Je formulerai deux grandes observations concernant l’article 18.
J’évoquerai tout d’abord le caractère byzantin de sa rédaction. L’article introduit une distinction entre les amendements examinés en commission et ceux qui seront débattus en séance publique. Ces différents régimes devront être déterminés et comporter certaines conditions et certaines limites, fixées par le règlement de chaque assemblée, qui devra lui-même s’inscrire dans un cadre défini par une loi organique.
Vous le savez, mes chers collègues, la mécanique de poupées russes – je parlais de dispositions byzantines, mais elles s’avèrent plutôt russes ! –, cache parfois des jeux bien dangereux.
Nous considérons, pour notre part, que ce système d’empilement porte préjudice au droit d’amendement des parlementaires. J’y vois même une attaque radicale contre ce droit.
Cette réforme est présentée comme un simple aménagement des modalités d’exercice du droit d’amendement, afin, nous dit-on, d’améliorer la qualité et la clarté des débats parlementaires. A priori, c’est une approche séduisante, à laquelle nous pourrions souscrire. Toutefois, avec la rédaction de l’article 18 qui nous est proposée, et sans connaître davantage les modalités pratiques qui vont être retenues, nous craignons de signer un chèque en blanc sur l’exercice effectif du droit d’amendement.
En modifiant l’article 44 de la Constitution, le présent projet de loi interdira la défense en séance publique d’amendements ayant déjà été discutés en commission. Nous sommes donc sur le point de constitutionnaliser une nouvelle forme de discussion abrégée, dans le simple but de réduire la longueur des débats en séance plénière.
Dès lors que des débats sur certaines questions ne pourront avoir lieu qu’en commission, la question de la publicité des débats est également posée.
Et quelle sera la place réservée au Gouvernement ? Sa présence en commission ne risque-t-elle pas de placer les membres de la majorité dans une forme de subordination ?
L’adoption de l’article 18 permettrait également de contraindre le droit d’amendement, par le biais du réaménagement du temps de discussion en commission et en séance publique, avec, par exemple, l’attribution d’un temps global de discussion pour chaque groupe.
En résumé, nous craignons que l’on n’inscrive dans le règlement de chaque assemblée des conditions et des limites au droit d’amendement, toutes dispositions que nous contestons évidemment formellement.
Nous sommes bien placés pour être prudents, sinon sceptiques, concernant le règlement de chaque assemblée, celui du Sénat n’offrant guère de garanties à l’heure actuelle !