Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 juin 2011 : 1ère réunion
Afghanistan — Audition de M. Gérard Longuet ministre de la défense et des anciens combattants

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Monsieur le ministre, je vais vous remercier d'avoir répondu une fois de plus rapidement à notre demande d'audition. Je voudrais vous dire quelque chose, ce sera probablement l'une des dernières occasions que j'aurai de le faire.

Si vous sollicitez des soldats français, ils se battront, parce qu'ils sont très bien formés, ils sont courageux et qu'ils ont le sens de la mission et c'est ce que nous avons pu encore vérifier.

Mais ils ont le droit de savoir où on les mène et on n'a pas le droit de leur raconter des histoires. Si vous leur dites : Oussama Ben Laden est mort, on n'a plus rien à faire ici, alors il faut les ramener tout de suite. Parce que, effectivement, il est mort. Al-Qaïda n'a plus l'influence considérable en Afghanistan qu'il a eue dans le passé. Les Américains ont les moyens de retrouver, avec des drones, sans exposer beaucoup de monde, les chefs d'Al-Qaïda délocalisés au Pakistan ou ailleurs. Malheureusement nous ne pouvons pas en faire autant puisqu'ils ont des moyens que nous n'avons pas.

Nous sommes présents en Afghanistan parce que nous voulons construire un Etat afghan capable d'assurer la souveraineté et l'indépendance de ce pays, éviter qu'il devienne un Etat narcotrafiquant, parce qu'il a tous les moyens d'être l'Etat le plus narcotrafiquant de la planète en raison de l'ampleur de la culture et du trafic de drogue, et qu'il est encore loin de ne pas être un abri pour les fondamentalistes, parce qu'il y a quand même un certain nombre de talibans extrêmement nocifs, comme le groupe Haqqani ou comme le groupe du Mollah Omar qui sévissent en Afghanistan. Alors je crois que c'est un peu court de dire aux gens : « écoutez, tout simplement Ben Laden étant parti, vous restez là quand même ». Non ils restent là pour autre chose. Il faut bien expliquer pourquoi.

Et puis, si on retire les troupes, je vous le répète, il faut le faire de manière telle que cela n'affecte pas la sécurité de nos soldats. Parce que, là, il y aura des comptes à rendre si tel est le cas. Dans l'expression publique, il faut prendre les précautions qu'il faut, de nature à ne pas donner le sentiment à des gens qui se sont fait « trouer la peau », passez-moi l'expression, que ça n'a servi à rien. J'ai entendu certaines déclarations qui permettent d'en douter. Et ce que je vous demande, c'est de bien prendre cela en compte, parce que nous avons vu des soldats là-bas qui sont très soucieux de savoir ce que leurs compatriotes, qui sont en France, pensent de leur combat et de ce qu'ils font. Ils ressentent très durement le sentiment qu'au fond c'est une guerre lointaine, c'est une guerre un peu morte, c'est une guerre qui est menée par des professionnels et sans lien avec l'opinion française.

Alors je crois qu'il faut être extrêmement prudent. Il ne s'agit pas seulement d'aller, les uns et les autres, rendre hommage à des soldats qui ont été tués, il faut aussi faire comprendre que nous comprenons le sens de leur combat et que nous sommes solidaires de l'action qu'ils mènent là-bas et que nous savons ce qu'ils font. Si nous ne faisons pas ça, il faut arrêter ça tout de suite, et les rapatrier, parce que nous n'avons pas le droit de les exposer plus longtemps pour quelque chose que le peuple français ne comprendrait pas ou ne veut pas comprendre et qui n'a pas le soutien de ses chefs.

Je crois que là-dessus c'est moralement très important.

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