Je voudrais tout d'abord souligner l'effort particulier de votre commission pour aller sur place et écouter les différents acteurs en Afghanistan. Votre action témoigne de l'utilité et de l'efficacité de la démarche parlementaire.
La situation en Afghanistan a évolué sous deux angles principaux.
La pression militaire sur le terrain s'était d'abord beaucoup accentuée. Je vous rappelle qu'après le sommet de l'OTAN, à Bucarest, en 2008, la France a décidé d'augmenter les effectifs de ses troupes. Nous sommes ainsi passés d'environ 1 500 hommes, sur la période 2002-2005, à 2 000 hommes en 2007 et, après Bucarest, à une progression qui nous amène aujourd'hui à un effectif de 4 000 hommes. Les Etats-Unis ont procédé, de leur côté, au «surge », en décembre 2009, en affectant 33 000 soldats supplémentaires aux effectifs de la coalition internationale, dans le cadre de la FIAS, les portant ainsi à plus de 100 000 hommes. Je vous rappelle que ces effectifs s'ajoutent à l'opération strictement américaine, « enduring freedom », qui compte plus de 15 000 hommes. En 2008, nous faisions face à une situation critique pour le gouvernement Karzaï dont nous pouvions craindre l'affaiblissement alors qu'il faisait face à de grandes difficultés. Ce sont celles-ci qui ont conduit la coalition internationale à accentuer son effort.
Le 22 juin, le Président Obama a annoncé un retrait de ces 33 000 hommes en deux phases : 10 000 en 2011 et 23 000 en 2012, et ces retraits ont été rendus possibles par les succès militaires remportés sur le terrain.
Le deuxième facteur de changement tient aux relations entre l'Afghanistan et ses voisins, et notamment le Pakistan. Ce changement de nature résulte des conditions de la disparition d'Oussama Ben Laden.
Je rappelle que l'armée nationale afghane (ANA) atteindra 305 600 hommes en octobre prochain, dont 170 600 soldats et 135 000 policiers. Au sommet de Lisbonne, en novembre 2010, l'OTAN a indiqué que le processus de transition pourrait s'achever en 2014. S'agissant des responsabilités de notre pays en Afghanistan, nous avons créé les conditions qui permettent d'envisager la transition du district de Surobi et le transfert de sa sécurité aux forces de sécurité afghanes à partir de 2011. Cette transition s'effectuera en parallèle à la montée en puissance du Kandak afghan dont les effectifs devraient atteindre 4 200 hommes.
Après la décision du Président Obama, le communiqué publié par l'Élysée fait état d'un retrait progressif de renforts envoyés par notre pays à partir de 2008, c'est-à-dire potentiellement sur les 1 000 hommes supplémentaires qui ont été déployés après le sommet de Bucarest. Le communiqué précise que ces retraits se feront en étroite concertation avec nos alliés et avec les autorités afghanes. Vous comprendrez que, pour des raisons de sécurité évidentes, on ne puisse donner aujourd'hui ni le calendrier, ni les effectifs qui seront concernés.
Nous avons environ 2 400 hommes déployés en Kapisa et Surobi, qui effectuent un travail remarquable, par nature précaire. Il est évident que tout signal d'un retrait serait un facteur aggravant sur la sécurité locale. Sur les 4 000 hommes dont nous disposons en Afghanistan, un certain nombre se sont engagés dans des opérations de stabilité et de développement. Nos objectifs et la direction de notre action sont clairs : il s'agit de passer la main en Surobi. En Kapisa, le processus n'est pas achevé et la situation peut évoluer rapidement pour des raisons extérieures à l'Afghanistan. Je constate, en particulier, que les talibans sont sur la défensive et que leurs forces sont en déclin en 2011 par rapport à 2010, y compris en Kapisa, où les affrontements directs ont diminué d'environ 25 %, même si le nombre des IED a progressé. Le second facteur extérieur est qu'à la suite de l'élimination de Ben Laden, les pressions s'exercent sur le Pakistan pour qu'il clarifie sa position. Au travers des échanges croisés entre les autorités pakistanaises et afghanes, nous comprenons que la situation évolue. Pour nous, l'important est de ne pas se précipiter et de ne pas prendre de risques qui pourraient menacer l'excellent travail effectué par nos militaires.
Quelle sera la situation après 2014 ? J'observe que le conflit entre l'Inde et le Pakistan existera toujours, pour des raisons qui dépassent largement la question du Cachemire. Le point positif est qu'il me semble que les doubles jeux sont aujourd'hui plus difficiles. Et nous avons un devoir de coopération avec les pays de la région, dans la mesure où ils démontrent une attitude constructive. Toutefois, il est évident que la France n'est pas la clé de voûte de la coalition et qu'elle ne peut, du reste, l'être.