a rappelé que la France assurerait, à compter du 1er juillet 2008, la présidence semestrielle de l'Union européenne qui interviendra à une date charnière, puisque ce sera la dernière présidence avant l'entrée en vigueur du Traité modificatif qui devrait être signé à Lisbonne par les chefs d'Etat et de Gouvernement le 13 décembre, sous réserve de sa ratification par les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne.
Il a estimé que le Parlement français, et en particulier le Sénat, devait prendre toute sa place, avant même que son implication institutionnelle renforcée par le nouveau traité soit effectivement mise en oeuvre, et que la commission des lois avait souhaité s'engager dans ce mouvement. Il a ajouté que si les compétences régaliennes qui intéressent la commission n'ont été, jusqu'à récemment, que peu affectées par la construction européenne, le développement considérable des actions des institutions de l'Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures justifiait désormais que le suivi des dossiers européens dans ces matières soit davantage au coeur de ses travaux d'étude et d'information.
Il a indiqué que cette nécessité était renforcée par l'organisation prochaine, par les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, de réunions de travail avec les commissions homologues des Parlements des autres Etats membres. Il a souligné, le traité de Lisbonne renforçant l'implication des Parlements nationaux dans le processus de décision européen en consacrant un droit d'opposition à l'adoption d'actes législatifs (notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures), qu'il importait que la commission puisse, dans les délais requis, proposer une position à la décision du Sénat tout entier.
Il a fait observer que la commission avait, depuis plusieurs mois, noué des contacts directs avec les organismes ministériels et interministériels chargés du suivi des affaires européennes, les institutions européennes ainsi que les commissions homologues des Parlements nationaux, et que cette démarche avait permis d'aborder les perspectives d'évolution à court terme de la législation communautaire ainsi que les priorités du Gouvernement pour la présidence française de l'Union européenne.
Il a souligné que ce premier travail, qui serait éventuellement retracé dans le cadre d'un rapport d'information, permettrait d'approfondir l'intervention de la commission grâce à la nomination en son sein de corapporteurs chargés de suivre l'évolution des dossiers européens dont l'objet relève de son champ de compétence.
a ensuite dressé un bilan des contacts menés par la commission afin de favoriser le suivi du processus d'élaboration des normes communautaires.
Il a rappelé qu'une audition tenue conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, le 19 septembre 2007, avait permis à la commission de faire le point avec M. Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes, sur les dossiers en cours dans les domaines de la justice, des affaires intérieures et du droit des affaires.
Il a relevé que, depuis cette date, deux développements étaient intervenus :
- le Traité modificatif a ajouté formellement Saint-Martin et Saint-Barthélemy à la liste des régions ultrapériphériques de l'Union européenne ;
- dans un courrier, M. Briatta a confirmé que le Gouvernement ne soumettrait pas à ratification l'accord conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le traitement et le transfert des données des dossiers passagers (PNR), en se fondant sur l'avis de l'Assemblée générale du Conseil d'Etat du 7 mai 2003 aux termes duquel ne peuvent être soumis à la ratification du Parlement que les accords ou conventions auxquels la République française est partie.
a souligné qu'une délégation de la commission avait pu s'entretenir, lors d'un déplacement à Bruxelles les 11 et 12 octobre 2007, avec plusieurs responsables de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, et en particulier avec M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne depuis 2002.
Il a indiqué qu'il résultait de cette rencontre que si l'influence française dans les institutions européennes est satisfaisante, en revanche son poids dans le débat d'idées est en retrait, car la Commission européenne forge une partie de sa doctrine au contact de la presse, de centres de recherche et de « think tanks », alors que ces méthodes de travail ne sont pas dans notre culture, et que l'offre intellectuelle française ne nourrit pas suffisamment la réflexion des institutions européennes.
Il a rappelé que la délégation de la commission avait également pu rencontrer M. Daniel Lecrubier, chef du service Justice et affaires intérieures à la Représentation permanente, ainsi que plusieurs de ses collaborateurs, qui avaient souligné que le traité modificatif de Lisbonne faisait passer le domaine de la justice et des affaires intérieures dans le champ de la majorité qualifiée au Conseil et de la codécision avec le Parlement européen.
Il a ajouté que, même avec ces nouvelles règles, les responsables entendus avaient estimé qu'il serait toujours difficile d'avancer en matière de justice et affaires intérieures, de nombreux Etats conservant des positions diamétralement opposées : le Royaume-Uni est contre l'harmonisation, alors que l'Allemagne est attachée à un minimum d'harmonisation du fait de l'arrivée de nouveaux Etats membres ; même sur le principe de la reconnaissance mutuelle, des Etats restent réticents, notamment les Pays-Bas.
Il a indiqué que l'initiative de la présidence allemande de constituer un groupe de travail réunissant les six présidences à venir afin d'élaborer un programme d'action dans ce domaine pourrait permettre de dégager de grandes orientations avant la présidence française.
S'agissant des questions de droit civil et de droit commercial, M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que les conseillers de la Représentation permanente avaient mis en avant les difficultés posées par la diversité des cultures et traditions juridiques nationales, qui rendait difficile la négociation de certains dossiers, en particulier ceux relatifs au droit de la famille et au droit des obligations, cette situation semblant conduire à une perte de volonté des institutions communautaires d'harmoniser les législations nationales pour favoriser à l'inverse une approche plus anglo-saxonne consistant à recommander l'adoption d'instruments non juridiquement contraignants, tels que des chartes, des codes de conduite ou des cadres communs de référence.
Il a indiqué que des contacts avaient été pris avec les cellules du ministère de la justice ainsi que du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, chargées des dossiers prioritaires de la présidence française de l'Union européenne.
Il a fait observer que le ministère de la justice avait souligné que la présidence française interviendrait au terme de l'exécution du programme de La Haye en matière de justice et qu'il lui incomberait en conséquence de faire aboutir les négociations sur un nouveau programme pluriannuel 2009-2013.
Il a indiqué qu'au ministère de l'intérieur, les priorités de la présidence française seraient :
- en matière de police, de rationaliser les outils de coopération policière existants ;
- en matière de protection civile, de mettre en place une force d'intervention rapide en cas d'accident ou d'attentat NRBC ;
- de mieux garantir les libertés individuelles, notamment au regard du développement des fichiers de police et de la protection des données. Il a estimé que la France avait une expérience et un héritage importants sur ces sujets.
a relevé que le déplacement de la délégation de la commission à Bruxelles avait été l'occasion de nouer des contacts directs avec les institutions communautaires, et en premier lieu avec la Commission européenne. Il a indiqué que des entretiens avaient eu lieu :
- avec M. Franco Frattini, commissaire européen chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, qui avait confirmé son espoir que l'initiative allemande de créer un groupe de travail associant les six présidences à venir permette d'élaborer un programme d'action pour la période 2009-2014 qui prendrait la suite du programme de La Haye ;
- avec les services de la direction générale du marché intérieur et des services, compétente pour les questions du droit des sociétés, du droit des marchés publics ainsi que des règles relatives à la prestation de services, les échanges ayant fait apparaître la volonté de la Commission européenne de mettre un terme à certains projets d'harmonisation dans ce domaine, lorsque les consultations préparatoires menées auprès des acteurs concernés montrent qu'ils ne sont pas indispensables au bon fonctionnement du marché unique.
Il a salué l'approche de la Commission européenne qui reposait désormais sur des études d'impact préalables, ce qui n'avait pas toujours été le cas par le passé.
Il a indiqué que la question de la compatibilité de la clause de nationalité imposée en France pour l'exercice de certaines professions juridiques et judiciaires réglementées avait été également abordée avec les services de la direction générale de la justice et des affaires intérieures, M. Jonathan Faull, directeur général, ayant indiqué à la délégation que le traité modificatif de Lisbonne ouvrait des perspectives nouvelles très intéressantes dans le secteur de la justice et des affaires intérieures, mais que beaucoup de choses restaient à inventer, soulignant notamment que les modalités de l'association des Parlements nationaux au contrôle d'Europol, prévue par le traité, n'étaient pas définies.
a également indiqué que, lors de son déplacement à Bruxelles, la délégation de la commission avait rencontré les services du secrétariat général du Conseil de l'Union européenne et avait pu :
- aborder avec M. Jean-Claude Piris, jurisconsulte du Conseil, les modifications induites par le traité modificatif, l'attention ayant été en particulier attirée sur le droit d'opposition à l'adoption de projets d'actes législatifs accordé aux Parlements des Etats membres ;
- s'entretenir avec M. Gilles de Kerchove, ancien directeur de la coopération policière et douanière ainsi que de la coopération judiciaire pénale, devenu le coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, qui avait critiqué une approche parfois trop cloisonnée avec la multiplication des agences et des systèmes d'information en matière de sécurité européenne et expliqué que le rôle de coordinateur anti-terroriste consistait à faciliter le dialogue entre les différentes institutions européennes ainsi qu'avec les pays tiers, un défi étant d'améliorer l'image de l'Europe dans le monde musulman.
a souligné que des contacts avaient également été noués avec le Parlement européen, une délégation de la commission ainsi que de la délégation pour l'Union européenne du Sénat s'étant rendue les 26 et 27 novembre 2007 à la réunion organisée conjointement à Bruxelles par la commission Libé du Parlement européen et la commission des lois de l'Assemblée de la République du Portugal. Quatre thèmes y ont été abordés : l'immigration, la lutte contre le terrorisme, l'échange de données aux fins de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale et l'élaboration d'un droit pénal européen.
Il a rappelé que des relations avaient également été établies avec les commissions homologues des Etats membres à l'occasion des deux missions d'information sur les Parlements nationaux dans l'Union européenne et par la participation de la commission aux réunions des commissions homologues des Parlements nationaux dans le cadre des présidences de l'Union européenne.
a ensuite évoqué certains dossiers européens d'actualité en 2008 relevant de la compétence de la commission des lois.
Il a d'abord souligné que la commission serait appelée à examiner plusieurs projets de loi tendant à adapter le droit français à plusieurs instruments juridiquement contraignants déjà adoptés par l'Union européenne, en particulier les mesures de transposition ou d'adaptation relatives en particulier au droit des sociétés et à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il a insisté pour qu'au-delà de ce travail en aval du processus de décision communautaire, la commission porte son intérêt sur les dossiers en cours de négociation et sur les dossiers faisant partie des priorités de la Commission européenne et de la future présidence française de l'Union européenne.
Parmi les dossiers les plus importants, il a évoqué :
- en matière de droit de la famille, la négociation d'un instrument prévoyant des règles de conflits de loi en matière de divorce.
Il a souligné que les négociations engagées rencontraient de fortes difficultés dues à l'hétérogénéité des règles applicables dans les Etats membres et à leurs traditions culturelles divergentes : Malte, qui ne reconnaît pas le divorce, ne souhaite pas que ses propres tribunaux soient amenés à prononcer des divorces sur la base d'un droit étranger ; les Etats dans lesquels la procédure de divorce est très souple et rapide -comme la Suède- ne souhaitent pas voir leurs juridictions contraintes d'appliquer les règles plus strictes d'autres Etats -comme l'Irlande.
Il a indiqué que le Gouvernement soutenait les grandes orientations d'un tel instrument communautaire afin de réduire la tendance au forum shopping que l'on peut actuellement constater ;
- en matière de droit des sociétés, la volonté de la Commission européenne comme du Gouvernement de créer une société privée européenne, destinée aux petites et moyennes entreprises européennes, un projet d'instrument devant être présenté par la Commission au printemps ou à l'été 2008 ;
- en matière de coopération en matière pénale, la question de l'avenir d'Eurojust, la Commission européenne ayant adopté récemment une communication pour conforter son rôle, ainsi que le renforcement du Réseau judiciaire européen en matière pénale (RJE) ;
- en matière d'immigration illégale, la proposition de directive relative aux normes et procédures applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, la Commission ayant l'espoir de faire adopter ce texte dans le courant de l'année 2008.
Il a rappelé que la commission des lois avait adopté une résolution très critique en février 2007, devenue résolution du Sénat, s'opposant notamment à une harmonisation de la durée de la rétention qui fixerait une durée minimale, a fortiori égale à quatre mois, les garanties offertes aux étrangers par la proposition de directive étant moins protectrices que celles prévues par la législation française.
Il a fait observer qu'en septembre 2007, la commission LIBÉ du Parlement européen avait préconisé de définir une période de trois mois à l'issue de laquelle la rétention ne serait plus justifiée, les Etats membres pouvant raccourcir ce délai ou le prolonger d'un maximum de dix-huit mois lorsque, en dépit de tous les efforts raisonnables, l'opération d'éloignement risque de durer plus longtemps faute de coopération de la part de l'étranger ou en raison de retards apportés à la fourniture des documents nécessaires par les pays tiers.
Il a souligné que si cette version était adoptée définitivement, la France pourrait conserver sa durée actuelle de rétention, mais que l'harmonisation des durées de rétention souhaitée par la Commission ne serait pas atteinte.
Il a ajouté que les discussions avançaient très lentement au Conseil et qu'il n'était pas certain que la France pousse particulièrement ce dossier lors de sa présidence.
De manière générale, il a relevé qu'en matière d'immigration illégale la communication sur le programme législatif et de travail de la Commission pour 2008 était prudente, seule la gestion des frontières extérieures étant mise en avant.
Il a insisté particulièrement sur le renforcement de l'agence Frontex qui est une priorité tant de la Commission que de la future présidence française de l'Union européenne.
Il a rappelé que Frontex intervient principalement aux frontières méridionales de l'Europe et assure le pilotage d'équipes d'intervention rapide composées d'une réserve de 450 gardes-frontières nationaux potentiellement mobilisables, de manière temporaire, par des Etats membres confrontés à des situations de crise.
Il a souligné qu'en 2008, la Commission devrait rendre un rapport sur l'évaluation et le futur développement de Frontex, qui permettrait de se prononcer sur l'extension de ses activités opérationnelles, ainsi que sur l'opportunité de lui confier d'autres aspects de la gestion des frontières extérieures, en particulier la coopération douanière, dans la mesure où Frontex ne connaît de la sécurité des frontières que sous l'angle de la gestion des flux migratoires et de la lutte contre l'immigration clandestine.