Intervention de Jean-Luc Romero

Commission des affaires sociales — Réunion du 12 janvier 2011 : 1ère réunion
Fin de vie — Audition de Mm. Jean-Luc Romero président et philippe lohéac délégué général de l'association pour le droit de mourir dans la dignité admd

Jean-Luc Romero, président de l'ADMD :

Ainsi entendue, la loi Leonetti permet donc de tuer...

Les opposants à l'euthanasie prétendent que sa légalisation entraînerait une hécatombe sans précédent, mais là où une législation existe, on a constaté une augmentation tout à fait raisonnable de la mortalité, qui lui est imputable. En appliquant à la France l'augmentation constatée aux Pays-Bas et en Belgique, nous sommes parvenus au chiffre théorique de 10 700 morts, et c'est ce chiffre que les opposants clament désormais haut et fort, alors que nous nous en gardons bien, puisqu'une telle prévision n'a évidemment rien de scientifique...

La loi Leonetti demeure méconnue, je le déplore avec vous, quoique j'aie dit combien je l'estime insuffisante. La méconnaissance tient tout simplement à ce que les campagnes d'opinion annoncées n'ont pas été réalisées.

Monsieur Lardeux, je constate que les croyances religieuses ne s'opposent pas à la légalisation de l'euthanasie puisque, quelle que soit la religion, les croyants y sont très majoritairement favorables : ceux qui s'y opposent, ce sont les membres de l'élite religieuse ! Même chose pour les médecins. Et c'est cette élite médicale qui s'opposait également à la contraception, à la prise en charge de la douleur par la morphine, à l'avortement : mais quand le législateur a dit le droit, les mandarins ont bien dû adapter le serment d'Hippocrate ! Vous me demandez aussi pourquoi l'association que je préside défend le droit de mourir plutôt que celui de vivre dans la dignité : nous sommes bien sûr pour le droit de vivre dans la dignité, et l'intitulé de mon association est celui que j'ai trouvé en arrivant, il correspond à des années de combat pour faire reconnaître les droits très précisément déniés de choisir sa fin de vie dans des conditions très encadrées. Pour être moi-même malade du sida depuis de nombreuses années, je crois être passé par suffisamment d'épreuves pour savoir ce qu'il en est de la dignité, et je sais qu'il faut laisser chacun en juger pour soi-même, plutôt qu'en imposer une définition nourrie de préjugés !

Madame Hermange, vous m'opposez l'exemple du maniaco-dépressif, dont la mort serait facilitée par la légalisation de l'euthanasie dès lors qu'il pourrait la demander pendant une phase dépressive, dont chacun sait pourtant qu'elle est transitoire dans une telle maladie. Mais le maniaco-dépressif n'entre pas du tout dans le cadre de la législation que nous proposons, c'est de la désinformation de prétendre l'inverse ! Même à l'ADMD, nous encourageons les gens à vivre, à mener la plus belle vie qu'ils peuvent, et c'est seulement pour les cas de mort certainement imminente que nous demandons un cadre légal, pour que chacun puisse choisir de mourir dans la dignité. Lisez le témoignage de Maïa Simon, qui, sachant qu'elle mourrait étouffée par sa maladie dans un délai certain d'un mois, a décidé de mourir entourée des siens, dans le partage : voilà une fin de vie choisie !

Monsieur About, nous préconisons deux méthodes d'euthanasie : soit l'injection létale, qui entraîne une mort certaine et sans souffrance physique dans un délai de dix à trente minutes, soit un suicide assisté, par l'absorption d'un produit létal, qui n'a rien à voir avec les scènes atroces et absurdes que les opposants décrivent.

Le législateur ne doit pas se défausser sur le juge : les cours d'assises ont acquitté les prévenus qui avaient aidé leur proche à mourir, les affaires sont connues mais ce n'est pas une raison de ne pas voter une loi. Les procès sont toujours des épreuves pour les personnes mises en examen, mais surtout, je trouve particulièrement anormal d'entendre des parlementaires se satisfaire d'une loi mal appliquée, doublée d'un vide juridique. Quand une loi ne convient pas, c'est au législateur d'en changer, plutôt que de laisser les juges et les citoyens se débrouiller.

Monsieur Autain, un problème se pose effectivement dans les maternités, où les médecins laissent mourir un nombre inconnu d'enfants non viables, en estimant qu'il est désespéré de les assister. De fait, il y a un vide juridique : les médecins décident seuls, en informant ou non les familles, au cas par cas. Ce problème a été délibérément mis de côté par la loi Leonetti, il reste donc entier, ce qui n'est guère satisfaisant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion