Cet amendement est important. Il tend à supprimer la procédure dite du vote bloqué, qui permet au Gouvernement de demander à une assemblée qu’elle se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte tout en ne retenant que les amendements qu’il juge intéressants.
Cette procédure est à rapprocher de l’actuel article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elle est considérée comme une arme contre ce que les gouvernements appellent l’obstruction, ce que notre groupe, comme notre présidente vient de le rappeler, appelle la résistance parlementaire.
Le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution montre bien les limites actuelles du droit d’amendement, c'est-à-dire des droits du Parlement, limites auxquelles vous ne vous attaquez surtout pas.
Il paraît important de s’arrêter quelques instants sur le terme même d’obstruction.
Permettez-moi tout d’abord d’indiquer que, pour ce qui concerne notre groupe, nous n’avons jamais déposé un nombre excessif d’amendements, et en l’occurrence pas ces milliers d’amendements qui avaient été annoncés ici ou là !
Les chiffres les plus impressionnants concernaient l’Assemblée nationale. Mais chacun sait qu’il y avait un effet d’annonce, puisque les débats ne duraient pas plus longtemps qu’au Sénat, où dix, vingt, trente fois moins d’amendements étaient déposés.
Le règlement et la pratique de l’Assemblée nationale font que, comme ce fut le cas pour Gaz de France, à l’automne 2006, les amendements y sont rejetés par centaines en une seule fois, provoquant des accélérations surprenantes de la discussion.
Objectivement, le dépôt massif d’amendements est devenu un moyen d’alerte face à une pratique gouvernementale, face à l’inflation législative.
Chacun le dit, mais on l’oublie généralement au moment de la séance publique, les conditions du débat démocratique ne sont pas réunies aujourd'hui au Parlement et elles ne le seront pas demain.
Le Gouvernement jure ses grands dieux que tout ira mieux demain, que les droits du Parlement seront parfaitement respectés.
Est-ce pour nous convaincre de cette volonté qu’il viole ces mêmes droits de manière éhontée, en inscrivant à l’ordre du jour des semaines à venir, au titre d’une session extraordinaire de surcroît, des textes aussi fondamentaux que la mise à mort des 35 heures, la restriction du droit de grève à l’école, la chasse aux chômeurs, les cadeaux à la grande distribution et, bien entendu, la présente révision constitutionnelle ?
Il suffit de voir, monsieur le secrétaire d’État, la liste des textes inscrits à l’ordre du jour de notre session extraordinaire pour s’en rendre compte.
Comment exiger de l’opposition un comportement « raisonnable », alors que le pouvoir exécutif avance à marche forcée, impose des réformes dont les Françaises et les Français ne veulent pas ?
Oui, il existe un droit d’opposition, un droit de résistance parlementaire, un droit et un devoir d’insurrection parlementaire.
Quand la ligne jaune est franchie, – avec, notamment, le contrat première embauche, ou CPE, la réforme des retraites, la privatisation des biens publics, la casse du droit du travail – il est normal que les représentants du peuple puissent dire « trop c’est trop, cela suffit ! ».
Le phénomène d’inflation législative conforte cette réaction. Cette volonté de déborder le Parlement pour lui faire accepter dans la confusion et la précipitation des textes fondamentaux légitime des réactions fortes des élus.
Le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution est l’une des armes qui permet au Gouvernement de s’opposer à cette expression démocratique du Parlement. Nous vous proposons donc de supprimer cet alinéa.