L’article 18 du projet de loi constitutionnelle, qui modifie l’article 44 de la Constitution, touche à ce qui constitue l’un des droits élémentaires du parlementaire.
Le droit d’amendement est en effet l’essence même de la fonction d’un parlementaire ; c’est en quelque sorte sa liberté individuelle. À ce titre, il concerne aussi bien les parlementaires qui appartiennent à la majorité que ceux qui appartiennent à l’opposition. Quand Christian Cointat ou Richard Yung défendent des amendements qu’ils présentent à titre individuel, ils disposent d’une liberté complète. Voilà pourquoi il faut être très prudent et ne toucher au droit d’amendement que si l’on bénéficie de nombreuses garanties.
Le Conseil constitutionnel avait déjà été amené à freiner le Sénat dans ses tentatives de simplification, considérant qu’il était impossible de toucher au droit d’amendement.
Modifier la Constitution vous permet donc de passer outre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce dernier n’étant pas constituant, comme nous nous tuons à vous le répéter !
Monsieur le rapporteur, vous allez sans doute nous répondre sur cette question, et avec le talent que nous vous connaissons. Toutefois, je l’avoue, les rédactions successives auxquelles a donné lieu cet article m’inquiètent.
Vous avez très certainement lu, comme moi, le compte rendu des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale. Cette question a représenté un moment très important de l’examen du projet de loi constitutionnelle. Mes collègues du groupe socialiste ont été conduits à demander, sur cet article, une suspension de séance, et le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer– je parle sous votre contrôle, monsieur le secrétaire d’État –, est revenu lui-même en séance à une heure assez tardive pour expliquer un certain nombre de points, et apporter des garanties.
Pour compléter l’argumentation que vient de développer mon collègue Richard Yung, je souhaite rappeler que le droit d’amendement est aujourd’hui garanti par la Constitution, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’agit d’un point particulièrement délicat. La situation s’est déjà dégradée à l’Assemblée nationale, dans la mesure où nos collègues ont prévu de renvoyer à la loi organique pour la définition du cadre dans lequel s’inscriront des conditions et limites dont nous ne savons rien encore.
La commission des lois du Sénat souhaite faire disparaître le renvoi à la loi organique, laissant à chaque assemblée le soin de gérer pour elle-même dans son règlement le droit d’amendement. Or nous n’estimons pas avoir, dans cette hypothèse, suffisamment de garanties pour pouvoir nous rallier à cette position. À nos yeux, il faut impérativement préserver – nous aurons l’occasion d’éclairer cette question au cours du débat – la possibilité de présenter un amendement en commission et en séance plénière. Pour le moment, nous doutons qu’une telle possibilité soit envisagée. La présentation et le rejet d’un amendement en commission interdiront-ils sa présentation en séance plénière ?