Séance en hémicycle du 23 juin 2008 à 15h00

Résumé de la séance

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  • d’amendement

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 21 juin 2008 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.

Je donne lecture de ce décret :

« Le Président de la République

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution,

« Décrète :

« Article 1er. - Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le 1er juillet 2008.

« Article 2. - L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :

« 1. Le débat d’orientation budgétaire ;

« 2. L’examen et la poursuite de l’examen de ceux des propositions et projets de loi suivants qui n’auraient pas été définitivement adoptés à l’achèvement de la session ordinaire :

« - projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République ;

« - projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel ;

« - projet de loi relatif aux archives ;

« - projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement ;

« - projet de loi de modernisation de l’économie ;

« - projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi ;

« - projet de loi relatif aux contrats de partenariat ;

« - projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

« - projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire ;

« - projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 ;

« - proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation ;

« - proposition de loi visant à lutter contre les incitations à la recherche d’une maigreur extrême ou à l’anorexie ;

« - projet de loi autorisant l’approbation d’un accord relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ;

« - projet de loi autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes ;

« - projet de loi autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

« - projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l’adoption d’un signe distinctif additionnel (protocole III) ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles ;

« - projet de loi autorisant la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

« - projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération dans le domaine de l’étude et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ;

« - projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l’adhésion des nouveaux États membres de l’Union européenne à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu’aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux transports aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Macao de la République populaire de Chine ;

« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Comité international des poids et mesures portant amendement de l’accord du 25 avril 1969 relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ;

« 3. Une séance de questions orales sans débat au Sénat.

« Article 3. - Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait à Paris, le 21 juin 2008

« Par le Président de la République,

« Signé : Nicolas Sarkozy

« Le Premier ministre,

« Signé : François Fillon »

Acte est donné de cette communication.

La conférence des présidents qui se réunira demain fixera l’ordre du jour de cette session extraordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-François Dhainaut, président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le rapport d’activité pour 2007 de cet organisme, établi en application de l’article L. 114-3-7 du code de la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles ainsi qu’à la commission des affaires économiques et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je souhaite profiter de la présence de Mme le garde des sceaux et de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement pour élever une vive protestation à la suite des communiqués que, tous, nous avons lus dans la presse ce matin et qui portent sur l’incendie ayant détruit le centre de rétention de Vincennes samedi et mis en danger la vie des deux cent cinquante personnes qui étaient retenues dans ce centre.

Je n’évoquerai pas aujourd'hui la politique de rétention du Gouvernement. Mais je constate que certains, y compris des parlementaires de la majorité qui n’étaient pas présents au moment des faits, ont accusé des personnes – et cela a été relayé par voie de presse – manifestant à l’extérieur d’être responsables de l’incendie et des évènements qui se sont produits à l’intérieur du centre de rétention.

Une enquête judiciaire est ouverte et il sera procédé à l’audition de ceux qui étaient présents au moment des faits et dont le témoignage sera utile.

Je trouve inadmissible que certains se permettent de porter des accusations sur des associations ou des individus, alors qu’ils étaient absents.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République (nos 365, 387, 388).

Dans l’examen des articles, nous en sommes parvenus à l'article 13 bis.

Le deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 86, présenté par MM. Gélard et Portelli, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 195, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 38 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il est regrettable que l'amendement n° 86 ne soit pas défendu, car il est pertinent. La question se pose en effet de savoir ce que deviennent les ordonnances lorsqu’elles n’ont pas été ratifiées.

La note de synthèse du service des études juridiques du Sénat du 2 février 2007, dont je salue la qualité, note une accélération : « Au cours de la dernière période quinquennale (2002-2006), le nombre de lois contenant des mesures d’habilitation dépasse celui enregistré pour les vingt années 1984-2003. »

Rares sont les textes d’importance dans lesquels le Parlement n’habilite pas le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances. C’est également sur ces textes que l’urgence est déclarée.

Ce constat inquiétant montre une dérive dans la pratique des institutions, dérive qui tend à priver le Parlement de ses droits.

L’article 38 de la Constitution est symptomatique de l’emprise du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif et de la volonté de donner au premier les moyens de neutraliser le second. Nous assistons ni plus ni moins à une constitutionnalisation de la pratique des décrets-lois des IIIe et IVe Républiques !

Une partie de la doctrine constitutionnaliste va même jusqu’à considérer que les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État ont su neutraliser une pratique jugée dangereuse.

Il n’en est rien ! Oui, cette pratique est dangereuse pour les droits du Parlement, car elle le dépossède quasiment de son pouvoir législatif. Non, la jurisprudence et les pratiques constatées ne sauraient être interprétées comme une limite à cette intrusion. D’une part, mais j’y reviendrai en présentant l’amendement n° 196, les domaines juridiques concernés par les habilitations sont très divers. D’autre part, la période la plus récente a consacré de nouvelles pratiques en ce qui concerne le support ainsi que l’origine de la demande d’habilitation.

Sur le premier point, depuis la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, les habilitations résultent généralement d’un ou de plusieurs articles d’un texte ayant un objet plus large.

Sur le second point, dans les faits, l’habilitation peut résulter d’un amendement gouvernemental déposé à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi ou d’un projet de loi, ce qui nuit à la lisibilité de la procédure. Mais elle peut surtout résulter d’un amendement parlementaire, alors même que l’article 38 de la Constitution désigne le seul Gouvernement comme titulaire de ce droit d’initiative.

Enfin, le juge constitutionnel a réitéré à plusieurs reprises l’obligation faite au Gouvernement de « définir avec précision les finalités de l’habilitation » et d’indiquer précisément le « domaine d’intervention » des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances. Cependant, il n’est pas très exigeant, puisqu’il considère que « l’urgence est au nombre des justifications que le Gouvernement peut invoquer pour recourir à l’article 38 de la Constitution » et qu’elle peut résulter de la nécessité de surmonter « l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire ».

Pour toutes ces raisons et au nom du renforcement des droits du Parlement, qui vous sont chers, nous demandons la suppression de l’article 38 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard et Lecerf, Mme Henneron et MM. Béteille et de Richemont, est ainsi libellé :

I. - Au début de cet article, ajouter deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Dans le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, les mots : « pendant un délai limité » sont remplacés par les mots : « pendant un délai d'habilitation qui ne peut être supérieur à six mois ».

... - A la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution, les mots : « avant la date fixée par la loi d'habilitation » sont remplacés par les mots : « avant l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article ».

II. - Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le projet de loi de ratification est inscrit par priorité à l'ordre du jour des assemblées.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement vise à encadrer le recours du Gouvernement aux ordonnances, en prévoyant de limiter dans le temps la faculté offerte au pouvoir exécutif à l’article 38 de la Constitution. Ainsi, l’action du Gouvernement serait enserrée dans un délai maximum de six mois entre la loi d’habilitation et la loi de ratification.

Toutefois, pour atténuer cette sévérité, le Gouvernement aurait la faculté d’inscrire par priorité à l’ordre du jour du Parlement les projets de loi de ratification des ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 462 rectifié, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une telle autorisation est exclue dès lors que les mesures envisagées sont relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'article 13 bis est relatif aux ordonnances, qui ne pourraient désormais être ratifiées que « de manière expresse ». Cela constitue un progrès ; nous y reviendrons. Cet amendement vise non pas à s’opposer à une telle démarche, mais à la compléter.

En effet, Nicole Borvo Cohen-Seat le rappelait à l’instant, le travail parlementaire se caractérise actuellement par le dessaisissement et l’urgence.

Dessaisissement, puisque le champ d’application et le volume des ordonnances sont de plus en plus importants.

Urgence, car l’encombrement législatif et la mauvaise organisation de l’ordre du jour nous contraignent à travailler dans des conditions tout à fait déplorables. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, puisque le Gouvernement entend prendre de bonnes résolutions et inscrire dans la Constitution des dispositions qui sont à l’opposé de ses pratiques.

Nous ne partageons pas l’idée qu’il faille supprimer l'article 38 de la Constitution, mais nous estimons que la revalorisation du Parlement doit rendre le recours aux ordonnances exceptionnel.

Il est un domaine dans lequel cette exception devrait pouvoir jouer : il s’agit de la garantie du respect des droits fondamentaux des citoyens, donc de tout ce qui concerne l’exercice des libertés publiques ; l’article 34 de la Constitution est suffisamment clair à cet égard.

En votant cet amendement qui vise à compléter le texte adopté par l'Assemblée nationale, nous renforcerions notre droit positif de manière préventive.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 196, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, est complété par les mots : « qui ne concernent pas les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il s’agit d’un amendement de repli, dont l’objet est identique à celui qu’a présenté Bernard Frimat.

L’année 2003 constitue un tournant dans le champ d’habilitation des ordonnances, qui est aujourd'hui très vaste. Ainsi, la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ne contient pas moins de 32 articles habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans les domaines les plus divers.

La nouvelle loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans des domaines aussi divers que les relations des usagers avec les administrations, le droit des sociétés, la santé et la protection sociale, la filiation, le droit de l’urbanisme et de la construction, le droit de la concurrence, l’agriculture, ou encore le droit de l’environnement : elle compte soixante articles d’habilitation. C’est symptomatique du recours abusif aux ordonnances de l’article 38.

Ce champ d’application étendu de l’article 38 de la Constitution est renforcé au profit du pouvoir exécutif par des pratiques douteuses sur la prorogation des délais d’habilitation, ce qui entraîne un dessaisissement du Parlement. Ainsi, la prorogation du délai initial d’habilitation peut avoir lieu par une modification de l’article d’habilitation initial.

Face à ces dérives, nous vous proposons, par cet amendement de repli, que l’article 38 de la Constitution ne puisse s’appliquer pour prendre des mesures concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 61, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

I. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution, après les mots : « dès leur publication », sont insérés les mots : « avec valeur de loi ».

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement de mon collègue Jean-Paul Virapoullé, que j’ai cosigné, est relativement ambitieux s’agissant de la valeur juridique des ordonnances de l'article 38 de la Constitution : celles-ci auraient non plus le caractère d’actes administratifs, mais force de loi, sur le modèle des ordonnances prévues à l'article 92 de la Constitution, lors de la mise en place des institutions de la Ve République.

Par ailleurs, cet amendement permettrait d’assurer la cohérence du contrôle de constitutionnalité réformé par ce projet de loi constitutionnelle, en confiant le contrôle de tous les actes à valeur de loi au Conseil constitutionnel.

Dès lors qu'il existerait un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, rien ne justifierait plus de donner provisoirement aux ordonnances le caractère d'acte administratif pour permettre le contrôle du Conseil d'État pendant la période de temps, certes très variable, qui précède la ratification. Cette unification du contrôle de constitutionnalité serait, selon Jean-Paul Virapoullé, source de sécurité juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 197, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article 38 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative et ayant fait l'objet d'un vote d'une résolution prévue à l'article 88-4 ne peuvent être transposés en droit interne par voie d'ordonnance. »

L'amendement n° 414, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article 38 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine de la juridiction administrative d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'ordonnance suspend le délai de ratification et fait obstacle à celle-ci jusqu'à l'adoption d'une décision définitive. En cas de rejet, le délai recommence, pour la partie non écoulée, à compter du prononcé de la décision. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

S’agissant des actes de l’Union européenne, le recours aux ordonnances a principalement pour objet de transposer en droit interne des directives européennes.

Le Gouvernement justifie le recours aux ordonnances en la matière en faisant valoir que cela permet à la France de respecter les délais de transposition des directives. Mais le constat, ancien, que la plupart des textes pour lesquels il y a un retard de transposition ont un caractère réglementaire et non législatif atteste clairement que le retard dans les transpositions a avant tout une cause administrative et non une cause parlementaire.

Par ailleurs, dans son étude Pour une meilleure insertion des normes européennes dans le droit national de 2007, le Conseil d’État, rappelant l’obligation de transposition des directives communautaires et analysant les nombreuses contraintes qui s’attachent à cet exercice, propose des solutions fondées sur trois idées principales : anticiper, adapter, simplifier.

Anticiper, par une participation le plus en amont possible au processus de conception et d’élaboration de la norme communautaire.

Adapter, par une meilleure association du Parlement et des grandes institutions de la République, ainsi que par une modulation de la méthode d’adoption de la norme de transposition.

Simplifier, enfin, les techniques de rédaction de la norme nationale de transposition et alléger les nombreux régimes consultatifs préalables des partenaires économiques et sociaux.

Le groupe communiste républicain et citoyen considère que la représentation nationale devrait être mieux associée, le plus en amont possible, au processus de transposition des directives communautaires.

Nous estimons en outre que, dès l’instant où une directive ayant des dispositions de nature législative a fait l’objet d’une prise de position de la représentation nationale, par exemple par le vote d’une résolution, elle ne devrait en aucun cas en être dépossédée au moment de sa transposition en droit interne. Cette idée est d’ailleurs présente dans l’étude du Conseil d’État, remise à votre gouvernement en 2007.

Aussi notre amendement n° 197 a-t-il pour objet de prévoir un contrôle parlementaire de la transposition des directives européennes : dès lors que les parlementaires auront voté, sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution, une résolution sur un projet d’acte européen comportant des dispositions de nature législative, leur transposition en droit interne ne pourra se faire que par la voie législative.

L’amendement n° 414 est défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mme Borvo Cohen-Seat nous a déjà proposé de supprimer l’article 38 de la Constitution. Sa constance n’a d’égale que la mienne : j’émettrai un avis défavorable sur son amendement n° 195.

S’agissant de l’amendement n° 70 rectifié, le fait d’unifier les deux délais prévus par l’article 38 de la Constitution – celui concernant l’habilitation et celui qui est relatif au dépôt de la loi de ratification – et de les fixer à six mois présenterait le risque d’introduire une certaine rigidité. De nombreux textes prévoient du reste des délais plus courts, par exemple de trois mois en cas d’urgence.

Par ailleurs, la faculté qui pourrait être donnée au Gouvernement d’inscrire par priorité les projets de loi de ratification à l’ordre du jour des assemblées est contradictoire avec les principes retenus par la commission dans la réécriture de l’article 48.

Mon cher collègue, l’article 22 du projet de loi constitutionnelle devrait permettre de procéder dans de bonnes conditions à ces ratifications explicites. Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement.

Quant à l’amendement n° 462 rectifié, le contrôle du champ de l’habilitation appartient au Parlement, qui peut refuser d’autoriser le Gouvernement à prendre des ordonnances dans des domaines qui lui paraissent justifier la mise en œuvre de la procédure législative classique. Il est bien entendu souhaitable que l’habilitation ne concerne pas le domaine des libertés publiques. Tel est d’ailleurs le cas en pratique. Je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

La commission des lois a été très attentive au souci des auteurs de l’amendement n° 61 de renforcer la sécurité juridique par l’unification, sous l’autorité du Conseil constitutionnel, du contentieux des ordonnances. Cependant, l’amendement soulève deux difficultés.

Il ferait du juge constitutionnel le juge d’actes, qui sont certes du domaine de la loi, mais qui sont matériellement, avant leur ratification par le Parlement, des actes de l’exécutif. L’habilitation de l’article 38 s’analyse en effet comme une extension momentanée du pouvoir réglementaire.

Ensuite, il réduirait le champ du contrôle : le Conseil d’État actuellement compétent apprécie la conformité des ordonnances à la loi et, éventuellement, à la Constitution. Le Conseil constitutionnel ne pourrait vérifier que la constitutionnalité des ordonnances. Donc, la commission sollicite le retrait de cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 196, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 197, car l’examen par le Parlement des textes visant à transposer les actes de l’Union européenne en droit interne est préférable à des séries de transposition par ordonnances.

La présente révision, en prévoyant l’exercice du droit d’amendement en commission, permettra de recourir pour ces transpositions à des procédures simplifiées, qui préserveront les droits du Parlement sans encombrer l’ordre du jour avec des textes souvent techniques.

Le dispositif proposé ne paraît guère pertinent. Pourquoi limiter l’interdiction de recourir aux ordonnances aux seuls textes qui ont fait l’objet d’une résolution européenne ?

En outre, si le recours aux ordonnances ne doit pas constituer une solution systématique, il peut se révéler nécessaire pour accélérer la transposition des directives. Il a même été indispensable pour transposer une cinquantaine d’entre elles, compte tenu de notre retard.

Cela dit, si la révision constitutionnelle est votée, le Parlement disposera désormais de tout le temps nécessaire pour examiner les textes, et tous ces problèmes ne se poseront plus.

Encore une fois, le recours à de nouvelles procédures que facilitera la présente révision devrait rendre la transposition par ordonnance exceptionnelle.

S’agissant de l’amendement n° 414, un simple recours administratif aurait pour effet de reporter les délais de ratification fixés par le législateur. La commission y est défavorable.

Je formulerai une observation générale.

La ratification expresse des ordonnances prévue par l’Assemblée nationale est une heureuse initiative. Elle correspond certainement à l’esprit de la Constitution de 1958. Mais le Conseil constitutionnel a décidé, en 1972, qu’il pouvait y avoir des ratifications implicites. Depuis, cela fait le bonheur des auteurs de droit public, des universitaires, et sans doute des étudiants… Il n’en demeure pas moins que la ratification expresse devrait assurer une meilleure sécurité juridique. La commission des lois a bien entendu soutenu cette initiative de l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

L’amendement n° 195 de Mme Borvo Cohen-Seat vise à abroger l’article 38 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de prendre, avec l’autorisation du Parlement, des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi.

À l’évidence, il est toujours préférable que ces mesures soient délibérées et adoptées par le Parlement. Mais la pratique a démontré que, dans certains domaines, une urgence ou une nécessité pouvait justifier qu’elles soient prises par voie d’ordonnances.

En tout état de cause, le recours aux ordonnances est autorisé par une loi d’habilitation. C’est au Parlement qu’il revient finalement d’apprécier, au cas par cas, s’il convient d’autoriser ou non le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances. Si le Parlement ne veut pas que le Gouvernement ait recours à une ordonnance, il peut tout à fait ne pas l’habiliter.

À défaut de supprimer l’article 38 de la Constitution, vous souhaitez, madame Borvo Cohen-Seat, limiter le champ possible de l’habilitation.

Par l’amendement n° 196, vous voulez interdire le recours aux ordonnances lorsque sont en cause des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

Cet amendement ne paraît pas souhaitable, pas plus que l’amendement n° 462 rectifié du groupe socialiste, qui est quasiment identique, puisqu’il aurait pour conséquence de rigidifier la procédure. Il risquerait, par exemple, d’interdire le recours aux ordonnances pour la plupart des projets de codification. Or, on le sait très bien, certaines dispositions devant être codifiées touchent aux libertés fondamentales, comme la liberté du commerce ou de l’industrie.

Les risques d’une atteinte particulière aux libertés ne sont pas pour autant à redouter, puisque le Conseil constitutionnel opère toujours un contrôle approfondi des lois d’habilitation, en exigeant du Gouvernement qu’il indique avec précision la finalité des mesures qui seront prises. Bien entendu, la loi d’habilitation ne dispense en rien le Gouvernement de respecter les règles et les principes de valeur constitutionnelle.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous voulez également, au travers de votre amendement n° 197, faire obstacle à la transposition par ordonnance d’un acte communautaire qui a fait l’objet d’une résolution.

L’article 88-4 de la Constitution permet aux assemblées de voter des résolutions sur les projets ou propositions d’actes de l’Union européenne qui interviennent en matière législative. Le Parlement peut ainsi faire connaître sa position au Gouvernement au stade de la négociation de l’acte, et appeler son attention sur certaines difficultés, de quelque nature que ce soit.

Mais cela ne veut pas dire – on s’en rend compte assez régulièrement, d’ailleurs – que le Parlement entend forcément adopter lui-même des mesures de transposition une fois que l’acte est pris. Il vaut mieux lui laisser le choix au cas par cas, le moment venu, puisqu’il pourra toujours refuser de voter la loi d’habilitation. Finalement, le dernier mot revient au Parlement.

Sur l’encadrement des délais, je comprends la philosophie qui sous-tend votre amendement, monsieur Lecerf : vous souhaitez prévoir un délai maximum de six mois entre la loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances et le dépôt du projet de loi de ratification.

De telles dispositions risquent d’introduire une trop grande rigidité dans l’application directe de l’article 38, puisque certaines ordonnances, telles les ordonnances de codification, concernent plusieurs textes ou plusieurs matières, voire plusieurs codes. Dès lors, la commission de codification, puis le Conseil d’État sont obligatoirement consultés. Cela peut prendre un peu plus de temps que le délai de six mois que vous souhaitez introduire par votre amendement.

Là encore, c’est au législateur qu’il appartient, dans la loi d’habilitation, de fixer au cas par cas le délai, s’il l’estime nécessaire. Du reste, c’est souvent le cas ! Cette souplesse peut donc être conservée dans le cadre de la loi d’habilitation.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

J’en viens à la portée juridique des ordonnances. Vous souhaitez, monsieur Lecerf, que les ordonnances aient valeur législative dès leur publication. Tant qu’elles ne sont pas ratifiées par le Parlement, les ordonnances ont une nature réglementaire : seul le législateur peut leur conférer une valeur législative en les ratifiant

Il serait dangereux qu’il en soit autrement s’agissant de la compétence du législateur ou pour nos concitoyens. Une ordonnance ne peut prendre des dispositions qui sont du domaine de la loi que dans la stricte mesure autorisée par la loi d’habilitation. Si elle excède les limites de l’habilitation, une ordonnance est donc illégale aussi longtemps que le législateur ne l’a pas reprise à son compte.

Avec votre proposition, monsieur le sénateur, une telle illégalité ne pourrait plus être levée, puisque l’on passerait directement d’une nature réglementaire à une valeur législative, sans passer par cette loi d’habilitation.

En outre, cette modification entraînerait un recul en termes de facilité d’accès au juge, puisque, aujourd’hui, parce qu’elles ont valeur réglementaire, les ordonnances non ratifiées font l’objet du contrôle du juge administratif, lequel peut être saisi d’un recours en annulation par toute personne intéressée. Ce recours est simple et rapide.

Si l’on considère que les ordonnances ont immédiatement valeur de loi, le Conseil constitutionnel, saisi par voie d’exception, pourra certes effectuer un contrôle, mais il faudra attendre que l’ordonnance ait fait l’objet d’une application et que cette application ait donné lieu à un litige. Ce serait plus long et plus compliqué.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 414 vise à bloquer la ratification de l’ordonnance en cas de recours pour excès de pouvoir. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, parce que la ratification modifie la nature même de l’ordonnance et fait obstacle à la poursuite de l’instance engagée devant le juge administratif.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Vous craignez, madame Borvo Cohen-Seat, qu’il n’y ait des manœuvres. Mais le législateur n’est jamais obligé de ratifier une ordonnance. Il peut aussi choisir de la modifier quand il l’a ratifie.

De plus, la ratification étant souvent un processus long, il est difficile de trouver une place dans l’ordre du jour du Parlement. Il faut donc éviter de faire obstacle à une ratification qui est en cours.

Par conséquent, le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. Sinon, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je crois franchement que ce serait irréaliste de supprimer l’article 38, comme le proposent ou l’envisagent certains amendements, car cela nous conduirait tout droit à la IVe République, où l’article 13 de la Constitution n’autorisait rien du tout, et où, un an après, en 1947, sont apparus les premiers « décrets-lois ».

Mes chers collègues, la procédure des décrets-lois étant parfaitement inconstitutionnelle, elle n’a jamais été encadrée, alors que celle de l’article 38 a au moins l’avantage d’être encadrée, d’autant plus que le Conseil constitutionnel, saisi à de nombreuses reprises, a renforcé, de décisions en décisions, cet encadrement et a posé, au fil de ses décisions, des exigences tirées de l’article 38 qui en font maintenant une procédure parfaitement claire.

J’ai bien compris la motivation du dépôt de certains amendements du groupe socialiste comme du groupe CRC, mais pour qu’une atteinte soit portée aux principes fondamentaux, encore faudrait-il que la loi d’habilitation autorise à le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

De surcroît, si une telle loi allait trop loin en matière d’inconstitutionnalité, il y aurait de grandes chances pour qu’elle soit annulée par le Conseil constitutionnel. Le risque n’est donc guère réel.

Par ailleurs, les ordonnances sont soumises au Conseil d’État, y compris au contentieux. Cette instance a décidé que ces textes, bien que relatifs au domaine législatif, étaient de nature réglementaire, tant qu’ils n’étaient pas ratifiés.

En réalité, deux difficultés, que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale ne résout pas, demeurent.

Premièrement, le Gouvernement est seul à apprécier l’urgence. Or, quelquefois, il recourt à cette procédure uniquement pour mettre en œuvre son programme. Il peut estimer qu’il doit aller vite. Par expérience gouvernementale et autres, nous savons, les uns et les autres, que l’urgence est parfois déclarée par convenance.

Deuxièmement, depuis 1958, par application stricte de l’article 38 de la Constitution, à partir du moment où le projet de ratification est déposé dans le délai prévu par la loi d’habilitation, aucune ratification n’est contrainte par un délai fixe. Tous les gouvernements ont utilisé cette procédure de façon similaire. De ce fait, des dizaines d’ordonnances n’ont jamais été ratifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Certes, elles peuvent l’être « par petits morceaux », en catimini, sans que l’on sache d’ailleurs très bien si le fait d’approuver un article d’une ordonnance dans une loi entraîne ou non la ratification de l’ensemble de l’ordonnance.

En réalité, même si M. le rapporteur est assez enthousiaste vis-à-vis de l’article adopté par l’Assemblée nationale, je ne vois pas très bien ce que le texte apporte. On ne pourrait plus ratifier « par petits bouts »…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

…oui, effectivement, monsieur le rapporteur, implicitement. Par conséquent, on peut continuer à ne pas ratifier du tout, ce qui est pire. Je ne vois pas très bien comment cet obstacle peut être levé.

Enfin, je veux conclure sur une note plus optimiste. Dans de nombreux cas, le recours à la procédure des ordonnances soulage non seulement l’ordre du jour du Parlement, mais aussi de nombreux parlementaires, qui ne demandent pas toujours eux-mêmes la ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je pense aux ordonnances de 1960 relatives à l’alcoolisme ou encore aux ordonnances concernant Natura 2000. En bref, un certain nombre de sujets me font penser à cette formule de Raimu dans Fanny, de Marcel Pagnol, disant à Marius, en substance, « aux endroits où c’est trop profond, laisse un peu mesurer les autres ! »

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je vais retirer cet amendement, monsieur le président, mais je tiens à faire remarquer que la situation à laquelle conduit ce retrait n’est pas satisfaisante.

Je comprends bien les arguments développés tant par M. le président-rapporteur que par Mme le garde des sceaux. Mais pour ce qui concerne le délai d’habilitation, l’amendement ne posait pas de problème puisqu’il fixait un délai maximal de six mois. Certains m’ont rétorqué qu’un tel délai est parfois trop court. Mais, lorsqu’aucun délai n’est fixé il y a peu de chance pour qu’il soit respecté.

Par ailleurs, la situation actuelle me paraît d’autant plus pénalisante qu’il suffit du dépôt d’un projet de loi de ratification de l’ordonnance pour que celle-ci conserve ad vitam æternam son caractère d’acte administratif. D’aucuns m’ont rétorqué que cette ordonnance pouvait être attaquée par le biais d’un recours pour excès de pouvoir, dans le délai prévu, par tout un chacun. Mais elle peut l’être par voie d’action dans les deux mois. Ensuite, c’est éternellement, par voie d’exception, que sa validité pourra être remise en cause.

Je prends acte du fait que la situation actuelle ne bénéficie pas d’une sécurité juridique, mais je reconnais que l’amendement n° 70 rectifié présente des défauts. C’est pourquoi je le retire, tout en étant désolé de ne pas avoir trouvé mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 70 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur l’amendement n° 462 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Depuis 2002, la loi n’est plus le mode normal de législation : elle est de plus en plus remplacée par des ordonnances.

Michel Charasse a dit qu’il en était ainsi depuis l’origine de la Ve République, mais je ne partage pas totalement ce point de vue. En effet, depuis 2002, nous assistons à une inflation, sans commune mesure, en matière de recours aux ordonnances. La moitié des ordonnances prises depuis 1958 l’a été par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002. Aujourd’hui, la proportion des ordonnances intervenant dans le domaine de la loi correspond à plus de la moitié des textes. En 2004, la proportion s’élevait à 56, 5 % ; en 2005, elle atteignait 63, 3 %.

Je suis étonné que la révision constitutionnelle que nous examinons actuellement ne traite pas de ce sujet.

Le dessaisissement du Parlement, qui est un vrai problème, s’accroît, en raison de la diversification de l’objet des ordonnances.

Depuis les lois de simplification du droit de 2003 et 2004, la possibilité donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnances en matière de simplification de la législation lui permet de procéder à des modifications de toutes les lois faisant l’objet d’une habilitation très large.

Le dessaisissement du Parlement résulte également de l’extension de la durée d’habilitation, qui atteint désormais un an et reste valable, quel que soit le gouvernement.

Il s’agit là d’un véritable dysfonctionnement de notre système de production des normes.

Les membres du groupe socialiste considèrent que le recours à l’article 38 n’est pas la solution pour remédier à cette situation ; au contraire, il accroît la dépossession du Parlement. Cela crée un profond malaise. Aujourd’hui, le temps du Parlement n’est plus celui du Gouvernement, si je puis dire.

Le recours aux ordonnances a également été justifié par l’encombrement chronique de l’ordre du jour. Mais qui est en responsable d’un tel état de fait, si ce n’est le Gouvernement ? Ce dernier devrait en prendre conscience et veiller à éviter cet encombrement, que nous dénonçons tous.

La systématisation du recours aux ordonnances est le signe d’un dérèglement global de notre système. Les membres du groupe socialiste appellent à une stricte limitation du recours à l’article 38 : nous l’avons indiqué au Gouvernement lorsque nous avons présenté nos premières propositions ; nous l’avons expliqué au comité Balladur ; cela figure dans les rapports que le groupe socialiste a déposés pour apporter sa contribution au débat.

Nous sommes favorables à l’interdiction du recours aux ordonnances dans certains domaines, notamment celui des libertés publiques.

La durée d’habilitation devrait être limitée à un an et la loi d’habilitation devrait fixer un délai de ratification explicite du Parlement.

Enfin, les directives européennes pourraient être transposées par ordonnance, sauf lorsqu’elles concernent les services publics ou les entreprises nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le Gouvernement a émis, à tort, me semble-t-il, un avis défavorable sur notre amendement, ainsi que sur l’amendement n° 70 rectifié, que M. Lecerf a retiré.

Les membres du groupe socialiste ne sont pas systématiquement opposés au recours aux ordonnances, qui peut être non seulement utile, mais nécessaire.

À partir de la semaine prochaine, le Sénat va examiner le projet de loi de modernisation de l’économie, qui ne comporte pas moins de sept habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances. Qui plus est, ce texte ayant été déclaré d’urgence, il ne donnera lieu qu’à une seule lecture dans chaque assemblée. Cette pratique constitue un abus de droit.

Par ailleurs, je veux revenir sur l’encadrement du recours aux ordonnances. Je trouve regrettable que M. Lecerf ait retiré l’amendement n° 70 rectifié, car les parlementaires peuvent agir sur ce point et à bon escient.

Dans le travail effectué par le Parlement et par le Gouvernement pour encadrer les ordonnances, la majorité et l’opposition n’ont pas les mêmes droits : une vraie négociation peut être menée avec la majorité, mais l’opposition en est généralement exclue.

L’amendement n° 462 rectifié est justifié, parce qu’il tend à limiter le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances et à rappeler au Gouvernement qu’il abuse de cette pratique depuis quelques années, et particulièrement ces derniers temps. J’ai cité un texte, mais j’aurais pu en évoquer bien d’autres, depuis cette nouvelle législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tout d’abord, le Parlement a réalisé un important travail de codification. Il me paraît difficile de ne pas recourir à des ordonnances en l’espèce, sauf à instaurer des procédures simplifiées.

Par ailleurs, un énorme effort a été accompli dans le domaine de l’application de la législation à l’outre mer. La voie des ordonnances a été retenue en raison du retard accumulé. J’ai moi-même été rapporteur de plusieurs projets de loi, comportant jusqu’à trois cents articles.

Il convient aussi de relever le considérable retard qu’a pris la France dans le domaine des directives européennes. §

Ma chère collègue, voulez-vous que je vous cite des directives plus anciennes qui n’ont jamais été ratifiées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n’est pas une question de droite ou de gauche : c’est le fait du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez cité 2002 !

Quoi qu’il en soit, pour toutes ces raisons, le nombre d’ordonnances a augmenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En revanche, les ratifications explicites ont été beaucoup plus nombreuses que par le passé. C’est une sorte de compensation !

Personne ne souhaite le recours aux ordonnances, mais encore faudrait-il trouver d’autres procédures permettant un débat général et l’examen d’amendements. Je tiens ces propos en ma qualité de rapporteur de nombreux projets de loi, relatifs, notamment, à l’outre-mer : au cours de leur examen furent adoptés trois cents ou quatre cents amendements tendant à introduire des petites corrections.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mon cher collègue, si l’on extrait de ce pourcentage les directives européennes, la codification, les textes relatifs à l’outre-mer, ce pourcentage devient beaucoup plus faible. Il faut nuancer !

Je n’aime pas non plus spécialement le recours aux ordonnances ; nous l’avons du reste refusé pour certains sujets fondamentaux. Ainsi, les prescriptions en matière civile – vous n'étiez pas encore garde des sceaux, madame la ministre – devaient faire l’objet d’une ordonnance. En fin de compte, une proposition de loi a été déposée à ce sujet, et je m’en félicite.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. le rapporteur vient d’évoquer la codification, les directives, domaines dans lesquels nous avions du retard à rattraper. Mais le service juridique du Sénat nous a indiqué qu’au cours de la dernière période quinquennale 2002-2006 le nombre de lois avec mesures d’habilitation dépassait celui qui a été enregistré pour les vingt années 1984-2003. Il n’y aurait donc pas eu, pendant toute cette période, de lois de codification…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est un fait : la dérive, en matière de recours aux ordonnances, s’accentue.

Outre l’abrogation de l’article 38 relatif aux ordonnances, nous avons proposé des mesures d’encadrement.

Comme vous l’avez dit, monsieur Hyest, les textes fondamentaux ne devraient pas être pris par ordonnances. Nous pourrions donc prévoir, démontrant ainsi notre volonté de revaloriser le rôle du Parlement, que les textes relatifs aux libertés publiques ne peuvent être pris par ordonnances. Nous considérons, en effet, qu’il est important d’encadrer cette procédure.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l’article 13 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je serai bref. Je voudrais rappeler qu’au printemps 1982 le gouvernement de Pierre Mauroy a fait voter dans l’urgence, sur les problèmes de l’emploi, un train d’ordonnances qui comporte la mesure, que j’ai toujours contestée – et pas seulement moi, mais tout le Sénat –, qui oblige les collectivités territoriales à payer les indemnités de chômage au personnel qu’elles licencient, et que ces ordonnances n’ont jamais été ratifiées, et pour cause !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nanti de cette précision supplémentaire, mon vote sera d’autant plus clair, monsieur le président. Nous approuverons cet article qui nous semble, comme nous avons eu l’occasion de le dire, constituer un progrès.

Il serait dommage que notre débat, qui s’orientait vers une optimisation supplémentaire, fasse oublier ce léger progrès initial. Il y en a tellement peu, que nous nous devons de l’apprécier !

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour souligner le fait que nous avons commencé cette semaine comme nous avons achevé la précédente, c’est-à-dire sur un nouveau témoignage de fermeture du Gouvernement, même si celle-ci prend un aspect souriant.

Par deux fois, en effet, alors que M. le rapporteur sollicitait l’avis du Gouvernement sur l’un de nos amendements, et ne manifestait donc aucune hostilité à l’égard de la proposition que nous présentions après en avoir débattu – j’essaie de ne pas dénaturer vos propos, monsieur Hyest ! –, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

N’allez tout de même pas trop loin, monsieur Frimat !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je n’irai pas plus loin !

…par deux fois, donc, et sans que cela nous surprenne outre mesure – c’est plutôt l’inverse qui nous aurait surpris ! –, Mme la garde des sceaux nous a expliqué, en termes tout à fait courtois, que notre amendement était inutile, que l’on pouvait s’en passer et que, pour cette raison, elle émettait un avis défavorable.

Je me permets de lui suggérer de méditer cette phrase merveilleuse prononcée par Cyrano de Bergerac avant de mourir assassiné, dans la si belle scène qui conclut la pièce d’Edmond Rostand : « Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non, non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »

Je tiens à vous remercier, madame la garde des sceaux, d’avoir ainsi rendu hommage à la beauté de notre travail.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous ne pouvons qu’en prendre acte ! Mais nous ne nous priverons pas de dénoncer régulièrement cette attitude. (M. le secrétaire d'État lève les yeux au ciel.), même siM. Karoutchi essaye, en regardant la voûte céleste, d’y trouver l’inspiration qui lui manque.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Seulement la voûte du Sénat ! Depuis quand le Sénat est-il un temple ?

L’article 39 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés ;

2° Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :

« Les projets de loi sont élaborés dans des conditions fixées par une loi organique.

« Ils ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour tant que les Conférences des Présidents constatent conjointement que les règles fixées par la loi organique sont méconnues.

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 199 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 280 rectifié est présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mmes Dini, Férat et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « avis » est inséré le mot : « public » ;

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 199.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 39 de la Constitution prévoit que le Conseil d’État est obligatoirement saisi de tous les projets de loi avant leur adoption par le conseil des ministres et leur dépôt devant le Parlement. Cette compétence du Conseil d’État concerne l’ensemble des textes normatifs de valeur législative et constitutionnelle.

Les séances des sections administratives et de l’assemblée générale du Conseil d’État ne sont pas ouvertes au public. Si un certain nombre d’avis sont publiés au rapport annuel du Conseil d’État, les avis sont destinés au seul Gouvernement et ne sont rendus publics que si le Gouvernement en décide ainsi.

Par cet amendement, nous demandons la publicité de ces avis. D’une part, nous considérons que, si ces avis ne sont pas publics, ils ne sont pas secrets pour tout le monde. L’accessibilité à géométrie variable à de tels documents pose déjà un problème. D’autre part, en raison de l’expertise juridique qu’ils délivrent, ces documents sont précieux pour l’information et la formation du jugement des parlementaires. Enfin, cela éviterait la suspicion et les situations délicates dans lesquelles, après que le ministre s’y est engagé en commission et dans le respect total de la Constitution qui ne le lui interdit en rien, l’avis n’est jamais transmis.

Je rappelle pour ceux qui n’y ont pas assisté que, lors des débats au Sénat sur le projet de loi relatif à la réforme portuaire, notre groupe a fait un rappel au règlement afin d’attirer l’attention du ministre sur la non-transmission de l’avis du Conseil d’État sur ce projet, alors même que ledit ministre s’y était engagé publiquement devant la commission des affaires économiques.

Le ministre nous a répondu qu’il n’était pas de tradition de transmettre les avis du Conseil d’État et qu’en outre il s’agissait, en l’occurrence, non pas d’un avis à proprement parler, mais de quelques modifications rédactionnelles, donc rien qui puisse retenir l’attention du Parlement. C’est savoureux !

Le ministre s’est alors à nouveau engagé à nous faire parvenir le document qui était, selon nous, fondamental, au regard de l’atteinte au domaine public portée par le projet de loi.

Plusieurs jours après la fin des débats, nous avons reçu, de la part des services du ministère, un document de quelques lignes, ni signé ni daté, livrant une analyse postérieure au débat et qui, par conséquent, ne pouvait être confondu avec les remarques, toujours antérieures, du Conseil d’État.

Cette attitude est d’autant plus déplaisante que l’on ne saurait imaginer un seul instant que le Conseil d’État se contente de quelques lignes sur un sujet aussi important, alors que les projets de loi qui lui sont adressés sont instruits par un rapporteur et donnent lieu à un projet amendé ou à une note de rejet, elle-même discutée et votée. Si ce n’était pas le cas, on pourrait s’interroger fortement sur la qualité et la raison d’être de sa fonction consultative !

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous vous demandons d’adopter notre amendement, qui permettra enfin d’éviter que les ministres ne se déjugent et de rendre les avis publics pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l’amendement n° 280 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Cet amendement vise à rendre public les avis du Conseil d’État lorsque celui-ci est saisi d’un projet de loi.

L’obligation de consulter le Conseil d’État revêt une importance toute particulière dans la mesure où plus de 80 % des lois sont d’initiative gouvernementale. Si l’avis est obligatoire, celui-ci est traditionnellement secret, la publicité étant réservée au Gouvernement et au Conseil constitutionnel lorsque ce dernier est saisi d’un recours.

Cette règle du secret n’est mentionnée dans aucun texte, ni dans la Constitution, ni dans l’ordonnance de juillet 1945, ni dans le décret du 30 juillet 1963. Le secret relève davantage de la tradition et peut trouver un fondement juridique dans l’obligation de discrétion et de secret professionnel faite aux fonctionnaires.

Si le secret peut se justifier par le fait que le Gouvernement est le destinataire de cet avis, il n’en est pas de même pour le maintien de cette obligation s’agissant des parlementaires. Cela se justifie d’autant moins que le Gouvernement se prévaut fréquemment des avis du Conseil d’État au cours des débats devant le Parlement, sans en donner la teneur ou en ne la faisant connaître que partiellement.

Enfin, et c’est certainement le plus regrettable, le contenu de l’avis est très souvent reproduit dans la presse.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que cet avis soit rendu public.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 466, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les avis du conseil d'État sur les projets de loi sont rendus publics après leur adoption en conseil des ministres. »

La parole est à M. Yannick Bodin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Cet amendement tend à rendre publics les avis du Conseil d’État, après leur adoption en conseil des ministres.

Chacun a bien compris qu’il ne s’agit ni de remettre en cause la fonction de conseiller du Gouvernement qui est dévolue au Conseil d’État ni de porter atteinte au secret des délibérations du Gouvernement, puisque celui-ci est libre de s’écarter de l’avis du Conseil d’État. C’est pour cette raison qu’il est précisé dans cet amendement que les avis du Conseil d’État sont rendus publics uniquement à l’issue de leur adoption par le conseil des ministres.

Il s’agit en fait, avec cet amendement, d’améliorer le travail des parlementaires en leur procurant une meilleure information et en leur permettant de débattre des projets de loi en toute connaissance de cause. En effet, cela peut leur permettre de mieux connaître les intentions et les objectifs du Gouvernement.

Que le Gouvernement soit informé, c’est tout à fait normal. Mais que le Parlement ne le soit pas, alors que nous essayons d’engager l’un et l’autre le dialogue, c’est plus difficilement acceptable.

Enfin, disons-le franchement, ces avis font souvent, voire systématiquement, l’objet de fuites, totales ou partielles. Si cet amendement est adopté, il sera mis fin au caractère aléatoire de la confidentialité de ceux-ci.

Rappelons d’ailleurs que le comité Balladur « a estimé utile à la qualité du travail législatif que les avis émis par le Conseil d’État sur les projets de loi dont il est saisi, en application de l’article 39 de la Constitution, soient rendus publics ».

Ainsi serait mis un terme aux rumeurs qui entourent cet avis dont la publication n’est autorisée, au cas par cas, par le Gouvernement qu’à la fin de chaque année. D’ailleurs, dans nos propres débats, rappelons-le, les rapporteurs font souvent référence à ces avis, mais sans les communiquer aux membres de la commission.

En un mot comme en cent, nous vous proposons tout simplement de faire en sorte que les rumeurs cessent et que nous disposions d’informations exactes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous allons mettre beaucoup de choses dans la Constitution !

Le débat sur la publicité des avis du Conseil d’État sur les projets de loi revient de façon récurrente. Nous aborderons ultérieurement la question des propositions de loi.

Généralement, nos collègues de l’opposition ont connaissance des avis du Conseil d’État avant nous. §(M. Michel Charasse s’exclame.) C’est sans doute la marque d’une respiration de la démocratie…

Pour ma part, j’estime que cette disposition ne doit pas figurer dans la Constitution.

Je rappelle que le Conseil d’État est le conseil du Gouvernement.

M. Yannick Bodin s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Laissez-moi terminer, monsieur Bodin ! Décidément, les Seine-et-Marnais, cet après-midi ... !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous m’avez interpellé tout à l’heure !

Le Conseil d’État donne un avis au Gouvernement sur les projets de loi. Cette procédure est utile lorsque le Conseil d’État n’est pas entièrement d’accord, mais elle provoque des polémiques. Or si ces avis sont rendus publics, les polémiques seront encore plus importantes.

Le conseil, c’est une chose, la décision politique, c’est le Gouvernement qui la prend !

Je ne suis pas certain qu’il faille systématiquement publier les avis du Conseil d’État. Mais, en tout état de cause, cette disposition ne doit pas figurer dans la Constitution.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le Gouvernement partage tout à fait la préoccupation d’améliorer la qualité de la législation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’article du projet de loi constitutionnelle introduit l’avis du Conseil d’État pour les propositions de loi.

En revanche, le Gouvernement ne partage pas votre position s’agissant de la publicité de l’avis du Conseil d’État, d’abord parce que cet avis appartient à celui qui le demande, ce dernier pouvant tout à fait en faire la publicité s’il le souhaite. Mais si l’avis est d’emblée public, avant même que le destinataire en ait connaissance, cela risque de brider le Conseil d’État lorsqu’il doit rendre des avis plus circonstanciés. Il faut donc laisser le destinataire en faire la publicité s’il le souhaite.

Je prendrai l’exemple des textes émanant du ministère de la justice, qu’ils portent sur les peines plancher ou sur la rétention de sûreté : les avis ont été rendus publics et une grande transparence a été de mise.

Il est, en particulier, préférable de ne pas obliger le Gouvernement à rendre publics ces avis.

Peut-être considérerez-vous, monsieur Frimat, que je ferme la porte une fois de plus, mais la proposition du groupe socialiste de rendre publics les avis du Conseil d’État sur les projets de loi après leur adoption en conseil des ministres suscite elle aussi des réserves.

Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 199 et 280 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je suis au regret de ne pas être de l’avis de mes amis du groupe de l’UC-UDF auteurs de l’amendement n° 280 rectifié.

Je partage, en revanche, celui de M. le rapporteur : il serait inutile, superflu et éventuellement dangereux de « sacraliser » les avis du Conseil d’État en les rendant publics, car cela en ferait inévitablement l’une des étapes du processus législatif. Celui-ci, qui est déjà assez compliqué comme cela, s’en trouverait brouillé, car une telle publication ne manquerait pas de donner lieu à une polémique. Ce qui se passe en amont de l’examen du projet du Gouvernement ne regarde que ce dernier. §

Certes, des fuites se produisent, comme pour toutes les choses confidentielles, mais ce n’est pas une raison pour légaliser les fuites ! L’avis du Conseil d’État reste un avis privé donné au Gouvernement, qui en fait ce qu’il juge devoir en faire en son âme et conscience. N’en faisons pas un élément de la procédure législative et, par voie de conséquence, un objet de polémique.

C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Comme vient de le dire M. Pierre Fauchon, l’avis du Conseil d’État est, depuis l’avènement de la IIIe République, c’est-à-dire depuis bientôt 150 ans, réservé au Gouvernement.

Si d’ailleurs nous adoptons, dans un moment, la disposition tendant à ouvrir la possibilité de consultation du Conseil d’État pour les propositions de loi, cet avis sera réservé au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Si le Parlement veut le rendre public, il le rendra public.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

De même, aujourd'hui, si le Gouvernement veut le rendre public, il le rend public.

Il faut quand même savoir, parce que l’on fantasme beaucoup sur ces avis, que, la plupart du temps, ils sont surtout juridiques, mais parfois teintés d’opportunité.

Madame Borvo Cohen-Seat, sur des textes très importants, j’ai vu passer, pendant quatorze ans, à l’Élysée, dans le dossier du Président de la République, des avis du Conseil d’État qui étaient quelquefois de trois lignes, de deux paragraphes ou d’un seul, bien qu’il se soit agi de sujets majeurs.

La plupart du temps, il n’y a pas de note, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

… il y a le texte plus ou moins rerédigé par le Conseil d’État.

Quelquefois, cependant, il s’agit effectivement d’un avis d’opportunité. La plupart du temps, il est d’une portée superficielle, par exemple une simple recommandation de bon sens : « Faites attention ! Vous avez adopté, voilà deux ans, un texte comportant des dispositions contraires à celles-ci ! »

Dans quelques cas, cet avis est très désagréable pour le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

La fonction consultative du Conseil d’État n’étant pas une fonction juridictionnelle, le Gouvernement n’est donc pas tenu de suivre les avis rendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Si ses avis sont rendus publics, à la suite de deux ou trois polémiques qui feront scandale, ou bien le Conseil d’État choisira de ne plus rien dire et de ne plus rien écrire, et ne s’exprimera plus sauf verbalement et en privé, ou bien le législateur – comme, en l’occurrence, cela relève du domaine réglementaire, ce sont les dispositions réglementaires qui régissent le Conseil d’État qui s’appliqueront – interviendra pour rappeler au Conseil d’État que ce dernier doit désormais émettre non plus des avis d’opportunité, mais des avis purement juridiques sur les articles.

J’estime que ce serait une mauvaise solution, même si je comprends parfaitement la démarche de celles et de ceux qui demandent à consulter ces avis. Mais la procédure est ainsi faite. Si nous avons une procédure d’avis sur les propositions du Parlement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

… dans ce cas, les assemblées pourraient décider de les rendre publics comme un élément des travaux préparatoires de la loi.

En revanche, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, nous pourrions peut-être réfléchir à une solution qui conduirait le Gouvernement à donner au moins le sens général de ces avis, sans entrer dans les détails : nous saurions ainsi s’ils sont favorables ou non, ce qui lèverait une grande partie du mystère.

Tout cela est délicat, et, non plus que M. Pierre Fauchon, je ne peux voter ces amendements : il faut tout de même laisser au Gouvernement le droit de s’entourer des avis et des conseils qu’il veut, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. … faute de quoi, mes chers collègues, il vous faudra bientôt révéler les avis de vos assistants parlementaires. Je ne suis pas sûr que cela vous arrange !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Nous regrettons bien entendu que ni le Gouvernement ni la commission ne soient favorables à l’amendement n° 466, mais il ne s’agit que d’un regret, nous ne sommes pas pour autant désespérés…

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

… puisque, fort heureusement, dans la pratique, ces avis sont, pour l’essentiel, publiés dans la presse ! Nous eussions préféré que leur publication fût prévue dans la Constitution, mais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous nous contenterons de la presse quotidienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Quant à savoir s’il s’agit ou non d’une nouvelle ouverture, madame la garde des sceaux, j’ai le sentiment que la porte est fermée depuis déjà pas mal de jours et qu’il n’y a rien de changé cet après-midi !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La question de la publicité des avis du Conseil d’État ne me paraît pas représentative du clivage entre majorité et opposition. C'est la raison pour laquelle, personnellement, je voterai ces amendements.

En effet, lorsque j’ai été élu parlementaire, je pensais naïvement que les avis du Conseil d’État étaient réservés au Gouvernement et que ce dernier les diffusait s’il le souhaitait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cependant, j’ai pu m’en apercevoir, ce n’est pas du tout ainsi que cela se passe : c’est par des personnes autres que les membres du Gouvernement que j’étais informé desdits avis, y compris lorsque j’étais rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J’apprenais leur teneur, par exemple, de la bouche de collègues autrefois conseillers d’État ou ministres. Je remercie d’ailleurs très vivement l’un de mes collègues de l’opposition ici présent, que j’apprécie beaucoup, de m’avoir fait connaître parfois, quand j’étais rapporteur, les avis du Conseil d’État.

Aujourd’hui, connaissant mieux les milieux de la presse parisienne, il m’arrive d’être informé de ces avis par les responsables de la rubrique judiciaire des grands journaux parisiens.

Ces procédés ne me semblant pas particulièrement convenables, il serait selon moi beaucoup plus sage de rendre les avis publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Lecerf a tout dit. J’ajouterai cependant que, puisque c’est le Parlement qui vote la loi, qu’il soit informé des avis du Conseil d’État sur un projet du Gouvernement me paraîtrait tout à fait logique !

Il n’y a pas, d’un côté, le Gouvernement qui préparerait des lois en suivant sa propre voie, et, de l’autre, le Parlement qui en élaborerait d’autres. Non ! C’est le Parlement qui vote la loi, que le texte soit d’origine gouvernementale ou parlementaire.

Il est donc tout à fait normal que le Parlement, avant de voter, sache quel est l’avis du Conseil d’État sur un projet du Gouvernement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 45 rectifié bis, présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. Ferrand, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à M. Christian Cointat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Par voie d’amendement, l’Assemblée nationale a supprimé, à l’article 39 de la Constitution, toute référence aux Français de l’étranger. Cet amendement trouve son origine à gauche, celle-ci voulant enlever toute priorité au Sénat dans l’examen des textes relatifs aux collectivités territoriales ou aux Français établis hors de France. Finalement, seuls ces derniers ont fait les frais de l’opération.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je constate d’ailleurs que nos collègues socialistes vont tenter de poursuivre l’opération s’agissant des textes relatifs aux collectivités territoriales, au travers de l’amendement qui suit.

En réalité, cette question de priorité est sans doute pour le moins curieuse, car il me paraît tout de même naturel que l’assemblée la plus compétente, s’agissant d’un domaine qui relève de sa spécialité, puisse se prononcer en premier afin d’éclairer les députés, qui sont appelés à trancher en dernier ressort. Cela me semble tellement évident que je suis étonné de ces manifestations de susceptibilité !

Le vrai problème n’est pas là : il tient à la politique définie lors de l’élaboration de la Constitution de la Ve République.

En effet, ses rédacteurs ont alors choisi de prendre en compte les Français de l’étranger en décidant qu’ils seraient représentés, comme tous les citoyens, à l’Assemblée nationale, cette dernière représentant tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence. Le Sénat représente, lui, les collectivités de citoyens, autrement dit les collectivités territoriales.

Il se trouve que, à cette époque, il a été décidé de permettre aux Français de l’étranger de s’inscrire sur les listes électorales en France dans une commune de rattachement et de participer à l’élection des députés par ce biais.

C’est pourquoi les Français de l’étranger ont aujourd'hui des députés ! Il ne faut pas croire qu’ils sont privés de représentation nationale : ils sont représentés par des députés élus dans les départements de la République française.

Par ailleurs, si les Français de l’étranger sont représentés à l’Assemblée nationale en tant que citoyens, force est de constater qu’ils ont une spécificité tout à fait particulière, et, aux termes de l’article 24 de la Constitution, il a été reconnu qu’ils formaient non pas une collectivité territoriale, mais une collectivité de fait, et qu’à ce titre ils devaient être représentés au Sénat.

Le fait qu’ils soient représentés par des députés spécifiques ne change rien : les Français établis hors de France constitueront toujours demain une collectivité de fait, qui va d’ailleurs être renforcée par la création de députés et qui devra naturellement se transformer en une collectivité de droit.

Il ne manquait aux Français de l’étranger que la création de sièges de député pour que les attributs d’une collectivité de plein exercice – une collectivité extraterritoriale, bien entendu – soient réunis. Aucun citoyen français ne peut être privé de l’appartenance à une collectivité publique de la République.

Pour l’instant, les Français établis hors de France relèvent des communes, mais, dès lors qu’ils voteront pour élire des députés spécifiques, comment justifier qu’ils puissent continuer très longtemps à participer à la désignation des conseillers généraux, des conseillers régionaux, des conseillers municipaux ?

Par conséquent, c’est un problème de fond qui se pose. L’Assemblée nationale l’a parfaitement compris, puisqu’elle reconnaît que si, de par la Constitution, Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent avoir des sénateurs spécifiques en tant que collectivités, elles n’ont pas forcément à avoir de députés spécifiques, et que la situation actuelle, avec une circonscription englobant une partie de la Guadeloupe, pourrait être maintenue.

Telle est en tout cas la position qu’ont adoptée un certain nombre de députés.

Dans ces conditions, il est évident que traiter de manière différenciée, à l’article 39 de la Constitution, les Français établis hors de France remet en cause l’émergence, que j’appelle de mes vœux et qui doit être organisée autour de l’Assemblée des Français de l’étranger élue au suffrage universel, de la collectivité formée par cette catégorie de nos compatriotes, une collectivité d’outre-frontières, certes extraterritoriale, mais néanmoins publique.

Cette remise en cause est très indirecte. Je reconnais que plus aucune spécificité n’est indiquée à l’article 24 de la Constitution pour le Sénat, mais, pour autant, cette spécificité, comme je viens de le démontrer, existera toujours demain.

Il est donc quelque peu regrettable, mes chers collègues, que, pour des raisons de susceptibilité aucunement fondées, puisque ce sont les députés qui ont le dernier mot et qui doivent être éclairés en connaissance de cause avant de prendre leur décision finale, la collectivité des Français établis hors de France se voit appliquer un traitement différent de celui qui est réservé aux collectivités territoriales.

Plus grave encore, alors que nous avons, en 2003, modifié la Constitution de façon à préciser que la France est organisée de manière décentralisée, les Français établis hors de France, qui sont au nombre d’environ 2, 3 millions, sont les seuls à ne pas être encore organisés ainsi dans leur vie quotidienne, c’est-à-dire pour ce qui n’a rien à voir avec les pouvoirs régaliens de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Il est donc utile de bien montrer que cette collectivité existe.

Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement. Je souhaitais, mes chers collègues, vous expliquer la situation, attirer votre attention sur cette évolution, qu’il faut arriver à maîtriser, sans altérer l’esprit ayant présidé à la rédaction de la Constitution de la Ve République. Je vous invite à maintenir la rédaction actuelle de l’article 39 de la Constitution, car il serait dommage de revenir aujourd’hui sur des dispositions que nous avons tous votées en 2003.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 463, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 1° de cet article : 1° La seconde phrase du second alinéa est supprimée.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À titre personnel, je fais miens dans une très large mesure, ce qui n’est pas le cas de tous les membres de mon groupe, les propos que vient de tenir M. Cointat. Cela tient sans doute à notre spécificité de représentants des Français de l’étranger.

Cela étant, si notre assemblée devait continuer dans la même voie que l’Assemblée nationale, nous irions pour notre part plus loin en demandant le parallélisme des formes, c’est-à-dire la suppression de l’examen prioritaire par le Sénat non seulement des textes relatifs aux Français établis hors de France, mais également des textes relatifs aux collectivités territoriales.

En effet, cette priorité législative, similaire à celle dont bénéficie l’Assemblée nationale pour les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, déséquilibre d’une part l’institution parlementaire, puisqu’elle instaure sur ce point la primauté du Sénat sur l’Assemblée nationale, et obscurcit d’autre part les règles de la procédure.

Par ailleurs, bien qu’elle s’inspire des règles applicables à l’examen des projets de loi de finances, la priorité sénatoriale ne bénéficie pas d’une légitimité comparable à celle de l’Assemblée nationale s’agissant de la procédure d’élaboration du budget.

Enfin, la définition des textes pour l’examen desquels le Sénat dispose d’un droit de priorité est insuffisante. À l’image de la notion imprécise de projet de loi de finances sous la IIIe et la IVe Républiques, la caractérisation des projets de loi dont « le principal objet est l’organisation des collectivités territoriales » est incertaine. Je pourrais en donner plusieurs exemples.

Pour toutes ces raisons, nous invitons le Sénat à voter notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je salue la passion de M. Cointat pour la représentation au Parlement, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, des Français établis hors de France !

La théorie très originale de la collectivité de fait sans territoire est intéressante.

Cela étant, je rappelle que, en 2003, il avait d’abord été établi que le Sénat examinerait en premier lieu les textes concernant les collectivités territoriales. Comme notre assemblée avait le monopole de la représentation des Français établis hors de France, il était bien naturel que, sur la proposition de M. Cointat, d’ailleurs, nous ayons étendu cette priorité aux textes les concernant.

Si cette priorité se justifie toujours dans le premier cas parce que le Sénat continue d’assurer la représentation des collectivités territoriales, la création de députés représentant les Français de l’étranger entraîne, en bonne logique, qu’il n’y ait plus de priorité d’une assemblée sur l’autre dans le second cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous verrons plus tard quelles sont les mesures transitoires à prendre.

Nous ne pouvons donc, monsieur Cointat, être favorables à l’amendement que vous avez défendu, l’Assemblée nationale ayant tiré la conséquence logique de la création de députés des Français établis hors de France.

En revanche, nous avons réintroduit à l’article 34 de la Constitution la mention des institutions représentant les Français établis hors de France, celle-ci ayant été supprimée à l’article 39.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, tout en comprenant parfaitement vos arguments. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Cela étant, vous semblez en fait regretter, dans votre for intérieur, la création de députés représentant les Français établis hors de France !

M. Christian Cointat rit

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Par ailleurs, la commission est également défavorable à l’amendement n° 463, car il n’y a à mon sens aucune raison de revenir sur ce que nous avions voté en 2003. Il me paraît nécessaire, dans cette période, d’insister sur la qualité de représentant des collectivités territoriales du Sénat.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur Cointat, vous souhaitez maintenir la priorité accordée au Sénat pour l’examen des projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français de l’étranger. Je ne reprendrai pas les arguments que vient de donner M. le rapporteur.

Vous souhaitez également conserver dans la Constitution la mention de ces mêmes instances. Sur ce point, le Gouvernement vous a pleinement suivi, puisque nous sommes très attachés également à l’existence de telles institutions, qui contribuent à maintenir le lien entre nos compatriotes installés à l’étranger et notre pays. C’est pourquoi le Gouvernement a soutenu votre amendement tendant à compléter l’article 34 de la Constitution.

S’agissant de l’amendement n° 45 rectifié bis, je comprends tout à fait son objet. Les Français établis hors de France constituent certes une communauté, mais non une collectivité territoriale. C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

Par ailleurs, aucun motif particulier n’amène à réviser la loi de mars 2003 en ce qui concerne l’examen en premier lieu par le Sénat des projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales, puisque le Sénat continue, aux termes de l’article 24 de la Constitution, d’assurer la représentation des collectivités territoriales.

Cette priorité se justifie, c’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

J’indiquerai à l’adresse de M. le rapporteur que je ne regrette pas que le M. le Président de la République se soit penché avec attention sur la situation des Français établis hors de France et ait pensé que la meilleure façon de régler une partie de leurs problèmes était d’épauler les sénateurs les représentant par des députés et de leur permettre d’avoir voix au chapitre au sein de l’Assemblée nationale.

Il ne peut s’agir là d’une erreur, puisque le Président de la République est à l’origine de cette disposition

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je tiens à dire aussi qu’il s’agit pour nous non pas d’insister, au travers de cet amendement, sur la priorité accordée au Sénat en tant que telle, mais sur la nécessité d’instaurer une égalité de traitement entre la collectivité de droit et la collectivité de fait.

Cela étant dit, madame la ministre, vous avez su comprendre les Français établis hors de France en acceptant l’inscription à l’article 34 de la Constitution de leurs instances représentatives, ce qui était le plus important. Dans ces conditions, puisque le Gouvernement a bien montré qu’il s’intéressait aux Français établis hors de France et qu’il était prêt à poursuivre la réflexion sur ce sujet, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 45 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote sur l'amendement n° 463.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je comprends la position de M. Cointat et ses deux idées complémentaires : la reconnaissance des Français établis hors de France dans la Constitution et le maintien de la priorité sénatoriale pour l’examen des textes relatifs à leurs instances représentatives.

Je suivrai l’avis du Gouvernement, mais qu’il me soit permis de regretter ce recul pour le Sénat, car la loi de 2003 dispose que le Sénat examine en priorité les textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales ou aux instances représentatives des Français de l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Pourquoi avait-on institué une telle priorité ? Parce que la qualité du travail législatif du Sénat permet quelquefois d’orienter les débats de manière plus tempérée, et souvent plus moderne !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

On l’a vu à propos d’un texte aussi difficile que le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés : s’agissant de textes complexes, commencer la discussion au Sénat permet souvent de trouver les voies de l’avenir.

Je regrette que si nous gardons en effet la priorité pour l’examen des textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales, conformément à ce que prévoyait la loi de 2003, nous la perdions maintenant pour les textes concernant les instances représentatives des Français établis hors de France.

Je le répète, il s’agit, pour le Sénat, d’un recul que je déplore !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La passion de M. Cointat est connue et sympathique. Sur nos travées, M. Yung et Mme Cerisier-ben Guiga défendent avec la même ardeur les Français qui sont établis hors de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Cela étant, je ne peux pas suivre M. Cointat s’agissant de la notion de collectivité de fait. Les Français établis hors de France sont pleinement citoyens, doivent exprimer cette citoyenneté de toutes les façons et être représentés au Parlement, mais ils ne constituent pas, pour autant, une collectivité de fait. Une telle logique nous mènerait à établir un conseil général des Français établis hors de France et un conseil régional des Français établis hors de France : tout cela n’aurait pas beaucoup de sens !

M. Richard Yung acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Quant à l’amendement n° 463 tendant à retirer au Sénat la priorité pour l’examen des textes concernant les collectivités territoriales, il ne s’agit pas, pour nous, de faire une mauvaise manière à la majorité sénatoriale.

C’est d’ailleurs lorsque vous étiez Premier ministre, monsieur Raffarin, qu’il a été proposé que le Sénat soit saisi en premier lieu des textes relatifs aux instances représentatives des Français de l’étranger. Cette disposition avait sa cohérence, puisque le Sénat était la seule chambre où ces derniers comptaient des représentants. De la même manière, on peut comprendre que l’on supprime aujourd’hui cette priorité.

Cela étant, la priorité dont bénéficie le Sénat est plus théorique que réelle, et on en a eu très vite la démonstration.

Souvenons-nous du débat sur le projet de loi organique relatif à l’expérimentation par les collectivités territoriales, qui s’était conclu par un amendement de notre collègue Yves Fréville prévoyant que les dotations de l’État seraient prises en compte dans la notion d’autonomie financière.

Or, ce texte a été discuté d’abord à l’Assemblée nationale, et le Conseil constitutionnel n’a pas pour autant invalidé la loi pour ce motif. Pourtant, quoi de plus important, s’agissant des collectivités territoriales, que ce débat sur l’autonomie financière, au cœur de la décentralisation ? Néanmoins, il n’a pas commencé dans notre hémicycle.

Par conséquent, pourquoi constitutionnaliser un principe que le Conseil constitutionnel lui-même n’a pas respecté dans sa jurisprudence.

Un second argument semblera peut-être plus polémique.

Le texte peut être indifféremment déposé à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Le Gouvernement a donc toujours la possibilité de soumettre d’abord au Sénat un texte concernant les collectivités territoriales. Cela relève de sa responsabilité, et c’est une responsabilité que je lui laisse bien volontiers, quelle que soit son orientation politique.

Enfin, on nous affirme qu’un texte relatif à l’organisation des collectivités territoriales doit être examiné en premier lieu par le Sénat parce que celui-ci assure leur représentation. Or, sans vouloir revenir sur un débat que nous avons déjà eu et que nous aurons encore, je rétorquerai simplement que, à nos yeux, le Sénat assure de moins en moins bien cette représentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Symboliquement, prendre en compte le fait que la représentativité des collectivités territoriales ne coïncide pas avec celle du Sénat justifierait aussi que ce dernier ne soit plus prioritaire pour l’examen des textes concernant ces collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je voudrais simplement rappeler ou apprendre, peut-être, à notre assemblée que l’on trouve, dans les archives du Sénat, des documents très éclairants.

Autrefois, six sénateurs représentaient les anciennes colonies. Puis le constituant a supprimé la mention des sénateurs et écrit, à l’article 24, que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales.

L’un de nos collègues de l’époque avait alors soulevé la question du devenir des sénateurs des Français de l’étranger, voués en effet à disparaître avec un tel texte. Le garde des sceaux avait admis qu’il fallait trouver une solution, et il avait été décidé d’ajouter dans la Constitution que les Français établis hors de France sont représentés au Sénat.

Une telle rédaction ne signifiait nullement que ces derniers n’étaient pas représentés à l’Assemblée nationale. Comme tous les Français, ils l’étaient, en théorie, mais puisque le scrutin ne pouvait être organisé à l’étranger à cette époque, ils ne pouvaient participer à l’élection des députés. Cette question étant désormais réglée, grâce à la mise en place de centres de vote à l’étranger, les Français établis hors de France peuvent maintenant être représentés à l’Assemblée nationale.

Quant au Gouvernement, je dirai, à la suite de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, que le Sénat travaille tellement bien sur ces sujets qu’il continuera probablement de déposer les textes relatifs aux instances représentatives des Français de l’étranger d’abord sur le bureau de la Haute Assemblée. C’est en tout cas ce que nous souhaitons, madame le garde des sceaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

C’est ce que l’on appelle une autocritique…

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je soutiendrai l’amendement de nos collègues socialistes, car je partage l’idée selon laquelle, par votre fait, mesdames, messieurs les membres de la majorité, le Sénat représente de moins en moins bien les collectivités territoriales, dans la mesure où sa composition ne reflète pas le vote de leurs habitants. Il ne faudrait tout de même pas trop cultiver ce paradoxe, sinon nous y perdrons tous…

En effet, concernant les Français de l’étranger, ils ne peuvent exister que par leur nombre, or vous affirmez que le Sénat a vocation à représenter les collectivités, indépendamment du chiffre de leur population.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comme vous le voyez, à trop vouloir tirer sur la corde et prouver tout et son contraire, on en arrive à se contredire assez facilement !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je souhaite revenir très rapidement sur cette notion de collectivité des Français de l’étranger.

Nous le sentons bien, nous nous heurtons à un grand scepticisme et probablement aussi à un obstacle d’ordre juridique. Néanmoins, telle est bien l’évolution qui est en train de se dessiner. M. Frimat a fait référence, tout à l’heure, à un conseil général des Français de l’étranger. Or c’est très exactement ce que nous avons en tête !

Aujourd'hui, l’Assemblée des Français de l’étranger, instance représentative des Français établis hors de France, est élue au suffrage universel direct. Il est donc tout à fait envisageable qu’à terme cette assemblée se voie confier certains des pouvoirs dont dispose un conseil général et devienne ainsi son équivalent. Nous aurons alors bien une collectivité des Français de l’étranger, même si elle ne sera pas fondée sur un territoire. C’est le sens de l’histoire !

M. Christian Cointat applaudit.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et Alfonsi.

L’amendement n° 464 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article.

La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je propose la suppression des deuxième et troisième alinéas du 2° de l’article 14, car, je dois le dire, je les trouve incompréhensibles !

De quoi s’agit-il ? D’élaborer une loi organique sur l’organisation du travail gouvernemental ? Mais, jusqu’à présent, c’est le Premier ministre qui est le maître de l’organisation du travail gouvernemental, en organisant comme il le veut les différents groupes de travail et comités, notamment interministériels. De son côté, le Président de la République peut convoquer les conseils interministériels.

S’agit-il d’inscrire dans la loi organique l’obligation de publier l’ensemble des travaux préparatoires et des notes réalisées en interne par le Gouvernement ? Veut-on du coup, dans la foulée, rendre obligatoire la publication de l’avis du Conseil d’État ?

Vraiment, je ne comprends pas du tout ce que tout cela signifie ! À mes yeux, une telle disposition ne peut que ralentir et compliquer encore plus le fonctionnement de Matignon et des ministères, sans aucun bénéfice pour personne.

Par conséquent, je propose de la supprimer, sauf si l’on me démontre qu’elle est indispensable. Il n’y a d’ailleurs jamais eu de loi organisant le fonctionnement du travail gouvernemental depuis la IIIe République, et on a toujours bien fonctionné comme cela.

En outre, le système prévu est assez complexe, et je doute que la commission ou le Gouvernement puissent nous éclairer. L’article incriminé prévoit en effet que les projets de loi « ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour tant que les conférences des présidents constatent conjointement que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ». Mais va-t-on les interroger à chaque fois ou va-t-on attendre qu’elles se réveillent spontanément ? Si, un jour, les conférences des présidents ne le font pas spontanément et ne disent rien, le Conseil constitutionnel ne manquera pas de sanctionner et d’annuler !

De plus, cette procédure jouera-t-elle seulement en première lecture ou à tout moment, tout au long des lectures successives ? En première lecture, la conférence des présidents de la première assemblée saisie devra-t-elle solliciter celle de l’autre assemblée, puisqu’il faut, lorsque les règles sont méconnues, qu’elles le constatent conjointement ?

Mes chers collègues, croyez-vous vraiment que, quand la France est confrontée à des difficultés nombreuses, à des problèmes graves qui doivent être réglés en urgence pour tenir notre place en Europe et dans le monde, on a le temps de s’amuser avec des plaisanteries pareilles ? Cela apporte quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 464.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si la commission des lois propose certaines améliorations rédactionnelles au travers de l’amendement n° 112 venant en discussion juste après le nôtre, elles ne portent pas sur le fond du dispositif. Or ce dernier, qui a été inséré à la suite de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, vise à prévoir une loi organique, dont le contenu nous est totalement inconnu, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… ayant vocation à régir les conditions d’élaboration des projets de loi par le Gouvernement. L’Assemblée nationale a donc inventé une loi précisant comment devront être préparés les projets de loi dans l’avenir !

En outre, par le troisième alinéa du 2° de l'article 14, elle a donné aux conférences des présidents des deux assemblées un pouvoir de maître d’école, puisqu’elles pourront refuser d’inscrire un projet de loi à l’ordre du jour si elles estiment que le Gouvernement ne l’a pas élaboré comme il fallait le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Depuis le début de la semaine dernière, on nous rétorque régulièrement que nos propositions n’ont pas leur place dans la Constitution. S’agissant de la présente disposition, je suis tenté de vous retourner l’objection : doit-elle vraiment figurer dans la Constitution ?

Disant cela, je m’attaque, je le sais bien, à des auteurs d’amendements illustres, puisqu’il semble que cette disposition émane notamment de M. Copé. Or, en ces temps de recherche difficile d’une majorité des trois cinquièmes, tout ce qui vient de M. Copé a un prix exorbitant…

Tout cela pour obliger le Gouvernement à réaliser des études d’impact lors de l’élaboration d’un projet de loi : mais rien ne l’en empêche aujourd'hui !

Supposons un instant, par exemple, qu’une telle disposition ait existé à l’époque de l’élaboration du projet de loi relatif aux OGM.

Le Gouvernement aurait alors dû demander à des experts choisis par ses soins de procéder à une étude d’impact. Nul doute qu’après sa publication celle-ci aurait été immédiatement contestée par d’autres scientifiques. En outre, pourquoi aurions-nous dû, nous parlementaires, nous contenter des études d’impact effectuées à la demande du Gouvernement ? Nous n’aurions pas manqué de demander que d’autres études soient réalisées et que le Parlement se dote d’une capacité d’expertise autonome en la matière.

Il est peut-être souhaitable d’éviter la construction de telles usines à gaz, quelle que puisse être par ailleurs leur utilité… On se plaint parfois d’un délire législatif, mais nous tombons ici dans un délire constitutionnel ! Je le dis par avance, la rédaction proposée par la commission des lois est intelligente, mais elle ne règle pas le problème du contenu du dispositif, avec lequel je suis en complet désaccord.

Cela ne signifie pas que nous soyons hostiles a priori aux études d’impact. Toutefois, est-il vraiment indispensable d’imposer au Gouvernement, quel qu’il soit, des guides dans la phase qui précède l’élaboration du projet de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. On nous a pourtant dit que, dans cette même phase, il ne fallait surtout pas rendre publics les avis du Conseil d’État, dont tout le monde a connaissance au demeurant. Par conséquent, ne pensez-vous pas que le Sénat, s’il a vraiment du bon sens, ce dont je doute de plus en plus

Murmures sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… s’honorerait en supprimant cette disposition et en renonçant à ouvrir cette usine à gaz ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 112, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article :

« La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si vous voulez connaître l’auteur de cette disposition, c’est donc là que vous le trouverez, même s’il est vrai que cela avait été également suggéré par un certain nombre de députés.

Ces textes ne pourront être inscrits à l’ordre du jour « tant que les conférences des présidents constatent conjointement que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ».

Ces dispositions suscitent chez vous un certain scepticisme, mon cher collègue. Pour sa part, la commission des lois partage les préoccupations auxquelles cet amendement tend à répondre. Elle estime cependant que la référence aux conditions d’élaboration des projets de loi n’est ni suffisamment précise ni vraiment explicite.

D’une part, il faudrait faire apparaître clairement que les règles fixées dans la loi organique ne pourront concerner que le Gouvernement et l’élaboration des projets de loi avant leur dépôt au Parlement.

D’autre part, ces règles porteraient, comme le recommandait dans son rapport le comité présidé par M. Balladur, sur la réalisation d’études d’impact par le Gouvernement.

C’est donc moins, en fait, les conditions d’élaboration des projets de loi qu’il convient de viser que les modalités de présentation de ceux-ci avant leur dépôt sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’amendement de la commission des lois vise à ce que le Gouvernement présente une analyse des effets attendus d’un texte, analyse qui ne saurait se réduire aux études d’impact, souvent superficielles, dont les projets de loi ont été assortis par le passé selon un usage plutôt aléatoire. D’ailleurs, il y a été renoncé. Il fut une époque où l’on procédait à des études d’impact, peut-être M. Charasse s’est-il livré à ce genre de sport quand il était au Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Le ministère du budget en fait sur tous les projets de loi et se fait régulièrement « ramasser » lors des réunions d’arbitrage qui se tiennent à Matignon !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De toute façon, les études d’impact sont réalisées à la suite du dépôt du projet de loi. Il faudrait les faire avant.

La loi organique devrait détailler le type d’informations que le Gouvernement serait tenu de réunir, ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci seraient transmises au Parlement, au plus tard lors du dépôt du projet de loi concerné. Il appartiendrait ensuite à chaque assemblée d’apprécier ces informations, de les valider, de les compléter, bien sûr, par le travail d’investigation conduit dans le cadre des commissions permanentes et de juger, in fine, si le projet de loi répond à une véritable nécessité.

Cependant, il n’est pas nécessaire, monsieur Charasse, que les deux conférences des présidents constatent conjointement que les règles fixées par la loi organique sont méconnues pour empêcher l’inscription d’un texte à l’ordre du jour.

Il appartient en effet à la conférence des présidents de l’assemblée saisie d’apprécier si ces conditions sont satisfaites. D’ailleurs, cela n’empêcherait pas le Gouvernement, le cas échéant, de déposer son texte sur le bureau de l’autre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C’est ce que prévoit votre amendement, mais pas la rédaction actuelle de l'article !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Élaboration et présentation, ce n’est pas la même chose, monsieur Charasse !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 322, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de l’amendement n° 112 :

« La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat comporte une étude d’impact et répond aux conditions fixées par une loi organique. »

Ce sous-amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 320, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du 2° de cet article par les mots :

d’initiative parlementaire

La parole est à M. Philippe Marini.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En lisant le texte qui nous parvient de l’Assemblée nationale – d’une manière, je le confesse, pas aussi approfondie que la commission des lois –, je me suis interrogé, mes questions étant d’ailleurs assez similaires à celles qui viennent d’être formulées, notamment par M. le rapporteur.

Il me semble que la disposition en débat risquerait, si nous ne l’amendions pas, de produire des conséquences susceptibles de se retourner contre le Parlement. J’ai compris qu’il s’agit de prescrire au Gouvernement lui-même des modalités de préparation de ses textes, mais j’ai observé que, de facto, la rédaction actuelle de l’article 14 soumet une large part de la procédure législative au Conseil d’État, et c’est sur cet aspect des choses que je souhaitais intervenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En effet, en amont, le projet de loi organique serait obligatoirement soumis au Conseil d’État, et, en aval, le Conseil constitutionnel, dont on sait que la jurisprudence a une tendance assez spontanée à l’alignement sur celle du Conseil d’État, serait obligatoirement saisi.

Or, rares ont été les occasions, au moins ces dernières années, où le Conseil d’État s’est montré désireux d’accroître la marge de manœuvre du législateur. L’imprécision de l’alinéa considéré me semble comporter quelques menaces pour le Parlement.

C’est la raison pour laquelle j’ai suggéré, par cet amendement, qui est essentiellement un amendement de questionnement, que la loi organique dont il s’agit soit d’initiative parlementaire. Nous avons une très bonne référence en la matière avec la loi organique relative aux lois de finances, d’initiative parlementaire, qui a permis d’établir des règles du jeu à la suite de débats entre deux chambres dont les majorités étaient, à l’époque, d’orientations opposées. Ces règles du jeu me semblent aujourd’hui faire l’unanimité.

Par conséquent, j’aurais souhaité mieux comprendre les incidences concrètes des dispositions de l’article 14. La rédaction proposée par la commission des lois me paraît de nature à lever les incertitudes que j’ai soulignées. Je voulais néanmoins, tout en souscrivant à son analyse, obtenir des éléments d’appréciation propres à éclairer notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des lois propose un amendement de réécriture des deux alinéas en question de l’article 14 pour mieux en préciser la portée.

Il s’agit, pour l’essentiel, de demander au Gouvernement d’accompagner le projet de loi de certains éléments d’information complémentaires. Cela répond en partie à vos objections, monsieur Charasse.

Parmi les exigences relatives à la présentation des projets de loi, on peut penser aux études d’impact, mais aussi, comme le prévoit un autre amendement, aux annexes ou aux déclarations interprétatives concernant les accords internationaux, dont la ratification est soumise à l’autorisation du Parlement. La loi organique définira de manière complète ces conditions. La commission a estimé que ces dispositions introduites par les députés étaient utiles. Par conséquent, je demande le retrait des deux amendements tendant à leur suppression.

Enfin, l’amendement n° 112 répond largement à vos préoccupations, monsieur Marini, car la rédaction votée par l’Assemblée nationale était assez imprécise et pouvait donner à entendre que la loi organique déterminerait l’élaboration du projet de loi – ce qui n’est pas le cas –, y compris au cours de la procédure législative devant le Parlement.

En réalité, les députés, si je lis bien les comptes rendus des débats et les rapports, souhaitaient viser la nécessité d’accompagner les projets de loi notamment d’études d’impact approfondies.

C’est pourquoi la commission a prévu une loi organique pour définir les conditions de présentation des projets de loi, et bien marquer que les obligations prévues par cette loi s’imposent au Gouvernement avant ou lors du dépôt d’un texte devant le Parlement, mais n’interfèrent pas avec la procédure législative en tant que telle.

Rien n’interdira au Parlement de prendre l’initiative d’une proposition de loi organique fixant les conditions de la présentation des projets de loi, mais il me paraît difficile d’inscrire dans la Constitution que la loi organique qui les déterminera sera d’initiative parlementaire.

Je pense d’ailleurs que le projet de loi ou la proposition de loi organique doit être déjà en préparation, au moins dans certains esprits, sinon en cours de rédaction.

En tout état de cause, c’est nous qui voterons la loi organique. Ensuite, le Conseil constitutionnel se prononcera. La rédaction que j’ai proposée me paraît assez précise s’agissant des exigences posées pour la présentation des projets de loi. Nous répondons ainsi à une volonté depuis longtemps manifestée, et très largement exposée au sein du comité Balladur. Notre rédaction donne, à mon sens, satisfaction aux souhaits des députés – et non d’un député en particulier…

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur le rapporteur, vous proposez de modifier la rédaction des dispositions introduites par l’Assemblée nationale pour encadrer par une loi organique les conditions d’élaboration des projets de loi.

Votre rédaction permet, en effet, de mieux cibler l’objectif visé. Il ne s’agit pas de régir entièrement par la loi organique les modalités d’élaboration des projets de loi, lesquelles comportent, comme vous le savez, un certain nombre de phases d’arbitrage, de consultation et autres. L’objectif est de préciser les conditions non de leur élaboration, mais de leur présentation, notamment en prévoyant les documents qui devront les accompagner, pour obliger le Gouvernement à fournir au Parlement de véritables études d’impact.

Si nous sommes tout à fait d’accord sur la nouvelle rédaction, nous pensons que le texte pourra encore être amélioré au cours de la navette parlementaire. En effet, il peut y avoir blocage en cas de désaccord entre le Gouvernement et la conférence des présidents sur le caractère suffisant ou non de l’étude d’impact. Il faudra prévoir un moyen de sortir d’une telle situation, ce que ne permet pas le texte actuel.

Messieurs Charasse et Frimat, vous proposez de supprimer l’encadrement de l’élaboration des projets de loi envisagé par l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement ne peut pas vous suivre, car il partage pleinement la volonté exprimée par l’Assemblée nationale d’améliorer la qualité de la législation. Comme l’avait relevé le Conseil d’État, de nombreuses circulaires ont été prises en ce sens depuis plusieurs années sans véritable succès. Le seul moyen de rendre de telles dispositions obligatoires est donc de les instituer au moins par une loi organique. Cette dernière pourra par exemple obliger le Gouvernement à accompagner les projets de loi de véritables études d’impact. Il s’agit non pas, comme vous le craignez, d’interdire la concertation ministérielle préalable ni de rendre publics les avis du Conseil d’État, mais d’imposer, à l’échelon approprié, des règles en vue d’une meilleure qualité de la préparation de la loi.

L’adoption de l’amendement n° 112 devrait, je l’espère, lever certaines de vos réticences. En effet, il sera plus clair que l’intention du constituant est bien de préciser les conditions de présentation des projets de loi, notamment en énumérant les documents qui doivent les accompagner, plutôt que d’encadrer leurs conditions d’élaboration.

Enfin, monsieur Marini, vous proposez que le projet de loi organique qui précisera les conditions que devra respecter la présentation des projets de loi soit d’initiative parlementaire.

Le Gouvernement souhaite que le texte organique soit préparé en étroite concertation avec les deux assemblées. Il n’est toutefois pas souhaitable d’inscrire dans la Constitution qu’il devra nécessairement s’agir d’une proposition de loi. Cela interdirait d’ailleurs toute modification ultérieure par le Gouvernement.

Restons-en donc au principe de notre République selon lequel l’initiative de la loi appartient aussi bien au Premier ministre qu’au Parlement.

En résumé, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 112 et défavorable aux amendements n° 21 rectifié, 464 et 320.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 21 rectifié bis et 464.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je ne souhaite pas insister sur ces amendements et je dirai donc juste un mot.

Il faut quand même savoir qu’en principe, chaque texte donne lieu à une étude d’impact, au moins de la part de la direction du budget du ministère du budget. Cela n’empêche pas le ministre du budget de se faire régulièrement « renvoyer dans ses buts » lors de tous les arbitrages à Matignon, surtout quand l’étude d’impact débouche sur un constat abominable. Au fond, qu’est-ce qu’une étude d’impact ? C’est un texte acariâtre, écrit par un grincheux, qui a systématiquement tort, pour doucher les enthousiasmes dispendieux…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Première question : les études d’impact seront-elles expurgées avant publication ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

En effet, si elles le sont – et, à mon avis, elles le seront –, elles présentent un intérêt limité.

Cela étant, monsieur le président, je vais retirer mon amendement, mais j’en profite – et je n’y reviendrai pas – pour poser deux questions à M. Hyest sur son propre amendement.

Si je lis le texte de la commission des lois, les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. Si le Gouvernement affirme les avoir respectées et que la conférence des présidents soutient que ce n’est pas vrai, qui arbitre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Est-ce qu’on passe outre ? Est-ce qu’on change d’assemblée, en retirant le texte à l’une pour le déposer dans l’autre ? Comme Mme le garde des sceaux nous dit qu’il faudra affiner cela pendant la navette, voilà une situation à régler : en cas de désaccord entre le Gouvernement et la conférence des présidents, il faut que quelqu’un puisse arbitrer. En effet, on ne va quand même pas bloquer la vie gouvernementale parce qu’il y a une « chicaya » sur l’application d’une disposition législative de tête d’épingle perdue au fin fond d’une loi organique !

Seconde question, monsieur le rapporteur et cher ami : la loi organique concernera, bien entendu, la conférence des présidents du Sénat. Peut-on considérer qu’elle sera, de ce fait, « relative au Sénat » au sens de l’article 46, quatrième alinéa, de la Constitution ? Auquel cas, elle ne peut pas être votée sans notre accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 21 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l’amendement n° 464.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je ne reprendrai pas les deux questions de Michel Charasse, auxquelles M. le rapporteur va se faire un plaisir de répondre !

Ne serait-ce que pour donner à mes collègues la possibilité de voter contre les dispositions considérées, je suis, pour ma part, dans l’obligation de maintenir l’amendement n° 464.

Je donne acte au président et rapporteur de la commission des lois que son texte constitue une amélioration par rapport à celui de l’Assemblée nationale et lève un certain nombre d’ambiguïtés rédactionnelles.

Il n’en demeure pas moins que tout cela me semble tout de même représenter un carcan inutile. Quels documents devront accompagner les projets de loi ? Ne pensez-vous pas que, plutôt que d’alourdir la présentation des textes, il vaudrait mieux centrer un peu plus notre travail législatif sur l’essentiel ? Je souhaiterais, pour ma part, affranchir le Parlement de la discussion récurrente de tous ces textes inutiles, destinés à « gérer » l’opinion publique et qui nous encombrent !

Parce qu’il nous semble que le Gouvernement a suffisamment d’esprit de responsabilité pour pouvoir de lui-même préparer et présenter une loi dans des conditions satisfaisantes – vous voyez que nous sommes optimistes ! –, je ne vois pas pourquoi on lui imposerait un tel carcan.

Nous maintenons donc l’amendement n° 464.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Charasse m’a posé deux questions.

La réponse à la seconde est incontestablement positive, parce qu’il s’agit d’une loi organique qui concerne aussi bien l’Assemblée nationale que le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quant à la première question, j’estime que quand un projet de loi est mal ficelé et qu’il manque d’éléments d’appréciation, une commission devrait pouvoir se déclarer dans l’incapacité de le rapporter. Ce serait beaucoup plus simple !

Cela étant, on a choisi d’élaborer un dispositif plus complexe. Nous verrons bien comment il fonctionnera, mais je ne suis pas choqué que l’on dispose que tout projet de loi soit au moins assorti d’une étude d’impact sérieuse, portant non seulement sur l’incidence financière du dispositif, mais aussi sur le bilan de l’application de la législation que l’on veut modifier. Nous aurions d’ailleurs intérêt à mener le même type de travail d’évaluation de notre côté : le Parlement s’en trouverait peut-être un peu plus respecté !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 320 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 87 est présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.

L'amendement n° 465 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le dernier alinéa du 2° de cet article.

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter l'amendement n° 87.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les auteurs de cet amendement estiment que le Conseil d'État, qui est d'abord le conseiller du Gouvernement, n'a pas vocation à devenir celui du Parlement. De surcroît, il risquerait de se transformer progressivement en une nouvelle chambre dont les avis deviendraient rapidement incontournables.

Or, autant les auteurs de l’amendement sont favorables au bicamérisme, autant ils sont hostiles au multicamérisme. Ils estiment que le Parlement doit être laissé libre de choisir ses experts en fonction des différents textes qui lui sont soumis et qu’aucun monopole, ni même aucune priorité, ne devrait être réservé au Conseil d'État.

Dans ces conditions, la référence qui est faite à l’avis de ce dernier avant l’examen en commission d’une proposition de loi paraît pour le moins inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 465.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cet amendement vient d’être excellemment défendu par M. Jean-René Lecerf. Je m’en voudrais presque d’abîmer sa démonstration en y ajoutant mes arguments !

Le Conseil d'État est le conseiller du Gouvernement. Qu’il le reste ! On nous a même expliqué tout à l'heure qu’il fallait qu’il conseille l’exécutif avec suffisamment de discrétion pour que le Parlement n’en soit pas averti, celui-ci étant, de toute façon, au courant !

À présent, on nous affirme qu’une proposition de loi pourra être transmise au Conseil d'État par le président de l’assemblée concernée. Mais en fonction de quelles considérations un texte sera-t-il ou non soumis au Conseil d’État pour avis ? Qu’est-ce qui nous garantit que sa transmission au Conseil d'État ne deviendra pas, simplement, un nouveau moyen de ralentir la procédure législative ?

Il me semble que nous sommes dans la confusion la plus totale. Le Conseil d'État, quelque grands que soient ses talents, n’a déjà que trop tendance à vouloir se comporter comme une chambre parlementaire pour que nous ne lui demandions pas d’être notre conseiller !

Si nous avons besoin de conseils, nous pouvons les prendre auprès de qui nous l’entendons, et laisser le Conseil d'État – cette grande institution pour laquelle j’exprime toute mon admiration – jouer pleinement son rôle de conseiller du Gouvernement et de plus haute juridiction administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 198 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut soumettre

par les mots :

soumet

II. - Compléter le même alinéa par les mots :

appartenant à un groupe parlementaire soutenant le Gouvernement.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement vise à obliger les présidents des assemblées à soumettre toutes les propositions de loi au Conseil d'État.

En effet, au cours de ces dernières années, nous avons vu proliférer des propositions de loi que le Gouvernement inspirait et faisait adopter par sa majorité afin précisément d’éviter de les soumettre au Conseil d'État.

Je citerai plusieurs exemples à cet égard, que vous connaissez déjà, mes chers collègues : la proposition de loi de M. Pascal Clément, alors président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre la récidive, en 2005 ; celle de M. Patrick Ollier, député, sur la remise en cause des 35 heures, en 2005 ; celle de notre collègue Jean Arthuis, relative à la Banque de France, en 2006 ; celle de notre collègue Michel Mercier, sur le contrôle comptable du RMI, en 2008.

Je pourrais évoquer d’autres textes – je n’ai pris que les plus récents et les plus marquants – pour lesquels il est clair que le Gouvernement s’est abrité derrière un ou plusieurs membres de sa majorité afin d’éviter le passage par le Conseil d'État, dont pourtant les avis ne sont pas publics – vous refusez d'ailleurs qu’ils le soient, chers collègues de la majorité –, mais vous préférez multiplier les précautions !

Pour ma part, ce qui me gêne, ce n’est pas que les propositions de loi soient transmises au Conseil d'État, c’est qu’une autorité puisse décider des textes qui seront soumis, ou non, à cet examen, qui devrait en fait concerner les propositions de loi inspirées par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cela étant, je retire mon amendement, au profit des amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 198 rectifié est retiré.

L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mmes Dini, Férat et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces avis sont publics.

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Cet amendement vise à rendre publics les avis du Conseil d'État lorsque celui-ci se trouve saisi d’une proposition de loi. Il s'agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 280 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Conseil d'État, parmi d’autres institutions, dispose d’une capacité d’expertise tout à fait éminente.

J’ai apprécié la remarque de Mme Borvo Cohen-Seat : il est effectivement arrivé que des propositions de loi soient largement inspirées par le Gouvernement, certes rarement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En revanche, je ne suis pas d'accord avec vous en ce qui concerne la proposition de loi de M. Pascal Clément sur la récidive : cet exemple est mal choisi, car il s'agissait vraiment d’une initiative parlementaire.

Cette considération mise à part, la commission a estimé souhaitable d’ouvrir aux présidents des assemblées la faculté, car il n’y seront nullement obligés, de solliciter l’avis du Conseil d'État quand une proposition de loi semble poser quelques problèmes juridiques.

Nous n’avons donc pas proposé de supprimer cette disposition, qui reprend d'ailleurs une suggestion du rapport, publié en juillet 2002, du groupe de réflexion sur l’institution sénatoriale, qui s’était réuni à l’époque sous la présidence de notre ancien collègue Daniel Hoeffel. Comme je crois qu’il s'agit d’une bonne idée et qu’il faut la préserver, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques n° 87 et465.

En ce qui concerne l’amendement n° 281 rectifié, il n’est pas nécessaire de préciser dans la Constitution que les avis du Conseil d'État seront publics, car cela va de soi si l’Assemblée nationale et le Sénat en sont les destinataires. Il est d’ailleurs parfois déjà difficile de tenir un secret quand on est deux ; à 577 ou à 348 – car tel sera bientôt l’effectif de la Haute Assemblée – cela me paraît totalement impossible !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 281 rectifié est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 87 et 465 ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Messieurs Lecerf et Frimat, vous proposez de supprimer un article du projet de loi constitutionnelle qui tend à autoriser le Parlement à solliciter, par l’intermédiaire du président de chaque assemblée, l’examen par le Conseil d'État d’une proposition de loi.

Cette possibilité nouvelle permettra au Parlement de demander une expertise complémentaire. Elle ne peut que contribuer au renforcement de la sécurité juridique et à l’amélioration de la qualité de la législation. Elle est cohérente avec le renforcement des pouvoirs du Parlement, en particulier avec la plus grande place qui sera accordée aux propositions de loi et le partage de l’ordre du jour.

Enfin, elle n’est aucunement l’expression d’une défiance à l’égard des parlementaires, bien au contraire, puisqu’il s'agit d’une simple faculté à la disposition du Parlement, qui ne saisira le Conseil d'État que s’il en décide ainsi.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 87 et465.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 87 et 465.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Une fois n’est pas coutume, je me trouve en désaccord avec Mme le garde des sceaux sur l’amendement n° 87 cosigné par M. Gélard et défendu excellemment par Jean-René Lecerf.

En effet, l’adoption de la disposition en question, généreuse en apparence, aboutirait en réalité, me semble-t-il, à créer trois catégories de propositions de loi : celles qui auraient fait l’objet d’un avis favorable du Conseil d'État, et qui constitueraient en quelque sorte des propositions de loi de première classe ; celles, de deuxième classe, qui auraient recueilli un avis négatif du Conseil d'État, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… au motif que tel ou tel dispositif ne serait pas bon ; enfin, les propositions de loi de troisième classe, qui n’auraient même pas fait l’objet d’un tel examen, ce que certains de nos collègues ne manqueraient pas de reprocher au cours de la discussion.

Je crains que le Conseil d'État ne soit horriblement gêné de se mêler de nos travaux et que nous ne le placions dans une situation impossible. Par conséquent, pour lui rendre service

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Mes chers collègues, voilà désormais plusieurs jours, et autant de nuits, que nous travaillons ensemble et que M. Frimat ne cesse de demander quels gestes d’ouverture nous accomplissons. Cette fois, en suivant M. Lecerf, nous allons satisfaire aussi M. Frimat !

Pour ma part, au moment où l’on accorde au Parlement de nouveaux pouvoirs afin d’équilibrer nos institutions, je suis tout à fait hostile à l’idée que celui-ci dispose du même conseil que le Gouvernement. Cette mesure contreviendrait à l’esprit de cette réforme, qui vise à donner aux assemblées toute la capacité législative nécessaire : les faire passer par le même intermédiaire que le Gouvernement rendrait notre démarche législative ambiguë.

Il s'agit là d’une question fondamentale. Les procédures doivent être distinctes, il y va de la maturité du Parlement. Madame le garde des sceaux, vous le savez mieux que quiconque : la qualité de la production législative du Sénat est telle que le passage par le Conseil d'État ne constitue pas une voie impérative.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

J’ai entendu avec plaisir que M. Gérard Longuet s’apprêtait à voter l’amendement n° 87 présenté par M. Jean-René Lecerf. Cependant, il s’est gardé de mentionner notre amendement identique n° 465.

Mes chers collègues de la majorité, dans un souci d’ouverture, pour que vous n’ayez aucun scrupule de conscience, que vous vous sentiez tous parfaitement à l’aise et que vous adoptiez en toute quiétude l’amendement n° 87, je me rallie à cette proposition et je retire l’amendement n° 465 !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Nous étions prêts à voter votre amendement !

L'amendement est adopté.

L'article 14 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je rappelle que les amendements portant articles additionnels après l’article 14 ont été examinés en priorité le jeudi 19 juin au soir.

Dans le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l'assemblée saisie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 113 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 468 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 113.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Aux termes de l'article 15, les présidents des assemblées pourraient invoquer l'article 41 de la Constitution et soulever l'irrecevabilité lorsqu'une proposition de loi ou un amendement ne relève pas du domaine de la loi.

Or il nous semble qu’il appartient au Gouvernement de défendre ses prérogatives et que cette tâche n’incombe certainement pas aux présidents des assemblées. Cette disposition est donc, selon nous, inutile.

J'ajouterai que, s'agissant des conditions d’application de cette disposition, nous savons très bien qu’il existe un grand flou entre les articles 34 et 37 de la Constitution. Il n’y a qu’un domaine qui soit purement réglementaire, c’est la procédure civile.

Voilà très longtemps – c’était beaucoup plus fréquent au début de la Ve République, me semble-t-il – que l’article 41 de la Constitution n’a pas été mis en œuvre par le Gouvernement pour déclarer qu’une disposition était de nature règlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En outre, son application déclenche une procédure très complexe, avec consultation du Conseil constitutionnel.

Laissons donc au Gouvernement le soin d’utiliser cette prérogative, s’il le souhaite. Il n’appartient certainement pas aux présidents des assemblées de défendre le domaine de la loi par rapport à celui du règlement. Au reste, il est parfois utile d’outrepasser les dispositions strictes des articles 34 et 37, comme nous le faisons fréquemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 468.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues de la majorité, au sein du groupe socialiste, nous n’avons aucun état d’âme à nous accorder avec vous sur certains sujets ne participant pas à proprement parler de la réforme des institutions et nous apparaissant secondaires.

Toutefois, nous en arrivons là aux prémices du débat sur le droit d’amendement. Les dispositions présentées vont clairement à l’encontre de la définition de nouveaux pouvoirs pour le Parlement.

Pour en revenir à l’article 40 de la Constitution, il s’en est fallu de quinze voix – les absents étant venus au secours des présents ! – pour que celui-ci soit supprimé l’autre jour. Je rappellerai que l’article 40 place en quelque sorte une disqualification financière dans les mains du Gouvernement.

Comme si cela ne suffisait pas, l’article 15 vise à introduire une autre disqualification, aujourd’hui à la disposition du seul Gouvernement, qui peut déclarer un amendement ou une proposition irrecevable au motif que le dispositif relève du domaine règlementaire et non pas de celui de la loi.

Très honnêtement, on serait souvent tenté de penser que le Gouvernement devrait s’appliquer ce principe à lui-même, afin d’éviter d’encombrer les projets de loi de mesures réglementaires, respectant ainsi un peu mieux les dispositions de l’article 34 de la Constitution !

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a aujourd’hui ce pouvoir. Or ce qui nous est proposé à l’occasion de cette révision constitutionnelle consiste à l’accorder également aux présidents des deux assemblées. Je suppose d’ailleurs que ce pouvoir sera exercé par délégation par le président de la commission compétente ou par un membre du bureau qui, assistant à nos séances, se lèverait de temps en temps pour invoquer l’article 41, à l’instar de nos collègues de la commission des finances s’agissant de l’article 40. De cette façon, nous pourrions faire des paris sur le nombre de fois où l’article 40 et l’article 41 seront invoqués au cours du débat !

Je pense que cela va résolument à l’encontre de la modernisation du Parlement, que le Gouvernement ne souhaite pas, et de la dévolution de droits nouveaux à son profit, à laquelle il ne procède que de façon illusoire.

Pour notre part, nous sommes hostiles à tout enfermement du droit d’amendement, et donc à ce pouvoir d’opposition réglementaire qu’il est prévu de donner aux présidents des deux assemblées. Il s’avère que nous sommes d’accord sur ce point avec la commission des lois ; nous supportons ce voisinage sur ce sujet précis !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 201, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 41 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Certes, je sais que cet amendement deviendra sans objet si celui de la commission est adopté, même s’il est plus éloigné que ce dernier du texte de l’article 15, en ce qu’il vise à supprimer purement et simplement l’article 41 de la Constitution.

En effet, cet article consacre, avec l’article 40, l’article 44-3 ou encore l’article 49-3, la prééminence de l’exécutif sur le législatif et constitue une remise en cause tout à fait frontale de ce qui représente pourtant le socle de la démocratie parlementaire, à savoir le droit d’amendement.

Cette possibilité d’invoquer l’irrecevabilité d’un amendement octroyée au Gouvernement est totalement arbitraire. L’histoire récente démontre d’ailleurs qu’il y a été recouru par simple opportunité.

Nous rejetons d’autant plus cet article 41 qu’il se fonde sur un déséquilibre instauré par la Constitution de 1958 au profit du domaine règlementaire et au détriment du domaine législatif.

Ainsi, l’irrecevabilité au titre de l’article 41 de la Constitution est invoquée au nom d’un empiètement du pouvoir législatif sur le domaine réglementaire. Avouez que c’est tout de même un comble !

Il s’agit là, en quelque sorte, d’une double peine infligée au Parlement en matière constitutionnelle. Il est, dans un premier temps, écarté du domaine qui devrait relever de sa compétence, et, ensuite, sanctionné s’il ose revendiquer un droit d’action dans ce même domaine. C’est tout à fait paradoxal !

Par conséquent, étant donné que vous êtes en faveur de la revalorisation du rôle du Parlement, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 41 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 373, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le second alinéa du même article est ainsi rédigé :

« En cas de désaccord sur la décision opposant la recevabilité, le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ainsi que soixante parlementaires de cette même assemblée, peuvent saisir le Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de huit jours. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement va dans le même sens que celui qu’a défendu M. Bernard Frimat, avec cette nuance que nous essayons, pour notre part, de faire une proposition.

Si l’on considère l’article 15 du projet de loi constitutionnelle, il apparaît que la philosophie de ce dernier, si elle est tout à fait louable, est néanmoins assez illusoire, dans la mesure où le dispositif n’est au service que du Gouvernement et du président de l’assemblée saisie, autrement dit de la majorité.

Ce n’est pas ainsi que l’on pourra lutter efficacement contre les empiétements du domaine législatif sur le domaine réglementaire !

En effet, à quoi bon prévoir une procédure permettant d’opposer une irrecevabilité si l’on sait d’avance que, pour des raisons de connivence entre le Gouvernement et la majorité, cette procédure ne pourra jamais être utilisée ?

Au travers de l’amendement n° 373, je vous propose, mes chers collègues, d’étendre la possibilité de recourir à la procédure d’irrecevabilité à un groupe de soixante sénateurs ou de soixante députés, afin de véritablement contribuer à un meilleur respect du partage entre le domaine législatif et le domaine réglementaire.

En fait, la procédure qui nous est présentée à l’article 15 pourrait devenir une arme « prédissuasive » contre certains amendements relevant du domaine réglementaire, qu’ils aient été déposés par l’opposition ou par la majorité, voire par le Gouvernement.

C’est la raison pour laquelle, si l’on souhaite effectivement, par ce projet de loi, revaloriser les pouvoirs du Parlement, il me semble qu’il convient non pas de renforcer les seuls pouvoirs du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais d’ouvrir de nouvelles possibilités à l’opposition.

Le droit nouveau que nous proposons d’instituer ne concernera pas que l’opposition, puisque la procédure vaudra pour l’ensemble des membres du Parlement.

Cet exemple illustre parfaitement la manière de donner des droits aux parlementaires sans qu’il s’agisse de droits spécifiques à l’opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Étant donné que la commission souhaite conserver l’article 41 de la Constitution, elle est évidemment défavorable à l’amendement n° 201.

Par ailleurs, je vous rappellerai, madame Boumediene-Thiery, que la commission propose la suppression de l’article 15. Or cette suppression est, me semble-t-il, de nature à rassurer les auteurs de l’amendement n° 373 quant à l’utilisation de l’article 41. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Il est vrai que l’article 15, qui met en application une des recommandations du comité présidé M. Édouard Balladur, donne lieu à un vrai débat.

L’irrecevabilité au titre de l’article 41, en cas d’empiètement de la loi sur le domaine du règlement, est rarement mise en œuvre, ainsi que l’a d’ailleurs dit tout à l’heure M. le rapporteur.

Toutefois, elle peut, dans certaines circonstances, se révéler très utile, comme ce fut le cas en 2005, où elle a permis de faire obstacle au dépôt de 15 000 amendements sur le projet de loi relatif à la régulation des activités postales. En effet, ces amendements étaient manifestement d’ordre réglementaire et, dès lors, leur dépôt constituait un abus flagrant du droit d’amendement.

La faculté donnée au président de chaque assemblée d’opposer cette irrecevabilité faciliterait son utilisation. Elle rétablirait également l’égalité des armes, puisque les présidents des deux assemblées pourraient l’utiliser à l’encontre du Gouvernement, alors que, à l’heure actuelle, elle ne joue quasiment jamais à son égard.

Toutefois, monsieur le rapporteur, vous estimez qu’il appartient au Gouvernement et à lui seul de faire usage de cette possibilité, étant donné qu’il est chargé de réguler les empiètements de la loi sur le champ réglementaire. Votre position peut se comprendre, même si la possibilité qui est donnée par l’article 15 du projet de loi n’est qu’une faculté mise à la disposition des présidents des assemblées, et ne constitue en aucun cas une obligation.

Il ne s’agit nullement, pour le Gouvernement, d’organiser un contrôle systématique de la recevabilité, à l’instar de ce qui existe pour l’article 40.

Pour autant, compte tenu de ces éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements n° 113 et 468.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Chaque fois que l’on fait un pas dans sa direction, M. Frimat retire son amendement pour pouvoir ensuite affirmer qu’on ne lui a rien concédé ! Franchement, monsieur Frimat, nous faisons des efforts désespérés pour aller vers vous, ne nous fermez pas la porte !

Sourires

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Cela étant dit, notre vision rejoint naturellement celle de M. le rapporteur, et le Gouvernement est donc défavorable, j’en suis désolé pour Mme Borvo Cohen-Seat, à l’amendement n° 201, ainsi qu’à l’amendement n° 373.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 113 et 468.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je voudrais faire deux observations.

Tout d’abord, alors que j’étais jeune secrétaire du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, j’avais interrogé M. Michel Debré sur l’article 41 de la Constitution, et il m’avait écrit un petit mot, que j’ai gardé dans mes archives, selon lequel « l’empiètement sur le domaine réglementaire est toujours possible si le Gouvernement renonce à défendre son domaine ». Étant donné que c’est Michel Debré qui avait rédigé l’article 41, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de meilleure source que l’auteur lui-même !

J’ajoute que le Conseil constitutionnel déclasse maintenant automatiquement certaines dispositions, sans attendre d’être saisi par le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C’est d’ailleurs ce qu’il a fait dans le projet de loi « Fillon » d’orientation pour l’avenir de l’école, en énumérant toute une série d’articles qui relevaient du domaine réglementaire. Il n’a pas annulé ces articles en les déclarant non conformes, mais le Gouvernement n’a plus besoin de saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander de déclasser une disposition, puisque celui-ci l’a dit par anticipation.

Ma seconde observation fait suite à l’intervention de M. Karoutchi selon laquelle l’article 41 s’appliquerait au Gouvernement.

Personnellement, je n’en suis pas sûr, car, pour le moment, la jurisprudence n’a pas tranché ce point. Lorsque le président Alain Poher a saisi le Conseil constitutionnel, en 1973 si ma mémoire est bonne, sur la question du principe d’égalité devant l’impôt et qu’il a fait annuler une disposition de la loi de finances en se fondant sur la violation des articles 40 de la Constitution et 42 de la loi organique, le Conseil constitutionnel a annulé la partie de l’article qui était issue du Parlement, mais pas la partie de l’article qui était issue du Gouvernement. Certes, il se trouve que l’ensemble de l’article devenait de ce fait caduc, ce qui revenait au même, mais il n’a pas expressément indiqué que cela s’appliquait au Gouvernement.

Par conséquent, ce que vient de nous dire M. Karoutchi est très important. En effet, si l’on considère que l’on se trouve maintenant dans la situation qu’il a décrite, cela signifie que, à part l’article 40, qui n’est applicable qu’aux initiatives parlementaires, tout le reste, y compris les dispositions de la loi organique sur les lois de finances et sans doute de la loi de financement de la sécurité sociale, pourrait être opposé à la fois aux membres du Parlement et au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris note de la position nuancée de M. le secrétaire d’État sur ces deux amendements, pour lesquels il s’en est remis à la sagesse du Sénat.

En ce qui me concerne, pour avoir bien étudié le rapport du comité Balladur et pour avoir vu ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, il m’apparaît tout de même que la modification introduite par cette dernière à l’article 41 de la Constitution est importante.

Ayant présidé pendant quinze ans la commission des affaires sociales du Sénat, j’ai souvent vu arriver des amendements du Gouvernement à la fin d’une discussion ou en deuxième lecture, qui, manifestement, relevaient du domaine réglementaire et auxquels il était impossible de s’opposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Pour ma part, il me semble que cet ajout apporté par l’Assemblée nationale en fonction des recommandations du comité Balladur renforce les pouvoirs des présidents des deux assemblées.

C’est la raison pour laquelle, à mon grand regret, je ne pourrai voter l’amendement n° 113 de la commission, ni l’amendement identique n° 468, présenté par M. Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je rappelle que la procédure est extrêmement lourde s’il y a désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée concernée. Le texte est alors renvoyé devant le Conseil constitutionnel. Cela n’est arrivé qu’une seule fois.

Quant aux articles 34 et 37 de la Constitution, ils ne s’appliquent plus depuis très longtemps. Tant pis !

Cela étant, toutes les préconisations du comité Balladur n’étaient pas forcément parfaites ! Ainsi, il est des propositions qui n’ont pas été reprises par le Gouvernement, et l’on peut estimer que certaines idées présentées par ce comité ne sont pas bonnes, même si elles sont a priori séduisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il faut dire que ce comité n’était pas écrasé par le nombre des praticiens !

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, l’article 15 est supprimé, et les amendements n° 201 et 373 n’ont plus d’objet.

L'article 42 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 42. - La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

« La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de trois semaines à compter de sa transmission.

« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas si la procédure accélérée a été déclarée dans les conditions prévues à l'article 45. Elles ne s'appliquent pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de quatorze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 202, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’article 16 nous est présenté comme un article phare dans le processus de revalorisation du rôle du Parlement. Or son adoption nous ferait revenir, selon moi, à une procédure similaire à celle qui se pratiquait sous les IIIe et IVe Républiques, à la différence près que, à l’époque, le Gouvernement ne disposait pas du droit d’amendement, ce qui est pour le moins paradoxal si l’on songe aux cris d’orfraie poussés par la majorité dès que nous évoquons la IVe République !

À première vue, M. Hyest décrit, dans son rapport, les avantages que les parlementaires tireraient d’une telle modification de la procédure parlementaire.

Il est vrai qu’aujourd’hui nous sommes fréquemment amenés à examiner, avant de les adopter, de nombreux amendements rédactionnels tendant à corriger des projets de loi parfois mal rédigés.

Je ferai remarquer que ce n’est pas l’examen de ces amendements rédactionnels qui nous prend le plus de temps en séance publique, le rapporteur se contentant souvent de les défendre d’un simple : « Amendement rédactionnel ! » et le Gouvernement répondant presque systématiquement : « Avis favorable ». Cet argument n’est donc pas déterminant, et je ne m’y attarderai pas.

En revanche, le deuxième argument développé tant par le Gouvernement que par le rapporteur nous interpelle davantage : la discussion du texte de la commission en séance publique permettrait de mieux valoriser le travail des commissions et de concentrer le débat sur les options de fond.

Nous ne pouvons partager un tel enthousiasme, car cette primauté donnée aux travaux des commissions remet en cause un des rares acquis démocratiques du débat parlementaire.

D’ailleurs, il ne faudrait pas dissocier l’article 16 de l’article 15, qui renforce les conditions d’irrecevabilité des amendements, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… ni de l’article 18, qui limite considérablement le droit d’amendement des parlementaires. Ces articles forment un ensemble qui vise à une seule chose : réduire la longueur des débats en séance publique.

Pourtant, et les discussions qui nous occupent depuis la semaine dernière le montrent bien, la séance publique est primordiale, car elle est le lieu où peuvent se tenir de véritables débats démocratiques et transparents, dans lesquels tous les groupes peuvent défendre leurs propositions, quelle que soit la commission dont leurs sénateurs sont membres.

Renforcer le travail législatif en commission revient, d’une part, à priver d’une partie du débat les sénateurs n’appartenant pas à la commission saisie au fond, et, d’autre part, à faire reculer le pluralisme, car seuls les groupes importants disposent des moyens d’assurer une présence forte et régulière au sein de la commission. C’est donc un renforcement du fait majoritaire dans le débat parlementaire.

Par ailleurs, les réunions de commission ne sont pas publiques, contrairement à la séance, dont les débats sont ouverts à nos concitoyens. C’est donc l’opacité qui nous est proposée comme mode de débat parlementaire, et c’est la porte ouverte aux lobbies en tous genres.

C’est pourquoi nous refusons le simulacre de débat parlementaire que vise à instaurer l’article 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 203, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 42 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La discussion en séance, en première lecture d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir devant la première assemblée qu'à l'expiration d'un délai de deux mois après son dépôt. Elle ne peut intervenir devant la seconde assemblée saisie qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa transmission. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous considérons que l’article 16 du projet de loi amoindrit les pouvoirs du Parlement.

Nous maintenons notre opposition à la nouvelle procédure d’examen des textes telle qu’elle est prévue. Le présent amendement vise donc à récrire l’article 16 du projet de loi en l’expurgeant de cette restriction.

Par ailleurs, nous proposons de compléter l’article 42 de la Constitution afin de fixer des délais entre le dépôt et la discussion d’un projet ou d’une proposition de loi plus longs que ceux qui sont prévus dans le projet de loi.

Aujourd’hui, les délais entre le dépôt d’un projet de loi sur le bureau d’une des deux assemblées et son examen en commission, puis en séance publique, sont aberrants et démontrent à quel point le Gouvernement méprisait le travail parlementaire.

Prenons un exemple récent, celui du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, qui sera examiné cette semaine par notre assemblée. Le Gouvernement l’a déposé sur le bureau du Sénat le 11 juin, le rapport a été examiné le 18 juin par la commission des affaires sociales, et nous devrions en débattre en séance publique le 24 ou le 25 juin, quand nous aurons terminé nos débats sur la modernisation des institutions.

Bien souvent, la commission n’attend pas de disposer du texte définitif du projet de loi pour commencer ses auditions, qu’il lui serait sinon matériellement impossible d’organiser avant l’examen du rapport, comme cela s’est produit, je le rappelle, pour le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Bien évidemment, c’est la qualité du travail des parlementaires qui pâtit de cette situation. Malheureusement, nos protestations sont toujours restées vaines. Ce n’est pourtant pas faute de les avoir exprimées, aussi bien en séance publique qu’en commission !

Si nous reconnaissons la légère avancée que marque le projet de loi sur ce point, nous considérons néanmoins que les dispositions du troisième alinéa du nouvel article 42 ne sont pas assez rigoureuses.

Le projet de loi initial prévoyait qu’en première lecture la discussion d’un texte en séance publique n’interviendrait qu’à l’expiration d’un délai d’un mois après son dépôt, puis, dans la seconde assemblée saisie, à l’expiration d’un délai de quinze jours après sa transmission. Certes, il a été amendé par les députés, qui ont porté le premier délai à six semaines et le second à trois semaines. Dois-je néanmoins rappeler que le comité Balladur était sur ce point beaucoup plus audacieux, puisqu’il suggérait de prévoir des délais de respectivement deux mois et un mois ?

L’article 16 ne va donc pas assez loin en ce qui concerne les délais dont disposeront les commissions pour examiner les rapports. Nous préférerions qu’elles puissent consacrer davantage de temps à l’examen des projets de loi ou à l’audition des personnes qualifiées.

Aussi proposons-nous, une fois n’est pas coutume, de reprendre les propositions du comité Balladur et de prévoir que les délais minimaux avant la discussion en séance d’un projet de loi soient de deux mois dans la première assemblée et d’un mois dans la seconde.

Cela ne signifie pas que nous voudrions profiter d’une plus longue réflexion en commission pour réduire les débats en séance publique ; bien au contraire, je crois que ces deux phases de la procédure parlementaire sont extrêmement importantes et que le fait d’allonger la première ne justifie pas de priver l’ensemble des parlementaires d’un débat, d’une confrontation des idées et de la présentation des propositions des groupes politiques ou des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 398 rectifié, présenté par MM. About et Détraigne, Mme Payet et M. Merceron, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, après les mots :

article 43

insérer les mots :

siégeant à huis clos

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Le fait de prévoir que, désormais, la discussion en séance publique s’effectuera sur le texte voté par la commission saisie au fond suppose que ce travail soit réalisé dans la plus grande rigueur et avec sérénité. Il est donc opportun que la commission siège à huis clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution :

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale, des projets de loi relatifs aux ressources fiscales et sociales, des projets visés aux articles 35, 36 et 53 ainsi que des projets relatifs à la sécurité intérieure et extérieure porte, en première lecture… »

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Le premier alinéa du texte proposé pour l’article 42 de la Constitution me paraît être un des éléments du texte qui nous est soumis – et ils sont nombreux – dont l’objet premier est d’empêcher le gouvernement de la France et d’empêcher le Gouvernement de gouverner.

Sous couvert d’accroître les pouvoirs du Parlement, ces dispositions n’accroissent rien du tout puisque, en fait, on ne fait que donner au Parlement des pouvoirs négatifs qui consistent à freiner, à ralentir, à bloquer, ce qui n’est pas de nature, me semble-t-il, à améliorer l’image des assemblées dans l’opinion publique. Même si les intentions du Gouvernement, au départ, étaient sans doute pures et sans arrière-pensées, le résultat demeure.

Pour éviter cette fâcheuse situation, je propose donc, par précaution, d’élargir au-delà des textes financiers la liste des textes qui doivent être soumis au Parlement sans résulter des travaux de la commission permanente saisie au fond.

Dans la rédaction qui nous est actuellement proposée, l’article 42 prévoit l’examen du texte de la commission pour tous les projets et propositions de loi hormis les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, je propose d’ajouter à la liste des exceptions les textes concernant les ressources fiscales et sociales, qui ne sont que des démembrements des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ; tous ceux qui concernent l’état d’urgence ou l’état de guerre ; les projets d’autorisation de ratification ou d’approbation des traités et accords ; et, bien évidemment, tous ceux qui touchent à la sécurité intérieure ou extérieure de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 469, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous nous inscrivons dans une logique différente de celle que vient de défendre notre collègue Michel Charasse et nous demandons la suppression du deuxième alinéa du texte proposé pour l’article 42 de la Constitution.

Deux raisons nous y poussent.

D’abord, l’argument des délais constitutionnels limités entourant l’adoption du budget de l’État et de celui de la sécurité sociale devrait conduire le Gouvernement à déposer les textes des projets de loi dans des délais convenables, c’est-à-dire suffisants pour permettre une vraie discussion et un examen approfondi par les commissions.

Ensuite, il n’est pas logique que les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne puissent être examinés sur la base du texte adopté par la commission. C’est tout de même un paradoxe, quand nous sommes en train de discuter de la modernisation du travail du Parlement et du travail législatif… Alors qu’il est traditionnel de rappeler que l’une des prérogatives essentielles du Parlement est le vote de la loi de finances, voilà que l’on propose de l’en déposséder !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 114, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

deux mois

et les mots :

trois semaines

par les mots :

cinq semaines

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements n° 114, 115 et 116, qui forment un ensemble cohérent.

Le projet de loi constitutionnelle fixe pour la première fois des délais minimaux entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique, comme l’avait d’ailleurs suggéré le comité présidé par M. Balladur.

Ces délais sont nécessaires aujourd'hui. Ils deviendraient indispensables dès lors que le débat en séance publique s'engagerait non plus sur le texte du Gouvernement, mais sur celui de la commission.

On sait en effet que, actuellement, la commission se réunit en général dans la semaine qui précède l'examen en séance publique du texte dont elle est saisie. Après la révision constitutionnelle, il serait souhaitable que cette réunion intervienne au moins deux semaines avant la discussion en séance publique, afin de donner au Gouvernement et aux parlementaires non membres de la commission le temps de prendre connaissance des conclusions de la commission et de préparer leurs amendements.

À la lumière de ces observations, les délais prévus par le projet de loi, même allongés par l'Assemblée nationale, me paraissent trop courts, en particulier pour la seconde assemblée saisie. Celle-ci ne disposerait que de trois semaines entre la transmission et l'examen en séance publique : trois semaines pour que la commission organise les auditions, établisse le rapport et élabore le texte qu’elle présentera. Ni le Gouvernement ni les parlementaires n’auront alors le temps de faire part de leurs observations et de préparer leurs amendements.

Or, l'expérience nous l'enseigne, la lecture devant la première assemblée peut se traduire par d'importantes modifications, qui méritent souvent un examen très attentif… Le projet de loi de modernisation de l’économie nous en fournit un bon exemple : le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale comportait bien des choses différentes et nouvelles par rapport au projet de loi initial !

L’amendement n° 114 tend donc à revenir aux délais proposés par le comité présidé par M. Édouard Balladur en fixant le délai à compter duquel peut intervenir la discussion en séance publique, en première lecture, à deux mois après le dépôt d'un projet de loi ou d'une proposition de loi devant la première assemblée saisie et à cinq semaines après la transmission devant la seconde assemblée saisie.

Par ailleurs, l'article 16 du projet de loi constitutionnelle prévoit que les délais minimaux ne s'appliqueraient pas dans le cas où la procédure accélérée serait décidée. En effet, il faudra vous y habituer, mes chers collègues : il n’y aura plus de déclaration d’urgence – qui portait d’ailleurs mal son nom et était souvent abusive puisque la seconde assemblée devait quelquefois attendre six mois, voire huit mois, avant d’être saisie !

La procédure accélérée, qui succède donc à la déclaration d’urgence, ayant pour effet de limiter à une seule lecture devant chaque assemblée l'examen d'un texte, il est à nos yeux d'autant plus nécessaire que les délais soient suffisants pour permettre un examen attentif des dispositions en cause.

C’est pourquoi la commission vous invite, au travers de l’amendement n° 115, à faire en sorte que les délais s’appliquent, y compris lorsque les textes font l'objet d'une procédure accélérée.

Demeurent les vraies urgences, pour lesquelles je vous propose une « soupape de sécurité » destinée à éviter des blocages injustifiés. L’amendement n° 116 a pour objet que, dans une telle situation, les délais soient levés ; le Gouvernement devrait cependant, au préalable, consulter la conférence des présidents de l'assemblée concernée.

Mes chers collègues, certains estimeront sans doute que ces délais sont trop longs. Mais il faut que nous puissions discuter ! Pour ma part, je suis très attaché à ces trois points : que la seconde assemblée saisie ne dispose pas seulement de la moitié du temps accordé à la première, car je ne vois pas au nom de quoi il en serait ainsi ; qu’en cas de procédure accélérée les délais soient d’autant plus importants, l’absence de navette permettant de toute façon de gagner un temps non négligeable ; que, lorsqu’un projet de loi est effectivement urgent, le Gouvernement puisse le faire examiner sans délai, après avoir consulté la conférence des présidents de l’assemblée concernée.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois présente ce dispositif, qui lui paraît équilibré.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 403, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

deux mois

II. – Dans la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

de trois semaines

par les mots :

d'un mois

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement rejoint l’amendement n° 114 de la commission des lois, puisqu’il vise à permettre des délais minimaux suffisants pour un examen sérieux des projets ou propositions de loi. Donner plus de pouvoir au Parlement, c’est lui donner le temps nécessaire à ses travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 470, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

huit semaines

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je défendrai en même temps les amendements n° 470 et 471, qui portent tous les deux sur les délais d’examen des textes.

J’avoue que cette discussion a un côté à la fois sympathique et surréaliste, car nous ne faisons pratiquement que travailler dans l’urgence, sauf sur ce texte, qui ne peut être débattu en urgence. On voit d’ailleurs que, pour le Gouvernement, il n’y a pas d’urgence, comme le montre son souci de nous laisser constamment du temps !

Il s’agit donc d’un exercice quelque peu curieux : on s’acharne à inscrire des délais dans la Constitution, mais personnellement je pense que ce n’est pas raisonnable, car, hormis pour les lois de finances, tout cela devrait relever naturellement d’une pratique apaisée du parlementarisme. Mais tel n’est pas le cas, le Gouvernement, à l’instar de ses prédécesseurs, utilisant de manière intensive la procédure d’urgence, en y recourant pour presque tous les textes. On voit d’ailleurs très souvent des textes adoptés en urgence attendre plus d’un an leurs décrets d’application ! L’urgence a simplement pour effet d’empêcher qu’il y ait deux lectures par le Parlement et de dégrader les conditions dans lesquelles nous légiférons.

De même, partir du texte de la commission est intéressant, mais cela implique tout de même que nous réfléchissions en profondeur sur la manière dont fonctionnent nos commissions et sur la présence du Gouvernement lors de leurs réunions, ainsi que sur le fait de savoir si le droit d’amendement qui s’exerce en commission limite le droit d’amendement en séance publique. Nous serons très vigilants sur ce point.

Par ailleurs, l’importance du travail en commission nécessitera que nous obtenions certaines facilités.

L’article 16 vise, en apparence, à donner du temps au Parlement. Il n’y aura plus d’urgence, mais seule la constitutionnalisation va nous permettre d’échapper à ce qui, autrement, serait un serment d’ivrogne…

En effet, est-il nécessaire que le Gouvernement y soit obligé par la Constitution pour ne pas déclarer l’urgence ? Non ! Est-il nécessaire qu’il soit contraint par la Constitution, lui qui est maître de l’ordre du jour, de bâtir des ordres du jour qui nous permettent d’avoir du temps pour travailler ? Non !

En exerçant ses prérogatives avec discernement, il aurait aujourd'hui tout pouvoir de demander l’urgence quand c’est nécessaire, de nous donner du temps quand nous en avons besoin.

En réalité, la pratique est telle que l’on va devoir demander à la Constitution d’imposer au Gouvernement ce qu’il pourrait faire normalement, sans contrainte.

L’amendement n° 471 est satisfait par l’amendement n° 114 de la commission.

Quant à l’amendement n° 470, je me permettrai, par souci de clarification, de le transformer en un sous-amendement à l’amendement n° 114, visant à remplacer les mots : « deux mois » par les mots : « huit semaines ». En effet, je pense que, du point de vue du rythme du travail parlementaire, il vaut mieux compter en semaines plutôt qu’en mois, notamment à cause de la brièveté désespérante du mois de février !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 470 rectifié, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa de l'amendement n° 114, remplacer les mots :

deux mois

par les mots :

huit semaines

Veuillez poursuivre, monsieur Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Par ailleurs, je tenais à dire à M. le secrétaire d'État que si Robert Badinter, Richard Yung et moi-même sommes seuls présents sur les travées du groupe socialiste, c’est parce que se déroulent en ce moment l’équivalent de nos journées parlementaires. Cela explique en particulier que le président de notre groupe, Jean-Pierre Bel, soit absent de l’hémicycle. Il nous rejoindra dès qu’il le pourra.

L’Assemblée nationale ne siège pas. Nous avons, quant à nous, accepté de siéger sous d’amicales pressions pour que ce texte soit examiné dans les temps, mais nous souhaiterions que la discussion de l’article 18, qui est un texte très important pour la vie même du Parlement, puisqu’il traite du droit d’amendement, puisse se tenir alors que nos rangs seront plus fournis.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 471, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 42 de la Constitution, remplacer les mots :

trois semaines

par les mots :

cinq semaines

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 115, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots :

si la procédure accélérée a été déclarée dans les conditions prévues à l'article 45. Elles ne s'appliquent pas non plus

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution :

Elles ne s'appliquent pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, aux projets relatifs aux états de crise et aux autres projets visés au deuxième alinéa du présent article.

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C’est un amendement de conséquence de l’amendement n° 22 rectifié. Si l’amendement n° 22 rectifié n’est pas adopté, l’amendement n° 23 rectifié n’aura plus d’objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. Lambert et Marini, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 472, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots :

et aux projets relatifs aux états de crise

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cet amendement vise à supprimer la référence aux états de crise, parce qu’il ne s’agit pas d’une notion reconnue et précise. Je sais ce qu’est l’état de siège, il figure dans la Constitution. Je sais ce qu’est l’état d’urgence : on a voulu le définir dans la Constitution, mais vous avez refusé, objectant que la jurisprudence du Conseil d’État suffisait.

Qu’est-ce qu’un « état de crise » ? La crise des subprimes ou l’état financier particulièrement préoccupant de la France font-ils que nous sommes dans un état de crise ? Le « non » au référendum en Irlande fait-il que l’Europe est dans un état de crise ? Le déficit de la sécurité sociale nous plonge-t-il dans un état de crise ? Nos relations avec les pays africains font-elles qu’un certain nombre de situations précises sont caractérisées par un état de crise ? Je vous épargnerai, mes chers collègues, la crise des valeurs, la crise morale et la crise de foi, ce dernier mot pouvant prendre plusieurs orthographes…

Par conséquent, pour nous, « état de crise » est une formule qui n’a pas de valeur juridique.

Certes, depuis le début de nos travaux, vous ne faites que truffer la Constitution de termes qui manquent de précision juridique. Si l’état de crise n’est pas défini, cela signifie que c’est le Conseil constitutionnel qui va se charger de préciser les choses. Nous délibérons donc dans le flou, nous en remettant en fait au Conseil constitutionnel.

Lors de la crise dans les banlieues, le gouvernement Villepin – j’ai parfois envie de vous rappeler qu’il y a eu un gouvernement Villepin, un gouvernement Raffarin et que la majorité est arrivée au pouvoir non pas en 2007, comme elle a tendance à le croire, mais en 2002 – a pris la décision de déclarer l’état d’urgence.

Tant que nous ne saurons pas ce que signifie précisément l’expression « état de crise », il ne me semble pas raisonnable de l’inscrire dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 116, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 42 de la Constitution par les mots :

ainsi qu’aux projets et propositions de loi pour lesquels le Gouvernement estime, après consultation de la conférence des présidents de l’assemblée concernée, qu’ils répondent à une situation urgente

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’amendement n° 202 est paradoxal, car l’article 16 donne des droits nouveaux au Parlement : la discussion en séance publique sur la base du texte de la commission est une avancée très importante. Certains ont dit que c’était une des dispositions essentielles du texte et que cela va complètement transformer les relations entre le Parlement et le Gouvernement, avec de nombreuses conséquences qu’il faudra traduire dans la loi organique et, bien entendu, dans le règlement de nos assemblées. C’est incontestablement l’une des questions les plus importantes de la révision constitutionnelle.

L’article 16 introduit également des délais minimaux pour donner aux commissions et aux parlementaires un temps suffisant avant l’examen en séance publique.

Le fait que le débat s’engage en séance publique sur les conclusions de la commission n’interdira en rien l’exercice du droit d’amendement. Il faudra même, au contraire, grâce aux délais prévus par la commission, veiller au fait que les parlementaires disposent du temps suffisant pour prendre connaissance des conclusions de la commission avant le débat en séance publique.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement.

L’amendement n° 203 va dans le sens des souhaits de la commission. Cependant, celle-ci propose des délais encore plus favorables pour la seconde assemblée saisie. Elle demande donc aux auteurs de l’amendement de le retirer.

J’en viens à l’amendement n° 398 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 398 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’indique néanmoins que nous partageons les préoccupations de M. About mais que cette précision a sa place dans le règlement.

L’amendement n° 22 rectifié vise à restreindre le nombre de textes pour lesquels le débat s’engagerait sur les conclusions adoptées par la commission.

Cette restriction n’est pas indispensable pour les textes concernant les autorisations de ratification d’un accord international, qui prennent le plus souvent la forme d’un article unique.

Elle n’est pas adaptée pour les déclarations de guerre ou d’état de siège, qui sont données sous la forme d’une autorisation, et non sous celle d’une loi.

Enfin, cette restriction paraît excessive s’agissant des projets relatifs à la sécurité intérieure ou à la sécurité extérieure, dont on ne voit pas pourquoi ils ne pourraient être discutés sur la base du texte de la commission. La sécurité intérieure, c’est très large ! S’agit-il de la sécurité civile, de la police ?

Quant aux textes sur la sécurité extérieure, s’agit-il des accords internationaux ? On a parlé des accords de défense, je pense qu’il ne faut pas les mettre dans la même catégorie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Oui, mais je pense qu’il faut distinguer les choses. La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut elle émettra un avis défavorable, monsieur Charasse, ce qui me désolerait !

S’agissant de l’amendement n° 469, les exceptions concernant les lois de finances et de financement de la sécurité sociale sont justifiées. L’avis est défavorable. Je rappelle tout de même que l’article 40 a été maintenu, heureusement.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

À quinze voix près !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

La République avait été adoptée par une seule voix !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’étais sûr que vous alliez le rappeler !

L’amendement n° 403 est pour partie satisfait par l’amendement n° 114 de la commission, mais le délai est inférieur à celui qui est prévu pour la seconde assemblée saisie. La commission demande le retrait.

S’agissant du sous-amendement n° 470 rectifié, la commission émet un avis favorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 471, le délai est identique à celui qui est prévu par la commission. Il est donc satisfait.

L’amendement n° 23 rectifié est la conséquence de l’amendement n° 22 rectifié. L’avis est donc le même.

Quant à l’amendement n° 472, les états de crise correspondent à des situations d’urgence. Je pense qu’il faut conserver ce terme, qui justifie que les délais soient levés. En tout état de cause, la commission a prévu, quand il y a urgence, que tous les délais soient levés, ce qui est un peu différent du raisonnement de l’Assemblée nationale.

Monsieur le président, pour faire gagner un peu de temps au Sénat, la commission demande la priorité pour le vote de ses trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Favorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La priorité, de droit, est ordonnée.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

L’article 16 du projet de loi constitutionnelle est essentiel.

D’aucuns concèdent qu’il constitue une avancée modeste, ce qui est plutôt mieux que ce qu’ils veulent bien reconnaître d’habitude ; d’autres estiment qu’il ne va pas assez loin. Mais on ne va jamais assez loin ! Et pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, décider que c’est sur la base du texte issu des travaux de la commission que les parlementaires se prononceront désormais en séance publique, c’est une véritable révolution pour le Parlement.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Certes, certains souhaitent disposer de délais supplémentaires pour examiner le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais l’examen en séance plénière du texte amendé par la commission – en réalité, bien des amendements déposés par tous les groupes y auront été intégrés – inverse en quelque sorte la charge des amendements. C’est en effet au Gouvernement qu’il incombera, s’il souhaite revenir au texte initial, de défendre sa position et d’amender le texte.

Il s’agit donc, et je le constate avec bonheur, d’une vraie révolution dans la relation entre l’exécutif et le législatif, qui va jouer dans le sens de la valorisation du travail parlementaire.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur le rapporteur, je comprends votre souci d’allonger le délai entre la transmission du texte et son examen en séance publique, mais je suis au regret de vous dire que le Gouvernement est défavorable à cette proposition.

Je le rappelle, nous partons d’une situation dans laquelle il n’y a quasiment pas de délai.

Dans le texte initial, le Gouvernement a fixé un délai de un mois après le dépôt du projet ou de la proposition de loi devant la première assemblée et un délai de deux semaines à compter de sa transmission pour son examen devant la seconde assemblée.

Dans la rédaction de l’article 16 telle qu’elle est issue des travaux de l'Assemblée nationale, le délai est passé de un mois à six semaines pour la première assemblée, et de deux semaines à trois semaines pour la seconde.

Je le reconnais bien volontiers, le Gouvernement déclare souvent l’urgence ou tente, d’une certaine manière, de maîtriser des délais qui ne sont pas actuellement fixés. Cependant, il a déjà accepté en grande partie la rédaction issue des travaux du comité Balladur, puis celle qui a été proposée par M. Warsmann à l'Assemblée nationale visant à allonger encore les délais.

Faut-il aller encore au-delà, comme le demande la commission des lois du Sénat, et retenir des délais de deux mois et de cinq semaines ?

Heureusement qu’il n’y a pas de troisième assemblée, sinon je me verrais proposer un délai de trois mois pour la première assemblée, et de deux mois pour la seconde !

Sourires

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

D’ici à la deuxième lecture, nous verrons comment la réflexion évolue. Pour l’heure, le Gouvernement est défavorable à tous les amendements ayant pour but d’allonger les délais, même s’il comprend les arguments de leurs auteurs.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Quant à l’amendement de suppression de l’article 16, je comprends mal, madame Borvo, que l’on puisse tout à la fois reconnaître que cet article constitue une avancée, même légère, et en demander la suppression. C’est absurde !

Voilà pourquoi, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune et du sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 470 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. M. le secrétaire d’État est fidèle à lui-même : ouvert et tout en rondeur pour présenter les arguments du Gouvernement, il émet un avis défavorable sur tout. Ouvert, heureux, mais défavorable, voilà qui résume son attitude sur l’ensemble du texte !

M. le secrétaire d’État rit

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

J’aimerais, un court instant, plaider en faveur de la qualité du travail parlementaire et demander à M. le rapporteur, puisqu’il en a le pouvoir, de modifier sa position.

Je m’explique, en distinguant les deux délais.

Si l'Assemblée nationale se satisfait de six semaines pour le premier délai, ne soyons pas plus royalistes que le roi et restons-en là ! Nous connaissons tous les qualités intellectuelles des députés et, si ces derniers ont estimé qu’ils pourraient travailler en six semaines, ce serait, à la limite, leur faire injure que de leur dire qu’ils en ont besoin de huit !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si M. le rapporteur me rejoint sur ce point, nous vous faisons gagner deux semaines, monsieur le secrétaire d’État : ce n’est pas négligeable !

Il en va tout autrement pour le second délai, s’agissant donc de la seconde assemblée saisie. Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple, celui du projet de loi de modernisation de l’économie. Ce texte comportait initialement 44 articles ; après examen par l'Assemblée nationale, il en compte plus de 110, soit, comme c’est souvent le cas, une croissance extraordinaire.

Cela signifie que, lorsque le Sénat est la seconde assemblée saisie, il peut être confronté à un texte complètement transformé qui rend vain le travail préparatoire accompli sur le projet de loi initial. Certes, je sais que vous pouvez faire face, monsieur le rapporteur, vous qui êtes capable de présenter des rapports du jour au lendemain et même de rendre en huit jours, au nom de la commission des lois, le rapport sur ce que l’on nous dit être la révision constitutionnelle la plus importante présentée depuis longtemps !

En résumé, monsieur le rapporteur, tout en laissant à l’Assemblée nationale le délai de six semaines qui lui convient, ne serait-il pas possible d’allonger le délai de trois semaines prévu pour l’examen du texte par la seconde assemblée ?

Je ne vais pas modifier mon sous-amendement, mais je vous pose la question parce qu’elle relève davantage, me semble-t-il, de votre responsabilité.

Cela étant, j’ai le sentiment que la deuxième lecture au Sénat aura un caractère très symbolique

M. le secrétaire d’État fait une moue dubitative.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Venez, monsieur Frimat !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Donc, lorsque ce texte nous reviendra, un accord aura été trouvé avec les sénateurs de l’UMP et la deuxième lecture sera plus formelle que réelle.

C’est la raison pour laquelle je me permets d’insister sur le fait que nous avons peut-être là l’occasion de faire une avancée. Très honnêtement, je ne pense pas que les députés s’interrogent, au cours de la navette, sur le temps dont disposera le Sénat pour examiner un texte. Eu égard au maigre délai qui nous a été accordé, peut-être pourrions-nous trouver un compromis, c'est-à-dire six semaines pour l'Assemblée nationale et quatre ou cinq semaines pour le Sénat ? Cette solution serait nettement plus acceptable.

Le sous-amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 114.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je ferai une explication de vote sur les trois amendements de la commission.

Ces trois amendements entraînent, avec le concours du sous-amendement qui vient d’être voté, un allongement des délais avant que les assemblées n’examinent les textes. Mais je voudrais savoir si une étude d’impact a été effectuée sur les conséquences de ces délais sur les travaux parlementaires, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

… notamment à la lumière de tous les textes examinés lors des sessions précédentes. Avec ces délais, combien va-t-on voter de textes par rapport à la situation actuelle ? Personne n’a fait ce calcul.

Si l’on se retrouve, à la fin de la session de neuf mois, à avoir péniblement réussi à voter une dizaine de lois, alors qu’il y en a vingt, trente ou plus en attente, ce ne sera pas la peine ensuite d’encombrer les séances de questions d’actualité au Gouvernement pour protester contre le Gouvernement parce que l’on n’examine pas tel projet ou tel autre !

M. Roger Romani applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je me permets d’insister pour que l’amendement n° 116 soit retenu parce qu’il fait allusion aux textes qui répondent à une situation urgente.

Je citerai un exemple. En 1978, la France a signé l’accord conclu au sein du Conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international le 22 mars 1976 tendant à augmenter la quote-part des États membres et, du même coup, les droits de vote. Ce texte a été notifié à la France le 1er avril 1978, deux ans après, et les États avaient un mois pour l’approuver, faute de quoi il pouvait entrer en vigueur automatiquement, mais sans augmentation du nombre de voix pour les États qui ne l’auraient pas formellement approuvé au plus tard le 30 avril 1978.

Le texte est arrivé devant l'Assemblée nationale dans les derniers jours du mois d’avril. Il a été voté en urgence le lendemain de son dépôt. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 avril, en fin d’après-midi. Il a rendu sa décision le 29 avril dans la matinée, et la loi a été immédiatement signée pour paraître le 30 avril et permettre à la France d’obtenir les voix supplémentaires que lui donnait l’accord qu’elle avait conclu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Avec votre texte, vous ne pourrez plus faire cette opération, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais si ! Ce sera possible avec ce que j’ai proposé !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Sauf, en effet, à accepter l’amendement n° 116 de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Je vous en supplie, ne lions pas à ce point les mains de la France ! Et laissons un peu de mou pour permettre au Gouvernement, comme au Parlement, d’ailleurs, de disposer du minimum nécessaire pour que nous assumions nos responsabilités à tous égards.

MM. Christian Cointat, Charles Pasqua et Jacques Gautier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement ne pourra plus gouverner ! Nous allons simplement être obligés de nous doter d’un programme législatif…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

On fait le programme législatif en fonction de la rue et des journaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Justement, je ne souhaite pas qu’on légifère en fonction de la rue et des journaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des lois ne souhaite absolument pas gêner l’action du Gouvernement, mais la procédure accélérée exige un examen attentif, car il n’y a qu’une lecture.

Contrairement à l'Assemblée nationale, j’ai prévu une soupape de sécurité pour permettre au Gouvernement, en cas d’urgence, de nous proposer le texte dans les délais les plus brefs. Vous avez cité un exemple, monsieur Charasse, mais on pourrait en prendre de nombreux autres ! Ce dispositif me paraît beaucoup plus souple.

Dans la procédure normale, on a prévu des délais, dont on rediscutera avec les députés, monsieur le secrétaire d'État. D’ailleurs, je tiens à dire à nos collègues députés que le Sénat est quelquefois la première assemblée saisie, notamment pour ce qui concerne les textes relatifs aux collectivités territoriales. Peut-être alors les députés auront-ils aussi envie de bénéficier d’un délai supplémentaire !

Franchement, ne nous dites pas, monsieur Frimat, qu’il sera impossible de gouverner, je n’y crois pas. Lors de la navette, nous allons essayer de trouver avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale une formule raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ou alors on en reste à la situation actuelle ! Mais, si nous décidons de nous prononcer dorénavant sur la base du texte issu des travaux de la commission, nous devons prévoir des délais, sinon, il sera impossible de légiférer.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

On est d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Gouvernement nous propose un délai qui nous semble un peu court. Surtout, et ce que l'Assemblée nationale n’a pas fait, il faut, comme nous le propose à juste titre M. Charasse en insistant sur l’importance de l’amendement n° 116, prévoir une soupape de sécurité. La procédure d’urgence n’en était pas réellement une, les députés ayant d’ailleurs parlé de « procédure accélérée ». La procédure d’urgence vaut lorsqu’il y a vraiment urgence. C’est pourquoi je vous demande vraiment, mes chers collègues, de voter ces trois amendements qui forment un ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Ce point est important, non pas tant sur la question des délais, mais sur le principe, qui est capital, de l’examen du texte adopté par la commission saisie.

Monsieur Charasse, le fait de fixer des délais n’aura pas d’incidence sur le nombre de lois que nous adopterons.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

M. Pierre Fauchon. Réduisez de moitié la vitesse des trains qui circulent en France, leur nombre restera le même ; nous aurons seulement davantage de temps pour les regarder !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Nous constaterons peut-être une baisse durant la période transitoire, mais, une fois celle-ci passée, nous disposerons de plus de temps et nous serons en mesure d’examiner le même nombre de textes !

Le dispositif de la commission, assorti de la soupape que constitue l’amendement n° 116, qui est certainement nécessaire, est excellent.

J’insiste sur l’importance du premier alinéa de l’article 16, par lequel le Gouvernement propose que nos délibérations portent sur le texte adopté par la commission. Dans la pratique, il s’ensuivra un changement de climat.

Sur le fond, ce changement témoigne de la volonté du Gouvernement de ne pas envahir, de ne pas « oblitérer » le travail du Parlement, mais d’admettre au contraire que les parlementaires font leur travail et assument leurs responsabilités. Dès lors, c’est à partir du texte qui sera adopté par la commission saisie que se fera la discussion.

Un tel témoignage de confiance mérite d’être salué. Ce changement, qui est un symbole fort, contribuera vraiment à rééquilibrer les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, non seulement sur les plans pratique, technique et politique au sens politicien, mais aussi sur les plans moral et politique dans le meilleur sens du terme.

Par conséquent, je salue cette mesure, que je crois véritablement l’une des plus significatives de la révision proposée.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, les amendements n° 202, 203, 22 rectifié, 403 et 471 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 115.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, les amendements n° 23 rectifié et 472 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 469.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

On ne sait toujours rien à propos de l’état de crise !

Dans le second alinéa de l'article 43 de la Constitution, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 117, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 43.- Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.

« À la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à des commissions spécialement désignées à cet effet. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Afin de prendre en compte la réalité de la pratique institutionnelle et de mieux mettre en valeur le rôle des commissions permanentes, en cohérence avec l'esprit du projet de loi, la commission des lois vous propose d'inverser l'ordre des deux alinéas de l'article 43 de la Constitution et de reconnaître aux commissions permanentes – et non aux commissions spéciales – la compétence de principe pour examiner les textes de loi.

C’est ce qui se pratique depuis plus de quarante ans avec la Constitution de 1958.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 367, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer le mot :

huit

par le mot :

dix

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’objet de cet amendement est très simple : il est de porter à dix le nombre de commissions permanentes au sein de chaque assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je me permets de vous rappeler que ce nombre est un plafond et non une obligation. Libre aux assemblées de fixer, dans leur règlement, le nombre des commissions dans la limite de dix.

Si, pour des raisons historiques, il est nécessaire de plafonner le nombre de commissions, il serait dommage de se priver, pour le long terme, de la possibilité de désengorger certaines commissions qui sont de plus en plus surchargées de travail. Le rythme effréné que nous avons connu ces dernières semaines, notamment en commission des lois, l’atteste largement.

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir réfléchir au fait qu’un nombre accru de commissions, même si ce nombre est plafonné, nous permettrait de travailler avec davantage d’aisance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Lors de la préparation de la Constitution de 1958, le Comité consultatif constitutionnel avait déjà réfléchi à la limitation du nombre des commissions.

Au Sénat, même si les commissions ont une importante charge de travail, nous parvenons tout à fait à mener notre tâche à bien. Souvenez-vous ce que pensait le général de Gaulle à ce sujet : « une commission, un », comme dans certains Parlements !

Nous proposons déjà de passer de six à huit commissions, ce qui n’est pas mal. Personnellement, je ne souhaite pas aller au-delà.

Certes, on n’est jamais obligé d’aller jusqu’au maximum. Mais, comme lorsque l’on fixe une fourchette, il est difficile de résister à la tentation et le plafond est vite atteint. Souvenez-vous le débat que nous avons eu à propos de la dose de proportionnelle pour l’élection des députés !

Par conséquent, le nombre de huit commissions est suffisant ; de plus, il permettra de résoudre les problèmes que rencontre l’Assemblée nationale !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Avis favorable à l’amendement de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Permettez-moi de prendre, sous votre contrôle, l’exemple du Sénat. Nous avons actuellement six commissions permanentes, trois offices et six délégations, soit quinze structures.

M. le rapporteur fait un signe d’approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si l’on veut aller dans le sens d’une augmentation de ces structures, il ne faudra pas manquer de s’interroger non plus seulement sur leur nombre mais aussi sur leur nature. Ce débat viendra peut-être en son temps, si la révision constitutionnelle est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

C’est donc un débat qui a assez peu de chance d’avoir lieu, monsieur Karoutchi !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Vous allez nous aider, monsieur Frimat !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

J’essaie de vous encourager constamment - cela s’appelle la méthode Coué – à penser que votre révision n’a aucune chance, ce dont vous devriez finir par être convaincu en sortant d’ici !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Ah bon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Donc, même si le problème que je vais évoquer doit trouver sa solution à un autre moment, il nécessite que nous y réfléchissions d’ores et déjà. C’est la raison pour laquelle je me permets de l’évoquer à l’occasion de cette explication de vote.

La Délégation parlementaire pour l’Union européenne serait transformée en commission par l’Assemblée nationale et en « Comité des affaires européennes » au Sénat. Il est bien évident que le rapporteur ne compte pas ce comité au nombre des commissions supplémentaires qui pourraient être créées, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… étant donné son caractère éminemment transversal, contrairement aux commissions. Ou alors, les affaires européennes, qu’elles soient délégation ou comité, pourraient bientôt englober toutes les compétences des autres commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Il existe incontestablement une demande pour passer de six à huit commissions. Un tel changement peut se concevoir s’il n’aboutit pas à dépeupler davantage les commissions permanentes, qui, à certains moments, sont déjà bien assez désertées. C’est aussi un élément à prendre en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mais vous avez déjà exprimé votre volonté de voir le cumul se poursuivre et donc d’aider par là même nos commissions à se vider de leurs commissaires...

Il y a là matière à réflexion, mes chers collègues.

Cela dit, nous voterons le passage à huit, car nous sommes d’accord avec cette extension du nombre des commissions permanentes, mais encore ne faudrait-il pas trop multiplier le nombre des délégations.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je vous rappelle qu’il existe, dans cette maison, un office qui ne réunit que les groupes de la majorité et dont les travaux n’engagent par conséquent, à nos yeux, que la majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Personnellement, je ne suis pas du tout favorable à une augmentation inconsidérée du nombre des commissions.

Mes chers collègues, il y a tout de même un problème : quand la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a émis un avis défavorable sur le projet de loi constitutionnelle, seulement quatre députés étaient présents ! Alors, n’exagérons pas !

Au nom des groupes peu nombreux, je suis vraiment opposée à l’augmentation du nombre des commissions.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, l’article 17 est ainsi rédigé et l'amendement n° 367 n'a plus d'objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et Marsin, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 43 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La loi fixe les modalités de création et de fonctionnement des commissions parlementaires d'enquête qui peuvent être créées dans chaque assemblée, notamment leur composition, leurs pouvoirs et leur durée. Elle fixe également les règles relatives aux délégations parlementaires permanentes.

« Les commissions chargées de vérifier et d'apurer les comptes des assemblées sont instituées et organisées par le règlement de chaque assemblée. »

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Comme je l’ai indiqué la semaine dernière, ou plus exactement rappelé, Michel Debré, l’un des principaux auteurs de la Constitution de 1958, a reconnu lui-même que, dans la précipitation qui a marqué l’élaboration des institutions de la Ve République, c’est-à-dire quelques mois d’été en 1958, plusieurs dispositions essentielles pour les assemblées et le régime parlementaire avaient été oubliées dans la Constitution.

On a trouvé la solution en inscrivant tout ce que l’on avait oublié dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Mais celle-ci n’a pas valeur constitutionnelle, naturellement, et elle n’a même pas valeur organique ; c’est simplement une loi ordinaire.

À propos de ce texte que les questeurs connaissent bien, puisque c’est là qu’ils trouvent une partie du fondement de leurs prérogatives, le Conseil constitutionnel a dit qu’il ne s’agissait pas vraiment d’une loi organique, mais que ce n’était pas vraiment une loi ordinaire non plus, qu’elle est un peu entre les deux, car elle traite de principes institutionnels fondamentaux.

Parmi les oublis qu’il regrettait, Michel Debré a souvent cité lui-même les commissions d’enquête parlementaires et les commissions de contrôle, essentielles au contrôle parlementaire.

Par l’amendement n° 24 rectifié, je propose donc d’inscrire les seules commissions d’enquête dans la Constitution, puisque le Parlement a renoncé de lui-même, depuis longtemps, à la formule imprécise et compliquée des commissions de contrôle. Inscrivons donc dans la Constitution les commissions d’enquête !

Mes chers collègues, je vous suggère d’en profiter pour préciser aussi qu’en vertu du principe d’autonomie des assemblées parlementaires chaque assemblée comporte une commission chargée de vérifier et d’apurer ses comptes, dont les modalités de fonctionnement sont organisées par le règlement de chaque assemblée. Cela mettra un terme à un certain nombre d’incertitudes actuelles qui ne devraient d’ailleurs pas exister si certains ne s’ingéniaient pas à les créer pour abattre un pan essentiel de la séparation des pouvoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme je l’ai indiqué précédemment dans nos débats – et le Gouvernement était d’accord –, nous souhaitons réfléchir sur la reconnaissance constitutionnelle des commissions d’enquête, actuellement prévues par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et, à cette occasion, sur les droits qui seraient reconnus aux groupes minoritaires ; c’était aussi notre réflexion de la semaine dernière.

Il ne me semble pas souhaitable que nous préjugions des résultats de cette réflexion en adoptant cet amendement, mais nous trouverons une solution !

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de donner une consécration constitutionnelle aux délégations parlementaires permanentes et aux commissions chargées de vérifier et d’apurer les comptes des assemblées.

Par conséquent, mon cher collègue la commission, à son grand regret, émet un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Bref, c’est bien de penser aux commissions d’enquête, mais on en parlera quand on aura le temps !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Le Gouvernement a exactement le même avis que la commission.

Je demande vraiment à M. Charasse de bien vouloir retirer son amendement, au bénéfice des explications et des engagements du rapporteur, qui sont aussi ceux du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Si la navette n’est pas close, je le retire, monsieur le président.

Le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 18 constitue, avec les articles 7, 16 et 22 du projet de loi constitutionnelle, le socle permettant d’assurer, pour dire le vrai, une marche vers la présidentialisation du régime.

Après son examen par l’Assemblée nationale, cet article prévoit désormais que le droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par le règlement des assemblées dans le cadre déterminé par une loi organique ».

Guy Fischer et moi-même avons dénoncé en détail au cours de la discussion générale le renforcement du travail en commission au détriment de la transparence et du pluralisme de la séance publique, la réduction du nombre de jours de séance consacrés chaque mois au travail législatif lui-même et la limitation des conditions d’exercice du droit d’amendement, qui est donc expressément prévue dans l’article 18.

À ce propos, monsieur le rapporteur, je citerai M. Warsmann, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, qui écrit à la page 324 de son rapport : « Aussi est-il proposé de permettre la distinction du régime des amendements examinés en commission et celui des amendements débattus en séance publique, ces différents régimes pouvant fixer des conditions et des limites à l’exercice du droit d’amendement. »

« Cette réforme permettra à la fois de faciliter le recours à des procédures simplifiées d’adoption des projets et propositions de loi, d’organiser des débats à l’avance et, notamment, de leur fixer une limite dans le temps et, enfin, de fixer des délais de dépôt des amendements compatibles avec leur examen approfondi, en cohérence avec la réforme adoptée à l’article 42 de la Constitution modifié par l’article 16 du présent projet de révision. », c'est-à-dire en cohérence avec ce que M. Warsmann prétend être le pouvoir nouveau donné aux commissions.

Contrairement à vous-même, monsieur le rapporteur – il faudra d’ailleurs me dire pourquoi –, M. Warsmann se réfère directement aux travaux du comité Balladur. Dans le rapport de ce dernier, on peut lire en effet : « la principale proposition du comité est de donner à la conférence des présidents de chaque assemblée la charge de fixer une durée programmée de discussion pour l’examen des projets ou propositions de loi […] Une fois écoulé le temps de la discussion » – il serait programmé à l’avance, examen des amendements compris – « celle-ci serait close et l’on en viendrait au vote. »

C’est ce que j’appelle avec mes amis, depuis plusieurs mois, le « 49-3 parlementaire », aux mains non plus du Gouvernement, mais de la conférence des présidents, c'est-à-dire de la majorité présidentielle.

Le comité Balladur est d’ailleurs très franc. Selon son rapport, cette mesure « permettrait surtout de limiter l’obstruction parlementaire. […] Cette programmation concertée de la durée des débats est un élément essentiel de la rénovation du travail parlementaire. Elle suppose que le rôle de la conférence des présidents […] soit consacré dans le texte même de la Constitution. Il a semblé au comité que les règles actuelles de la majorité devaient continuer à prévaloir au sein de cette conférence. »

Ainsi, la restriction du droit d’amendement serait la « révolution » que M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement nous a promise en matière de droits du Parlement, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je n’ai pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Si, vous avez vous-même qualifié ces mesures de « révolutionnaires ». Et il s'agit bien d’une révolution, mais conservatrice et antidémocratique, puisqu’elle consiste à limiter le droit d’amendement des parlementaires.

L’article 18, qui paraît affirmer un droit d’amendement en séance publique ou en commission, ouvre en fait la voie à l’adoption simplifiée des textes et va totalement à l’encontre de la volonté affichée de revalorisation des assemblées. Qui peut croire un instant que la limitation du débat démocratique et du pluralisme renforcera le Parlement ? Personne, mis à part ceux qui veulent brider l’expression des représentants du peuple !

Monsieur le rapporteur, pourrez-vous, dès le début de l’examen de cet article 18, nous donner votre sentiment sur la nouvelle limitation du droit d’amendement préconisée par M. Balladur, proposition relayée par M. Warsmann, ce « 49-3 parlementaire » que vous n’évoquez pas précisément dans votre rapport ?

Les sénateurs du groupe CRC alertent l’ensemble des parlementaires sur la confiscation d’un droit essentiel sur le plan démocratique, à savoir le droit d’amendement. Ils ne renonceront pas à faire éclater la vérité sur ce point, vérité masquée par le slogan que martèlent le Gouvernement et ses soutiens concernant un bien hypothétique renforcement des pouvoirs du Parlement.

Je le constate d’ailleurs au fil des semaines, je ne suis pas la seule à dire que cette pseudo-revalorisation du Parlement revient à limiter notre droit d’amendement. En effet, plusieurs constitutionnalistes, qui se sont sans doute réveillés un peu tard, ont fini par reconnaître qu’il y allait véritablement d’une limitation du droit élémentaire et essentiel de chaque parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je formulerai deux grandes observations concernant l’article 18.

J’évoquerai tout d’abord le caractère byzantin de sa rédaction. L’article introduit une distinction entre les amendements examinés en commission et ceux qui seront débattus en séance publique. Ces différents régimes devront être déterminés et comporter certaines conditions et certaines limites, fixées par le règlement de chaque assemblée, qui devra lui-même s’inscrire dans un cadre défini par une loi organique.

Vous le savez, mes chers collègues, la mécanique de poupées russes – je parlais de dispositions byzantines, mais elles s’avèrent plutôt russes ! –, cache parfois des jeux bien dangereux.

Nous considérons, pour notre part, que ce système d’empilement porte préjudice au droit d’amendement des parlementaires. J’y vois même une attaque radicale contre ce droit.

Cette réforme est présentée comme un simple aménagement des modalités d’exercice du droit d’amendement, afin, nous dit-on, d’améliorer la qualité et la clarté des débats parlementaires. A priori, c’est une approche séduisante, à laquelle nous pourrions souscrire. Toutefois, avec la rédaction de l’article 18 qui nous est proposée, et sans connaître davantage les modalités pratiques qui vont être retenues, nous craignons de signer un chèque en blanc sur l’exercice effectif du droit d’amendement.

En modifiant l’article 44 de la Constitution, le présent projet de loi interdira la défense en séance publique d’amendements ayant déjà été discutés en commission. Nous sommes donc sur le point de constitutionnaliser une nouvelle forme de discussion abrégée, dans le simple but de réduire la longueur des débats en séance plénière.

Dès lors que des débats sur certaines questions ne pourront avoir lieu qu’en commission, la question de la publicité des débats est également posée.

Et quelle sera la place réservée au Gouvernement ? Sa présence en commission ne risque-t-elle pas de placer les membres de la majorité dans une forme de subordination ?

L’adoption de l’article 18 permettrait également de contraindre le droit d’amendement, par le biais du réaménagement du temps de discussion en commission et en séance publique, avec, par exemple, l’attribution d’un temps global de discussion pour chaque groupe.

En résumé, nous craignons que l’on n’inscrive dans le règlement de chaque assemblée des conditions et des limites au droit d’amendement, toutes dispositions que nous contestons évidemment formellement.

Nous sommes bien placés pour être prudents, sinon sceptiques, concernant le règlement de chaque assemblée, celui du Sénat n’offrant guère de garanties à l’heure actuelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’article 18 du projet de loi constitutionnelle, qui modifie l’article 44 de la Constitution, touche à ce qui constitue l’un des droits élémentaires du parlementaire.

Le droit d’amendement est en effet l’essence même de la fonction d’un parlementaire ; c’est en quelque sorte sa liberté individuelle. À ce titre, il concerne aussi bien les parlementaires qui appartiennent à la majorité que ceux qui appartiennent à l’opposition. Quand Christian Cointat ou Richard Yung défendent des amendements qu’ils présentent à titre individuel, ils disposent d’une liberté complète. Voilà pourquoi il faut être très prudent et ne toucher au droit d’amendement que si l’on bénéficie de nombreuses garanties.

Le Conseil constitutionnel avait déjà été amené à freiner le Sénat dans ses tentatives de simplification, considérant qu’il était impossible de toucher au droit d’amendement.

Modifier la Constitution vous permet donc de passer outre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce dernier n’étant pas constituant, comme nous nous tuons à vous le répéter !

Monsieur le rapporteur, vous allez sans doute nous répondre sur cette question, et avec le talent que nous vous connaissons. Toutefois, je l’avoue, les rédactions successives auxquelles a donné lieu cet article m’inquiètent.

Vous avez très certainement lu, comme moi, le compte rendu des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale. Cette question a représenté un moment très important de l’examen du projet de loi constitutionnelle. Mes collègues du groupe socialiste ont été conduits à demander, sur cet article, une suspension de séance, et le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer– je parle sous votre contrôle, monsieur le secrétaire d’État –, est revenu lui-même en séance à une heure assez tardive pour expliquer un certain nombre de points, et apporter des garanties.

Pour compléter l’argumentation que vient de développer mon collègue Richard Yung, je souhaite rappeler que le droit d’amendement est aujourd’hui garanti par la Constitution, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’agit d’un point particulièrement délicat. La situation s’est déjà dégradée à l’Assemblée nationale, dans la mesure où nos collègues ont prévu de renvoyer à la loi organique pour la définition du cadre dans lequel s’inscriront des conditions et limites dont nous ne savons rien encore.

La commission des lois du Sénat souhaite faire disparaître le renvoi à la loi organique, laissant à chaque assemblée le soin de gérer pour elle-même dans son règlement le droit d’amendement. Or nous n’estimons pas avoir, dans cette hypothèse, suffisamment de garanties pour pouvoir nous rallier à cette position. À nos yeux, il faut impérativement préserver – nous aurons l’occasion d’éclairer cette question au cours du débat – la possibilité de présenter un amendement en commission et en séance plénière. Pour le moment, nous doutons qu’une telle possibilité soit envisagée. La présentation et le rejet d’un amendement en commission interdiront-ils sa présentation en séance plénière ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

C’est dans le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Ce sont des questions que nous nous posons, monsieur le secrétaire d’État, puisque, à ce jour, nous n’avons aucune garantie sur quoi que ce soit ! Certes, c’est dans vos habitudes, je vous en donne acte ! Vous connaissez la chanson doucereuse « Aie confiance, crois en moi » ; c’est même devenu votre antienne. Mais nous n’avons pas l’intention de nous laisser endormir, même à cette heure avancée de l’après-midi, et de nous contenter d’un « Vous verrez plus tard » ! Chaque fois que nous soulevons un point délicat, on nous renvoie à plus tard. Hélas, plus tard sera sans doute trop tard !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 18 du projet de loi constitutionnelle. Nous estimons en effet, et c’est essentiel, que le droit d’amendement des parlementaires, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, est mieux garanti par la rédaction actuelle de la Constitution que par celle qui est prévue dans l’article 18 de ce projet de loi.

Mes chers collègues, vous devriez faire preuve d’une très grande prudence dans ce domaine. Que vous le vouliez ou non, cette révision constitutionnelle va aboutir à une restriction du droit d’amendement. Or nous montrons, depuis mardi dernier, qu’il est possible de débattre sans déposer des milliers d’amendements, sans solliciter de suspension de séance, sans pratiquer la moindre obstruction, la moindre flibuste. Cela étant, lorsque c’est nécessaire, nous savons faire, et nous ferons !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 204 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 473 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour défendre l’amendement n° 204.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 18 se combine parfaitement avec l’article 16, qui prévoit que la discussion en séance publique se fait sur la base du texte de la commission.

Avec le présent article, la clé de la nouvelle gestion du débat réside dans la conférence des présidents.

Si le droit d’amendement s’exerce en séance publique « ou » en commission, cela signifie que, à l’avenir, une fois le débat d’amendement effectué en commission, il ne pourra plus avoir lieu en séance publique. C’est clair ! §Vous ne me convaincrez pas du contraire !

Or la conférence des présidents est le lieu privilégié du fait majoritaire. C’est particulièrement vrai au Sénat, où la majorité est surreprésentée au sein de la conférence des présidents, quatre membres sur dix-huit étant issus de l’opposition, soit 25 %, ce qui est un taux même inférieur à celui de la représentation des groupes en séance publique où, malgré un mode de scrutin injuste, l’opposition occupe 40 % des sièges.

Force est donc de constater que, avec cette disposition, la conférence des présidents tord le bâton davantage encore au profit de la majorité, au Sénat, de façon caricaturale, mais également à l’Assemblée nationale, de sorte que l’écart opposition-majorité se creuse.

Nul besoin de rechercher des procédures simplifiées puisque la formule existe depuis longtemps, même si son champ d’application est expressément limité. Par exemple, selon le règlement du Sénat, elle s’applique uniquement aux textes d’importance moindre. Et les groupes disposent d’un droit de veto quant à son utilisation.

De surcroît, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a établi, à la suite d’une proposition de modification du règlement par le Sénat en 1990, que tout amendement déposé en commission pourrait être repris en séance plénière.

L’article 18 contredit le Conseil constitutionnel, puisqu’il laisse à la conférence des présidents le soin de décider si le droit d’amendement s’exerce en séance plénière ou en commission, alors même que, de toute façon, c’est le texte de la commission qui est discuté en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l’amendement n° 473.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 207, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Dans le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, après le mot : « ont », sont insérés les mots : « à tout moment du débat ».

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement s’inscrit dans la logique du précédent et vise à préciser que les parlementaires disposent du droit d’amendement à tout instant du débat.

Cette proposition prend l’article 18 à contre-pied. Toutefois, en l’acceptant, le Gouvernement manifesterait sa bonne volonté et son souhait de ne pas brimer, ou brider, les parlementaires.

Avouez qu’il est assez choquant du point de vue démocratique que le Gouvernement dispose du droit d’amendement à tout instant du débat, y compris au moment de l’examen des articles, alors que les parlementaires sont privés de ce droit.

La pratique montre pourtant que l’évolution d’un débat, l’approfondissement d’une question, l’échange d’opinions, y compris sur des amendements individuels en séance publique, peuvent susciter de nouveaux amendements.

Pourquoi exclure une telle possibilité ? Pourquoi empêcher les parlementaires de préciser leur réflexion au cours de la discussion ?

Nous en revenons toujours à ce débat de principe : faut-il limiter le droit d’amendement ? Est-ce une fin en soi ? À ces questions, nous répondons catégoriquement non, d’autant plus que les principaux arguments qui sont avancés pour justifier la limitation de ce droit, que ce soit par M. Balladur ou par les rapporteurs, se fondent sur le risque d’obstruction.

En d’autres termes, chers collègues, le pouvoir exécutif a peur que le Parlement, constitué donc de parlementaires, doté de droits démocratiques, puisse empêcher l’adoption d’un projet de loi. C’est tout de même extraordinaire !

Rassurez-moi, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, vous ne rêvez tout de même pas de Constitutions anciennes, comme, par exemple, celle de l’An VIII, ou celle de 1814, aux termes de laquelle, pour être discuté, tout amendement devait avoir été consenti par le roi, ou encore, plus subtile, celle de 1852, qui prévoyait de soumettre les amendements pour accord au Conseil d’État avant leur discussion ?

Si l’on veut vraiment revaloriser les droits du Parlement, au moins faut-il inscrire dans la Constitution que le droit d’amendement des parlementaires est imprescriptible.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 206, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Par cet amendement, nous vous proposons d’adopter une proposition du comité présidé par M. Balladur visant à limiter le droit d’amendement du Gouvernement.

Trop souvent, ce dernier utilise, en effet, cette capacité exorbitante du droit démocratique lui permettant de déposer, durant l’examen même d’un projet de loi, ce qui en fait un véritable cavalier législatif.

Cette proposition de M. Balladur est . Elle ne remet pas en cause le droit d’amendement gouvernemental, elle en limite les excès. C’est pourquoi nous vous proposons de l’adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 205, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Cet amendement est important. Il tend à supprimer la procédure dite du vote bloqué, qui permet au Gouvernement de demander à une assemblée qu’elle se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte tout en ne retenant que les amendements qu’il juge intéressants.

Cette procédure est à rapprocher de l’actuel article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elle est considérée comme une arme contre ce que les gouvernements appellent l’obstruction, ce que notre groupe, comme notre présidente vient de le rappeler, appelle la résistance parlementaire.

Le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution montre bien les limites actuelles du droit d’amendement, c'est-à-dire des droits du Parlement, limites auxquelles vous ne vous attaquez surtout pas.

Il paraît important de s’arrêter quelques instants sur le terme même d’obstruction.

Permettez-moi tout d’abord d’indiquer que, pour ce qui concerne notre groupe, nous n’avons jamais déposé un nombre excessif d’amendements, et en l’occurrence pas ces milliers d’amendements qui avaient été annoncés ici ou là !

Les chiffres les plus impressionnants concernaient l’Assemblée nationale. Mais chacun sait qu’il y avait un effet d’annonce, puisque les débats ne duraient pas plus longtemps qu’au Sénat, où dix, vingt, trente fois moins d’amendements étaient déposés.

Le règlement et la pratique de l’Assemblée nationale font que, comme ce fut le cas pour Gaz de France, à l’automne 2006, les amendements y sont rejetés par centaines en une seule fois, provoquant des accélérations surprenantes de la discussion.

Objectivement, le dépôt massif d’amendements est devenu un moyen d’alerte face à une pratique gouvernementale, face à l’inflation législative.

Chacun le dit, mais on l’oublie généralement au moment de la séance publique, les conditions du débat démocratique ne sont pas réunies aujourd'hui au Parlement et elles ne le seront pas demain.

Le Gouvernement jure ses grands dieux que tout ira mieux demain, que les droits du Parlement seront parfaitement respectés.

Est-ce pour nous convaincre de cette volonté qu’il viole ces mêmes droits de manière éhontée, en inscrivant à l’ordre du jour des semaines à venir, au titre d’une session extraordinaire de surcroît, des textes aussi fondamentaux que la mise à mort des 35 heures, la restriction du droit de grève à l’école, la chasse aux chômeurs, les cadeaux à la grande distribution et, bien entendu, la présente révision constitutionnelle ?

Il suffit de voir, monsieur le secrétaire d’État, la liste des textes inscrits à l’ordre du jour de notre session extraordinaire pour s’en rendre compte.

Comment exiger de l’opposition un comportement « raisonnable », alors que le pouvoir exécutif avance à marche forcée, impose des réformes dont les Françaises et les Français ne veulent pas ?

Oui, il existe un droit d’opposition, un droit de résistance parlementaire, un droit et un devoir d’insurrection parlementaire.

Quand la ligne jaune est franchie, – avec, notamment, le contrat première embauche, ou CPE, la réforme des retraites, la privatisation des biens publics, la casse du droit du travail – il est normal que les représentants du peuple puissent dire « trop c’est trop, cela suffit ! ».

Le phénomène d’inflation législative conforte cette réaction. Cette volonté de déborder le Parlement pour lui faire accepter dans la confusion et la précipitation des textes fondamentaux légitime des réactions fortes des élus.

Le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution est l’une des armes qui permet au Gouvernement de s’opposer à cette expression démocratique du Parlement. Nous vous proposons donc de supprimer cet alinéa.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission. La discussion des amendements peut être organisée conformément au règlement de chaque Assemblée. »

La parole est à M. Christian Cointat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Cet amendement rejoint l’amendement n° 118 de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

… et je le retirerai au bénéfice de ce dernier, car il me semble que le règlement d’une assemblée est d’une puissance normative suffisante pour contenir toutes les prescriptions utiles en matière d’amendement.

C’est à chaque assemblée qu’il revient de décider quelle procédure elle estime devoir suivre.

Voilà pourquoi cet amendement est nécessaire, me semble-t-il, pour redonner toute leur force aux règlements respectifs du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 118, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission. Le règlement de chaque assemblée fixe les conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'amendement de ses membres. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La disposition proposée pour l’article 44 devrait permettre qu’une part plus importante du travail législatif soit effectuée en commission.

Aux termes de cet article, il appartiendrait aux règlements des assemblées de déterminer les conditions et les limites de l’exercice du droit d’amendement en séance publique et en commission « dans le cadre déterminée par une loi organique ».

Votre commission estime, tout d’abord, que la référence aux « conditions » englobe la notion de « limites ». Chacun en conviendra, une limite constitue une condition. D’ailleurs, l’expression « conditions et limites » rappelle une formule du vieux droit. En l’occurrence, il n’est donc pas nécessaire de faire figurer le terme « limites » dans la Constitution.

Ensuite, votre commission s’est interrogée sur le renvoi à la loi organique pour déterminer le « cadre » dans lequel s’inscriraient les règlements des assemblées.

Dans deux autres articles de la Constitution, les articles 12 et 24, la compétence donnée aux assemblées pour définir les règles qui les concernent n’est pas encadrée.

La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l’autonomie des assemblées pour fixer les modalités d’exercice du droit d’amendement.

Aussi, nous proposons de supprimer cette référence.

La rédaction proposée par notre amendement permet de marquer clairement que les dispositions adoptées par les assemblées ne concerneront pas l’exercice, par le Gouvernement, de son droit d’amendement. C’est ce qui différencie notre amendement de l’amendement n° 49 rectifié, mais les auteurs de ce dernier partageaient notre point de vue, me semble-t-il.

Pour répondre à M. Frimat, je rappelle que les efforts que nous avons faits pour développer des formules de débats simplifiés sont jusqu’à présent restés infructueux. Peut-être certains s’en réjouissent-ils, mais ils ont tort, car nos débats, par leur longueur, deviennent souvent ésotériques et incompréhensibles. J’ai cité tout à l'heure l’exemple des textes de ratification d’ordonnance ou de codification, qui font l’objet d’une multitude d’amendements techniques que l’on doit défendre très rapidement – sans cesse on se lève, on se rassoit –, si bien que cela confine à l’absurde !

Saisi en 1990 de dispositions tendant à modifier le règlement du Sénat, notamment de l’interdiction faite à tout membre de l’assemblée saisie d’un texte de reprendre en séance plénière un amendement relatif à ce texte au motif que cet amendement aurait été écarté par la commission saisie au fond, le Conseil constitutionnel s’était montré extrêmement strict et avait censuré le dispositif.

La révision pourrait permettre de lever cette difficulté et de procéder comme nous le faisons déjà pour les textes concernant les conventions internationales. L’examen en procédure simplifiée implique, à l’évidence, l’exclusion des textes dont l’importance justifie l’examen complet en séance publique et un souci particulier du respect des droits de l’opposition. En tout état de cause, il appartiendrait au règlement de chaque assemblée de fixer ces dispositifs, comme le prévoient d’ailleurs les amendements de la commission.

Cet amendement va véritablement dans le sens d’une meilleure organisation de nos débats.

Nous sommes souvent saisis de textes très techniques qui exigent de la commission le dépôt de nombreux amendements non moins techniques, sans susciter pour autant un véritable débat en séance publique. Je prendrai l’exemple récent du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire. Il suffirait dans ces cas d’organiser une bonne discussion générale. Si c’est le texte de la commission qui est discuté en séance publique, cela facilitera d’autant plus les choses.

Nous avons intérêt à mener une réflexion commune pour améliorer la lisibilité de nos travaux en séance publique. Tel est le sens du texte voté par l’Assemblée nationale, que nous proposons d’alléger en supprimant la référence à la loi organique, à nos yeux inutile. C’est aussi dans cet esprit que nous recherchons des formules susceptibles de recueillir l’accord de tous pour être applicables à un certain nombre de textes.

Il ne s’agit pas de déposer des amendements pour le plaisir. L’objectif fixé est de réserver la séance publique à de vrais débats, où l’on ne perde pas un temps infini sur des textes techniques, qui ne sont d’ailleurs pas si nombreux. Cette formule rendrait certainement tout son intérêt à une séance publique que l’organisation actuelle de nos travaux ne sert pas.

Le droit d’amendement ne serait absolument pas atteint, puisque les débats de la commission seraient plus ouverts au public, l’objet des amendements déposés serait clairement explicité et chacun saurait comment ils ont été défendus et pourquoi ils ont été rejetés par la commission.

D’ailleurs, ce système existe à l’étranger.

Ainsi, au Parlement italien, le système des leggine, ou petites lois, permet aux commissions de voter la loi sans aucune ratification en séance plénière. Nous n’en sommes pas là, mais une telle mesure contribuerait à la modernisation du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 338, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa de l'amendement n° 118 :

« Ce droit s'exerce en commission ou en séance dans les conditions fixées par le règlement de chaque assemblée. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Ce sous-amendement rédactionnel vise à définir les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’amendement non seulement des parlementaires, mais encore du Gouvernement, ce dernier cas ayant sans doute été omis…

Le droit d’amendement appartenant concurremment au Parlement et au Gouvernement, il faut que nous puissions nous prononcer sur les conditions d’exercice de ce droit par ce dernier. Le renvoi à une loi organique aurait probablement affaibli ce droit fondamental des parlementaires ; c’est pourquoi il convient sans doute de saluer la suppression de cette mention proposée par la commission. Néanmoins, son amendement reste muet, me semble-t-il, sur les conditions d’exercice par le Gouvernement de son droit d’amendement.

Si le règlement de chaque assemblée doit déterminer la manière dont ses membres exercent leur droit d’amendement, il doit aussi définir les règles applicables au Gouvernement. Aussi, par ce sous-amendement, je vous propose une formulation qui, par son caractère général, n’exonérera ni le Parlement ni le Gouvernement du respect des règles relatives au dépôt d’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 514, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 18 par les mots :

, dans le respect des prérogatives des groupes parlementaires

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce sous-amendement vise à valoriser les groupes parlementaires. Tout le monde s’accordera sur cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 508, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 118, par les mots :

et du Gouvernement

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce sous-amendement vise à préciser que les règlements des assemblées définissent les conditions d’exercice du droit d’amendement non seulement du Parlement, mais aussi du Gouvernement.

L’amendement n° 118 de la commission ne nous satisfait pas. M. le rapporteur s’interroge sur la notion de limite au droit d’amendement, mais il ne va pas jusqu’à supprimer les moyens d’imposer ces limites. Par exemple, il confirme le choix d’un débat en commission plutôt que celui d’un débat en séance publique. Pour notre part, tenant le droit d’amendement pour un droit fondamental, nous ne comprendrions pas que les amendements du Gouvernement soient exclus du champ du dispositif que propose la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 378 rectifié, présenté par MM. Lambert et Marini, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « et par la commission saisie au fond ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 474, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Il est souvent reproché aux parlementaires d’abuser de leur droit d’amendement. Toutefois, la vérité oblige à dire que le Gouvernement n’est pas exempt, lui non plus, de toute critique à cet égard. Ainsi, il n’est pas rare que, toujours pour d’excellentes raisons, des amendements gouvernementaux soient déposés au dernier moment lors de l’examen d’un texte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement, parce qu’il tient impérativement à faire adopter telle ou telle mesure, engage parfois des négociations avec les parlementaires pour les dissuader de saisir le Conseil constitutionnel. La plupart du temps, cette requête à au moins le mérite de réparer une éventuelle distraction des parlementaires et d’attirer leur attention sur l’opportunité de faire un recours.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Notre amendement vise simplement, par souci d’égalité, à proscrire les cavaliers gouvernementaux tout comme sont interdits les cavaliers parlementaires. Certes, étant sans doute de meilleure facture, ils susciteraient l’admiration de tous dans un concours de saut d’épreuve, mais tel n’est pas leur objet.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Au préalable, je tiens à apporter une précision. Je parle un peu l’anglais, un peu l’allemand, mais pas suffisamment l’italien ! (Sourires.) Aussi, tout à l’heure, quand j’ai évoqué la procédure des leggine en vigueur au Parlement italien, il fallait bien entendre « lég-gi-né », et non « légine », qui est un poisson que l’on trouve au large des îles Kerguelen. Je tiens cette information de M. Cointat, qui préside le groupe d’études du Sénat sur l’Arctique, l’Antarctique et les Terres australes.

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’amendement n° 118 de la commission améliore la rédaction de l’article 18 dans un sens qui, je l’espère, conviendra peut-être davantage aux auteurs des amendements de suppression.

La commission ne peut être favorable à la suppression de l’article 18, qui aurait pour conséquence de limiter toute possibilité d’organiser des débats simplifiés en séance publique. Or ces débats permettront sans doute de recentrer la discussion sur les vrais enjeux.

J’ajoute que, comme c’est actuellement le cas, ces débats simplifiés ne pourront concerner aucun texte important ; en outre, la décision de soumettre un texte à la procédure de débat simplifié devrait recueillir un accord aussi large que possible au sein de la conférence des présidents. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression n° 204 et 473.

S’agissant de l’amendement n° 207, la détermination de délais pour le dépôt des amendements répond à des règles de bonne organisation du débat ; elle permet notamment aux commissions saisies au fond de se prononcer. Pour ces raisons, il n’est pas envisageable de supprimer tout délai. En outre, une telle mesure dévaloriserait le travail des commissions.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission émet sur cet amendement un avis défavorable.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 206. Le droit d’amendement du Gouvernement est soumis aux mêmes règles que celui des parlementaires et à la même jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce que le Gouvernement a pu constater à plusieurs reprises. Aussi, il n’y a pas lieu d’introduire dans la Constitution des dispositions particulières relatives au droit d’amendement du Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 205. Le vote bloqué contribue à garantir l’efficacité de l’exécutif, qui est l’un des principaux acquis de la Constitution de 1958.

M. Cointat pourra peut-être retirer son amendement n° 49 rectifié, qui est satisfait par l’amendement n° 118 de la commission, sur lequel je vais demander la priorité de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Cette demande de priorité n’est pas utile, monsieur le rapporteur.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vraiment ? Dans ce cas, je la retire, monsieur Frimat, à la condition que vous me promettiez que vos explications de vote seront brèves.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 49 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les auteurs du sous-amendement n° 338 proposent une nouvelle rédaction de l’amendement de la commission. Le règlement de chacune des assemblées n’a pas vocation à déterminer les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’amendement du Gouvernement. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Cela étant dit, j’ai bien noté, madame Boumediene-Thiery, que vous approuviez pour le reste l’amendement de la commission.

La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 508, qui vise à encadrer les modalités de présentation des amendements du Gouvernement.

La commission n’a pas eu à se prononcer sur le sous-amendement n° 514. Il appartiendra au règlement de chacune des deux assemblées de définir les conditions d’exercice du droit d’amendement, lesquelles seront respectueuses des droits de la minorité.

Je rappelle que le droit d’amendement n’est pas un droit des groupes ; il s’agit d’un droit individuel des parlementaires. À titre personnel, donc, j’émettrais un avis défavorable.

Enfin, l’objet de l’amendement n° 474 étant très proche de celui de l’amendement n° 206, la commission émet pareillement un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Nous sommes sur l’un des articles clés du projet de loi constitutionnelle.

Tout d’abord, je tiens à rassurer M. Frimat en lui confirmant, en réponse à la question qu’il a posée tout à l’heure, qu’un amendement qui aurait été rejeté en commission pourra bien évidemment être présenté en séance publique.

Comme l’a rappelé brillamment M. le rapporteur, le Gouvernement a assigné un objectif essentiel à l’article 18 : assurer la clarté et la lisibilité du débat législatif. C’est pourquoi il va de soi qu’il émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression n° 204 et 473.

Le comité Balladur avait envisagé deux voies. D’une part, il avait évoqué la possibilité, pour certains textes de moindre importance, d’adopter en commission les amendements et d’y engager l’essentiel du débat, les positions de la commission étant alors ratifiées en séance. Cette procédure impliquerait une modification de l’article 44 de la Constitution.

D’autre part, monsieur Frimat, le comité Balladur avait repris l’idée formulée par M. Bel à l’alinéa 2 de l’article 26 de sa proposition de loi constitutionnelle tendant à réviser la Constitution du 4 octobre 1958 afin de rééquilibrer les institutions en renforçant les pouvoirs du Parlement, déposée le 12 juillet 2007, à savoir des durées programmées de débat.

Je rappelle les termes de cet alinéa : « Le Gouvernement peut, après avis de la conférence des présidents de l’assemblée saisie, fixer un délai pour l’examen d’un projet de loi. À l’expiration de ce délai, qui ne peut être inférieur à une semaine, l’assemblée se prononce par un seul vote sur les dispositions du texte qu’elle n’a pas encore examinées, en ne retenant… » – écoutez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, cela figure dans la proposition de loi socialiste – « …que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. »

En la matière, ces durées programmées doivent être généreuses et consensuelles. Cela va dans le sens d’une meilleure organisation des travaux des assemblées. Il n’est absolument pas nécessaire d’adapter notre Constitution pour ce faire ; la preuve en est que le règlement de l’Assemblée nationale prévoyait jusqu’en 1969 une telle procédure, qu’avait validée le Conseil constitutionnel. Libre à vous, monsieur Frimat, de vous y opposer, comme de vous opposer à celle que j’ai précédemment évoquée.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 207 du groupe CRC. Ses dispositions seraient contradictoires avec le deuxième alinéa de l’article 44 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de s’opposer, après l’ouverture du débat, à l’examen des amendements qui n’ont pas été soumis antérieurement à la commission.

Madame Borvo Cohen-Seat, je vous confirme que la proposition contenue dans votre amendement n° 206 est identique à celle qu’a faite le comité Balladur. Pour autant, le Gouvernement ne s’y est pas montré favorable, car il a estimé qu’il pouvait être opportun, en cours de discussion, d’ajouter à un projet de loi des dispositions utiles.

Je précise qu’il ne s’agit ni de contourner les procédures prévues à l’article 39 de la Constitution, notamment l’avis du Conseil d’État, ni de permettre le dépôt de purs cavaliers législatifs.

S’agissant de l’amendement n° 205, si le vote bloqué doit bien évidemment être utilisé avec parcimonie – c’est le cas –, il reste néanmoins un instrument utile pour donner une certaine cohérence à un texte. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Je remercie M. Cointat d’avoir retiré son amendement n° 49 rectifié.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 118 de la commission des lois. Celui-ci vise notamment à supprimer la référence aux limites fixées par les règlements des assemblées au droit d’amendement des parlementaires. Sans doute cette mention aurait-elle été mal interprétée et aurait-elle été parfaitement inutile pour atteindre les deux objectifs du Gouvernement que j’ai mentionnés lors de l’examen de l’amendement n° 204 de Mme Borvo Cohen-Seat, à savoir l’instauration de procédures simplifiées pour certains textes et la possibilité d’organiser une durée programmée des débats en séance.

Le droit d’amendement, monsieur Frimat, continuera de s’exercer librement, en séance, bien sûr, mais aussi en commission. Cette dernière précision est importante, car c’est naturellement le texte de la commission qui sera débattu en séance.

Il faut naturellement que les parlementaires puissent défendre leurs propositions en commission. Il faut aussi pouvoir mettre en place la procédure simplifiée que le Gouvernement appelle de ses vœux et qui a été proposée par le comité Balladur.

Les parlementaires continueront à déposer leurs amendements, à les défendre en commission ou en séance.

Si les groupes s’organisent, il n’y a aucune raison que les amendements ne puissent être défendus en séance. Cela suppose que le temps de parole entre les groupes soit réparti et que chacun ait suffisamment de temps pour s’exprimer.

En ce qui concerne le renvoi à une loi organique, il s’agissait simplement, sur la suggestion du Conseil d'État, de régler de manière cohérente les conditions de présentation des amendements du Gouvernement, rien de plus. Il ne s’agissait surtout pas de limiter le droit d’amendement parlementaire par cette voie.

La commission des lois a estimé que ce dispositif était inutile. Le Gouvernement se range à son avis forcément éclairé et considère que la rédaction proposée, qui permet au règlement des assemblées de fixer les conditions d’exercice du droit d’amendement des membres des assemblées, convient. Elle est d’ailleurs conforme à la tradition parlementaire.

Sur les sous-amendements n° 338 et 508, le Gouvernement a émis un avis défavorable. Il ne souhaite pas que le règlement de chaque assemblée puisse apporter des restrictions au droit d’amendement du Gouvernement. Autant les règlements sont légitimes pour déterminer l’organisation du dépôt des amendements des membres de chaque assemblée, leur modalité d’examen, de discussion, de vote, autant il ne paraît pas souhaitable que de telles règles puissent contraindre le Gouvernement, d’autant qu’elles pourraient être très différentes d’une assemblée à l’autre.

En outre, je le rappelle, le Gouvernement n’intervient pas dans la rédaction des règlements des assemblées. Il serait donc paradoxal que ces règlements apportent des limites à son droit d’amendement.

Madame Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 514, parce que la mention des droits des parlementaires paraît inutile à l’article 44 de la Constitution. En effet, dans l’article 51-1, nous allons définir des droits liés aux groupes, et c’est évidemment dans ce cadre que ces droits seront établis.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 474 relatif à la limitation du droit d’amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président, nous sommes au cœur du débat sur les droits élémentaires du parlementaire.

Je veux d’abord remercier M. le rapporteur, qui a eu l’amabilité de revenir sur son intention de demander le vote par priorité de l’amendement de la commission. Cela nous permettra d’avoir un scrutin public sur ces deux amendements identiques de suppression.

J’ai lu le rapport de M. Hyest. Il y est écrit que la disposition proposée pour compléter l’article 44 permettrait « d’assouplir » le principe. « L’auteur d’un amendement rejeté en commission ne serait donc plus fondé à le soumettre de nouveau devant la formation plénière de son assemblée. L’enjeu de la disposition proposée par la révision constitutionnelle est de favoriser le recours aux procédures simplifiées d’examen des textes en séances publiques.

« Les efforts pour développer de tels dispositifs sont en effet restés, jusqu’à présent, infructueux. »

Cela a le mérite de la clarté, mais nous ne pouvons pas accepter un tel dispositif.

D’ailleurs, M. Hyest s’est arrêté de lui-même au cours de son exposé, parce qu’il s’est aperçu que sa démonstration le menait dans une impasse.

Rappelez-vous ses propos sur la séance publique encombrée par la discussion de textes à caractère technique, notamment de codification, et de ces nombreux amendements rendus nécessaires parfois pour de simples changements de nomenclature. Si j’ai bien compris, lorsque nous discuterons, en séance, du texte de la commission, nous ne pourrons pas déposer d’amendements, sauf pour remettre en cause le travail de la commission. Dans cette hypothèse, son argumentation n’a plus de fondement. Nous ne pouvons donc que maintenir notre amendement.

Monsieur Karoutchi, je vous connais trop pour ne pas savoir que vous vous feriez un plaisir de me rappeler la proposition de loi constitutionnelle de Jean-Pierre Bel. Je vous en félicite, car cela prouve que vous avez d’excellentes lectures.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cela étant, quand on utilise un argument, il faut l’utiliser jusqu’au bout.

La proposition de loi constitutionnelle prévoyait aussi la suppression de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, qui n’a rien d’anodin s’agissant du droit d’amendement. Dans la proposition de loi du groupe socialiste, il n’y a plus de 49-3, monsieur le secrétaire d’État ! Dès lors, n’étant plus dans le même cadre, on ne pouvait donc plus résoudre les problèmes de la même façon. C’était une autre pratique des institutions.

Permettez-moi un instant de me situer dans le cadre envisagé par les auteurs de la proposition de loi pour traiter du problème d’une éventuelle obstruction par le dépôt de milliers d’amendements. La droite et la gauche ont montré en leur temps qu’elles savaient faire, suffisamment pour pouvoir aujourd'hui y renoncer l’une et l’autre.

Que fait-on en cas d’obstruction ? L’article 49-3 n’existant plus, il revient à la conférence des présidents de déterminer, pour un texte donné, un délai de discussion. Et c’est seulement après avoir constaté l’impossibilité de faire voter le texte dans ce délai fixé, qui ne saurait être inférieur à une semaine, que, pour lever le blocage institutionnel, le Gouvernement peut demander un vote sur le texte modifié par les seuls amendements qu’il a déposés ou acceptés.

Mais cela signifie bien que l’organisation du débat aura, au préalable, fait l’objet d’un consensus en conférence des présidents.

Les dispositions de cette proposition de loi constitutionnelle ne correspondent donc pas du tout à la vision que vous en donnez. Je le conçois, d’ailleurs. Quand on n’a que des arguments faibles, il faut bien essayer d’en trouver des bons.

M. le secrétaire d’État sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président, je conclus, car j’ai bien conscience d’abuser des cinq minutes qui me sont généreusement accordées.

Si cet article était voté conforme, nous ne pourrions plus revenir sur ce sujet, mais grâce à l’amendement de M. le rapporteur, il sera dans la navette.

Nous maintenons notre amendement, bien que je connaisse par avance l’issue du vote. Je souhaite que chaque groupe marque clairement sa position quant au droit d’amendement.

Ce droit ne peut être restreint et l’on ne saurait s’en remettre au seul règlement des assemblées, parce que cela ne constitue pas une garantie suffisante au regard des prérogatives de la majorité.

On a quelquefois constaté des attitudes qu’en termes économiques on qualifie d’« abus de position dominante ». Si j’avais la certitude de ne jamais revoir de tels comportements, je pourrais vous croire, mais votre pratique m’en dissuade, car elle est essentiellement fondée sur un constant abus de position dominante, surtout au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

M. Karoutchi a indiqué que le règlement de chaque assemblée fixerait les règles d’exercice du droit d’amendement parlementaire. Mais, dans la mesure où il n’existe plus de loi organique, comment les règles du droit d’amendement gouvernemental seront-elles déterminées ? Doit-on comprendre que le droit d’amendement du Gouvernement ne sera soumis à aucune règle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour répondre à ma collègue, non, il n’y a pas de règle qui encadre le droit d’amendement du Gouvernement.

Je maintiens mon amendement. Je ne sais pas si la navette permettra de relancer la réflexion sur ce sujet, mais, pour l’heure, je constate que vous n’avez en rien modifié les pouvoirs de l’exécutif, notamment les possibilités dont il dispose pour limiter ou interrompre un débat, pour forcer la décision avec un vote bloqué. Non seulement le « 49-3 » est maintenu, mais vous y ajoutez un « 49-3 parlementaire », ou, plus exactement, un « 49-3 majoritaire ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et cela devient évident lorsque l’on connaît la composition de la conférence des présidents.

Vous ne cessez de nous expliquer que cette réforme vise non pas à renforcer la présidentialisation du régime, mais au contraire à accroître les droits du Parlement. Il me paraît donc normal d’insister sur le fait qu’il n’en est rien. Certes, vous cherchez un habillage. Il est en effet difficile de dire que vous voulez conforter le présidentialisme, et même l’hyper-présidentialisme que nous connaissons aujourd'hui. Donc, vous déclarez que ce n’est pas votre but. Pourtant, c’est exactement ce qui se passe. Avec votre dispositif, l’article 49-3 ne sera même plus nécessaire. Il y aura, en quelque sorte, une autorégulation par la majorité du débat parlementaire.

M. Karoutchi m’a indiqué que nous reviendrions, lors de la discussion de l’article 51-1, sur les droits des groupes parlementaires, qui font l’objet du sous-amendement n° 514 que j’ai déposé à l’amendement n° 118 de la commission. Néanmoins, je demande un scrutin public sur ce sous-amendement, car j’entends bien concrétiser dès maintenant le droit des groupes parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J’ai été saisi d’un sous-amendement n° 518, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de l'article 18, remplacer les mots :

en séance ou en commission

par les mots :

en séance et en commission

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, j’ai soulevé l’autre jour, et je n’étais pas le seul, une question que M. Frimat vient de poser à nouveau.

Selon les indications contenues dans le rapport de M. Hyest, dans le nouveau système, lorsqu’un amendement aura été déposé en commission puis rejeté en commission, il ne pourra pas être redéposé dans les mêmes termes par son auteur en séance.

Je me suis demandé où M. Hyest avait pris cela. La Constitution ne comprend en effet pas la moindre disposition qui implique la moindre restriction au droit d’amendement, lequel est aujourd’hui libre, en séance comme en commission.

J’ai compris en lisant l’amendement n° 118 de la commission des lois. Ce dernier prévoit en effet que le droit d’amendement s’exerce « en séance ou en commission » : fromage ou dessert, mais pas les deux !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Excusez-moi, ma chère collègue, mais je n’avais pas vu l’amendement de M. Hyest lorsque j’ai abordé cette question la semaine dernière. Maintenant, je l’ai vu et j’ai compris : la commission des lois espère, par ce biais, en utilisant ce « ou », se trouver dans une situation où l’on dira qu’un amendement rejeté en commission ne pourra plus être présenté à nouveau par le même auteur en séance.

Que va-t-on faire ? Nous assisterons à une course poursuite infernale. Au lieu que les groupes déposent en bloc des amendements, un membre d’un groupe signera seul un amendement en commission et, si cet amendement est repoussé en commission, ses amis le reprendront en séance.

Finalement, votre système ne marchera pas, monsieur Hyest. Il donnera lieu à de telles chicaneries que je propose, pour que les choses soient claires, dans le sous-amendement n° 518, que le droit d’amendement, droit absolu, puisse s’exercer en tout lieu dans cette maison, en séance « et » en commission.

Mes chers collègues, les règlements des assemblées décideront librement. Ils pourront très bien prévoir que l’on peut déposer des amendements en commission « et » en séance. Mais, s’ils prévoient que l’on pourra le faire en commission « ou » en séance, le Conseil constitutionnel considérera que le règlement est tout de même conforme et il en résultera une forte perte de la capacité d’amender.

J’ajoute que les membres de la commission saisie au fond vont se trouver privés d’une grande partie de la possibilité d’intervenir en séance, puisqu’ils n’auront pas le droit d’amendement.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Comment, mais non ? Je lis « ou ». Dans ce cas, mettez « et », ce sera plus simple ! Si vous ne voulez pas, c’est que le « ou » est un « Ouh ! Ouh ! Au secours ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 518 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je souhaite que le Sénat se prononce sur les amendements de suppression. Ensuite, je le répète, je demanderai la priorité de vote de l'amendement n° 118, car en voilà assez !

Exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Charasse, vous avez assisté à l’ensemble de la discussion sur l'article 18. J’ai déjà précisé que, dans le cadre des procédures simplifiées d’examen en séance publique de textes portant sur des sujets techniques qui seraient autorisées par la conférence des présidents, l’examen en commission aurait valeur délibérative et il ne serait pas nécessaire de reprendre en séance publique les amendements rejetés en commission. Voilà pourquoi nous sommes obligés d’introduire le « ou ».

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Évidemment !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette procédure ne s’appliquera que dans ce cadre-là !

Vous imaginez bien que le droit d’amendement s’exercera à la fois en commission et en séance publique pour les débats complexes.

Je pensais avoir été suffisamment clair. Certes, on peut rejeter la procédure simplifiée d’examen des textes en séance publique et refuser la modernisation du Parlement, mais je doute que ce soit votre point de vue, mon cher collègue ! (

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 518.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 518.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je ne veux pas me fâcher avec vous, monsieur Hyest. Mais admettez que le rapport de la commission est beaucoup trop succinct sur cette question et que, s’il avait été explicité comme vous venez de le faire, il n’y aurait plus de doute.

Si cette disposition ne s’applique que dans le cadre des débats simplifiés, je n’ai plus de problème et je peux retirer mon sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 518 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques n° 204 et 473.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 118.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Favorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La priorité, de droit, est ordonnée.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 338.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix le sous-amendement n° 514.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 113 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 508.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 118.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Les membres de mon groupe, comme tous ceux qui siègent dans cette assemblée, d’ailleurs, considèrent que la pleine liberté de proposition et de vote des amendements ainsi que leur débat en public constituent l’élément essentiel du pouvoir législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Nous ne l’ignorons pas.

Pour autant, nous sommes de ceux qui pensent depuis longtemps que, si nous parvenions à élaborer une procédure d’examen simplifiée, nous aurions en commission des débats tout aussi riches. Ils le seraient même plus, parce qu’ils seraient plus sereins sur les questions qui s’y prêtent. Il faudrait, naturellement, qu’ils répondent aux critères et modalités décrits en détail aux pages 137 à 139 de l’excellent rapport de notre très excellent rapporteur.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Cela suppose de définir très précisément les conditions d’examen en commission, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

...si nous voulons évacuer le problème et nous dispenser de l’examen en séance publique, ce que vous n’allez pas jusqu’à proposer, d’ailleurs, monsieur le rapporteur. Mais ce débat deviendrait en quelque sorte une formalité et on peut supposer, la bonne foi régnant entre tous, qu’il ne serait généralement pas demandé et que l’on se contenterait de la commission.

D’ailleurs, d’un point de vue matériel, je ne sais pas très bien comment de telles discussions pourraient avoir lieu dans nos salles de commission. Cette nouvelle procédure suppose en effet la publicité des débats, la présence d’intervenants extérieurs, l’accueil du public. Je souhaite beaucoup de plaisir aux questeurs s’ils doivent se charger de cette organisation : ils auront quelques difficultés !

Il n’en reste pas moins que ce nouveau dispositif est tout à fait souhaitable, car il permettrait de restaurer la qualité de nos débats sur des textes importants. Peut-être même faudra-t-il introduire dans le règlement des mesures qui allègent quelque peu le déroulement de l’examen en séance publique, c'est-à-dire qui découragent les procédures dilatoires.

Mes chers collègues, je prends l’exemple du texte que nous examinons actuellement : autant le débat auquel nous assistons depuis quelques jours est excellent, autant la discussion préalable de trois motions de procédure à laquelle nous avons consacré toute une soirée ne nous a pas laissé un souvenir aussi satisfaisant, c’est le moins que l’on puisse dire !

Marques de désapprobations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

C’est donc dans cet esprit d’ouverture que mon groupe votera cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, les amendements n° 207, 206 et 205 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 474.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq, avec l’examen par priorité de l’article 33.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de M. Christian Poncelet.