Sur l'articulation prévention-réparation, M. Yves Struillou a indiqué que l'approche compensatrice n'empêche pas l'approche préventive ; la première stimule même la seconde. La mise en place d'un système de bonus-malus pour la prévention de la pénibilité, voire d'un simple dispositif de bonus, représenterait un progrès considérable. La prise en compte de la pénibilité nécessite aussi de déterminer le critère pertinent pour la mesurer. Faut-il prendre en compte l'espérance de vie « brute » - seraient alors exclus les postes où les personnes sont exposées à des contraintes physiques entraînant des troubles musculo-squelettiques qui ne réduisent pas l'espérance de vie mais peuvent fortement handicaper ceux qui en sont victimes - ou l'espérance de vie sans incapacité - seraient alors pris en compte les travaux susceptibles de provoquer de tels troubles - ?
La mise en place d'un dispositif de compensation collective coûterait non seulement très cher à la collectivité, mais risquerait aussi de faire l'objet de restrictions a posteriori. Ainsi la mesure « carrières longues » prévue par la loi de 2003 portant réforme des retraites, initialement très généreuse, a été progressivement durcie afin d'en limiter l'incidence financière. C'est pourquoi il vaut mieux concentrer le système de réparation sur la population qui en a le plus besoin, c'est-à-dire les travailleurs confrontés à une pénibilité qui affecte leur espérance de vie sans incapacité. Pour autant, il n'est pas question de négliger les autres formes de pénibilité ; celles-ci appellent simplement des réponses différentes.
Concernant la loi de 1975, celle-ci prévoyait un abaissement de l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans pour l'exercice d'un travail à la chaîne, de nuit, ou nécessitant une exposition à des intempéries. Par ailleurs, inciter les entreprises à participer activement à la politique de prévention de la pénibilité suppose de jouer sur le levier financier. Le mécanisme idéal consisterait en l'instauration d'un bonus-malus, sachant toutefois que le malus peut entraîner des effets pervers et aller à l'encontre des objectifs poursuivis. Une autre option, moins ambitieuse, serait de mettre en place un simple bonus sous la forme d'une modulation du relèvement du taux des cotisations retraite au profit des entreprises qui font des efforts en matière de prévention. Pourquoi ne pas également réformer le régime d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) en y intégrant les conditions de travail ? Il serait alors possible de moduler les taux de cotisations AT-MP en prévoyant, d'un côté, des majorations pour les entreprises peu impliquées, de l'autre, des ristournes pour les plus vertueuses.
En réponse à la demande de précisions de Guy Fischer, M. Yves Struillou a expliqué que les intérimaires sont souvent des ouvriers, généralement des hommes travaillant dans l'industrie ou le bâtiment. Ce sont les plus jeunes d'entre eux qui sont victimes d'accidents du travail en raison d'un manque de formation aux consignes de sécurité. Les entreprises ont également leur part de responsabilités dans ces drames car elles affectent fréquemment les jeunes ouvriers aux postes les plus pénibles.