Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires économiques — Réunion du 31 mai 2006 : 1ère réunion
Résolutions européennes — Services dans le marché intérieur propositions de résolution n°s 186 et 349 - communication

Photo de Jean BizetJean Bizet :

- la proposition de résolution n° 349 (2005-2006) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Jean Bizet, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (E 2520).

a tout d'abord rappelé que dans la continuité du travail qu'elle avait accompli depuis 2005, notamment l'adoption d'une résolution sur la proposition initiale de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, la commission l'avait nommé rapporteur sur la proposition de résolution qu'il avait déposée le 11 mai dernier, ainsi que sur celle déposée par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen en janvier 2006.

Il a indiqué que sa proposition prenait acte des avancées considérables résultant du vote du Parlement européen intervenu le 16 février dernier et soulignait que la nouvelle version de la Commission européenne présentée le 4 avril dernier prenait en compte l'essentiel des amendements adoptés par le Parlement européen, à une très large majorité de 391 voix pour, 213 contre et 34 abstentions.

Il a rappelé également que tout en adhérant aux objectifs défendus par le projet de directive, le Sénat, à travers l'adoption d'une résolution européenne en mars 2005, avait exprimé les plus vives réserves sur les modalités retenues par la version initiale de la Commission européenne pour réaliser le marché intérieur.

Il a exposé que l'étape décisive dans le processus législatif communautaire franchie en février au Parlement européen et confirmée en avril 2006 par la proposition révisée de la Commission européenne avait justifié que la commission des affaires économiques reste mobilisée pour les étapes suivantes, en particulier en vue de l'examen de ce texte par le Conseil des ministres, afin de recommander au Gouvernement de veiller à ce que ce dernier confirme les avancées résultant du vote du Parlement européen, à savoir :

- la définition du champ d'application de la directive en tenant compte de la spécificité de certains secteurs qui doivent en être exclus ;

- la primauté des régimes et directives sectoriels et l'exclusion du droit du travail qui doit rester de la compétence du pays d'accueil et le maintien de l'application effective de la directive sur le détachement des travailleurs ;

- la réaffirmation de la règle de la libre circulation des services, en préservant la poursuite de l'harmonisation, comme le prévoit l'article 16.

Mais le processus d'adoption, a-t-il relevé, a connu une accélération, puisque, initialement programmé fin juin, l'examen de ce texte par les Etats membres s'est finalement tenu lors du conseil Compétitivité du 29 mai, celui-ci parvenant à un accord politique adopté par 24 voix et une abstention, celle de la Lituanie.

Il a fait valoir que cet épisode illustrait, s'il en était besoin, les difficultés rencontrées par le Parlement français pour participer pleinement au processus d'élaboration des textes communautaires, comme la Constitution leur en reconnaissait le droit.

Après avoir indiqué que l'accord politique du Conseil des ministres obtenu sur la directive sur les services était très proche de celui du Parlement européen en reprenant au moins 98 % des amendements de ce dernier, alors même que l'obtention de cet accord n'était pas évident compte tenu des fortes revendications exprimées par de nombreux pays, déçus par le vote du Parlement européen, notamment sur l'article 16 et la réintroduction du principe du pays d'origine, il a exposé les points essentiels de ce compromis, à savoir :

- l'exclusion du champ de la directive des secteurs sensibles qui englobe les services d'intérêt général, les services financiers, les services et réseaux de communications électroniques, les services de transport y inclus les ports, les services des agences de travail intérimaire, les services de soins de santé, quel que soit leur mode d'organisation et de financement public ou privé, les services audiovisuels, y compris les services cinématographiques, les activités de jeux d'argent, les services sociaux et les services de sécurité privée. S'agissant des professions juridiques réglementées, il a souligné que la France obtenait satisfaction, dans le texte adopté par le Conseil, avec l'exclusion de toutes les activités des notaires et des huissiers. S'agissant des avoués, le texte reste celui de la Commission européenne qui exclut les seules activités qu'ils exercent au titre de l'article 45 du Traité, c'est-à-dire celles participant à l'exercice de l'autorité publique ;

- le principe de l'application du pays d'origine est définitivement écarté de la rédaction de l'article 16 et celui-ci est repris dans la rédaction adoptée par le Parlement européen avec l'articulation suivante : le principe de la libre prestation de services est affirmé en interdisant la mise en place de certaines exigences, ce qui n'interdit pas aux Etats-membres de subordonner l'accès à une activité de services à certaines exigences dès lors que celles-ci ne sont pas discriminatoires et qu'elles sont proportionnées et nécessaires. En outre, les Etats-membres peuvent imposer des exigences justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement ;

- la primauté des textes sectoriels est réaffirmée par rapport à la directive sur les services et celle-ci n'interfère en aucune manière avec le droit du travail, le droit social et le droit pénal, sous réserve d'une précision apportée dans le texte de l'accord politique du conseil ;

- enfin, le délai de transposition de la directive a été porté de deux à trois ans.

a ensuite indiqué que les principaux points de discussion, sur lesquels la présidence autrichienne avait présenté un compromis finalement accepté, à la quasi-unanimité des membres du Conseil, avaient porté essentiellement sur les modalités de suivi de la mise en oeuvre de la directive.

Après avoir exposé que les nouveaux Etats-membres souhaitaient durcir, au nom du principe de transparence, les obligations d'information incombant aux Etats pour permettre à la Commission d'évaluer les législations nationales appliquées, notamment s'agissant des restrictions éventuelles mises en place concernant la libre prestation de service, il a indiqué que la procédure de « screening », telle qu'elle résultait du texte adopté par le Conseil, consistait pour les Etats membres à transmettre à la Commission une information simple et non détaillée sur les dispositions qu'ils pourraient être amenés à mettre en place pour réguler certaines activités. Cette disposition, a-t-il relevé, ne crée pas de nouvelle obligation juridique et ne constitue pas une procédure préalable à l'introduction de ces mesures et il ne s'agit pas d'une notification, aux conséquences juridiques plus lourdes.

Il a considéré que le rôle de la Commission en matière de suivi de la mise en oeuvre de la directive n'avait pas non plus été trop étendu, celle-ci devant intégrer, dans son rapport d'analyse et d'orientation, des éléments sur l'application des restrictions par les Etats-membres.

Enfin relevant que certains Etats craignaient que l'exclusion, du champ de la directive, du droit pénal ne permette, à travers l'application de ce droit, de contourner la mise en oeuvre de la directive sur les services, il a souligné que la rédaction de compromis adoptée excluait le maintien de telles restrictions, sans néanmoins remettre en cause l'exclusion du droit pénal et du droit pénal spécial du champ d'application de la directive.

Il a alors considéré que, compte tenu de l'accord politique obtenu au conseil Compétitivité, l'adoption d'une résolution par la commission n'avait plus lieu d'être.

S'agissant de la proposition de résolution de M.Robert Bret, il a souligné que, déposée en janvier 2006, elle demandait le retrait pur et simple de la proposition de directive sur les services sans avoir pu prendre en compte le vote du Parlement européen intervenu le 16 février dernier et repris par la Commission.

Il a alors rappelé que la nécessité d'un texte sur le marché intérieur des services avait été clairement réaffirmée par la commission des affaires économiques, au risque sinon, face au vide juridique résultant de l'incapacité des institutions à mettre en oeuvre les objectifs du Traité, de laisser le champ libre à la Cour de justice des communautés européennes pour définir des principes généraux et horizontaux en matière de liberté d'établissement et de prestation.

Sur le fond, et compte tenu des avancées substantielles adoptées par le Parlement européen et reprises désormais dans l'accord politique du conseil Compétitivité, il a considéré que les auteurs de cette proposition de résolution voyaient leurs principales demandes prises en compte, à savoir le rejet du principe du pays d'origine, la confirmation de la primauté des directives sectorielles et la délimitation beaucoup trop restrictive du champ d'application de la directive.

En ce qui concerne la proposition de résolution qu'il avait déposée, il a également fait valoir qu'elle n'avait plus lieu d'être, la seule réserve émise non prise en compte dans l'accord politique du 29 mai portant sur un dispositif qui n'avait déjà pas été retenu par le Parlement européen en février dernier. Il a exposé que ceci concernait la réglementation nationale appliquée en matière d'urbanisme commercial et plus précisément les tests économiques interdits et la remise en cause de la légitimité des organismes consulaires à siéger avec voix délibérante au sein des instances délivrant les autorisations d'implantation. Compte tenu de la volonté affichée par la France d'obtenir la reprise, par le Conseil, de l'ensemble du texte adopté par le Parlement européen, il apparaissait difficile sur un point particulier d'exiger une modification de ce texte. D'autant plus, a-t-il souligné, que ces éléments font l'objet d'un pré-contentieux en cours avec la Commission européenne.

En conclusion et tout en regrettant que le calendrier parlementaire n'ait pas permis l'adoption d'une résolution du Sénat sur ce texte important, M. Jean Bizet a souligné, pour s'en féliciter, le rôle majeur joué par le Parlement européen, en rappelant comme Mme Evelyne Gebhardt l'avait fait lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le travail démocratique approfondi conduit au sein des différentes commissions, puis en séance plénière pour aboutir à un texte de compromis adopté à une large majorité. Il a considéré que l'importance de cette majorité avait heureusement pesé sur les choix du Conseil des ministres dans le cadre de la procédure de codécision.

Il a enfin souhaité que la réflexion en cours sur une meilleure articulation entre les travaux de la délégation pour l'Union européenne et les commissions permanentes débouche sur des propositions concrètes qui améliorent effectivement les modalités d'intervention du Parlement français dans le processus d'adoption des textes communautaires, où finalement le Gouvernement tient le rôle du législateur.

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