Intervention de amiral Pierre-François Forissier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 janvier 2010 : 1ère réunion
Audition de l'amiral pierre-françois forissier chef d'état-major de la marine

amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine :

En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a apporté les précisions suivantes :

- aucun élément ne permet à ce jour de penser qu'il y ait eu défaillance dans la surveillance effectuée par la marine nationale des abords maritimes de la Corse à l'occasion de la découverte de ces réfugiés. Les enregistrements sont en cours de vérification et une instruction a été ouverte ;

- les Etats-Unis ont longtemps considéré être les maîtres des océans, mais aucune puissance au monde ne peut prétendre contrôler les mers. Leur réflexion a récemment évolué avec l'élaboration de la théorie dite : « de la marine aux 1 000 navires », consistant à proposer aux pays alliés de renforcer les capacités de surveillance des océans par une coopération globale, exercée par un millier de navires de nationalités diverses, et de diminuer ainsi la plage d'incertitude. Cette ouverture n'a, jusqu'à présent, guère rencontré de succès, en raison de la prééminence d'une culture militaire fondée sur les rapports de force, caractéristique de la pratique américaine. Ces projets se heurtent, de plus, à des difficultés juridiques. L'action des Etats en mer s'apparente à celle d'un agent qui constate une situation devant être évaluée à l'aune d'un référentiel juridique : ce référentiel détermine en particulier le tribunal et la loi compétents pour juger d'éventuelles infractions. Or, les eaux internationales sont libres, et les Etats-Unis ne peuvent y imposer leur corpus juridique et leurs tribunaux ;

- c'est sans doute l'Union européenne qui a élaboré à l'occasion de l'opération Atalanta l'approche juridique la plus constructive et la mieux organisée. Ainsi, l'opération Atalanta réunit-elle une majorité de pays européens également membres de l'OTAN, alors que cette dernière organisation a mis en place une opération concurrente qui ne rassemble que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Dans le cadre d'Atalanta, les personnes arrêtées pour acte de piraterie sont déférées devant des tribunaux au Kenya, au Puntland ou éventuellement en France : cette chaîne juridique a été mise en place sous la présidence française de l'Union européenne. Au contraire, l'arrestation de pirates par les forces de l'OTAN a conduit à leur libération faute de dispositif juridique adéquat. De plus, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne facilitant l'action transversale inter-piliers crée des conditions plus favorables pour assurer la sécurité du milieu maritime. Des fonctionnaires de la Commission de l'Union européenne sont d'ailleurs actuellement en visite à Paris, dans le cadre d'une mission de six mois, pour proposer des solutions concrètes en matière de surveillance des espaces marins. La sécurité maritime se construit aussi déjà sous la direction des agences spécialisées, comme FRONTEX : les frontières de l'Union européenne sont essentiellement maritimes, et nous participons à leur surveillance. En permanence, un bateau français patrouille en Méditerranée au large des pays européens pour surveiller les flux migratoires. Nous pourrons avancer entre Européens dans ce domaine de la sécurité sur mer si nous adoptons une démarche pragmatique, en préférant aux grandes idées une progression concrète, pas à pas ;

- le principal obstacle à la coopération entre marines européennes tient à la disparité de leurs organisations respectives : seules les marines française, danoise et portugaise remplissent des missions tant civiles que militaires, les autres forces étant généralement cantonnées à des missions militaires, de façon plus ou moins stricte. Or, seuls des bâtiments militaires ont la taille suffisante pour travailler en haute mer et traquer à la source les trafics d'immigrants, de drogue ou les menaces terroristes. Par ailleurs, le texte actuel de la Constitution n'autorisant pas des autorités étrangères à opérer dans nos eaux territoriales, nous ne pouvons prétendre bénéficier de la réciprocité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion