Ce débat donne aux scientifiques l'occasion de vous dire où en sont leurs travaux. Il s'agit d'éviter que la loi ne soit modifiée sur la base d'informations erronées, comme cela a pu être le cas...
Neurologue de formation, j'ai rapidement obliqué vers l'Inserm où je m'intéresse depuis vingt-cinq ans aux thérapies innovantes. Mon équipe a réalisé des essais cliniques pionniers : première greffe de neurones foetaux sur un patient atteint de la maladie de Huntington, première thérapie génique, première greffe de neurones sur un patient atteint de la maladie de Parkinson.
Depuis 2005, nous avons accès aux cellules souches embryonnaires humaines, ce qui nous a enfin permis de rattraper les collègues étrangers qui s'attachent à améliorer les thérapeutiques que nous avions développées. Dans la thérapie cellulaire de la maladie de Huntington, nous avons eu un succès sur un patient traité uniquement par la greffe de cellules de foetus issu d'une interruption volontaire de grossesse. En huit ans, nous n'avons pu greffer que quatre-vingts patients, alors qu'il y a trois cents nouveaux cas par an. La lourdeur de la logistique a interdit tout développement de cette thérapeutique. Il n'est pas possible de réaliser l'expansion des cellules en laboratoire. Dès 1998, le potentiel que représentent des cellules souches embryonnaires, qui sont les seules à être à la fois immortelles et pluripotentes, est donc apparu comme le Saint Graal.
L'I-Stem, créé en 2005, est sous la double tutelle de l'Inserm et de l'association française contre les myopathies (AFM), qui contribue, grâce au Téléthon, à 50 % de notre budget. Notre objectif est d'orienter les travaux vers l'application thérapeutique dans les maladies génétiques. C'est le plus grand centre de recherche dédié en France, avec dix équipes et quatre-vingt-dix personnes.
Le développement de médicaments est possible à condition d'obtenir des cellules à partir de donneurs porteurs de maladies génétiques, ce qui permet la modélisation. Nous publierons dans une semaine un travail sur la dystrophie myotonique. Les cellules peuvent être utilisées pour reproduire les mécanismes et en découvrir de nouveaux, le criblage permettant de trouver les molécules en amont.
S'agissant des cellules induites à la pluripotence, nous sommes avant tout pragmatiques. L'I-Stem est le plus grand laboratoire en la matière, et en forme d'autres. Toutefois, la revue Nature vient de publier trois articles, de grands maîtres américains, qui ont causé un véritable traumatisme et nous incitent à l'humilité. Il en ressort que le phénomène de reprogrammation aurait introduit dans ces cellules un défaut génétique, génomique. Preuve qu'il faut caractériser les cellules, être patients, savoir respecter le rythme de la science... Le deuxième article souligne des désordres dans l'épigénétique et le contrôle du fonctionnement de l'ADN. Au travers de la reprogrammation, le nombre des variants « répétés » se trouvait modifié. Nous ne connaissons pas les conséquences fonctionnelles...
Nous travaillons depuis douze ans sur les cellules souches embryonnaires ; elles sont bien caractérisées et maîtrisées, contrairement aux cellules souches induites à la pluripotence. Laissez-nous le temps d'étudier ces dernières en laboratoire, avant de nous demander de remplacer une cellule par une autre. La comparaison entre cellules n'a aucun sens. Ne nous interdisons pas d'aller dans la direction scientifique la plus prometteuse.