Intervention de Pascal Viné

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 10 novembre 2010 : 2ème réunion
Audition de M. Pascal Viné candidat aux fonctions de directeur général de l'office national des forêts

Pascal Viné :

Je suis très honoré d'être aujourd'hui parmi vous et sais la responsabilité qui est la mienne en me présentant, devant vous, comme candidat.

Quelques mots sur mon parcours. Lorrain d'origine et Vosgien de souche, je suis né à Nancy, ville qui abrite une école prestigieuse dans une région où la forêt est centrale. Si je suis ingénieur général des Eaux et Forêts, je reconnais que j'ai peu d'expérience dans la carrière, sauf pour avoir mené un doctorat, à Grenoble, sur la cartographie de la forêt du sud-est après incendie et ses conséquences sur la ressource en eau. J'ai travaillé dans la recherche, puis dans l'administration territoriale du département de l'Eure où j'ai croisé Bruno Le Maire. J'ai également travaillé dans l'administration centrale, au sein de laquelle j'ai eu l'honneur de servir plusieurs ministres et Premiers ministres. J'ai dirigé le Cemagref, institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement, qui emploie 1 300 personnes et administre un budget de 100 millions.

L'Office national des forêts, dont Hervé Gaymard préside le conseil d'administration, est une grande institution de l'Etat. Cet établissement public industriel et commercial est placé sous la double tutelle du ministère de l'écologie et de celui de l'agriculture. Créé en 1966, il doit répondre aujourd'hui aux nouveaux défis du développement durable et territorial.

Lors du Grenelle de l'environnement, un pacte s'est conclu entre l'ONF et les ONG liées à l'environnement : produire plus en préservant mieux.

L'ONF est de fait un acteur majeur de la filière. Il est chargé d'assurer la gestion durable de 4,7 millions d'hectares de forêts domaniales et communales, soit un quart de la forêt française, à quoi s'ajoutent les six millions d'hectares des DOM. La vente de bois par l'ONF représente, enfin, 40 % de l'approvisionnement national.

L'Office est également chargé de missions d'intérêt général dont les ministères de l'agriculture et de l'environnement ont la responsabilité : défense contre les incendies de forêt, restauration des terrains de montagne, thème central pour les élus de ces territoires et tous ceux qui sont concernés par les dangers en montagne.

Pour cet acteur majeur, chargé de responsabilités spécifiques, il est donc indispensable de raisonner dans un cadre général. Il peut compter sur des personnels compétents et reconnus, au contact quotidien des Français. En 2009, l'ONF comptait 9 600 ETP (équivalent temps plein), dont 6 600 fonctionnaires et 3 200 ouvriers forestiers.

Avec un budget de 750 millions, la part de la vente des bois représente 30 % de ses produits, tandis que ses charges sont à 60 % des dépenses de personnel.

L'établissement est en évolution permanente. Après les grandes tempêtes de 1999, il s'est engagé dans une politique de rigueur et de maîtrise des coûts. Il est partie à l'effort engagé dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et travaille à rationaliser ses structures de pilotage et de soutien : ainsi de la transformation, en une décennie, de ses vingt et une directions régionales en neuf délégations territoriales.

L'ONF est aujourd'hui confronté à trois enjeux majeurs qui concernent les citoyens, les élus et la filière.

Le premier enjeu est interne. Avec 9 000 agents, l'Office constitue un établissement important, doté d'une forte culture enrichie de siècles d'expérience et de pratique. Beaucoup d'inquiétudes s'expriment parmi les personnels, qui s'interrogent sur le devenir et les orientations de l'établissement.

Le deuxième enjeu a trait aux collectivités territoriales, partenaires quotidiens de l'ONF, qui gère les forêts communales. C'est ainsi que les communes forestières ont paraphé le dernier contrat d'objectifs, 2007-2011, passé entre l'Office et l'Etat, et sont très impliquées dans la politique de l'établissement, ainsi qu'en témoigne, par exemple, la signature du protocole « Mille chaufferies bois en milieu rural ».

Le troisième enjeu, enfin, s'inscrit au sein de la filière, qui compte de nombreux acteurs - coopératives, experts, scieries, entreprises de travaux... La question se pose de la relation entre ces opérateurs et l'ONF. Pour être clair, le rôle de l'Office n'est pas de se substituer à eux mais de les accompagner et de travailler de concert avec eux. Si l'ONF est chargé de missions de service public, il doit aussi accomplir ses missions concurrentielles en encourageant le développement des opérateurs privés, ses partenaires. Il est ainsi partie prenante de l'interprofession France Forêt Bois, qui réunit l'ensemble des acteurs. Il faut savoir que 75 % de la forêt française appartient à trois millions et demi de propriétaires privés, morcellement qui rend la tâche difficile.

J'entends, si vous agréez ma candidature, agir dans trois directions. La première a été fixée par le Président de la République dans son discours de Urmatt, en mai 2009 ; la deuxième l'est par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche que vous avez votée ; la troisième, enfin, est régie par la RGPP. Au-delà, des pistes sont ouvertes. Je pense aux propositions d'Hervé Gaymard, aujourd'hui en discussion interministérielle, mais aussi en débat au sein de l'établissement et avec ses partenaires.

La question du modèle économique de l'ONF est posée. Le bois a aujourd'hui le vent en poupe. Il constitue une fabuleuse opportunité pour l'industrie et pour l'énergie. Le Grenelle de l'environnement a encouragé certains développements. Le Président de la République a pris des décisions pour son utilisation dans les constructions neuves et pour l'isolation thermique. Le bois joue également un rôle écologique majeur dans le stockage du carbone. Hélas, le déficit commercial de la filière bois reste de six milliards d'euros chaque année. C'est dire si la filière est encore faible.

L'ONF assure un service d'intérêt économique général qui l'autorise à gérer des fonds publics et justifie un statut adapté que personne n'entend remettre en cause : nous savons combien les propriétaires et les maires sont attachés à ce dispositif.

Il importe, en revanche, d'inscrire la stratégie de l'établissement dans la durée. L'ONF gère l'ensemble du patrimoine public : des mutualisations sont possibles et souhaitables.

Se pose également la question du partage des coûts. Le Premier ministre a lancé une mission, dont les travaux sont en cours, pour étudier l'adaptation des frais de garderie. Les 40 % de ventes de bois en France réalisées par l'ONF représentent 13 millions de mètres cubes. Le modèle a fait ses preuves depuis 1966. Il a su depuis s'engager dans la mutualisation et faire preuve de dynamisme : l'ONF a créé des filiales bois-énergie et une marque commune, Forêt énergie, avec les coopératives. Il faut continuer à l'améliorer pour le doter d'une visibilité à long terme, y compris pour son personnel.

La réponse réside aussi dans la capacité de l'Office à travailler sur l'évolution de son rôle s'agissant de l'infrastructure que constitue la forêt. Car si la filière est économique, elle est aussi environnementale et sociale. La forêt accueille 500 millions de visiteurs par an, elle joue un rôle central dans la préservation de la biodiversité : 30 % de la forêt publique relève de Natura 2000, toutes les forêts domaniales sont certifiées PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières), l'établissement est certifié ISO 14001 - j'ajoute que nos forêts abritent 500 000 hectares de réserves biologiques et naturelles et qu'elles jouent un rôle central dans la préservation des sols. Le défi est aussi celui du changement climatique : nos forêts doivent s'adapter pour prendre en compte le phénomène des tempêtes.

J'en viens à la question du modèle de gouvernance. Le président Hervé Gaymard préconise la création d'une fonction de président directeur général et la réduction de la taille du conseil d'administration. C'est une voie à explorer : l'établissement a besoin d'une forte réactivité. J'ai, pour ma part, au Cemagref ou ailleurs, connu toutes les configurations, président et directeur général ou directeur général seul, qui ont chacune leurs mérites. Ce qui compte, c'est que la tête exécutive ait une vision commune de l'établissement. Les règles de fonctionnement doivent être claires. La tutelle devra jouer son rôle - de récents rapports de la Cour des comptes l'ont rappelé. M. Bruno Le Maire, j'en suis témoin, a demandé à son cabinet d'en tenir compte.

Le conseil d'administration est le lieu de l'analyse et de la vision stratégique, avec le président et le directeur général, sans oublier le rôle des partenaires sociaux et des partenaires de l'établissement.

La ligne stratégique a été fixée par le Président de la République, la manière de la conduire reste à définir. Ce sera l'objet du contrat d'objectif 2012-2017. Nous disposons du rapport Gaymard et des propositions des organisations. S'ouvre à présent le temps du dialogue, sachant que les prises de décision devront intervenir entre la fin de l'année et le dernier trimestre 2011, pour une mise en oeuvre à partir de 2012. Je serai attentif au respect de ce calendrier, comme je l'ai été à la tête du Cemagref et comme directeur de cabinet de M. Bruno Le Maire. L'établissement a besoin de visibilité et de stabilité.

Dans l'immédiat, l'objectif collectif est le contrat de plan 2012-2017, qui structurera la discussion et définira la place de l'établissement dans le contexte forestier des années à venir. Je rencontrerai évidemment les responsables de l'établissement, et, au plus vite, les organisations syndicales. Je sais qu'Hervé Gaymard a demandé un audit social. Pour mieux connaître l'ONF, je crois important de rencontrer le personnel sur le terrain et les nombreux partenaires de la filière, en attente de dialogue.

La discussion budgétaire sera un rendez-vous important. Nous préoccupent les difficultés liées aux pensions des personnels, ainsi que le ministre vous en a, hier, informés.

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