Répondant aux intervenants, M. Pierre Tapie a indiqué, tout d'abord, que les études ministérielles sur l'évolution de la composition socioprofessionnelle des étudiants entrant en classe préparatoire montraient une démocratisation constante entre 1965 et 1995, suivie d'une stabilité depuis cette date, compte tenu de l'évolution de la composition des différentes catégories socioprofessionnelles dans la société au cours de cette période. Il n'y a donc pas eu régression, mais renforcement de la perception politique du phénomène, qu'accompagne une représentation de l'enseignement supérieur souvent partielle, voire partiale, par les journalistes.
Il a cité, ensuite, deux anecdotes pouvant illustrer la réalité observée :
- l'une concerne deux classes préparatoires intégrées à une école d'ingénieurs d'agronomie en province : l'école publique accueille 4 % d'élèves boursiers et l'école privée, 28 % ;
- l'autre concerne le dispositif d'accompagnement des élèves défavorisés à haut potentiel mis en place par l'ESSEC, dont les résultats sur les deux premières promotions s'avèrent probants. Il est important, par conséquent, que chaque grande école concernée puisse mettre en place un processus d'ouverture sociale adapté à ses spécificités.
a avancé, ensuite, les propositions suivantes :
- renforcer le lien entre les lycées et les classes préparatoires en autorisant les établissements le souhaitant à créer soit une classe d'excellence, soit une « écurie » composée des meilleurs élèves de chaque classe, qui bénéficieraient d'un temps de formation extra-scolaire d'ouverture à la société. Dans ce cas, des examens communs interclasses pourraient être organisés ;
- développer des bourses d'internat ;
- créer des internats d'élite en banlieues difficiles ;
- accroître la capacité d'accueil des lycées de bon niveau ;
- mettre en place des bourses de stages linguistiques ;
- appliquer des critères non exclusivement scolaires pour l'accès aux classes préparatoires et aux grandes écoles. A cet égard, se pose la difficile question de savoir s'il est souhaitable ou non de connaître l'origine socioprofessionnelle des parents, ce qui permettrait sans doute de mieux aider les élèves à haut potentiel connaissant des difficultés sociales particulières.
a complété enfin son propos par les réflexions suivantes :
- n'est-il pas dérangeant que l'élitisme pourtant cruel, observé dans le milieu sportif, soit mieux accepté que l'élitisme intellectuel ?
- la question de la « démocratisation géographique » est difficile et une masse critique s'avère effectivement nécessaire pour créer une réelle dynamique intellectuelle ;
- il serait opportun que le Parlement se saisisse de la question essentielle « de l'état désastreux des centres d'information et d'orientation (CIO), facteur d'injustice républicaine ». Les personnels concernés font souvent preuve de corporatisme et de méconnaissance de la réalité des métiers et du marché du travail, ce qui renforce l'injustice dans l'accès à l'information ;
- dans ces conditions, les partenariats mis en place entre grandes écoles et lycées défavorisés permettent de mieux diffuser l'information. Ces initiatives commencent à porter leurs fruits et il conviendra d'analyser ces expériences variées ;
- le maintien des classes préparatoires s'avère indispensable si la France veut continuer à former des diplômés d'un niveau comparable à celui de leurs homologues étrangers. En outre, ce système présente le double avantage d'être performant en termes d'efficacité économique (le coût de fonctionnement d'une classe préparatoire s'élève à 10.000 ou 12.000 euros par élève et par an, contre 100.000 à 150.000 euros dans les meilleures universités étrangères) et de constitution d'une élite dont le niveau de culture générale s'avère sensiblement supérieur à celui de leurs concurrents étrangers. La multiplication des passerelles serait, en revanche, souhaitable.