Mes chers collègues, je ferai trois observations.
La première, c’est que le fait de modifier deux fois en trois ans la Constitution sur ce point illustre de la meilleure manière possible l’absolue nécessité de manier notre loi fondamentale avec précaution. Voilà une disposition qui sera demeurée virtuelle !
La deuxième observation tient aux difficultés rencontrées par ceux qui expriment des réserves. Je partage largement l’avis émis par M. Retailleau, à propos, notamment, de tout élargissement. M. Haenel s’en souvient, à l’occasion du débat sur la Roumanie et sur la Bulgarie, j’avais moi-même exprimé la plus expresse réserve, dans la mesure où, à un moment donné, on peut être contre tout élargissement, a fortiori quand il s’agit de l’adhésion de la Turquie.
Au demeurant, pour les partisans de cette dernière, le fait de réviser le texte constitutionnel est certainement plus facile que pour ceux qui expriment des réserves. Lorsque le général de Gaulle, comme cela a été rappelé, a déclaré à Ankara, en 1963, que la Turquie avait une vocation européenne, on en a peut-être conclu un peu vite que son adhésion était en vue, alors que le général de Gaulle, la même année, exprimait des réserves sur celle de la Grande-Bretagne. Par conséquent, tout cela est toujours très compliqué.
Pour ceux qui se montrent sceptiques sur l’adhésion de la Turquie, la difficulté tient au fait que le crédit de l’État français compte tout autant que leurs réserves.
On peut également redouter la progression insidieuse du processus d’adhésion. La Turquie et l’Union européenne ont ainsi récemment ouvert la discussion concernant les septième et huitième chapitres, sur les trente-cinq prévus. Or, on le sait très bien, à un moment donné, à la fin de l’« entonnoir », il faudra trancher, ce qui fera peser une énorme responsabilité sur nos dirigeants, notamment le Président de la République. On peut donc douter que ce dernier opte pour le référendum. Ceux qui exprimaient des réserves se trouveraient, d’une certaine façon, quelque peu coincés, dans une situation qui les dépassera.
Troisième et dernière observation, M. le rapporteur a évoqué le référendum populaire. C’est en effet l’une des deux procédures référendaires envisageables, et la seule chose à laquelle il faut se raccrocher.
En tout cas, ne nous mettons pas dans la situation de deux amoureux qui seraient restés fiancés pendant quinze ans et dont l’un, à la dernière minute, devant M. le maire, refuserait de se marier !