Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 27 janvier 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • maritime
  • mer
  • océan
  • États-unis

La réunion

Source

La commission a d'abord procédé à l'audition de l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, sur la place de la marine nationale dans la politique maritime de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Accueillant l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord rappelé que le Comité interministériel de la mer avait adopté, en décembre 2009, un Livre bleu intitulé « Stratégie nationale pour la mer et les océans » et que la commission avait auditionné M. Jean-François Tallec, secrétaire général de la mer, le 16 décembre 2009.

L'axe de crise qu'a défini le Livre blanc sur la défense et la sécurité va de l'océan Atlantique à l'océan Indien en passant par la mer d'Oman. L'espace maritime, sa surveillance et son contrôle, sont donc fondamentaux. La mer est l'avenir de la terre, on parle désormais de « maritimisation » du monde. La France, à travers sa marine de haute mer, ses bases outre-mer, sa force océanique stratégique, dispose d'un certain nombre d'atouts qui viennent appuyer une politique maritime ambitieuse.

s'est interrogé sur la vision stratégique qui sous-tend les différents documents qui ont été récemment élaborés et, en particulier, sur l'articulation et la cohérence politiques entre les orientations du Livre blanc sur la sécurité et la défense traduites dans la loi de programmation militaire, le budget pour 2010 et le budget triennal, et celles du Livre bleu.

Il s'est également interrogé sur l'adéquation entre cette ambition politique, la vision stratégique qui en découle, et les moyens dont dispose la marine pour les mettre en oeuvre. La France dispose du deuxième patrimoine océanique mondial avec plus de 10 millions de kilomètres carrés. La sécurité de ses approvisionnements dépend de la sécurité de la mer. Les enjeux géopolitiques et économiques de ce domaine maritime sont évidemment considérables. Enfin, il a souhaité connaître la coordination, les mutualisations et les perspectives liant la politique maritime de la France à celle de nos alliés, en particulier en Europe et au sein de l'OTAN.

Debut de section - Permalien
amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine

L'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, s'est réjoui de la tenue de cette audition le jour même où un marin, l'amiral Guillaud, a été nommé chef d'état-major des armées et où le tir de validation du missile balistique M51 a connu un total succès.

Il a indiqué que les orientations du Livre blanc sur la sécurité et la défense, comme celles du Livre bleu, visent à prendre en compte un monde nouveau en l'organisant afin qu'il soit viable. Le Président de la République avait souligné que le Livre blanc était celui de la mondialisation. Il est celui d'une reprise de conscience de la « maritimisation » du monde. Car, à bien y regarder, ce phénomène n'est pas si nouveau : l'histoire maritime du XVIIIe siècle, par exemple, peut déjà se lire en termes de conquête des routes de l'Inde et de lutte pour le contrôle des voies d'approvisionnement, avec deux visions fondamentales : une vision de souveraineté et une vision commerciale, qui demeurent parfaitement d'actualité dans un contexte marqué par une information mondialisée. La guerre froide avait masqué cette façon de voir : pendant cette période, le monde liquide a été gelé entre deux blocs immobiles qui géraient leurs frottements, et dont la politique visait à maintenir un équilibre. La chute du mur de Berlin a fait fondre la glace et oblige à s'adapter à un monde redevenu liquide. Dans ce contexte, les marins ont l'opportunité de partager quelques principes de vie et de pensée qui leur sont propres.

Pour la première fois dans l'histoire de la France, défense et sécurité sont associées et constituent deux domaines d'égale importance et indissociables l'un de l'autre. La maritimisation du monde oblige à transposer les principes de vie sur terre à un espace dont la caractéristique fondamentale est d'être un tout global, aux caractéristiques radicalement différentes de la terre ferme. La terre est en effet le milieu de la propriété privée et de la sectorisation, le monde de la souveraineté, de l'ancrage et de la vie : c'est le domaine du déterminisme. Au contraire, la mer est un espace en mouvement permanent où l'on ne peut stationner, où il n'y a pas de propriété privée ; c'est le monde de l'éphémère, de l'incertitude et du probabilisme. Les exemples de l'écrasement de l'Airbus d'Air France Rio de Janeiro-Paris, celui de la perte du sous-marin Minerve il y a quarante ans, jamais retrouvé, ou celui de la disparition de l'avion d'Antoine de Saint-Exupéry, montrent bien que la mer reste un espace très mal connu. On estime que 80 % de la biodiversité marine est encore à découvrir.

Compte tenu des caractéristiques fondamentales du milieu marin, la politique maritime ne peut être un décalque de la politique menée à terre. En matière de défense et de sécurisation, le contrôle et la surveillance de l'ensemble de l'espace maritime sont impossibles. Le seul contrôle réaliste repose sur la présence de bâtiments sur place à un moment donné. Même avec l'aide des satellites, l'espace maritime ne peut être totalement surveillé. La mer ne peut pas être comparée à l'espace aérien. Le contrôle des avions est assez facile sur terre, où entre leur point de départ et celui d'arrivée, ils évoluent dans un milieu totalement transparent ; mais la disparition du vol AF447 a récemment montré qu'il n'y avait plus de réel contrôle lors du survol des océans. Il est impossible de suivre les déplacements sur mer et a fortiori en dessous. Les principes de fonctionnement du marché mondial des matières premières permettent d'ailleurs aux navires de changer de destination et de choisir le lieu et même la date de déchargement en fonction du meilleur prix de vente et du bénéfice maximum : l'arrivée simultanée de plusieurs pétroliers dans le port de Rotterdam pourrait par exemple aboutir à une chute des cours. Les armateurs se montrent donc parfois opposés à déclarer les positions de leurs navires pour des raisons économiques.

Par rapport aux autres milieux, la présence en mer n'est jamais le fruit du hasard mais résulte d'un choix libre et motivé poursuivant un objectif précis et très sectorisé. En matière de politique maritime, nous devons faire en sorte de réguler ce monde en évitant notamment les actes de piraterie, en limitant la rencontre des intérêts divergents des Etats qui peuvent faire de la mer un lieu de confrontation et en assurant la sécurité et l'assistance en cas d'accident : nous devons nous rendre capables de couvrir tout le spectre de la sécurité des activités humaines.

Le milieu marin est un espace probabiliste, impossible à contrôler et désertique. L'une des problématiques fortes du Livre bleu est celle du recueil de l'information et de sa corrélation au niveau national comme au niveau international : la présence humaine est rare en mer, et il serait précieux de récupérer les informations que les divers pratiquants ont pu engranger. C'est ce partage et ce traitement pertinent de l'information qui contribueront de façon efficace au renforcement de la sécurité, en priorité dans les zones sous notre responsabilité.

S'agissant des moyens, l'amiral Pierre-François Forissier a indiqué qu'il était stérile de poser le problème en termes de nombre et de se lancer dans une estimation quantitative des besoins : une telle approche amènerait à conclure qu'il n'y en aura évidemment jamais assez. Il y a en ce moment dans l'océan Indien plus de cinquante navires de combat en permanence et, pourtant, le système n'est pas assez étanche pour éviter les actes de piraterie. Plus que le renforcement quantitatif, c'est l'utilisation optimale des divers moyens (navires, avions, satellites, hélicoptères....) et leur coordination qui contribuent à la sécurité maritime. A titre d'exemple, l'installation de radars à Mayotte a permis d'améliorer considérablement l'efficacité et la rentabilité de la lutte contre l'immigration illégale en provenance des Comores en rendant les missions des bateaux de la marine efficaces à coup sûr. A contrario, sur les côtes métropolitaines, les hélicoptères de la sécurité civile qui sont affectés au sauvetage des biens et des personnes ne partagent pas les informations précieuses qu'ils peuvent recueillir au cours de leurs vols et qui n'intéressent pas leur coeur de métier. Nous devons nous forcer à récupérer toutes les données recueillies par les différents usagers de la mer et à les mettre en commun.

Le recueil, le traitement et le partage de l'information sont un des grands enjeux du Livre bleu. Toutefois, il est évident que le foisonnement du renseignement maritime n'a d'intérêt que si l'on dispose des analystes capables de les corréler et de faire des prévisions. L'amiral Pierre-François Forissier a indiqué que l'une de ses principales craintes était de connaître un jour un 11 septembre maritime. En 2001, les différents services de renseignement des Etats-Unis d'Amérique disposaient des indices qui auraient peut-être pu permettre de prévenir l'attaque d'Al Qaïda, mais ils n'étaient pas organisés et équipés pour recouper et analyser ces informations. L'objectif est de sortir de cette cécité et d'essayer d'être le plus anticipatif possible en analysant et corrélant ces signaux. L'exemple français de décider, à la suite des attentats du 11 septembre, de renforcer la surveillance des grands ports français, illustre déjà l'intérêt d'un dispositif de recoupement des informations.

Puis un débat a suivi l'exposé de l'amiral Pierre-François Forissier.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

a évoqué un récent déplacement effectué au Japon pour sensibiliser les parlementaires aux analyses françaises en matière de défense et d'armement, au cours duquel ses interlocuteurs ont estimé que, contrairement à ce qui est affirmé en France, la guerre froide n'était pas terminée. Pour expliquer ce point de vue, à première vue surprenant pour un Européen, elle a évoqué, dans les relations extérieures du Japon, la présence menaçante de la Corée du Nord, ainsi que la prééminence des Etats-Unis, mais a déploré que les liens du Japon avec la France, notamment dans le domaine militaire, soient si ténus.

Debut de section - Permalien
amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine

En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a précisé que :

- la problématique qui anime les pays riverains de l'océan Pacifique est très différente de celle des pays européens ; la France, qui est également une nation du Pacifique grâce à sa présence en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, est isolée sur ce point au sein de l'Union européenne, qui considère, dans sa majorité, le Pacifique comme un océan américain. Les orientations politiques françaises portent sur le renforcement de l'Europe de la défense et la normalisation des relations avec l'OTAN, deux sphères dont le Japon est absent ;

- le Japon, en dépit de sa Constitution limitant son armée à une force d'auto-défense, coopère pourtant avec les autres puissances à la lutte contre la piraterie dans l'océan Indien et à la lutte contre le terrorisme dans le cadre de l'opération Enduring Freedom. Dans cette perspective, une loi a été votée en 2009 autorisant le déploiement de bâtiments de combat. Le Japon a aussi appuyé la lutte contre Al-Qaïda en soutenant la coalition présente en Afghanistan par le déploiement d'un pétrolier ravitailleur fournissant du carburant à ses bâtiments, jusqu'à ces derniers mois ;

- les forces armées japonaises sont également ouvertes aux relations avec la France : trois frégates japonaises ont ainsi participé à la dernière Armada de Rouen, et le chef d'état-major de l'armée japonaise a récemment effectué une visite à Paris. Ainsi, en dépit de liens encore ténus entre les deux marines, la perception japonaise de la situation n'est pas si éloignée des analyses françaises ;

- le changement de Gouvernement intervenu à Tokyo à la suite des dernières élections législatives accentue les interrogations sur la présence militaire américaine dans l'archipel. Ceci conduit les Etats-Unis à revoir l'organisation de leur défense en profondeur dans la zone Pacifique. Déjà, 60 % de la marine des Etats-Unis est déployée dans l'océan Pacifique contre 40 % dans l'océan Atlantique, et la perspective de ne conserver qu'un seul porte-avions sur douze en Atlantique (au lieu de quatre actuellement) a été évoquée à Washington. Le centre stratégique du monde a effectivement basculé vers le Pacifique et vers l'Asie. La présence de la France en tant que pays riverain du Pacifique, à travers la Nouvelle Calédonie et la Polynésie, revêt donc une certaine importance pour l'avenir ;

- le récent Livre blanc français sur la défense et la sécurité évoque peu cette problématique de l'océan Pacifique, qu'il conviendra sans doute de prendre davantage en compte lors des révisions ultérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

a souhaité obtenir des précisions sur les modalités selon lesquelles des immigrés ont récemment gagné la Corse. Puis il s'est interrogé sur l'existence d'une stratégie européenne maritime, sur la coopération entre Etats et sur une éventuelle mutualisation des moyens.

Debut de section - Permalien
amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine

En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a apporté les précisions suivantes :

- aucun élément ne permet à ce jour de penser qu'il y ait eu défaillance dans la surveillance effectuée par la marine nationale des abords maritimes de la Corse à l'occasion de la découverte de ces réfugiés. Les enregistrements sont en cours de vérification et une instruction a été ouverte ;

- les Etats-Unis ont longtemps considéré être les maîtres des océans, mais aucune puissance au monde ne peut prétendre contrôler les mers. Leur réflexion a récemment évolué avec l'élaboration de la théorie dite : « de la marine aux 1 000 navires », consistant à proposer aux pays alliés de renforcer les capacités de surveillance des océans par une coopération globale, exercée par un millier de navires de nationalités diverses, et de diminuer ainsi la plage d'incertitude. Cette ouverture n'a, jusqu'à présent, guère rencontré de succès, en raison de la prééminence d'une culture militaire fondée sur les rapports de force, caractéristique de la pratique américaine. Ces projets se heurtent, de plus, à des difficultés juridiques. L'action des Etats en mer s'apparente à celle d'un agent qui constate une situation devant être évaluée à l'aune d'un référentiel juridique : ce référentiel détermine en particulier le tribunal et la loi compétents pour juger d'éventuelles infractions. Or, les eaux internationales sont libres, et les Etats-Unis ne peuvent y imposer leur corpus juridique et leurs tribunaux ;

- c'est sans doute l'Union européenne qui a élaboré à l'occasion de l'opération Atalanta l'approche juridique la plus constructive et la mieux organisée. Ainsi, l'opération Atalanta réunit-elle une majorité de pays européens également membres de l'OTAN, alors que cette dernière organisation a mis en place une opération concurrente qui ne rassemble que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Dans le cadre d'Atalanta, les personnes arrêtées pour acte de piraterie sont déférées devant des tribunaux au Kenya, au Puntland ou éventuellement en France : cette chaîne juridique a été mise en place sous la présidence française de l'Union européenne. Au contraire, l'arrestation de pirates par les forces de l'OTAN a conduit à leur libération faute de dispositif juridique adéquat. De plus, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne facilitant l'action transversale inter-piliers crée des conditions plus favorables pour assurer la sécurité du milieu maritime. Des fonctionnaires de la Commission de l'Union européenne sont d'ailleurs actuellement en visite à Paris, dans le cadre d'une mission de six mois, pour proposer des solutions concrètes en matière de surveillance des espaces marins. La sécurité maritime se construit aussi déjà sous la direction des agences spécialisées, comme FRONTEX : les frontières de l'Union européenne sont essentiellement maritimes, et nous participons à leur surveillance. En permanence, un bateau français patrouille en Méditerranée au large des pays européens pour surveiller les flux migratoires. Nous pourrons avancer entre Européens dans ce domaine de la sécurité sur mer si nous adoptons une démarche pragmatique, en préférant aux grandes idées une progression concrète, pas à pas ;

- le principal obstacle à la coopération entre marines européennes tient à la disparité de leurs organisations respectives : seules les marines française, danoise et portugaise remplissent des missions tant civiles que militaires, les autres forces étant généralement cantonnées à des missions militaires, de façon plus ou moins stricte. Or, seuls des bâtiments militaires ont la taille suffisante pour travailler en haute mer et traquer à la source les trafics d'immigrants, de drogue ou les menaces terroristes. Par ailleurs, le texte actuel de la Constitution n'autorisant pas des autorités étrangères à opérer dans nos eaux territoriales, nous ne pouvons prétendre bénéficier de la réciprocité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a souligné que le Livre blanc sur la sécurité et la défense, en ayant recours au concept « d'arc de crise », allant de l'Afrique à l'océan Indien, ne donne pas l'importance qui convient aux grands pays émergents, qui peuvent présenter une chance pour la France. Il a souhaité obtenir un état de la coopération avec ces pays émergents, notamment le Brésil, la Russie et la Chine.

Debut de section - Permalien
amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine

En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a précisé que :

- il est en effet nécessaire de travailler en bonne intelligence avec les pays émergents et de bonne politique de les accompagner dans leurs développements en matière de sécurité et de défense ;

- ainsi, deux partenariats stratégiques ont-ils été conclus respectivement avec le Brésil et l'Inde, dont les marines sont d'inspiration européenne. En revanche, la collaboration avec la Chine est beaucoup plus délicate, en raison sans doute de cultures différentes, mais aussi parce que ce pays ne cache pas son intérêt pour l'accès aux technologies sensibles occidentales ;

- la Russie possède une marine « d'esprit européen » et de très haute valeur, héritière de la marine soviétique, qui a connu d'énormes difficultés économiques et une réduction drastique de sa voilure. Elle a été profondément restructurée depuis la chute de l'URSS, mais possède d'indéniables atouts. Ainsi, les sous-marins soviétiques puis russes n'ont jamais cessé leur permanence à la mer. La coopération avec ce pays se limite, pour l'instant, à un exercice annuel assez élémentaire réunissant les flottes française, britannique, américaine et russe. L'idéal serait de faire rentrer la marine russe dans le club des marines occidentales. La vente envisagée de plusieurs bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la Russie relève du choix politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

évoquant l'océan Pacifique comme lieu d'un conflit possible, s'est enquis de l'opinion de l'amiral Forissier sur l'opportunité que notre pays puisse, à l'occasion d'une future loi de programmation militaire, se doter d'un second porte-avions qui faciliterait une éventuelle projection des forces françaises à plus de 8 000 kilomètres.

Debut de section - Permalien
amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine

En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a précisé que :

- la France possède la seule marine au monde, avec celle des Etats-Unis, à disposer de la capacité de construire et faire naviguer un groupe aéronaval. Les Etats-Unis ont douze bâtiments de cette nature, et l'Europe, un seul. Assurer la permanence d'un groupe aéronaval à la mer suppose en effet de disposer d'un second porte-avions pour lequel la France dispose des compétences, mais pas des ressources financières nécessaires. Or, il est essentiel de conserver ce savoir-faire : comme le montrent les exemples russes et britanniques, les compétences perdues sont extrêmement difficiles à retrouver. La réponse pourrait être européenne, car l'Europe ne peut accepter une telle diminution stratégique. Il serait donc opportun que, sous une forme qui reste à déterminer, l'Union européenne puisse se doter d'un porte-avions, ce qui remédierait aux effets pervers de l'immobilisation du Charles-de-Gaulle durant sa « grande révision », qui le rend indisponible 30 % du temps. L'intérêt principal de ce second porte-avions serait d'assurer la continuité de l'entraînement de l'équipage, et notamment des pilotes de l'aéronavale qui doivent impérativement réaliser des séries d'appontages au moins tous les deux mois pour maintenir leur savoir-faire et leurs qualifications. Il faut aussi prendre en compte la question du statut du bâtiment de guerre : dans l'état actuel des choses, un bâtiment de guerre doit nécessairement être doté d'une nationalité. Mais on pourrait très bien envisager -comme cela se fait à terre- d'utiliser des aéronefs de différentes nations sur un porte-avions d'une tierce nationalité. C'est pour réfléchir aux perspectives envisageables dans ce domaine que la présidence française de l'Union européenne a lancé une « Initiative aéronavale européenne » visant à disposer d'un groupe aéronaval européen. Il ne faut cependant pas se dissimuler que la plupart des marines européennes ne sont pas entraînées à l'escorte d'un porte-avions, qui requiert un savoir-faire spécifique.

La commission a ensuite nommé rapporteurs :

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

sur le projet de loi n° 2212 (AN - XIIIe législature) relatif à la reconversion des militaires ;

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

sur le projet de loi n° 2213 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine.