Intervention de Jacques Blanc

Réunion du 23 juin 2008 à 21h45
Modernisation des institutions de la ve république — Article 33

Photo de Jacques BlancJacques Blanc :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 33 suscite des interrogations de notre part. J’ai souhaité intervenir afin de bien marquer que ce texte, tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale, nous paraît inacceptable. Et ce n’est pas seulement en ma qualité de président du groupe d’amitié France-Turquie du Sénat que je le dis. Certes, je ne cache pas mes sentiments à l’égard de ce grand pays, qui a entrepris des réformes considérables, qui se transforme, mais qui est trop souvent encore méconnu en France et victime de préjugés.

Mais il ne s’agit pas de dire aujourd'hui si nous sommes favorables ou opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Le débat n’est pas là : aujourd’hui, il s’agit de savoir si l’on inscrit dans la Constitution des règles qui s’appliquent à tous ou si l’on y introduit un cas d’espèce, en contradiction, à mon avis, avec le caractère général de tout texte constitutionnel.

Mes chers collègues, je ne voudrais pas que l’on interprète mon propos comme une plaidoirie en faveur de la Turquie, que j’aime, que je défends, certes, mais qui, quand bien même on ne l’aimerait pas autant, mérite mieux que cet article 33. Ce pays accepte de se soumettre à des procédures que lui impose l’Union européenne, au cours de négociations longues, huit chapitres sur trente-cinq étant d’ores et déjà ouverts.

Personne ne sait si la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne sera posée dans dix ans, quinze ans, voire davantage. Personne ne peut d’ailleurs prévoir ce que les Turcs eux-mêmes souhaiteront alors.

En cet instant, je voudrais que l’on ne montre pas du doigt un pays ami, qui est associé à la grande ambition que représente l’Union pour la Méditerranée, lancée par le Président de la République. Je me trouvais, tout à l’heure, à Marseille, où se tient le Forum des autorités locales et régionales de l’Union européenne et de la Méditerranée, au cours de laquelle a été prononcée une intervention très forte à cet égard.

Mes chers collègues, pour ne rien vous cacher, j’ai été tenté de déposer un amendement tendant à appliquer aux traités relatifs aux adhésions à l’Union européenne les mêmes règles que celles qui concernent tout traité, en vertu de la Constitution. Mais, par respect pour les différentes sensibilités, j’y ai renoncé.

En revanche, je soutiens totalement les amendements identiques, présentés par le président de la commission des affaires étrangères du Sénat et par le président de la délégation du Sénat pour l’Union européenne, qui nous permettent de revenir à la proposition sage et équilibrée formulée par le comité Balladur selon laquelle tout élargissement à quelque pays que ce soit doit être ratifié selon la procédure mise en œuvre à l’occasion de toute révision constitutionnelle. Il s’agit d’apporter des sécurités et des garanties.

Une telle mesure respecte un principe de la Ve République en vertu duquel le Président de la République peut décider, après le vote par les deux assemblées d’un projet de loi constitutionnelle, soit de recourir à un référendum, soit de convoquer le Parlement réuni en Congrès, la majorité des trois cinquièmes étant alors requise.

N’allons pas blesser un grand pays ami. Respectons la Constitution. Tel est mon souhait !

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