Intervention de Xavier Darcos

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 9 février 2011 : 1ère réunion
Politique culturelle extérieure de la france — Audition de M. Xavier daRcos président de l'institut français

Xavier Darcos, ambassadeur en mission pour la politique culturelle extérieure de la France, président de l'Institut français :

Le Sénat s'est particulièrement intéressé à la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, et notamment à la question du nom de l'Institut. Je salue le travail de MM. Joseph Kergueris et Louis Duvernois.

Je suis, depuis le 1er janvier, administrateur provisoire de l'Institut français, le conseil d'administration n'étant pas encore constitué. Les actifs et personnels de CulturesFrance, dissoute le 30 décembre 2010, ont été reversés à l'Institut. Depuis le 27 juillet, nous avons avancé rapidement, avec le soutien du Quai d'Orsay, ministère de tutelle. J'ai depuis septembre deux collaboratrices de premier plan, venues l'une de la diplomatie, l'autre de la culture.

La loi fixe notre feuille de route. Premier principe, la fusion, dans les postes diplomatiques, des services culturels déconcentrés et des instituts en une seule structure, qui devrait être achevée d'ici 2012. Ensuite, la mise en place d'un opérateur unique, l'Institut français, qui sera l'interlocuteur des différents ministères et instances concernés. L'Institut français apporte le concours de la culture à la stratégie diplomatique française : il est sous la tutelle unique du Quai d'Orsay. Troisième axe : l'instauration d'une marque unique, « Institut français », aussi reconnaissable que le British Council ou le Goethe Institut. Enfin, l'expérimentation du rattachement d'établissements locaux à l'Institut français. L'idée est qu'à terme, tous les instituts français soient des succursales de l'Institut de Paris. Pour l'heure, étant donné la complexité administrative et réglementaire, la diversité des structures culturelles, nous menons une expérimentation dans treize pays. Nous ferons tout pour que cela fonctionne.

L'Institut français est un établissement public industriel et commercial (EPIC). Son budget, stabilisé pour trois ans, s'établit à 45 millions d'euros, le double de celui de CulturesFrance. Les appels d'offre et appels à projets représentent environ 166 millions. L'Institut aura donc les moyens d'agir.

L'équipe pourra compter jusqu'à deux cents personnes. La semaine prochaine, nous serons déjà cent cinquante : quatre vingt dix neuf venus de CulturesFrance, une quarantaine du ministère des affaires étrangères, une dizaine de l'Éducation nationale, une dizaine de la culture. Nous nous installerons dans quelques semaines rue de la Fédération, dans des locaux loués sous le contrôle de France Domaine.

Nous ne partons pas de rien. Le réseau culturel français est puissant et ancien - selon Marc Fumaroli, il aurait été créé en 1883, pour compenser la défaite de 1870... Il faut aujourd'hui moderniser son image et ses moyens d'actions. Les médiathèques, par exemple, manquent d'outils et de moyens techniques, l'accès au cinéma patrimonial est fragile : il faut mettre en place des plateformes numériques.

L'Institut compte parmi ses nouvelles compétences : le cinéma, avec le Fonds Sud, la formation des personnels, le débat d'idées, avec une présence dans les think tanks européens, la volonté de faire connaître nos intellectuels, nos idées. La culture est un vecteur de valeurs, d'une conception de l'homme, du développement, des droits de l'homme...

L'action culturelle, c'est d'abord la langue française, avec l'ouverture aux élites locales, la traduction de nos auteurs, une présence lors des grandes rencontres internationales. C'est ensuite des lieux d'échange autour de la culture française, avec un grand projet de rénovation des médiathèques. C'est enfin l'activité culturelle au sens classique : concerts, expositions, cinéclubs, etc.

Nous pouvons compter sur l'immense réseau des alliances françaises, avec lesquelles nous allons conclure une convention pour harmoniser notre politique. Le président de Launoit a parfaitement compris l'intérêt de cette union.

Avec un seul et même opérateur, la gestion de la politique culturelle à l'étranger sera facilitée. Il s'agit de vérifier que les impulsions données sont mises en application, de définir des stratégies communes, de mutualiser les moyens, d'introduire une culture d'évaluation, avec un service dédié. Parmi les projets emblématiques, citons la plateforme de téléchargement de films, UniversCiné, et la bibliothèque numérique, Culturethèque.

Nous voulons tisser des liens avec les autres opérateurs culturels, notamment les collectivités territoriales, pour mener des actions concertées. J'ai rencontré les présidents des grands instituts européens ; nous nous sommes entendus sur les moyens d'agir au plan européen. Nous sommes aussi en relation avec les réseaux d'intellectuels, d'universitaires, et d'éditeurs, qui s'inquiètent de la « googleisation ».

Un regret : que la loi n'ait pas précisé nos relations avec l'audiovisuel extérieur. Sans doute pourrons-nous progresser : il n'y a pas d'objection de principe de la part de France 24 ou de TV5. Je compte sur les élus pour faciliter les rapprochements.

Dans la guerre des influences, le soft power, nous sommes face à une terrible concurrence. Les réseaux de diffusion culturelle sont américains. La Chine a constitué en très peu de temps un réseau puissant : il y a aujourd'hui plus d'instituts Confucius que d'instituts français ! La stratégie d'influence est un enjeu majeur ! Vous le savez, mais l'opinion publique n'en est pas toujours consciente. C'est une stratégie décisive dans le contexte de la mondialisation, de l'indifférenciation des cultures, de l'américanisation des savoirs. La création de l'Institut français contribuera à nous rendre plus compétitifs.

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