Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 17 juillet 2008 à 15h00
Démocratie sociale et temps de travail — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Xavier Bertrand, ministre :

Le premier tour des élections sera ouvert à tous les syndicats légalement constitués depuis au moins deux ans, indépendants et républicains.

Avant de devenir représentatif si les salariés le souhaitent, chaque syndicat existant depuis au moins deux ans pourra nommer un représentant syndical dans l’établissement, qui aura les mêmes attributions que le délégué syndical, sauf bien sûr le pouvoir de signer des accords collectifs, pouvoir qui ne sera acquis qu’avec la représentativité.

Cette réforme entrera en vigueur immédiatement dans les entreprises, dès les premières élections professionnelles, c’est-à-dire, potentiellement, dès 2008. Pour les branches et le niveau interprofessionnel, elle entrera en vigueur dans cinq ans au plus tard.

Enfin, pour établir les résultats électoraux à l’échelon national, il faudra mettre en place un instrument de collecte incontestable et exhaustif, qu’il nous faudra bâtir rapidement et dans la plus grande transparence.

L’Assemblée nationale a adapté les dispositions du code du travail pour lesquelles cela était nécessaire du fait de la nouvelle donne créée par les nouvelles règles de représentativité. Le protocole préélectoral ne nécessitera plus l’unanimité des signataires dans la majeure partie des cas.

S’agissant du vote des sous-traitants chez le donneur d’ordre, elle a introduit des règles d’ancienneté minimale qui réduisent les difficultés d’application. Je sais que, sur cette question importante, la commission des affaires sociales souhaite faire des propositions. Le Gouvernement y sera attentif.

Réformer la démocratie sociale, cela implique aussi de rendre les accords plus légitimes et plus accessibles.

Désormais, tous les accords devront répondre à une double légitimité : d’une part, l’adhésion de syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages, et, d’autre part, l’absence d’opposition de la part de syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des suffrages.

Les possibilités de négocier seront également élargies, y compris pour les 10 millions de salariés travaillant dans des entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Mais, avant d’ouvrir plus largement cette possibilité de négocier, le projet de loi accorde un délai d’un an pendant lequel de nouveaux accords de branche pourront venir s’ajouter aux seize accords de branche existants, pour encadrer la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat.

C’est une avancée très importante en vue de permettre que les entreprises dépourvues de délégués syndicaux puissent accéder à la négociation collective. Cela étant, nous devons résoudre plus globalement une autre question, celle des 4 millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés.

Sur ces questions, la position commune a prévu la mise en place d’un groupe de travail, et j’ai bien noté l’intention des signataires de le réunir sans attendre.

Il me semble indispensable, et le projet de loi le prévoit, qu’une négociation nationale interprofessionnelle trouve rapidement des solutions à l’ensemble des questions relatives au développement du dialogue social dans les très petites entreprises. Comment mesurer l’audience des syndicats dans les branches où la majorité des salariés travaillent dans des TPE où il n’y a pas d’élections ? Comment assurer la représentation de ces salariés ?

Il nous faut répondre à ces interrogations pour que la réforme soit opérationnelle partout et pour tous. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a souhaité fixer une date butoir pour la négociation prévue par le projet de loi sur ce sujet.

Ce texte vise également à garantir au financement des organisations syndicales et des organisations professionnelles davantage de transparence et une plus grande sécurité juridique.

Un des critères de la représentativité sera désormais la transparence financière. Les ressources et les dépenses des organisations syndicales et professionnelles devront avoir un lien avec leur objet et être retracées dans des comptes annuels. Ces comptes devront être certifiés dès lors que les ressources dépasseront 153 000 euros par an.

Par ailleurs, le projet de loi tend à sécuriser les mises à disposition de salariés syndiqués prévues par accord collectif d’entreprise au profit d’organisations syndicales de salariés ou d’employeurs.

Enfin, le projet de loi comporte une disposition encadrant les accords qui prévoient un financement du dialogue social au travers d’une contribution des entreprises. Il ne s’agit en rien de créer une nouvelle taxe ou une nouvelle obligation : ces accords existent déjà et trente branches, couvrant plus de 2 millions de salariés, en ont déjà signé depuis les années quatre-vingt-dix.

Les accords déclinant l’accord de décembre 2001 sur le financement du dialogue social dans l’artisanat signé par l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, et l’ensemble des organisations syndicales ont déjà largement été étendus et appliqués depuis leur signature, à l’exception de deux d’entre eux, dans le bâtiment notamment. Nous avons entendu les remarques formulées à leur sujet, et j’ai donc attendu la fin du contentieux judiciaire qui a conduit la Cour de cassation à les déclarer légaux en octobre 2007.

C’est la raison pour laquelle le projet de loi fixe un cadre posant un certain nombre de limites : il s’agit de ne financer que le dialogue social, en évitant de payer deux fois lorsque l’on dispose déjà de représentants du personnel. Ces accords ont vocation à être étendus dans ces nouvelles limites légales au cours de l’année 2009.

L’Assemblée nationale a prévu que ces dispositions entrent en vigueur de façon différée, au 30 juin 2009, c’est-à-dire à la même échéance que les négociations sur le développement du dialogue social dans les petites entreprises, ce qui est logique, car les accords sur le financement du dialogue social visent essentiellement les petites entreprises. Je sais que d’autres amendements viendront en discussion et que, comme à l’Assemblée nationale, nous aurons sur ce sujet un débat.

J’en viens maintenant à la seconde partie du projet de loi, qui vise à donner plus d’espace à la négociation d’entreprise ou de branche pour aborder la question du temps de travail dans les entreprises.

Renforcer l’efficacité de notre démocratie sociale suppose de repenser l’articulation des rôles entre la loi et l’accord collectif. Il faut permettre aux accords d’entreprise de déterminer, au plus près du niveau où les décisions s’appliquent dans les entreprises, l’organisation du travail la mieux adaptée au développement de l’entreprise comme aux attentes des salariés en matière de pouvoir d’achat et de gestion du temps de travail. C’est une question de pragmatisme.

L’article 17 de la position commune visait à permettre à des accords d’entreprise recueillant l’adhésion de syndicats représentant 50 % au moins des salariés de déroger, de manière expérimentale, aux contingents conventionnels d’heures supplémentaires fixés par des accords de branche signés avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004. Partout ailleurs, dans la position commune, le seuil retenu est de 30 %, mais à l’article 17, il était de 50 % : c’était à mon sens la garantie du statu quo. Nous ne pouvons pas nous le permettre en matière d’heures supplémentaires dans les entreprises.

Nous ne reprenons pas la réponse spécifique et expérimentale de l’article 17, mais nous nous inscrivons dans une logique similaire : donner plus d’espace à la négociation d’entreprise, sur le contingent d’heures supplémentaires comme, plus généralement, sur l’aménagement du temps de travail, tout en maintenant dans la loi les principes fondamentaux du droit de la durée du travail.

Rien ne change en matière de repos et de durée maximale du travail. Resteront ainsi inchangées la durée maximale hebdomadaire de travail, la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail sur douze semaines, la durée maximale quotidienne de travail, la durée minimale de repos quotidien et la durée minimale de repos hebdomadaire à laquelle s’ajoute le repos quotidien.

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