L'an dernier j'avais choisi de m'intéresser, au sein de la mission « Economie », au programme « Statistiques et études économiques », en raison de l'actualité de la délocalisation à Metz de l'INSEE. Mais cette année, plus d'un an après le vote de la loi du 22 juillet 2009 sur le développement et la modernisation des services touristiques, j'ai décidé de mettre l'accent sur le programme « Tourisme ». Comme de coutume, j'ai procédé à un certain nombre d'auditions, notamment les responsables du syndicat national des agences de voyage, du centre des monuments nationaux, de l'agence nationale des chèques-vacances et d'Atout France.
En dépit de la crise, le tourisme confirme qu'il est un secteur majeur de l'économie nationale. Les comptes du tourisme sont en cours de révision méthodologique et nous n'aurons pas avant la fin de l'année de bilan de la part du tourisme dans le PIB ; pour la dernière année connue, 2007, celle-ci s'élevait à 6,2 %.
D'autres chiffres-clefs éclairent l'importance du tourisme. Les recettes touristiques ont été de 35,4 milliards en 2009. Bien qu'en baisse de 7,9 % sur un an, elles dégagent un solde positif de 7,8 milliards, qui fait du tourisme le premier poste excédentaire de la balance des paiements. Les entreprises du secteur sont près de 210 000 et emploient 844 000 salariés au 31 décembre 2009, chiffre en hausse de 0,8 % par rapport à 2008.
La fréquentation touristique a connu un infléchissement mais avec 76,8 millions d'entrées en 2009, la France demeure la première destination touristique mondiale, devant l'Espagne, l'Italie et les Etats-Unis. Toutefois, notre pays n'est que troisième en terme de recettes du tourisme international, car sa position géographique en fait un pays de transit pour de nombreux touristes, qui vont séjourner plus longuement dans l'un des pays limitrophes.
Le tourisme bénéficie d'un phénomène de chassé-croisé : en période de crise économique, les touristes étrangers viennent moins nombreux, mais les touristes français restent davantage en France. En période de meilleure conjoncture, c'est l'inverse. Ces flux ont un effet stabilisateur. En 2009, le taux de départ des Français s'est élevé à 77,9 %, ce qui signifie aussi qu'un Français sur quatre n'est pas parti en vacances. Le taux de départ à l'étranger ou outre-mer est de 23,9 %.
L'importance du tourisme dans l'économie française contraste avec la modicité des crédits qui lui sont consacrés. Le programme « Tourisme » est le deuxième plus petit programme. Pour 2011, sa dotation diminue fortement. Les autorisations d'engagement passent de 58 à 52,5 millions, soit une baisse de 9,6 %. Les crédits de paiement baissent du même taux. Cette diminution s'explique, en partie, par un transfert de 795 000 euros de crédits de fonctionnement du réseau déconcentré en charge du tourisme vers le programme « Développement des entreprises et de l'emploi », afin de regrouper dans un seul programme les moyens des nouvelles DIRECCTE. Elle s'explique également par la baisse de 4,7 millions de la dotation prévue pour les expositions internationales, avec la fin de celle de Shangai, où le pavillon français a été le plus visité.
Au-delà de ces effets de structure ou ponctuels, la diminution des crédits est d'autant plus préoccupante qu'elle est amenée à se poursuivre. En effet, la programmation pluriannuelle des finances publiques fait apparaître pour le programme « Tourisme » des dotations en baisse à 46,3 millions en crédits de paiement pour 2012, puis à 45,3 millions pour 2013, soit une réduction de 18,9 % en trois ans.
Toutefois, le soutien de l'Etat à la politique du tourisme ne se limite pas aux seuls crédits du ministère en charge du tourisme. Sans être exhaustif, le total des crédits consacrés par huit ministères au soutien de l'activité touristique pour 2009 s'élève à 355,5 millions. Près des deux tiers sont constitués par la dotation touristique intégrée à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette dotation, qui était de 213,6 millions en 2009, n'est plus versée en tant que telle aux anciennes communes bénéficiaires, mais continue d'être identifiée au sein de la DGF.
Les crédits du programme « Tourisme » sont répartis en trois actions d'importance très inégales. Un montant de 39,9 millions en crédits de paiement, soit 75,9 % du total du programme, est affecté à l'action n° 1 « promotion de l'image de la France ». Elle correspond pour l'essentiel à la subvention à l'opérateur public Atout France, qui s'élève à 34 millions. Un montant de 7,6 millions en crédits de paiement, soit 17,8 % du total du programme, est affecté à l'action n° 2 « Economie du tourisme et développement de l'activité touristique ». Cette action s'organise autour de quatre axes : la connaissance et l'analyse des besoins du secteur touristique ; la réglementation ; le soutien aux filières et aux métiers pour l'amélioration de la qualité ; le renforcement de l'attractivité des territoires, dans le cadre des contrats de projet Etat-région pour 2007-2013. Enfin, 2,9 millions de crédits de paiement, soit 6,2 % du total du programme, sont affectés à l'action n° 3 « politique favorisant l'accès aux vacances », qui vise notamment les personnes handicapées.
Les crédits du programme « Tourisme » apparaissent donc bien modestes au regard de l'importance économique du secteur. J'en ai fait la remarque à Mme Christine Lagarde lors de son audition le 27 octobre. Celle-ci m'a fait part de sa volonté de recentrer les moyens disponibles sur Atout France. Effectivement, l'action de l'Etat est relayée par certains établissements autonomes, qui jouent un rôle de levier efficace. Atout France est un groupement d'intérêt économique résultant de la fusion en 2009 de Maison de la France, chargée de la promotion de l'image de la France à l'étranger, et d'Odit France, chargé de l'ingénierie touristique. Atout France intervient sur un marché international du tourisme dynamique, puisqu'il progresse de 4,5 % à 5 % par an, mais très concurrentiel. Cet opérateur, qui dispose de 32 bureaux à l'étranger, doit réussir à prendre pied sur les marchés émergents, tout en conservant la part de la France dans les marchés matures.
Le budget d'Atout France fait largement recours au partenariat. Sur un total de 81,2 millions pour 2010, les ressources propres devraient s'élever à 42,8 millions et celles issues du partenariat à 38,4 millions. Cet effet multiplicateur est intéressant mais il ne saurait justifier un désengagement de l'Etat.
La loi du 22 juillet 2009 a étendu les missions régaliennes d'Atout France, en lui confiant le classement des hébergements touristiques, l'immatriculation des agents de voyages et le référentiel des offices de tourisme. Or, aucun crédit supplémentaire n'a été accordé au titre de ces nouvelles missions, qui occupent 12 emplois.
Un autre établissement relayant l'action de l'Etat est le centre des monuments nationaux. Le CMN est placé sous la tutelle du ministère de la culture, mais le ministère chargé du tourisme siège à son conseil d'administration. Son rôle est fondamental pour un pays dont l'attractivité repose largement sur le patrimoine monumental. Le centre conserve, restaure et ouvre à la visite près de 100 monuments nationaux propriétés de l'Etat. Avec 8,8 millions de visiteurs par an, dont 55 % d'étrangers, il est le premier opérateur touristique public français. Il s'autofinance aux deux-tiers avec les droits d'entrée, les activités commerciales et l'édition, ainsi que par le mécénat.
La fréquentation touristique des monuments gérés par le CMN est très disparate : dix monuments concentrent 70 % des visiteurs. Il en résulte une forte péréquation, puisque seuls six monuments sont bénéficiaires et financent tous les autres. L'unité du réseau du CMN permet ainsi de maintenir ouverts à la visite des monuments moins connus, disséminés sur l'ensemble du territoire. Il va de soi qu'une relance de la politique de transfert des monuments nationaux aux collectivités territoriales doit demeurer compatible avec cet effet de péréquation. La prochaine proposition de loi de notre collègue Françoise Férat sur ce sujet comportera des garanties en ce sens.
Enfin, un troisième levier de l'action de l'Etat est l'Agence nationale du chèque-vacances (ANCV). Cet établissement public à caractère industriel et commercial, créé en 1982, est chargé de l'émission et du remboursement des chèques-vacances, et de leur commercialisation. L'ANCV ne reçoit aucune subvention, mais se finance en prélevant une commission de 1 %. Elle dégage des excédents de gestion qui lui permettent de contribuer à la rénovation du patrimoine du tourisme social et d'accompagner les actions de solidarité des associations.
Le poids des chèques-vacances a été multiplié par deux en dix ans, pour atteindre 1,3 milliard en 2009. Ce montant génèrerait environ 5 milliards de dépenses touristiques induites. En 2009, les chèques-vacances ont bénéficié à 3,3 millions de salariés, 60 % des comités d'entreprise ayant mis en place le dispositif. La loi du 22 juillet 2009 a étendu le dispositif des chèques-vacances aux entreprises de moins de 50 salariés. Ce sont ainsi 5,8 millions de salariés, employés dans un million d'entreprises, qui entrent dans le champ potentiel du chèque-vacances. L'ANCV a signé au mois de juin dernier les conventions nécessaires avec les prestataires qui seront chargés de la diffusion effective du chèque-vacances dans les PME. Mais au 31 décembre 2009, on comptait seulement 41 000 salariés porteurs de chèques-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés. A ce rythme, l'objectif de 500 000 bénéficiaires additionnels en deux ans semble difficile à atteindre.
En conclusion, j'estime que le dynamisme des établissements intervenant pour le compte de l'Etat dans le secteur du tourisme ne saurait suppléer le désengagement financier de celui-ci. La réduction sensible des crédits du programme « Tourisme », qui étaient déjà très modestes, est sans commune mesure avec l'importance du tourisme pour l'économie nationale. Selon la formule consacrée, je vous appellerai à voter ces crédits. A titre personnel, je m'abstiendrai.