Intervention de Bernard Angels

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 octobre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Mission « gestion des finances publiques et des ressources humaines » comptes spéciaux « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et « avances à divers services de l'etat ou organismes gérant des services publics » - examen du rapport spécial

Photo de Bernard AngelsBernard Angels, rapporteur spécial :

a présenté la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », précisant que celle-ci représentait, en termes d'effectifs, 150.780 emplois, soit 6,8 % du plafond global des autorisations d'emplois de l'Etat, qu'en nombre d'agents, la mission était la cinquième mission de l'Etat, mais perdait 2.625 emplois par rapport à l'exercice précédent, ce qui correspondait au non-remplacement de deux départs à la retraite sur trois. En termes de crédits, la mission était dotée de 11,2 milliards d'euros de crédits de paiement, correspondant à hauteur de 73 %, à des dépenses de personnel. Il a ajouté que cette mission correspondait essentiellement à une administration de moyens, et consacrait une part très importante, bien que non chiffrée sur un plan global, aux investissements informatiques.

Sur un plan stratégique, il a fait valoir que cette mission connaissait quatre axes de réforme majeurs, à commencer par la redéfinition des rôles entre deux ministres de plein exercice à Bercy, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Eric Woerth, d'une part, et le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Mme Christine Lagarde, d'autre part, ajoutant que la traduction budgétaire de ce nouvel organigramme gouvernemental était perfectible. Il subsistait, en effet, trois missions, dont la lisibilité n'était pas assurée. Il a noté qu'on distinguait trop peu le partage entre le rôle stratégique, d'état-major, de Bercy, et son rôle opérationnel, lié par exemple au recouvrement de l'impôt, précisant que la répartition budgétaire entre les trois rôles du pôle économique et financier - rôle de direction financière de l'Etat, rôle de modernisation des structures et des ressources humaines, rôle de pilotage économique - était relativement mal assurée. Il a ajouté qu'au sein de cette mission des progrès pouvaient être accomplis, car deux programmes, le programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » et le programme 148 « Fonction publique » procédaient de la même politique : réformer l'Etat. Il a relevé que ces deux programmes respectaient uniquement des considérations administratives, afin de préserver les organisations existantes, direction générale de la modernisation de l'Etat d'un côté, direction générale de l'administration et de la fonction publique de l'autre. Il a proposé un amendement visant à réunir ces deux programmes en un programme unique « Modernisation de l'Etat, de la fonction publique et des finances », afin de donner plus de lisibilité à cette action essentielle.

Il a indiqué que le deuxième axe majeur de réforme était la fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, précisant que cette fusion était dans la continuité des actions entreprises au cours des dernières années : création d'une application informatique commune COPERNIC et introduction, d'abord pour les grandes entreprises, puis pour les PME, d'un interlocuteur fiscal unique. Il a fait remarquer que cette réforme était cohérente avec les préconisations qu'il avait faites dès 2000 dans son rapport présenté au nom de la commission « La Direction générale des impôts à l'heure des réformes : pour une modernisation du service public de l'impôt », selon lesquelles :

- l'intégration dans une même administration des services de la DGI et du Trésor Public s'imposait pour supprimer les cloisonnements et les superpositions ;

- une unité d'animation et de gestion au niveau national et au niveau local était indispensable ;

- l'intégration des réseaux devait obéir à une démarche pragmatique axée sur l'intégration de la chaîne fiscale.

Il a rappelé que ce rapport soulignait la nécessité de prendre en compte l'impact de la réforme sur les agents et le réseau local de la DGCP, très étendu.

a ajouté que, dans ce contexte, l'esprit de la réforme « Woerth », sous réserve d'un suivi précis de sa mise en oeuvre, pouvait recevoir une première appréciation positive. Il a indiqué que cette réforme visait à créer ce qui était indispensable : un service fiscal unique pour les particuliers, avec un seul responsable sur le plan national et départemental. Pour autant, il a indiqué que le réseau des 3.172 trésoreries n'était pas sacrifié, car ces trésoreries pourraient se voir adjoindre des missions d'assiette, notamment au profit des collectivités territoriales, mais que ceci ne devait pas empêcher évidemment une révolution raisonnée du réseau des trésoreries. Il a observé que 597 trésoreries, comptant pour la plupart moins de 3 agents, avaient fermé au cours des 4 dernières années. Il a précisé que la clé de la réforme résidait désormais dans les questions de statuts et de rémunérations, et que les négociations devraient s'engager en 2008.

S'agissant du troisième axe de réforme, la lutte contre la fraude, il a indiqué que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique venait de recevoir sa lettre de mission du Président de la République, l'investissant de la fonction de chef de file de la lutte contre la fraude, évaluée dans ce courrier à 30 milliards d'euros. Il a noté que la lettre de mission prévoyait la création d'une organisation administrative nouvelle, le comité national de lutte contre la fraude, dont le secrétariat serait assuré par une délégation nationale à la lutte contre la fraude. Il a rappelé que la commission avait examiné à plusieurs reprises ces questions, à travers notamment un récent rapport d'information intitulé « Recouvrement des sanctions pénales et fiscales : la fin de l'impunité », s'appuyant notamment sur une enquête demandée à la Cour des comptes. Ce rapport montrait que le véritable enjeu de la lutte contre la fraude était tout autant dans le contrôle fiscal, ou la répression par les amendes, que dans le recouvrement, signalant que cette fonction était perfectible, car elle touchait à des questions de coordination entre administrations, précisant qu'il en était ainsi du fonctionnement des bureaux d'exécution des peines, dont l'efficacité était amoindrie par un déni de compétence en matière de recouvrement des amendes, tant par les greffes que par le Trésor public.

a souhaité que la Cour des comptes puisse accepter de réaliser des travaux de suivi de son enquête précédente, jugeant qu'il lui paraissait plus que nécessaire que celle-ci se penche sur le traitement des décisions individuelles des recours, qui avait évidemment un impact significatif sur le recouvrement du contrôle fiscal.

S'agissant du dernier axe de réforme : l'informatisation de l'Etat, dont cette mission était un maître d'oeuvre essentiel, il a relevé que les actions en cours étaient considérables : création d'une informatique fiscale unique, développement d'une nouvelle application de gestion, en remplacement de ACCORD-LOLF, intitulée Chorus, lancement d'une application de paye unique pour l'ensemble des services de l'Etat, la dématérialisation des formalités de dédouanement étant par ailleurs un enjeu fondamental pour la compétitivité des plateformes portuaires et aéroportuaires à l'échelle européenne.

Il a observé que ces chantiers étaient aussi décisifs pour la réforme de l'Etat et devaient relever plusieurs défis :

- respecter les délais et les budgets prévisionnels : or, aucun indicateur n'était fourni à ce sujet dans le projet annuel de performances ;

- dégager des gains de productivité ; or ceux-ci n'étaient jamais chiffrés en amont : comme le relevait la Cour des comptes dans un récent référé sur l'application fiscale COPERNIC, dont les coûts complets avoisinaient pourtant 1,8 milliard d'euros, « l'administration fiscale ne tire pas suffisamment parti de COPERNIC pour réorganiser ses tâches et ses services et donc pour dégager les gains de productivité importants qui, au même titre que l'amélioration du service rendu, constituent le retour sur investissement du programme ». Il a considéré que la notion de retour sur investissement doit apparaître dans les projets annuels de performances ;

- éviter enfin les cloisonnements. Il a souhaité être assuré qu'il n'y aurait pas de cloisonnement entre l'application fiscale COPERNIC, et l'application de gestion CHORUS, jugeant que cette dernière aurait besoin d'informations en ce qui concerne le niveau des recettes fiscales, en provenance de COPERNIC. S'agissant de l'opérateur national de paye, il a relevé qu'une interface avec les 40 systèmes de ressources humaines des ministères serait difficile à réaliser. Il a ajouté qu'un chantier d'harmonisation, à défaut d'unification, de ces systèmes informatiques était nécessaire.

a mentionné le souci du Parlement de voir mesurer l'efficacité de la fonction fiscale de l'Etat. Les indicateurs existent dans ce domaine, et sont plus que satisfaisants, à l'exception des indicateurs de recouvrement du contrôle fiscal et des amendes contentieuses qui peuvent, eux, être encore améliorés.

Il a ajouté que le Parlement attendait également un retour sur les investissements réalisés en matière informatique ou de formation. Il a déploré qu'aucun indicateur de performance n'existe pour l'Ecole nationale d'administration ou les Instituts régionaux d'administration, dans le périmètre de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », alors que l'adéquation de la formation aux besoins en compétences des élèves de ces écoles, mais aussi des administrations, devrait pouvoir faire l'objet d'enquêtes.

Enfin, il a souligné que le Parlement attendait que les administrations d'état major puissent mesurer la qualité de leur expertise. Il a regretté que la direction du budget ne propose pas d'indicateur de performance, alors que des indicateurs relatifs à la qualité de la prévision des recettes fiscales et non fiscales, ainsi qu'à la prévision de certaines dotations budgétaires, pourraient être construits.

a proposé à la commission d'adopter les crédits proposés pour la mission, sous réserve de l'adoption d'un amendement réunissant les programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » et 148 « Fonction publique » en un programme nouveau, « Modernisation de l'Etat, de la fonction publique et des finances ».

N'ayant pas de remarque particulière à formuler sur les crédits des deux missions constituées des comptes spéciaux « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », s'agissant de comptes de concours financiers au caractère essentiellement technique, il a proposé à la commission d'adopter sans modification leurs crédits.

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