Commission des affaires sociales

Réunion du 12 janvier 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • convictions
  • euthanasie
  • leonetti
  • mort
  • mourir
  • médecin
  • palliatifs
  • romero
  • souffrance

La réunion

Source

La commission procède à l'audition de MM. Jean-Luc Romero, président, et Philippe Lohéac, délégué général de l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur la question de l'aide à la fin de vie, dans le cadre de ses travaux sur la loi Leonetti, mais aussi du groupe de travail constitué au sein de notre commission présidé par Nicolas About. Nous avons cependant jugé utile, à l'occasion de l'examen des trois propositions de loi déposées sur ce sujet, et pour lesquelles je souhaite, en tant que rapporteur, que nous parvenions à établir une synthèse en vue de leur examen en séance publique, de procéder à quelques auditions complémentaires, dont celle de l'ADMD, et demain du philosophe Emmanuel Halais et du président de l'observatoire national de la fin de vie.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Romero, président de l'ADMD

L'ADMD, créée il y a plus de trente ans par un universitaire franco-américain, a prospéré au fil des ans. Avec 47 500 adhérents, elle est aujourd'hui l'association la plus importante dans le champ du soutien aux malades et milite non seulement pour la légalisation de l'ultime liberté que constitue l'euthanasie volontaire, mais également pour le développement des soins palliatifs. Notre association, agréée sous le ministère de Xavier Bertrand, représente aussi les usagers de santé. Nous sommes ainsi présents, dans les hôpitaux, au sein des conseils de surveillance et des commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (Cruc). Le dernier rapport Leonetti relève d'ailleurs que nous sommes paradoxalement les seuls à avoir véritablement fait connaître sa loi. De fait, il n'existe aucun autre document public sur ce texte que celui que nous diffusons.

L'ADMD ne bénéficie pourtant d'aucune subvention publique et ne vit que des cotisations de ses adhérents, dont la moyenne d'âge est élevée, autour de soixante et onze ans, même si une délégation jeunesse a pris un certain développement ces dernières années. Beaucoup sont malades, beaucoup voient approcher l'échéance. Preuve que nous ne sommes pas une académie qui agite des discours idéologiques, comme nous en accusent certains. Pour moi, je vis depuis vingt-cinq ans avec le sida, et j'ai récemment flirté avec le cancer : je me sens donc directement concerné par la question de la fin de vie. Nous appartenons de surcroît à une fédération mondiale, qui réunit des associations issues de la planète entière.

On ne meurt plus aujourd'hui comme il y a trente ans. De 70 % à 75 % des décès ont lieu à l'hôpital ou en institution. Cette réalité française n'est pourtant pas une fatalité, ainsi que le montre l'exemple des Pays-Bas où l'on meurt le plus souvent à son domicile. Chez nous, cependant, la mort s'est peu à peu déréalisée : il n'est pas rare aujourd'hui qu'une personne d'âge mûr n'ait jamais vu le décès d'un proche. Assister, comme je l'ai fait du haut de mes treize ans, à la mort de son père est un fait de plus en plus rare. Cela veut aussi dire que l'on meurt de plus en plus seul ; en France, en tout cas, car tel n'est pas le cas général en Europe : seules 24 % des personnes qui meurent à l'hôpital sont accompagnées par les leurs. Une étude menée en 2008 auprès des médecins fait enfin apparaître que pour eux, seulement 36 % des décès ont lieu dans de bonnes conditions. Si la France, enfin, a progressé dans la prise en charge de la douleur - et ce fut l'un des premiers combats de notre association - elle n'est encore classée qu'au douzième rang européen, loin derrière la Belgique ou les Pays-Bas, qui ont aussi été parmi les premiers pays à légaliser l'euthanasie.

La question de l'euthanasie est souvent considérée comme marginale. Il est vrai que, dans l'immense majorité des cas, on meurt sans demander à être aidé. Cependant, aux Pays-Bas, l'euthanasie concerne 2 % des décès. Un tel taux représenterait, si l'euthanasie était légale en France, onze mille personnes, ce qui est loin d'être marginal. Depuis trente ans, les sondages font invariablement apparaître que 80 % à 94 % des Français sont favorables à la légalisation. Et je parle de sondages sérieux. Pas de ceux où la question posée appelle nécessairement une réponse positive : « Souhaitez vous une mort sans douleur ? », par exemple. Les médecins sont favorables à la légalisation à 60 % ou 70 %.

L'ADMD veut sortir du débat médical où l'on a enfermé la question. Car ce débat est avant tout citoyen. N'allons-nous pas tous mourir ? Je suis frappé du décalage entre le discours de certains responsables politiques et le pays réel. Je suis engagé dans beaucoup de combats, contre l'homophobie, pour la lutte contre le sida - dont je suis effrayé de voir le peu d'intérêt qu'elle suscite parmi les élus, dont la présence est rare à des réunions qui en viennent, hélas !, à s'essouffler. Ne s'essoufflent pas, en revanche, les réunions autour du thème de la fin de vie, qui font salle comble. Et je constate que les gens sont déçus par le débat à l'Assemblée nationale et attendent beaucoup du Sénat.

On nous oppose, depuis trop longtemps, que le sujet est délicat, qu'il faut se donner du temps. Nous voulons une législation républicaine maintenant. Les Pays-Bas fêtent les dix ans de leur loi de légalisation - et la jurisprudence autorisait la pratique depuis vingt ans - sans avoir constaté de dérives. En France, au contraire, ainsi que le souligne le dernier rapport Leonetti, l'euthanasie illégale persiste. Nous estimons qu'une telle situation est dangereuse car nous estimons que, dans la décision d'euthanasie, c'est la volonté du patient qui doit s'exprimer, pas celle du médecin ou de l'entourage. Et que l'on ne nous dise pas, ainsi que le fait M. Leonetti, que nous défendons le droit à la mort. Que l'on ne nous présente pas comme quelque confrérie d'adorateurs de la mort. Nous aimons la vie et c'est pourquoi nous militons pour le droit à une mort dans la dignité, qui permet souvent de mieux vivre sa vie, avec plus d'intensité.

Nous voulons une loi qui repose sur ses deux jambes : accès universel aux soins palliatifs et légalisation de l'euthanasie. Je suis le premier à avoir réclamé cet accès universel aux soins palliatifs, qui reste aujourd'hui un vain mot. Trois rapports, celui de la Cour des comptes, celui de Marie de Hennezel - qui n'est guère favorable à l'euthanasie - celui de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), relèvent que ces soins ne sont accessibles qu'à 15 % à 20 % de ceux qui en ont besoin. Quant aux lits dédiés, on peut se demander dans quelle mesure ils ne sont pas pur affichage tant sont nombreux les témoignages de responsables qui reconnaissent que ce fléchage reste fictif. Bref, l'effort n'est pas suffisant, surtout quand on constate qu'en Belgique ou aux Pays-Bas, l'accès aux soins palliatifs est quasi universel.

Aussi nécessaires soient-ils, les soins palliatifs ne doivent pas dériver vers l'acharnement palliatif. Le fait est qu'il est des situations où ils sont insuffisants. Il est des êtres qui n'en peuvent plus de souffrance car les soins palliatifs ne soulagent ni certaines douleurs réfractaires, ni la souffrance psychique.

Les propositions de loi soumises à votre examen vont dans le bon sens et je salue MM. Godefroy, Fischer et Fouché qui ont su poser de vraies questions. Certains s'inquiètent de possibles dérives. Mais si dérive il y a, c'est en raison de l'absence de légalisation, lorsque l'on euthanasie des gens qui n'ont rien demandé. Au flou actuel, il faut donc préférer l'institution d'un cadre juridique. Dès lors que sont posées des conditions légales, plus de dérives possibles, si ce n'est sanctionnées par la loi, comme cela est le cas aux Pays-Bas, où huit personnes ont été poursuivies en 2009.

Une telle loi serait une loi de prévention du suicide. La France est, avec le Japon et la Corée du Sud, au sein de l'OCDE, le pays qui connaît le plus fort taux de suicide. On parle beaucoup du suicide des jeunes, toujours dramatique, mais on oublie celui des personnes âgées, que la légalisation de l'euthanasie doit aider à prévenir. Nous avons produit un Livre blanc réunissant des témoignages sur le suicide des seniors et des personnes malades. Ces suicides sont souvent violents : la pendaison et la balle dans la tête prévalent chez les hommes, le saut dans le vide chez les femmes, ce qui est parfaitement insoutenable pour les proches. Et ce geste de désespoir est souvent aussi prématuré lorsque les malades anticipent une situation de santé qui pourrait les empêcher ensuite de provoquer eux-mêmes leur mort. La médecine n'est pas une science exacte.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Romero, président de l'ADMD

Elle ne saurait prévoir avec exactitude le moment de la mort. Comment expliquer le fait que le taux de suicide soit deux fois plus élevé en France qu'aux Pays-Bas ? Et que dire de l'inégalité face à l'acte : aux plus fortunés, le dernier voyage en Suisse, aux autres, la mort violente.

Nous voulons une loi républicaine, inscrite dans la laïcité, qui respecte toutes les consciences ; une loi fondée sur le triptyque « liberté, égalité, fraternité ». Nous respectons la liberté de ceux qui, pour des raisons éthiques ou religieuses, veulent mourir le plus tard possible, à l'échéance. Qu'eux aussi respectent ceux qui font un autre choix. Nous sommes dans une république laïque. La liberté s'entend, bien entendu, pour les médecins, charge à ceux qui souhaitent rester en retrait de diriger les patients vers leurs confrères. Car la liberté, c'est aussi liberté pour ceux qui, estimant que leur vie n'est plus que souffrance, souhaitent partir. Ce n'est pas à autrui de décider pour eux de ce qui est digne. Je ne m'érige pas en juge de la dignité de personne. Ceux qui n'ont plus rien à perdre veulent seulement être en paix avec eux-mêmes et sont seuls aptes à juger de leur dignité.

Une loi républicaine, c'est aussi une loi d'égalité. Il n'est pas donné à tout le monde de réussir un suicide par voie médicamenteuse. Il faut être introduit dans le milieu médical ou, pour ceux qui en ont les moyens, faire le voyage en Suisse... J'en profite pour démentir certaines allégations, comme celles de Luc Ferry, que j'ai entendu l'autre jour déclarer à la radio qu'il existe, en Suisse, des cliniques prêtes à « accueillir » quiconque se sent « fatigué de la vie » : c'est parfaitement faux.

Une loi républicaine, c'est une loi de fraternité, enfin, une loi de solidarité, car on ne sait pas, hélas, je l'ai dit, soulager toutes les souffrances, et une loi qui respecte les consciences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Vous avez rappelé que 90 % des sondés se déclarent favorables à l'aide à la fin de vie, et que 85 % des personnes requérant des soins palliatifs en sont privés. Pour moi, euthanasie et soins palliatifs constituent deux réponses à la souffrance, non pas opposées, comme on l'entend souvent dire, mais complémentaires. J'aimerais connaître votre analyse.

Quelle est la position de l'ADMD sur les pratiques qui prévalent en Suisse ? Je serais, quant à moi, plus enclin à me référer à la loi belge. D'autres évoquent l'Espagne, où il semble qu'une jurisprudence se dessine pour mettre fin aux poursuites contre l'euthanasie volontaire. Les cas emblématiques évoqués dans les medias sont rares, disent certains, ce qui justifierait qu'on laisse la justice régler les choses au cas par cas. Mais les jugements peuvent varier selon la sensibilité des juges. Jusqu'à présent, ils ont plutôt penché à la clémence, mais les choses peuvent changer. J'estime que le législateur ne peut pas, comme Ponce Pilate, se laver les mains en s'en remettant au juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Si plusieurs propositions de loi ont été déposées, à l'initiative de parlementaires venus d'horizons différents, c'est bien le signe d'une sensibilisation à ces questions qui dépasse les contraintes politiques. M. Romero a été très clair. J'aimerais cependant lui demander ce qu'il en est des associations militant en faveur des soins palliatifs : sont-elles actives, nombreuses, où en est-on ?

La Suisse, le Danemark, la Belgique et certains États américains ont légiféré sur l'euthanasie. Dans quel pays la loi paraît-elle la meilleure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Si nous avons déposé une proposition de loi, c'est pour tenter de lever un tabou. Nous vivons dans un pays où le christianisme reste très prégnant. Mais par delà toute croyance religieuse, chacun se pose la question de la dernière heure. La liberté de conscience doit donc prévaloir.

On constate que plus le territoire est urbanisé, plus on meurt à l'hôpital. Or, l'hôpital public, soumis à de fortes contraintes budgétaires, est en grande difficulté. D'où le sentiment qu'il est de moins en moins à même d'assurer un véritable accompagnement de la fin de vie. Où en est-on, ainsi, des unités de soins palliatifs ?

La loi Leonetti reste encore, à notre sens, en retrait, et c'est bien pourquoi nous avons tenté de formuler quelques propositions d'avancées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

J'ai eu l'occasion d'entendre M. Romero en d'autres lieux, lors d'une assemblée générale de son association dans le Jura, qui n'a réuni que cent trente quatre personnes - nous sommes donc loin des salles combles qu'il évoquait... Surtout, je m'étonne de la différence de langage, selon qu'il s'adresse à ses adhérents, où il se montrait beaucoup plus vigilent, ou à notre commission, où l'on a entendu un discours beaucoup plus apaisant. N'oublions pas, d'ailleurs, qu'il s'est assuré un succès de librairie avec son livre, Les voleurs de liberté. Je l'ai entendu accuser des parlementaires de travailler en sous-main à détruire les propositions de loi qui nous sont soumises, voire d'être à la solde du curé de Sainte-Clotilde ! Je n'invente rien ! Il a même mis en cause la moralité de M. Leonetti, qui ne pouvait pas lui répondre ! Et voilà qu'aujourd'hui, il nous tient un discours lénifiant, plein de calme et de correction. Comment qualifier cela, sinon de double langage ?

Sur le fond, j'estime qu'il est inadmissible de faire l'amalgame entre suicide des personnes âgées et recours à l'euthanasie. Tous ceux qui se suicident ne sont pas en phase terminale. Nombreux sont ceux qui souffrent de détresse morale, de dépression, peut-être en raison d'une prise en charge insuffisante. M. Romero cite la Suisse en exemple mais il oublie de dire qu'un certain nombre de cantons reviennent aujourd'hui en arrière et refusent d'admettre les patients étrangers. Il prétend que les financements destinés aux soins palliatifs sont détournés. Où sont les preuves de ces allégations ? Quant aux sondages, chacun sait bien que l'on peut leur faire dire tout et n'importe quoi, c'est d'ailleurs ce qu'il fait.

Nous aviserons, en séance publique, aux moyens de défendre la loi Leonetti, et peut-être de l'améliorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Sans être membre de l'ADMD, j'ai assisté, comme M. Barbier, et à l'invitation d'électeurs de ma commune, à une assemblée générale de cette association dans les Côtes d'Armor. Je ne l'ai pas vu varier dans son propos et ne saurais l'accuser de tenir un double langage.

Le sujet est éminemment sensible. Il engage des convictions philosophiques et religieuses. Mais au Parlement, la religion n'a pas sa place. C'est au regard de notre mandat et non de nos convictions religieuses que nous devons nous déterminer. Notre rôle de parlementaire est de déterminer des cadres juridiques. En fixer un à l'euthanasie lèvera l'hypocrisie. Ceux qui en ont les moyens bénéficient d'une aide médicale ou se rendent à l'étranger. Et les autres ? Les plus fragiles, les plus démunis ? Ils en sont réduits au suicide. J'ai vécu la mort de mon beau-père il y a quelques années et sais ce que peut-être la souffrance. Celle de l'épouse, aussi, celle de l'entourage. L'aide que constituent les soins palliatifs a ses limites. On ne saurait en faire un rempart à la demande d'aide à mourir. La mort est une question de vie. Comme on réussit sa vie, on peut réussir sa mort.

J'aimerais connaître votre appréciation sur les législations étrangères. Quelles sont, pour vous, les insuffisances de la loi Leonetti ?

J'ai reçu, depuis que l'on me sait signataire de l'une des propositions de loi, bien des lettres de menaces émanant d'intégristes catholiques. Je le déplore. Car un tel sujet ne mérite pas l'anathème. C'est un sujet de société, au-delà des clivages partisans, au-delà du ciel et de l'enfer.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le débat aura lieu dans l'hémicycle. La question de fond est pour moi la suivante : peut-on ouvrir un droit à tuer ? Je ne parle pas des soins palliatifs, sur la nécessité desquels nous sommes tous d'accord - et je salue l'extraordinaire travail de Jeanne Garnier. Les chiffres que vous avez cités, relativement à l'accès à ces soins, me semblent pourtant bien faibles. Les confirmez-vous ?

Quant à l'euthanasie, elle me pose un véritable cas de conscience, pour avoir dans mon entourage un enfant que l'on a failli euthanasier : c'est aujourd'hui un jeune marié de quarante ans...

Je citerai quant à moi quelques chiffres. En Belgique, depuis la légalisation, on parle de 250 % d'euthanasies de plus en cinq ans. Confirmez-vous ce chiffre ? Est-il vrai qu'il y existe désormais des « kits » d'euthanasie ? Aux Pays-Bas, depuis la légalisation, 24 % d'euthanasies en plus en deux ans. Confirmez-vous ce chiffre ?

Pour moi, je préfère faire confiance aux médecins, qui ont prêté le serment d'Hippocrate. Quand ils s'appliquent à soulager la souffrance, ils savent où ils vont.

Je reçois, moi aussi, de nombreuses lettres. Elles ne contiennent ni menaces, ni propos injurieux. La loi Leonetti a beaucoup fait avancer les choses mais elle reste trop mal connue. Elle permet d'éviter la souffrance aux patients et de mieux protéger les médecins. Tout autre chose est la légalisation de l'euthanasie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je précise à l'attention d'Isabelle Debré que les propositions de loi en discussion ne visent que les personnes majeures. Le cas des enfants est autrement épineux.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Le débat est bien philosophique, n'en déplaise à certains. C'est bien pourquoi j'ai été choqué d'entendre dire ici que la religion n'avait pas sa place au Parlement. Car dans un débat de cette nature, qui tient à la conception que nous avons de ce qu'est l'humanité de chacun, toutes les convictions ont leur place. A chacun de se prononcer en fonction de ses convictions. Les miennes sont fondées sur des principes religieux. Pour l'Eglise catholique, la dignité humaine est un absolu, qui ne se relativise pas. Je m'étonne aussi d'avoir entendu suggérer que seuls les croyants veulent mourir « le plus tard possible » : n'est-ce donc pas le cas de toute l'humanité ?

Vous avez parlé, monsieur Romero, de la violence des suicides des seniors, pour la déplorer. Mais croyez-vous qu'il existe des suicides non-violents ? Voyez les injections létales pratiquées sur les condamnés à mort aux Etat-Unis et le spectacle terrifiant qu'elles offrent. Sans doute la mort dont nous parlons ici est-elle moins spectaculaire, mais est-elle moins violente ?

Je m'étonne, enfin, du nom de votre association. Pourquoi « mourir dans la dignité » et non pas « vivre dans la dignité » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Nous partageons un regard commun : il est difficile d'accepter la souffrance, pour l'autre et pour soi-même. Mais il est difficile aussi, comme l'a rappelé André Lardeux, de traverser la croix. Et il est difficile de s'en tenir au droit, même. Car qu'est-ce que le droit sinon un ensemble d'énoncés producteurs de normes édictant, imposant des règles indifférenciées. Or, selon quels critères objectifs définir la souffrance ? Vous avez évoqué la souffrance psychique. Y inclura-t-on celle d'un maniaco-dépressif dans sa phase de dépression, laquelle peut s'inverser d'une semaine sur l'autre ? Comment, partant, définir le consentement ?

Jean-Pierre Godefroy nous dit que les propositions de loi ne concernent pas les mineurs et que l'obligation du consentement garantit que l'acte létal sera fait en conscience. Mais comment parler de conscience lorsque la personne est dans le coma ?

La loi définit des règles objectives mais face à la mort, nous sommes des individus, et les appréciations sont nécessairement subjectives : c'est ce hiatus, j'en suis convaincue, qui forme un obstacle insurmontable à ces propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je suis embarrassé d'entendre chacun exposer son opinion sur ces propositions de loi, alors que nous sommes réunis pour auditionner M. Romero. Je lui poserai trois questions : la loi doit-elle accorder une assistance pour mettre fin à ses jours, et comment ? L'objectif est-il surtout d'éviter la cour d'assises à ceux qui, par compassion, ont respecté la volonté de personnes qui les suppliaient de les aider à mourir ? Enfin, vous avez évoqué l'assassinat de nombreuses personnes dans notre pays : est-ce une impression, ou bien avez-vous des chiffres à nous communiquer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J'ai apprécié le discours de M. Romero et je me réjouis de la perspective d'un texte commun : les écologistes le voteront.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je me décide à intervenir pour avoir entendu Mme Debré parler d'euthanasie d'enfants...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez évoqué le fait que, en dehors de tout cadre légal, des médecins donnaient la mort à des nouveaux-nés qu'ils jugent non viables : je crois aussi que ces cas sont nombreux et que ce problème doit être abordé sérieusement. Avez-vous des informations, Monsieur Romero ?

Ensuite, je crois que tout le monde n'a pas la chance d'avoir une religion et qu'il faut respecter toutes les conceptions de la vie sur terre. Loin de moi de contester le droit de croire qu'il faut souffrir sur terre, que la souffrance, même, est une épreuve où l'on se grandit pour s'approcher du paradis mais je demande en retour qu'on respecte mes propres convictions, qui ne font pas leur place à de telles croyances religieuses. Or, si je sais être un privilégié pour accéder, en cas de besoin, à des produits létaux, je sais aussi que certains de mes concitoyens, qui partagent mes convictions, n'accèdent pas à ces produits et qu'on leur impose, dans les faits, une fin de vie qui ne respecte pas leurs convictions. Il faut donc accorder une aide à pouvoir mourir, c'est une question de liberté, et la loi doit se contenter d'être procédurale pour respecter la diversité des convictions : c'est le principe de la démocratie dans une société pluraliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

En tant que chrétien pratiquant et auteur d'une des trois propositions de loi, je sais que la religion n'est pas fixe, qu'elle évolue et que les convictions religieuses ne font pas obstacle à ces propositions de loi. Nous recevons tous des familles qui nous disent les souffrances atroces d'un des leurs en fin de vie et leur désarroi devant l'impossibilité dans laquelle ils sont de l'aider à mourir, malgré les supplications du souffrant. C'est ce qui me rend favorable à l'idée d'autoriser une fin de vie choisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Ce texte ne concerne pas les mineurs, dites-vous, mais pourquoi autoriser l'assistance au suicide à dix-huit ans et demi, et l'interdire à dix-sept ans ? La souffrance a-t-elle changé de nature en quelques mois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

La loi établit qu'un mineur ne peut consentir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Oui mais quelle majorité retenir face à la décision de mourir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Nous débattrons de ces questions la semaine prochaine et je vous remercie, Monsieur Romero, de répondre à celles qui vous ont été posées directement.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Romero, président de l'ADMD

Monsieur le rapporteur, je ne vois pas de contradiction, d'abord, à ce que l'opinion, si l'on en croit les sondages, soit favorable aux soins palliatifs et à une législation pour l'euthanasie. J'ai été l'un des premiers à le dire et je ne cesse de le répéter depuis des années : il faut rendre universel l'accès aux soins palliatifs et autoriser l'euthanasie, les deux sont complémentaires. Dans le livre-témoignage que je vous ai cité, des médecins belges responsables d'une unité de soins palliatifs reconnaissent que la pratique les a fait abandonner leur vision quelque peu dogmatique d'hostilité à l'euthanasie et que, après neuf ans d'expérience, les morts assistées leur paraissent même les plus sereines. La perte d'un proche est toujours une douleur et il faut bien mesurer que, dans trois cas sur quatre, on meurt à l'hôpital, seul : les soignants et les familles témoignent que la mort volontaire, où l'on s'entoure de ses proches à qui l'on dit au revoir, est préférable parce qu'elle est plus sereine.

Nous sommes habitués, à l'ADMD, aux attaques dogmatiques, à la mauvaise foi, et je subis depuis longtemps les préjugés des autres, dès lors que j'ai dit être homosexuel et catholique. Et comme les deux tiers des catholiques, je suis favorable à une légalisation de l'euthanasie.

L'accès aux soins palliatifs doit être universel. Or, c'est loin d'être le cas puisque seulement 20 % de ceux qui en auraient besoin en bénéficient effectivement. Ce chiffre n'est pas de moi, vous trouverez les données que je vous cite dans le rapport de la Cour des comptes, dans le livre de Marie de Hennezel ou encore dans le rapport de l'Igas.

Ensuite, la Suisse n'est pas mon modèle parce que je préfère une loi positive, qui est la meilleure garantie pour les citoyens, en particulier pour les plus faibles. C'est la tâche du législateur, et c'est d'autant plus la vôtre qu'au Sénat, vous avez le temps de la réflexion et que vous avez déjà accompli des travaux importants sur les questions de société. Une loi complète protègerait donc mieux nos concitoyens, d'autant qu'elle n'imposerait aucune obligation et qu'elle préserverait entièrement le choix même de ceux qui ne veulent pas être aidés à mourir.

Nos voisins belges et hollandais ont adopté une loi sur l'euthanasie depuis dix ans, sans bouleversement pour la société, et personne aujourd'hui, et surtout pas les médecins, ne demande son abrogation. Chaque fois, le débat parlementaire a été difficile, les divisions y ont été bien plus fortes que dans l'opinion ; mais une fois la loi adoptée, aucun parti politique qui se réclame de la démocratie n'a demandé à y revenir. En Espagne, le débat se fait jour, et en Grande-Bretagne un tournant jurisprudentiel vient tout juste d'être pris : la France sera bientôt isolée parmi ses voisins, restant la seule à refuser toute légalisation de l'euthanasie, mis à part le cas de l'Italie dont chacun comprend les spécificités.

Je crois, ensuite, que ce n'est pas au juge ni aux jurés de décider qu'une euthanasie était justifiée, donc excusable. La justice a chaque fois acquitté ceux qui ont répondu au voeu de mourir exprimé par un proche, mais ce n'est pas une raison pour ne rien changer, comme le dit par exemple M. Bernard Debré. Morten Jensen a été acquitté après avoir écourté de quelques jours la mort certaine de sa femme plongée dans le coma, mais l'attente de son procès a été un véritable chemin de croix qui a duré plusieurs années et il a ensuite quitté la France, où il vivait depuis de nombreuses années. Marie Humbert a bénéficié d'un non-lieu, mais au terme de poursuites judiciaires éprouvantes, devant lesquelles il lui a été interdit pendant deux ans de quitter la région Nord-Pas-de-Calais et où des experts psychiatriques sont allés jusqu'à lui demander si elle avait éprouvé du plaisir à injecter dans les veines de son fils tétraplégique d'importantes doses de barbiturique ! Au nom de quoi faut-il faire subir de telles épreuves à ceux qui, par compassion, ont aidé à mourir la personne qu'ils aimaient le plus et qui les en suppliaient ? Je crois, très profondément, que c'est au législateur qu'il revient d'en décider, que c'est à vous de dire la loi !

Monsieur Fouché, l'ADMD compte 48 000 adhérents contre 5 000 pour les associations d'accompagnement des soins palliatifs, les chiffres sont dans le rapport Leonetti. Ces associations ont reconnu avoir perdu 40 % de leurs adhérents ; à l'inverse, nous en avons nous-mêmes accueillis, comme cette ancienne bénévole de l'association « Jusqu'à la mort, accompagner la vie » (Jalmalv) qui ne pouvait plus supporter les limites du discours apaisant sur l'au-delà, face à des personnes qui demandent à partir, après avoir dit au revoir à leurs proches et souhaitent ne plus vouloir souffrir. Je trouve effectivement anormal que notre association, avec quarante-huit mille adhérents, se voit refuser la reconnaissance d'utilité publique, ainsi que toute subvention et qu'elle ne soit pas associée à l'observatoire national sur la fin de la vie, alors que des associations bien plus petites sont largement soutenues, pour la simple raison qu'elle sont contre l'euthanasie. Le mouvement contre l'euthanasie est dogmatique et je trouve anormal qu'il ait tant de place dans notre république laïque.

M. Fischer a évoqué la situation de l'hôpital public, qui nous préoccupe tous, avec le chiffre de 20 % d'accès aux soins palliatifs seulement, et nous savons, à travers notre service d'écoute téléphonique ADMD-Ecoute, combien la demande insatisfaite est forte. Mais nous savons aussi que, même avec un accès universel, il y aurait encore des demandes d'aide à mourir dans la dignité.

La loi Leonetti représente un progrès, mais son dispositif est méconnu, rien n'est fait pour le faire connaître. Avec l'ADMD, nous nous retrouvons parfois les seuls, à l'hôpital même, pour informer le public. On nous félicite pour notre travail, je suis consulté directement par les autorités, mais rien ne suit. Le fichier national des directives anticipées est resté lettre morte. Nous en avons constitué un de notre côté : il compte 9 700 directives, dont la moitié proviennent de non-adhérents. Le fichier national est nécessaire, les urgentistes le réclament unanimement. L'ADMD, enfin, a souhaité être agréée association représentant les usagers de santé, nous sommes présents dans les hôpitaux, non pour promouvoir l'euthanasie mais les droits que les patients ont obtenus avec la loi Leonetti.

Cette loi, cependant, est insuffisante, elle a été faite pour les médecins beaucoup plus que pour les patients. Prenez le cas d'une personne qui aurait indiqué son choix d'euthanasie dans une directive anticipée, qui aurait désigné une personne de confiance et qui tomberait dans le coma : une procédure collective est désormais possible, mais la décision demeure entre les mains du seul médecin, quelle que soit la décision anticipée du patient et le voeu de la famille. Ce n'est pas notre conception du respect de la décision de chacun devant la mort ! Nous voulons que la décision de chacun, vaille jusque devant la mort.

Monsieur Barbier, vous m'indiquez que mon association n'a réuni que cent trente-cinq personnes lors de notre assemblée dans le Jura ; j'avais plutôt noté cent quatre-vingts présents sur les deux cent dix-neuf adhérents de l'ADMD de ce département, ce qui n'est pas négligeable. Je n'ai pas l'habitude de mâcher mes mots, ni de pratiquer la langue de bois : je ne m'en prends certainement pas aux médecins, mais aux mandarins, ceux que j'appelle les « voleurs de liberté », et j'en ai trouvé y compris à l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Peut-être, mais je ne les ai pas rencontrés... Quoi qu'il en soit, je dénonce ces mandarins qui vous disent en privé avoir transgressé la loi en accordant la mort à des patients qu'ils savaient condamnés à mourir rapidement dans d'atroces conditions, mais qui veulent conserver pour eux seuls cette faculté de transgression. Si demain je suis irrémédiablement condamné à mourir à court terme, mais que je suis amoureux et que ma joie de voir l'être aimé l'emporte sur la souffrance, je veux pouvoir décider de mon sort, plutôt que ce soit le médecin. C'est pourquoi je milite pour qu'une loi autorise l'euthanasie, dans des conditions évidemment encadrées, pour que la personne soit enfin respectée.

Les Français sont massivement favorables à une telle loi, quelles que soient leurs sympathies politiques : à 86 % pour les sympathisants socialistes ou de l'UMP, à 90 % pour les sympathisants écologistes, à 80 % pour les sympathisants du FN. Mais l'agenda politique est tenu par des doctrinaires des soins palliatifs : je considère que, dans une démocratie, une minorité ne doit pas avoir un tel pouvoir sur la majorité !

Monsieur Kerdraon, je vous accorde volontiers que le dispositif français est hypocrite, et que l'hypocrisie est inscrite dans la loi Leonetti même. De fait, le recours à la sédation palliative terminale n'est rien d'autre qu'une euthanasie qui ne dit pas son nom : on cesse de vous nourrir et de vous hydrater, avec la certitude que vous en mourrez dans un délai maximum de trois jours, seule restant inconnue l'heure de votre mort. Et quand Chantal Sébire suppliait qu'on mette fin à sa souffrance, on a vu Christine Boutin et jusqu'au Premier ministre expliquer que la sédation serait justifiée, mais pas l'euthanasie... Dans les congrès internationaux, les spécialistes estiment que la France a légalisé l'euthanasie active indirecte. Cependant, qui en décide ? Les seuls médecins, et c'est ce qui n'est plus admissible. Ceux qui prennent prétexte des exécutions, aux Etats-Unis par exemple, qui provoquent des souffrances atroces pour le condamné, pour nous dire que l'euthanasie s'accompagnerait nécessairement d'une sorte de torture, ne connaissent rien à la réalité. En fait, l'injection létale est indolore et elle entraîne une mort certaine, rapide et sans souffrance physique, c'est un fait avéré.

Madame Debré, je ne peux accepter entendre dire que le geste d'euthanasie revient à tuer quelqu'un. Quand on m'annoncera, ce que je n'espère pas, que mon cancer ou mon sida seront à ce point avancés que ma mort sera devenue certainement imminente, la demande que j'adresserai à l'ami de confiance ne sera pas de me tuer, mais bien de m'accompagner dans l'ultime étape, de m'aider à partir au mieux dans l'inconnu de la mort. Je sais bien que les médecins sont là pour soigner, pour faire vivre les patients, mais dans les pays où l'euthanasie a été légalisée, on constate que les médecins n'exercent que très rarement la clause de conscience, parce que, dans l'écrasante majorité des cas, ils savent que le geste d'euthanasie correspond à un voeu profond de délivrance, longuement mûri, exprimé par les souffrants, en accord avec leurs proches, et que la mort ainsi préparée est une mort plus sereine.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Oui, mais quand le patient n'est plus en mesure d'exprimer son consentement ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Romero, président de l'ADMD

Il a pu prendre une directive anticipée et, dans les faits, la loi Leonetti autorise déjà la sédation palliative sans que le patient formule son consentement : vous mettez donc en cause la loi Leonetti.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Dans le cas où des malades ne sont plus en capacité de se donner la mort, vos propositions consistent à en charger une autre personne, ce qui revient à lui donner un pouvoir de tuer.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Romero, président de l'ADMD

Ainsi entendue, la loi Leonetti permet donc de tuer...

Les opposants à l'euthanasie prétendent que sa légalisation entraînerait une hécatombe sans précédent, mais là où une législation existe, on a constaté une augmentation tout à fait raisonnable de la mortalité, qui lui est imputable. En appliquant à la France l'augmentation constatée aux Pays-Bas et en Belgique, nous sommes parvenus au chiffre théorique de 10 700 morts, et c'est ce chiffre que les opposants clament désormais haut et fort, alors que nous nous en gardons bien, puisqu'une telle prévision n'a évidemment rien de scientifique...

La loi Leonetti demeure méconnue, je le déplore avec vous, quoique j'aie dit combien je l'estime insuffisante. La méconnaissance tient tout simplement à ce que les campagnes d'opinion annoncées n'ont pas été réalisées.

Monsieur Lardeux, je constate que les croyances religieuses ne s'opposent pas à la légalisation de l'euthanasie puisque, quelle que soit la religion, les croyants y sont très majoritairement favorables : ceux qui s'y opposent, ce sont les membres de l'élite religieuse ! Même chose pour les médecins. Et c'est cette élite médicale qui s'opposait également à la contraception, à la prise en charge de la douleur par la morphine, à l'avortement : mais quand le législateur a dit le droit, les mandarins ont bien dû adapter le serment d'Hippocrate ! Vous me demandez aussi pourquoi l'association que je préside défend le droit de mourir plutôt que celui de vivre dans la dignité : nous sommes bien sûr pour le droit de vivre dans la dignité, et l'intitulé de mon association est celui que j'ai trouvé en arrivant, il correspond à des années de combat pour faire reconnaître les droits très précisément déniés de choisir sa fin de vie dans des conditions très encadrées. Pour être moi-même malade du sida depuis de nombreuses années, je crois être passé par suffisamment d'épreuves pour savoir ce qu'il en est de la dignité, et je sais qu'il faut laisser chacun en juger pour soi-même, plutôt qu'en imposer une définition nourrie de préjugés !

Madame Hermange, vous m'opposez l'exemple du maniaco-dépressif, dont la mort serait facilitée par la légalisation de l'euthanasie dès lors qu'il pourrait la demander pendant une phase dépressive, dont chacun sait pourtant qu'elle est transitoire dans une telle maladie. Mais le maniaco-dépressif n'entre pas du tout dans le cadre de la législation que nous proposons, c'est de la désinformation de prétendre l'inverse ! Même à l'ADMD, nous encourageons les gens à vivre, à mener la plus belle vie qu'ils peuvent, et c'est seulement pour les cas de mort certainement imminente que nous demandons un cadre légal, pour que chacun puisse choisir de mourir dans la dignité. Lisez le témoignage de Maïa Simon, qui, sachant qu'elle mourrait étouffée par sa maladie dans un délai certain d'un mois, a décidé de mourir entourée des siens, dans le partage : voilà une fin de vie choisie !

Monsieur About, nous préconisons deux méthodes d'euthanasie : soit l'injection létale, qui entraîne une mort certaine et sans souffrance physique dans un délai de dix à trente minutes, soit un suicide assisté, par l'absorption d'un produit létal, qui n'a rien à voir avec les scènes atroces et absurdes que les opposants décrivent.

Le législateur ne doit pas se défausser sur le juge : les cours d'assises ont acquitté les prévenus qui avaient aidé leur proche à mourir, les affaires sont connues mais ce n'est pas une raison de ne pas voter une loi. Les procès sont toujours des épreuves pour les personnes mises en examen, mais surtout, je trouve particulièrement anormal d'entendre des parlementaires se satisfaire d'une loi mal appliquée, doublée d'un vide juridique. Quand une loi ne convient pas, c'est au législateur d'en changer, plutôt que de laisser les juges et les citoyens se débrouiller.

Monsieur Autain, un problème se pose effectivement dans les maternités, où les médecins laissent mourir un nombre inconnu d'enfants non viables, en estimant qu'il est désespéré de les assister. De fait, il y a un vide juridique : les médecins décident seuls, en informant ou non les familles, au cas par cas. Ce problème a été délibérément mis de côté par la loi Leonetti, il reste donc entier, ce qui n'est guère satisfaisant.

La commission désigne ensuite Jean-Louis Lorrain appelé à siéger, comme membre titulaire, au sein du conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine.

Puis la commission nomme Colette Giudicelli en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 2789 (AN-XIIIe législature) portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Alain Milon est nommé vice-président de la commission en remplacement de Gérard Dériot, démissionnaire à la suite de son élection en qualité de questeur du Sénat.