Intervention de Alain Pichon

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2006 : 2ème réunion
Contrôle budgétaire — Cour des comptes - association française d'action artistique - Audition de M. Alain Pichon président de la 4echambre de la cour des comptes et de Mm. Philippe Etienne directeur général de la coopération internationale et du développement au ministère des affaires étrangères benoît paumier délégué au développement et aux affaires internationales au ministère de la culture et de la communication jacques blot président de culturesfrance et olivier poivre d'arvor directeur de culturesfrance

Alain Pichon, président de la 4 :

e Chambre de la Cour des comptes, a indiqué qu'en application de l'article 58-2° de la LOLF, la Cour des comptes avait procédé, à la demande du président de la commission des finances du Sénat, au contrôle de l'AFAA.

Il a rappelé que la Cour des comptes avait déjà récemment contrôlé cette association, en 2001, et adressé un référé aux ministres concernés. Il a précisé que la demande du Sénat était intervenue en janvier 2006, alors même qu'était annoncée la création d'une nouvelle structure, CulturesFrance, qui, absorbant l'AFAA et l'Association pour la défense de la pensée française (ADPF), se voyait confier la mission de constituer, en qualité d'opérateur de l'Etat, une agence unique chargée de la diffusion de la culture française à l'étranger, en s'inspirant du modèle des institutions analogues espagnole, britannique, allemande ou suisse.

Il a estimé que le contrôle de la Cour des comptes ne pouvait porter, en raison du délai de 8 mois imparti par la LOLF, sur la constitution et la mise en place de CulturesFrance. Aussi a-t-il déclaré que la Cour des comptes, en accord avec la commission, avait limité ses investigations à l'organisation, à la gestion et aux comptes des trois derniers exercices de l'AFAA. Il a précisé qu'elle s'était attachée toutefois à dresser le bilan de l'activité et des résultats de l'association, afin d'inciter CulturesFrance à ne pas reproduire les dysfonctionnements ou errements constatés, et au contraire profiter des acquis et points forts de l'AFAA.

Il a noté toutefois que la Cour des comptes avait pu constater, dès à présent, que CulturesFrance, dans son statut et son organisation actuels, apparaissait plus comme la juxtaposition des entités antérieures (AFAA et ADPF), que comme le produit d'une réelle fusion, faisant émerger une nouvelle agence dont le statut et les objectifs seraient clairement adaptés aux ambitions annoncées.

Il a rappelé le montant des enjeux financiers et budgétaires : un budget global de 30 millions d'euros, dont notamment 20 millions d'euros de crédits publics et 7 millions d'euros de mécénat.

Il a déclaré que, quels que soient le statut et les missions confiés à l'avenir à CulturesFrance, sa gestion devait être plus rigoureuse que celle de l'AFAA.

a précisé que le fonctionnement de l'AFAA avait montré que la répartition des responsabilités et des pouvoirs entre ses dirigeants n'était pas conforme à ses statuts, et qu'au demeurant le statut d'association relevait plus de l'effet d'apparence que d'une vraie réalité fonctionnelle.

Il a fait valoir que l'enquête de la Cour des comptes relevait les lacunes, le manque de respect des règles formelles dans les délégations de pouvoir au sein de l'association, ce qui avait conduit, dans les faits, à donner la plus grande autonomie à son directeur. Au fil du temps une relative confusion avait pu s'y instaurer, nuisant ainsi à la clarté des attributions, des responsabilités et des relations entre les tutelles et l'institution et ne permettait plus à l'Etat de fixer des objectifs mesurables à un opérateur qui « gagnait en liberté ce qu'il perdait en lisibilité ».

A cet égard, il a ajouté que la Cour des comptes était conduite à poser, à nouveau, la question du statut de ce type d'agence. Dès 2004, elle s'était interrogée sur l'opportunité du maintien du statut associatif de l'AFAA et sur l'intérêt que pouvait présenter le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC). Il semblait qu'avec la création de CulturesFrance la question demeurait d'actualité, et que le ministère des affaires étrangères envisageait favorablement de doter la nouvelle agence d'un statut d'EPIC, sous réserve bien évidemment qu'une telle réforme ne provoquât pas une perte de confiance de la part du mécénat privé, qui avait connu un réel essor ces dernières années. Une réflexion approfondie méritait d'être conduite sur les mérites comparés des différents statuts possibles : association, EPIC, GIP, voire fondation.

a estimé, au demeurant, et au-delà même de la question statutaire, qu'il convenait que CulturesFrance montre plus de rigueur dans sa gestion que l'AFAA.

Il a constaté qu'il en allait notamment de la mise en place d'un contrôle interne plus strict, permettant de maîtriser les coûts des opérations complexes, de développer une culture de mesure des résultats et des performances par rapport aux objectifs définis par l'Etat.

Il a jugé qu'il faudrait tenir et présenter une comptabilité analytique qui était restée jusqu'alors trop embryonnaire, et fournir des comptes sociaux irréprochables sur le plan de la régularité et de l'image fidèle. Il a toutefois précisé que la Cour des comptes n'avait certes pas remis en cause la sincérité des comptes tels qu'ils avaient été certifiés par le commissaire aux comptes, mais estimait nécessaire plus de rigueur dans le respect du principe de rattachement à l'exercice ou de l'imputation de certaines charges. De manière plus générale, une plus grande transparence était nécessaire.

a évoqué la gestion de ses ressources humaines (GRH). Il a indiqué que l'enquête de la Cour des comptes avait permis de constater que les effectifs avaient connu une légère décroissance au cours des dernières années et que, dans l'ensemble, les rémunérations servies n'étaient, ni excessives, ni assorties d'avantages complémentaires ou matériels anormaux, à l'exception toutefois du versement d'un 13e mois, qu'il avait fallu régulariser. Il a noté que ce qui faisait défaut était l'émergence d'une véritable politique des ressources humaines : le bilan social, le temps de travail, la formation, ainsi que le statut des stagiaires.

a abordé ensuite la situation financière et les résultats de l'AFAA. Il a relevé que ceux-ci n'appelaient pas de critique et étaient globalement sains, la trésorerie étant même aisée, de même que le niveau des réserves. Il a précisé que deux points méritaient toutefois d'être relevés :

- la faible mobilisation des crédits européens malgré les engagements d'objectifs affichés. Il a souhaité que CulturesFrance s'inscrive davantage dans la logique du Programme culturel Europe 2000 et attire des financements européens plus substantiels ;

- l'essor remarquable des ressources du mécénat privé. Bien que partant d'un très faible niveau (180.000 millions d'euros en 2000), il a montré que l'AFAA avait attiré à elle, à ce titre, plus de 12 millions d'euros en 2004 et 2005. Il a noté que ce résultat spectaculaire était lié, sans doute, à l'implication personnelle et active du directeur, à la montée en puissance d'une cellule-mécénat, à l'effet des « saisons » Chine et Brésil, et peut-être aussi au régime fiscal plus incitatif désormais. Il a souhaité que ce type de financement soit maintenu, consolidé, voire développé par CulturesFrance. Il a déclaré qu'il était d'ailleurs légitime, et budgétairement souhaitable, que les tutelles retiennent le mécénat comme un objectif à réaliser par l'opérateur.

a estimé que la question de la comparaison de l'AFAA, et désormais de CulturesFrance, avec des structures analogues ou voisines à l'étranger, était complexe et délicate. Il a indiqué que la Cour des comptes avait présenté dans son rapport un tableau comparatif avec le Goethe Institute, le British Council, l'Institut Cervantes et Pro Helvetia. Il a fait valoir que les critères de comparaison (moyens financiers, implication de l'Etat et de son réseau diplomatique, ampleur et périmètres des missions, situation de monopole ou de concurrence avec d'autres structures publiques) étaient trop nombreux et divers pour dégager une conclusion et recommander de s'inspirer de tel ou tel modèle. Il a estimé que l'Institut Pro Helvetia ou l'Institut Cervantes étaient les modèles les plus proches de ce vers quoi pourrait tendre CulturesFrance.

En revanche, il a souhaité que se développent la concertation et la coordination avec d'autres intervenants français dans le domaine de l'action culturelle à l'étranger, notamment l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), l'Office national de diffusion artistique (ONDA) et l'Alliance française. Il a souligné qu'il convenait, en effet, de donner plus de cohérence et de complémentarité à l'ensemble des intervenants français en matière de diffusion culturelle extérieure.

a souligné que l'évolution récente des missions confiées à l'AFAA, et leurs effets, étaient d'autant plus préoccupants que l'Etat n'avait pas assumé clairement ses responsabilités de tuteur vis-à-vis de son opérateur. Il a remarqué que, dans la période récente, l'AFAA avait progressivement développé son activité sur le territoire national, sous l'effet de la montée en puissance d'opérations dénommées « les saisons », celles-ci ayant pour principal objectif d'assurer le rayonnement des cultures étrangères en France, avec parfois un effet de réciprocité dont la réalité n'avait pas été mesurée au profit de l'AFAA. Il a cité, à titre d'exemple, les années en France de l'Algérie (2003), de la Chine (2004) ou du Brésil (2005). Il a précisé que la Cour des comptes n'entendait nullement remettre en cause l'opportunité et l'effectivité de ces manifestations, mais qu'elle constatait, toutefois, qu'en réalisant ce type de prestations, l'AFAA était sortie de sa mission originelle et principale, qui était d'assurer le rayonnement culturel de la France à l'étranger.

Plutôt que d'agir en soutien et en relais à des demandes exprimées par les ambassades et leurs services culturels, lesquels au demeurant étaient parfois tentés de traiter directement avec de grandes institutions telles que l'Opéra de Paris, le Musée du Louvre ou la Comédie française, l'AFAA avait mué pour devenir un opérateur indépendant inspiré plus par une démarche de projet « au coup par coup » que par une véritable logique de programme. Il a relevé qu'il était vrai que cette logique avait perdu de sa clarté et de sa finalité en raison même du caractère trop flou et mal défini des objectifs assignés à l'AFAA dans les conventions établies par les deux ministères de tutelle (Affaires étrangères et Culture).

s'est interrogé, non sur l'intérêt de maintenir la réalisation d'opérations type « Saisons » sur le territoire national, mais sur la question de savoir qui en était chargé, et si une agence comme CulturesFrance ne devait pas être prioritairement recentrée sur la mission traditionnelle de l'AFAA, telle qu'elle avait été conçue dès 1922.

Il a souligné que restaient à définir quels types de « produits culturels », on entendait promouvoir, et quel périmètre, quelle zone géographique, on souhaitait couvrir de préférence. Il a estimé qu'il n'appartenait pas à la Cour des comptes de se prononcer dans ce débat et de suggérer les choix préférentiels. Il a souligné qu'elle se bornait à constater que dans le passé récent, ces options n'avaient pas été tranchées, et qu'ainsi les pouvoirs publics n'avaient pas assigné à l'AFAA des objectifs clairs en matière de vecteurs culturels, de promotion de la culture classique ou de la création contemporaine, de ciblage de zones géographiques, de pays émergents, etc.

Il a indiqué, qu'à l'évidence, la création de CulturesFrance imposait que des choix stratégiques à moyen terme soient arrêtés, assortis d'objectifs et de moyens adéquats. Il en allait de la pérennité comme du renouvellement du rayonnement culturel de notre pays.

a indiqué que l'Etat n'avait pas su définir clairement, en effet, des objectifs à l'AFAA, et par conséquent avait négligé de suivre l'affectation des moyens et l'évaluation des résultats obtenus.

a relevé que la faiblesse des comptes rendus d'activité et de performance, l'absence de mesure en termes de coût-efficacité des principales opérations conduites, ou lancées par l'AFAA, n'avaient pas été relevées par la tutelle, la DGCID paraissant avoir fait preuve de peu d'exigences envers l'AFAA. Il a certes convenu que ses moyens humains en termes de contrôle et de suivi de ses nombreux opérateurs étaient peu nombreux. Il a néanmoins observé qu'elle s'en remettait plus à l'instauration d'un climat de confiance qu'à la mise en oeuvre d'un système de contrôle et d'indicateurs de résultats pour exercer une tutelle réelle sur un opérateur qui aspire à s'autonomiser.

a déclaré qu'avec la création de CulturesFrance, devaient se mettre en place des relations plus claires et plus strictes entre l'Etat (avec une fonction de chef de file nettement attribuée au ministère des affaires étrangères) et son opérateur dédié principalement, voire exclusivement, au rayonnement culturel de la France à l'étranger. Ce n'était qu'à ces conditions que la réforme récente pouvait trouver tout son sens. Alors le statut, les crédits publics, les compétences, les activités de CulturesFrance, ainsi que le talent des hommes et des femmes qui y oeuvraient, trouveraient leur pleine efficacité.

Il a indiqué que telle était la portée du constat que la Cour des comptes, à travers le contrôle des comptes, de la gestion et de l'activité de l'AFAA, avait souhaité transmettre à la commission des finances du Sénat.

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