Quels sont les enjeux budgétaires liés à la mise en oeuvre de cette législation ?
Enfin, la récente loi pénitentiaire encourage le travail en milieu carcéral. Ces dispositions ont-elles été suivies d'effet dès 2009, et avec quelles incidences budgétaires ?
La RGPP affecte tous les services du ministère. Outre la carte judiciaire, la rationalisation de la protection judiciaire de la jeunesse a conduit à regrouper des centres régionaux en centres interrégionaux. Les compétences de l'État et des collectivités territoriales sont clarifiées : la loi de 2003 faisait de la protection de la jeunesse une compétence des départements, mais n'avait pas été mise en oeuvre... Cette réforme a conduit à fermer des centres et à diminuer le personnel.
Dans l'administration centrale, la dématérialisation et l'informatisation ont connu des retards et des malfaçons. Nous avons renégocié les contrats avec les opérateurs. Il y aura une réduction de postes sur trois ans, mais pas la première année, car les systèmes informatiques ne sont pas au point.
Nous avons pour objectif de recentrer le personnel pénitentiaire sur son coeur de métier. Affecter un gardien de prison à des tâches administratives est un gaspillage de compétences et d'argent. Idem pour les magistrats qui font un travail de greffier ! J'ai ainsi obtenu que des postes de magistrat soient transformés en postes de greffier et de personnel administratif : c'est une meilleure utilisation de l'argent public.
Le problème des tutelles, très chronophages, est réel : cette réforme n'a pas été accompagnée de la création de postes de magistrats correspondants, et son impact financier n'a pas été mesuré.
L'activité en prison est facteur de réinsertion sociale et psychologique, et donc de lutte contre la récidive. Elle dépend toutefois des ministères en charge de la formation. Nous avons diversifié nos partenariats : j'ai signé une convention avec la fondation M6 pour les activités culturelles, et nous avons un accord avec le Medef pour les activités professionnelles. Mais la crise est passée par là... L'objectif d'occuper dix mille détenus, pour une masse salariale de 46 millions d'euros, n'a été réalisé qu'à 70 %. J'ai demandé aux directeurs régionaux des services pénitentiaires de prendre contact avec les entreprises locales, voire avec les collectivités territoriales. J'inaugure demain un centre d'appel dans une prison de femmes. Des travaux environnementaux, comme le nettoyage des forêts ou des rivières, sont des pistes à creuser : occuper les détenus à des activités ayant une réelle utilité sociale permettrait également de changer le regard que porte l'opinion publique sur la prison, condition sine qua non pour une réelle réinsertion sociale.
Des entreprises se spécialisent dans la future insertion par le travail des détenus. Le travail carcéral n'est-il pas une forme de délocalisation de l'activité et de l'emploi ?
Certes, ce n'est pas le contrat de travail tel que nous le connaissons, mais la population carcérale est particulière : 50 % des détenus ont de vrais problèmes psychologiques, voire psychiatriques, beaucoup sont illettrés, sans formation... Ils ne doivent pas pour autant être cantonnés à des tâches que pourraient remplir des machines !
Depuis la LOLF, les crédits sont limitatifs et non plus évaluatifs, mais la dynamique des frais de justice reste préoccupante. Je doutais déjà de la sincérité des évaluations de la Chancellerie pour le budget 2010 ; dans les cours d'appel, les dépassements atteindraient 25 % à 30 %... Quelle est l'évolution des dépenses par rapport à 2008 ?
La judiciarisation croissante de notre société se traduit par une hausse des contentieux, d'où une hausse des frais de justice, passés de 388,6 millions d'euros en 2007 à 401,7 millions en 2008 et 432,5 millions en 2009. Il faut dire que le taux d'élucidation des délits est passé de 22 % en 2001 à 40 % aujourd'hui ! Les frais de justice pénale représentent les deux tiers du total. Les 75 millions de frais médicaux traduisent la revalorisation des honoraires des médecins psychiatres ; le décret du 30 juillet 2008 majore le tarif des expertises relatives aux victimes ; les frais de traduction et d'interprétariat ont été revalorisés, tout comme les frais d'huissiers et d'enquête sociale. Le coût du matériel d'interception a également augmenté.
Parallèlement, nous avons réussi à faire baisser les frais de réquisition des opérateurs, à réduire les frais d'analyse génétique ou de transport... Parmi les mesures d'économies, nous réformons le circuit de la dépense : il faut réduire les délais de paiement, professionnaliser les acteurs. Les effets ne seront perceptibles que progressivement. Aix-en-Provence rejoindra en juillet les huit cours d'appel qui mènent l'expérience. L'accélération conséquente du rythme de consommation des crédits est un élément de clarification et de bonne gestion. J'ai réuni dernièrement les chefs de cour pour les sensibiliser à la maîtrise des frais de justice.
Nous avons fait débloquer des crédits d'avance en début d'année.
Je doute que l'on soit encore à ce chiffre. Nous devrions liquider ces retards début 2011, à condition que les moyens suivent.
Disposez-vous encore d'une réserve pour les frais de justice ? On me dit que les crédits seront intégralement consommés fin septembre dans beaucoup de cours... Gardons-nous de sous-estimer ce volet dans le cadrage budgétaire pour 2011. La commission des finances sera à vos côtés : il faut faire la lumière sur les besoins.
L'an dernier, les juridictions étaient dans le rouge dès juillet. Nous avons réussi à débloquer des crédits et à finir l'année en limitant les reports. Le dégel obtenu en mars a évité d'accumuler les retards. Nous devrions obtenir les moyens nécessaires pour répondre aux besoins des juridictions jusqu'à la fin de l'année, d'autant que nous avons renégocié des contrats avec les opérateurs extérieurs. C'est une course permanente entre notre capacité à réduire les coûts et l'augmentation des volumes !
Une fois n'est pas coutume, les établissements pénitentiaires pour mineurs, créés par la loi de 2002, m'ont donné l'impression d'une débauche de moyens : le prix de la journée y dépasse 1000 euros ! Une évaluation des résultats au vu des moyens engagés s'impose.
La « prison sans murs » de Casabianda en Corse me paraît être un modèle à imiter, d'autant que le travail des détenus doit réduire les coûts pour le ministère. Envisagez-vous de mettre en place d'autres établissements de ce type ? Idem pour la prison de Château-Thierry, qui accueille remarquablement des personnes souffrant de maladies mentales, pour un coût bien moindre qu'en unité pour malades difficiles (UMD) ou en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA).
Enfin, quid du retard de paiement des heures supplémentaires des personnels de l'administration pénitentiaire ? Dans le climat actuel, évitons que cette situation se renouvelle...
Les reports de charges impayées de l'administration pénitentiaire devraient représenter 10 millions d'euros pour 2010. La décision du Conseil d'État oblige à payer des arriérés de salaire sur quatre ans, pour un coût estimé à 20 millions : comment cela s'inscrit-il dans votre budget ?
Le taux d'occupation des établissements pour mineurs est inégal : avec 213 mineurs au 1er janvier 2010, il n'était que de 73 %, d'où l'importance du coût nominal. Il faut certes une rationalisation, mais ce taux dépend aussi de la délinquance juvénile !
La prison de Casabianda est réservée à un certain type de condamnés, notamment pour agressions sexuelles. Un tel système ne peut s'appliquer à tous les publics, ni être implanté n'importe où ! J'ai demandé au secrétaire d'État une étude sur les pratiques européennes en la matière, mais ne nous faisons pas trop d'illusions... La multiplication d'expériences sur le modèle de Château-Thierry suscite pour sa part de fortes réticences des psychiatres. Il faut un équilibre.
La question du paiement des heures supplémentaires a suscité beaucoup d'émoi. Toutes ont été payées à mon initiative avant la fin 2009. M'étonnant que les heures supplémentaires aient progressé de 29 % entre 2008 et 2009, j'ai demandé au directeur de l'administration pénitentiaire d'en analyser les causes. Le contentieux porte notamment sur le quart d'heure de prise de fonction sur les postes à coupure, à la suite d'une décision du Conseil d'État qui annule partiellement une circulaire de 2006 et reconnaît le temps de prise de fonction comme temps de travail à part entière, ce qui représente de 15 à 17 millions d'arriérés, dans la limite de la prescription quadriennale.
Je n'ai aucun souvenir en la matière.
Dans cette affaire, nous avons fait face.
La préparation du budget 2011 doit battre son plein. Selon la norme fixée par le Président de la République, les dépenses d'intervention devront être réduites de 10 % sur les trois prochaines années. Est-ce possible sur l'accès au droit et la pénitentiaire ?
Je l'ai dit ce matin au Premier ministre, si chacun doit consentir des efforts, certains avaient vu leurs crédits augmenter plus que d'autres depuis cinquante ans. En outre, l'évolution de la société a entraîné une augmentation de l'activité. Pour répondre précisément à votre question, nous n'avons pas de véritables crédits d'intervention : l'aide juridictionnelle et le fonctionnement de la pénitentiaire n'en sont pas au sens de Bercy.
Vous avez évoqué le coût de la judiciarisation. S'agit-il d'un mouvement irréversible ou d'un sport national ? Le procureur de la République dans mon département, en était récemment à 35 000 plaintes. Comment lire tous ces textes, souvent manuscrits, avec deux ou trois secrétaires ? Est-il envisageable de maîtriser ces coûts ?
Ce risque nous préoccupe en effet depuis longtemps. Quand j'étais à la jeunesse et aux sports, j'en avais souligné l'impact sur les primes d'assurances. Amorcé aux États-Unis, le phénomène est parfois encouragé par des juristes ou des avocats en mal d'affaires qui sollicitent les patients à la sortie des hôpitaux et des cliniques. Que peut-on faire ? J'essaie de développer la conciliation et la médiation parce qu'une société qui multiplie les contentieux devient plus agressive et crée des crispations. Puisqu'aucune partie n'est pleinement satisfaite d'un jugement, mieux vaut se mettre d'accord par d'autres voies. La France en a besoin... Je prends des mesures en ce sens, notamment dans le domaine familial en rendant la conciliation obligatoire avant de passer devant le juge. S'il n'y a ni enfant ni contentieux, pourquoi passer devant un juge pour un divorce ? Ces facilitations se développent aussi dans le domaine commercial. En revanche, les syndicats hésitent à aller au-delà de ce qui existe aujourd'hui dans le domaine prudhommal. Le rapport Darrois propose aussi que l'aide juridictionnelle soit assortie d'un ticket modérateur, comme cela se fait dans d'autres pays européens. L'aide juridictionnelle, qui représente 300 millions, est en constante augmentation ; en outre, les plafonds ne sont pas très élevés de sorte que certains ont les moyens de payer un avocat, mais pas l'expert. Nous travaillons donc avec les assurances car l'assurance juridique ne fonctionne pas bien. L'objectif est de concentrer l'aide de l'État sur le pénal et le divorce.
Les compagnies d'assurances ne pourraient-elles s'inspirer de cette philosophie ?
Il faut les convaincre de jouer davantage le jeu de la conciliation, sans que les personnes concernées se trouvent en situation d'infériorité.
Les parlementaires pourraient éviter de devenir avocats... Quand la ministre apporte des informations de cette qualité, les rapporteurs n'ont plus besoin de se déplacer pour vérifier sur pièces et sur place.
La commission procède enfin à l'audition de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, dans le cadre de la préparation du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
L'exécution budgétaire 2009 laisse apparaître un écart entre les crédits votés et les crédits consommés de 12 % sur la mission « Travail et emploi » : cela constitue un sujet de préoccupation au moment où l'on va devoir alléger les crédits d'intervention. La mission « Travail et emploi » représentait l'an dernier 9,75 milliards de dépense fiscale pour les programmes 102 et 103 contre 9 milliards d'euros en 2008. Or, l'évaluation de leur montant et de leur efficacité demeure très superficielle. Comment expliquez-vous cette augmentation de 750 millions et quelles orientations prendrez-vous dans le nécessaire rabotage des niches fiscales ?
Un cadrage d'ensemble me semble utile. L'année 2009 a été la pire depuis cinquante ans. Elle a justifié une intervention rapide, ce qui explique la rallonge budgétaire. L'exécution budgétaire l'an dernier a néanmoins été fortement améliorée par rapport à 2008, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes. Le fléchage des crédits et l'exécution plus rigoureuse ont en effet assuré une sincérité bien supérieure de la politique de l'emploi. L'écart entre les crédits votés et leur exécution, a estimé la Cour des comptes, a été réduit et la gestion des crédits supplémentaires a été plutôt satisfaisante. Nous avons également baissé les dépenses de fonctionnement de 14 % en aménageant des dispositifs.
La crise ne devait pas servir d'alibi au financement de dépenses récurrentes. J'ai eu le souci de ne pas créer de dépenses structurelles. Nous avons principalement misé sur de la dépense active : activité partielle, reconversion, contrats aidés, lesquels débouchent dans un cas sur deux sur un emploi stable. La relance de l'apprentissage a été intéressante pour l'emploi des jeunes. Nous avons réduit les dépenses pour les seniors en ne finançant plus les catastrophiques préretraites publiques. En gagnant quatre points en trois ans sur le taux d'emploi des seniors, nous avons montré qu'on peut avoir des résultats et dégager des économies.
L'année 2011 sera encore très compliquée car l'on prévoit à nouveau des destructions d'emploi. Comment trouver le bon dosage entre les économies nécessaires et l'impact recherché sur l'emploi afin de dégager un bilan positif ? Je suis plutôt favorable à une approche sélective : un coup de rabot uniforme sur les dispositifs fiscaux serait ravageur.
Il faudrait que les intentions prennent corps car, prise individuellement, chaque dépense fiscale est vitale...
En quel sens plaiderez-vous ? Le cycle vertueux, c'est la loi de règlement, puis le débat d'orientation en attendant la loi de programme pluriannuelle : l'exercice 2010 préfigurera cette programmation.
Chaque étape de ce processus doit être bien utilisée. Les 800 millions d'euros de crédits pour l'apprentissage ont été bien employés en 2009. On peut étudier et rationaliser les aides consacrées à l'emploi salarié à domicile. Les heures supplémentaires représentent également une dépense très importante ainsi que les exonérations pour les associations agréées. Je préfère pour ma part adopter une approche ciblée.
Les 3,9 milliards de la prime pour l'emploi créent des emplois, mais pas forcément en France car le pouvoir d'achat que l'on donne ainsi favorise les importations. A-t-on une évaluation de cette dépense ?
L'objectif est que l'écart entre revenu d'assistance et revenu tiré de l'emploi soit suffisant. On peut toucher à tout, mais si l'on diminue cet écart, on réduit aussi l'intérêt du retour à l'emploi. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne piste.
Chaque ministre défend ses crédits. Cependant, la croissance ne suffira pas et les économies significatives se dégagent sur des masses importantes. Nous vous soutiendrons pour l'annualisation des allègements généraux de charges.
Pôle Emploi a connu en 2009 son premier exercice plein. Il a fallu, dans un contexte défavorable, créer une structure, rapprocher les équipes, se réinstaller dans bien des endroits et renouveler les procédures internes. Où en est le surcoût de Pôle Emploi ? Rapprocher deux maisons aux politiques salariales différentes a en effet accru les frais de fonctionnement. Il faut clarifier cela. Pourquoi la subvention de l'Etat à Pôle emploi a-t-elle été inférieure de 187 millions à ce qui avait été prévu et qu'en sera-t-il en 2010 et 2011 ?
Il faut replacer l'annualisation des exonérations de charges dans une évolution sur quinze ans. L'Allemagne, dont le coût du travail était supérieur au nôtre, a consenti un effort important alors que la France a été « plombée » par les 35 heures. Revenir sur les allègements de charges alourdirait le coût du travail et détruirait des emplois.
On peut instaurer l'annualisation. En revanche, continuer à tirer sur la pelote sans avoir baissé le coût de l'emploi aboutirait à des destructions massives d'emploi. L'allègement général de charges n'est d'ailleurs pas une niche puisqu'aussi bien il ne vise ni une catégorie, ni un secteur : on se situe dans une approche intermédiaire, qui n'est peut-être pas la plus claire. Mieux vaut s'interroger sur le rapport entre ce qu'apportent les mesures et leur coût.
Je suis tout à fait partisan de cette solution car ça apporterait plus de clarté.
S'agissant de Pôle Emploi, la réponse est dans la question. La fusion a porté ses fruits dès 2009 : l'Etat a économisé 187 millions et l'Unedic a apuré sa dette à hauteur de 324 millions d'euros.
La Cour des comptes avait évoqué un surcoût de 350 millions d'euros, estimation que la direction générale de Pôle emploi avait contestée.
La fusion a été réalisée à budget constant. L'harmonisation des salaires s'est traduite par un surcoût d'abord estimé entre 350 millions et 400 millions, mais qui s'est établi à 250 millions. On est passé simultanément de 1 500 à 1 000 implantations tout en améliorant le réseau. S'agissant du back office, les gains informatiques et de réseau sont considérables. Toutes ces économies compensent largement l'effet sur la masse salariale. Nous avons réalisé en une année, et une année de crise, ce qui avait pris cinq ans à l'administration fiscale pour fusionner les directions des impôts et de la comptabilité publique. Nous avons dégagé des économies substantielles en un délai record.
Vous avez évoqué la difficile réduction du coût des charges sur les salaires. Au lieu d'augmenter les charges des entreprises, ne peut-on supprimer les coûts et éviter ainsi des remboursements ? On gagnerait beaucoup d'argent. Cela vaudrait la peine d'analyser l'instauration d'un prélèvement sur le chiffre d'affaires.
Quelle est l'efficacité des maisons de l'emploi, qui coûtent fort cher ? Ont-elles un intérêt quelconque pour l'emploi ? En revanche, la mission locale de Corbeil-Essonnes apporte 750 emplois pour les jeunes ; avec le Fonds pour l'insertion professionnelle, ces derniers accèdent au permis de conduire, et peuvent ainsi trouver rapidement un emploi. Ne serait-il pas plus efficace de transférer les crédits alloués aux maisons de l'emploi vers les missions locales ?
Les contrats aidés en secteur non marchand ne débouchent pas sur une solution pérenne. La dépense est pourtant importante. Les jeunes trouvent davantage de travail avec les contrats aidés dans le secteur marchand. On n'informe pas assez les familles et les jeunes sur l'apprentissage, lequel est peu apprécié alors qu'il offre des emplois.
Je suis prêt à expertiser le basculement de l'assiette que vous suggérez. Cependant, pour baisser les cotisations, il faut d'abord diminuer les dépenses. Les maisons de l'emploi offrent une illustration intéressante puisqu'à mon arrivée, il était question de les généraliser. C'était déraisonnable, de même qu'il n'était pas rationnel qu'elles fassent la même chose que Pôle emploi. Nous avons supprimé les doublons.
Lorsque nous avons posé la question, nous avons rencontré des obstacles, parmi les parlementaires les plus éminents, à la commission des finances, à l'Assemblée comme au Sénat.
Mieux vaut donner à Pôle emploi une feuille de route claire, quitte à créer une sorte de conseil de surveillance. Dans mon département, la maison de l'emploi n'avait de sens que jusqu'à la création de Pôle emploi.
Un cahier des charges plus restrictif et précis a été fixé. Si les parlementaires qui avaient exprimé une opinion contraire ont évolué, la piste peut être intéressante car ce sont eux qui avaient souhaité conserver les maisons de l'emploi. Je m'étais donc placé dans ce cadre en supprimant les doublons.
Saurez-vous convaincre vos collègues ? Ce sont les parlementaires qui s'étaient opposés à la suppression des maisons de l'emploi.
Pour les contrats aidés, que je remercie M. Dassault d'avoir évoqués, le taux d'insertion est de 42 % dans le secteur non marchand (CAE) et de l'ordre de 70 % dans le secteur marchand (CIE). Cependant les premiers peuvent être utiles pour des publics très éloignés de l'emploi.
Je connais vos convictions sur l'apprentissage. On a trop incité les élèves à suivre des études longues qui ne débouchent sur rien alors que l'apprentissage favorise une insertion dans l'emploi tout en permettant aux jeunes de cotiser.
Les jeunes ont du mal à trouver des stages. Le Gouvernement doit se montrer plus volontariste, quitte à compenser un peu.
Un mot de la prime pour l'emploi. Si l'on réduisait les aides aux demandeurs d'emploi, le retour au travail serait plus attractif. Par ailleurs, la prime pour l'emploi coûte 3,9 milliards d'euros, c'est un montant extraordinaire !
On avait un système obscur, sans mutualisation des offres ; nous avons créé un portail unique, qui permet déjà de connaître toutes les offres et sur lesquels l'on pourra bientôt publier son CV en ligne. Voilà de l'efficacité sans dépense ! Nous avons mobilisé les entreprises et l'apprentissage, qui baissait de 30% en début d'année, se retrouve en augmentation. Il faudra des réformes de structure pour qu'il ne soit plus réservé aux métiers manuels et pour lui permettre d'atteindre une taille critique. On pourra alors rationaliser les dispositifs d'aide. Je ne doute pas que vous m'y aiderez ; nous présenterons un plan d'action en septembre-octobre prochains.
En 2009, les dépenses ont doublé pendant la période complémentaire par rapport à l'exercice précédent. Comment cela s'explique-t-il ?
Ce sont des exonérations de charges sociales qui ont donné lieu à des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative.
Je vous rejoins sur l'apprentissage, et j'ajoute que nous sommes souvent saisis par des familles qui ont du mal à trouver des stages. Je participe tous les mois aux réunions qu'organise la préfète du Jura. L'an dernier, le chômage partiel est passé de 70 000 heures indemnisées à 747 000. Quelle est aujourd'hui la tendance et quelles sont les sommes en jeu ?
Je sais que vous être très investi sur ces sujets, monsieur le sénateur. C'est très précieux et très apprécié sur le terrain. Le dispositif sur l'activité partielle a été très utile et très intelligent. On attendait auparavant le licenciement pour réagir ; maintenant, avec ce dispositif, on forme les gens avant de les licencier, avec une prise en charge qui a mobilisé 80 millions d'euros pour 400 000 salariés. Avec l'amélioration de la situation économique, ce dispositif baisse tout seul et les contingents demandés en début d'année reculent. L'Allemagne utilise ce dispositif pour lisser et amortir les crises. La France possédait cet outil, mais il était poussiéreux. Gardons-le en état, il a fait ses preuves.
L'annualisation des revenus pris en compte pour le calcul des allègements de charges peut éviter certaines pratiques. Revenir sur les exonérations de charges sociales ne va pas dans le sens de l'avenir, il faut au contraire aller plus loin et substituer aux cotisations sociales un impôt sur la consommation.
Je fais l'hypothèse que la préparation du budget 2011 va être éprouvante. S'il y a un effet crise, la réflexion a dû s'amorcer. Pourra-t-on dégager 10 % d'économies supplémentaires sur les trois ans à venir ? Les dépenses de fonctionnement ont déjà diminué de 14 %. Avez-vous atteint un niveau incompressible ou bien peut-on encore trouver de nouvelles économies ?
Voilà des questions de nature à décourager les élèves appliqués de la réduction de la dépense publique : « l'échelle de perroquet » n'est pas l'outil le plus incitatif. Ne pénalisons pas les ministères qui ont fait le plus d'efforts. Mais je dois à la vérité de dire que les 14 % que vous évoquez tiennent aussi à des évolutions de périmètre : la baisse réelle doit être autour de 5 %.
Si l'on ne veut pas mourir guéri, il faut faire correctement atterrir les dépenses supplémentaires du plan de relance en temps et en heure, c'est-à-dire au fur et à mesure de l'amélioration de l'économie. La prime de 500 euros et l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises sont d'ailleurs « débranchées ».
On peut gagner en efficacité sur Pôle emploi et sur les services extérieurs, déjà fortement rassemblés, ainsi que sur l'administration centrale, même si le ratio crédits gérés par fonctionnaire nous place parmi les meilleurs.
Enfin, à l'horizon de deux ans, il faudra faire « atterrir » les contrats aidés. L'annualisation des exonérations de charges est en cours d'arbitrage.
Chacune de nos questions est un encouragement à contenir la dépense publique.