Intervention de Michel Wurth

Commission des affaires économiques — Réunion du 30 avril 2008 : 1ère réunion
Industrie métallurgique — Audition de Mm. Michel Wurth président-directeur général d'arcelor mittal france et daniel soury-lavergne directeur général

Michel Wurth :

a ensuite présenté la vision du groupe Arcelor-Mittal sur la sidérurgie mondiale. Il a rappelé que le contexte du secteur sidérurgique connaissait, à la différence des années 1970 à 1990 marquées par la crise, une croissance très forte, la demande mondiale de produits sidérurgiques ayant ainsi augmenté de 6 % par an en moyenne depuis 2000, contre 1 % entre 1975 et 2000. Cette croissance s'explique par l'augmentation de la part des pays émergents dans le PIB mondial, pays qui connaissent des besoins lourds en matière d'infrastructures. A titre d'exemple, la Chine, dont la consommation de produits sidérurgiques croît de 15 % par an depuis huit ans, représente aujourd'hui le tiers de la production et de la consommation mondiales d'acier. Par ailleurs, le dynamisme sidérurgique de la Turquie, dont la demande a augmenté de 7 % par an depuis 2000, celui des pays d'Afrique, mais aussi ceux du Golfe et de l'ex-Union soviétique en tant que producteurs pétroliers et gaziers, entraînent une demande soutenue d'acier. A cet égard, les produits sidérurgiques sont bien des produits d'avenir, y compris en Europe, dont les nouveaux Etats membres nourrissent la croissance de la demande d'acier de 5 à 10 % par an.

Puis M. Michel Wurth a exposé les conséquences de cette croissance au niveau mondial, à savoir, en premier lieu, la hausse du prix des matières premières. En effet, même si l'acier est un produit indéfiniment recyclable puisqu'il peut être refondu et réutilisé, la quantité de minerai nécessaire pour répondre à la demande a fortement augmenté (la production mondiale d'acier étant passée de 700 millions de tonnes à 1,4 milliard de tonnes en quinze ans), et il faut aujourd'hui faire face à une pénurie de manière première. En 2008, le prix du minerai de fer va progresser de 80 %, le charbon métallurgique qui nourrit les hauts fourneaux augmentant quant à lui de 230 %. S'inquiétant de cette dynamique sans précédent d'augmentation des coûts dans la sidérurgie, et de ceux du transport maritime, M. Michel Wurth a expliqué que la contrainte sur ce secteur était aujourd'hui très forte. Pour satisfaire à la demande, l'industrie sidérurgique doit ainsi produire, chaque année, entre 70 et 80 millions de tonnes d'acier supplémentaires, alors même que les producteurs sont confrontés à des difficultés pour réaliser les investissements nécessaires, de telle sorte qu'en définitive, l'offre d'acier a du mal à suivre la demande. Dans ce contexte général, qui fait de l'Europe une zone importatrice, le groupe Arcelor-Mittal entend répondre à ce besoin d'approvisionnement en assumant ses responsabilités de producteur afin d'aider la zone européenne à rester compétitive.

a, en second lieu, présenté la stratégie du groupe au niveau mondial, qui suit plusieurs axes :

- une politique d'intégration en amont pour accompagner la croissance du groupe. En effet, si aujourd'hui 45 % des besoins sont couverts en autosuffisance interne, l'ambition de l'entreprise est de passer à plus de 75 % en développant des projets de développement minier en Afrique centrale et de l'Ouest : Libéria, Sénégal, Mauritanie ;

- une stratégie de croissance : une croissance externe d'abord, à travers une politique de fusion-acquisition ; une croissance sur de nouveaux sites ensuite, par des projets d'implantation dans des régions à forte demande, où le groupe Arcelor-Mittal reste peu implanté : Russie, Arabie saoudite, Mozambique ; une croissance sur des sites existants enfin, notamment dans l'Union européenne où Arcelor-Mittal est chef de file dans la quasi totalité des Etats et déploie des plans de développement dans les pays de l'Est (Roumanie et Pologne notamment), avec une stratégie d'orientation de leurs productions vers les marchés locaux. S'agissant plus particulièrement de la France, M. Michel Wurth a indiqué que le groupe Arcelor-Mittal n'entendait pas arrêter son activité en Lorraine, précisément pour répondre aux besoins européens. Il a exprimé le souhait de voir pérenniser la phase liquide des fourneaux dans cette région, l'objectif étant de spécialiser les sites européens sur les produits à haute valeur ajoutée comme l'inox ou l'acier plein revêtu, notamment pour ce qui concerne les usines françaises du Creusot, de Fos et de Dunkerque. Précisant les intentions du groupe Arcelor-Mittal à moyen terme, il a fait valoir qu'un plan d'investissement d'un milliard d'euros serait déployé en France, ce qui en fait l'un des plus importants plans d'investissements du groupe au niveau mondial, et que l'activité du site de Gandrange serait progressivement recentrée vers l'usine de Florange ;

- le renforcement de la recherche et le développement (R&D), qui constitue un axe prioritaire de développement dans la stratégie de l'entreprise, celle-ci étant la première entreprise sidérurgiste au monde en matière de R&D. La moitié de cet effort global est réalisée en France tant sur le plan de la recherche-produit que sur celui de la recherche-procédé, l'impact de celle-ci étant important en matière d'environnement.

A propos du volet environnemental de la stratégie du groupe, M. Michel Wurth a estimé qu'il s'agissait là d'une exigence naturelle pour une entreprise moderne et que, dans ce domaine, l'entreprise Arcelor-Mittal entendait assumer sa responsabilité sociétale selon trois axes, qu'il a appelé « les trois P » :

- les personnels : le groupe investit pour remédier aux problèmes de qualification et faire face à ses besoins de recrutement de jeunes qualifiés (ingénieurs, managers) alors que la pyramide des âges de l'entreprise vieillit. Le groupe investit également sur la sécurité des personnels sur le lieu de travail, M. Michel Wurth faisant à cet égard observer que l'entreprise a enregistré une réduction constante du taux d'accident sur ses différents sites ;

- les partenaires : les clients et les collectivités sont prioritairement associés aux plans de développement du groupe ;

- la planète : si le groupe est convaincu que l'acier offre une partie de la solution aux problèmes environnementaux, M. Michel Wurth a reconnu que l'industrie sidérurgique restait un grand émetteur de CO2, la production d'une tonne d'acier engendrant l'émission de deux tonnes de CO2. Il a toutefois relativisé l'impact négatif de l'activité du groupe sidérurgique sur l'environnement en mettant en avant les efforts réalisés par Arcelor-Mittal pour diminuer l'intensité énergétique de ses activités : ainsi, la réduction de 20 % des émissions de CO2 de l'entreprise depuis quatre ans dépasse les objectifs de Kyoto, qui fixent à 8 % la diminution des émissions de CO2. En outre, les activités de recherche développées pour produire des aciers plus légers et plus résistants participent à cet effort environnemental. Enfin, le groupe étudie actuellement des projets pilotes en matière de captation et de stockage souterrain du CO2.

a conclu en rappelant le défi auquel devait faire face l'entreprise Arcelor-Mittal, à savoir gérer la croissance de l'acier dans un contexte économique morose avec un euro fort qui pénalise sa compétitivité.

Un large débat a suivi cet exposé.

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