a tout d'abord rappelé que, pour des raisons historiques, le système de retraite français s'est construit sur la base de multiples régimes de base en dépit des projets du conseil national de la résistance. Par la suite, ont été créés les principaux régimes complémentaires pour permettre l'octroi de droits au-delà du plafond de la sécurité sociale : association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) en 1947, association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco) en 1961 ; ces régimes ont été rendus obligatoires un peu plus tard. En 2003, un régime complémentaire a également été créé pour les fonctionnaires.
Par ailleurs, des mécanismes de compensation, puis de surcompensation, ont été mis en oeuvre entre les différents régimes.
Enfin, les principaux paramètres des différents régimes ont été harmonisés avec la fixation de l'âge minimal de départ à la retraite à soixante ans, qui existait depuis 1946 pour certaines catégories, avec l'alignement, plus récent, des durées de cotisation prévues par les régimes et avec l'indexation des pensions liquidées sur les prix.
Le seul point essentiel qui n'a fait l'objet d'aucune harmonisation est celui du rendement des différents régimes. Ainsi, dans le régime des mineurs, en voie d'extinction, chaque assuré paye un pourcentage de cotisations et tout le monde reçoit une retraite de base uniforme. A l'inverse, dans les régimes spéciaux, les pensions n'ont aucun lien avec les cotisations versées mais représentent une fraction du salaire servi au cours des six derniers mois d'activité. Le régime général se situe entre les deux. Quant au régime de l'Agirc-Arrco, il se caractérise par la possibilité de faire varier plusieurs paramètres : le taux d'appel des cotisations, la valeur d'achat ou la valeur de service du point.
La question qui se pose aujourd'hui est celle de la soutenabilité financière et de l'équité du système de retraite. Deux types d'équité ou de solidarité doivent être pris en considération : la solidarité intergénérationnelle est assurée par la répartition qui consiste à opérer un prélèvement sur la richesse du pays pour payer les retraites actuelles ; la solidarité interprofessionnelle est également importante et suscite aujourd'hui une inquiétude sur l'avenir des services publics. Dans les régimes des trois fonctions publiques, les cotisations patronales constituent le paramètre d'ajustement du système. Or, pour la fonction publique d'Etat, la cotisation patronale est en réalité composée d'une subvention d'équilibre de l'ordre de 60 % du montant des pensions versées. Pour les deux autres fonctions publiques, il existe une caisse de retraite. Dans quelques années, les cotisations patronales devront probablement être augmentées, ce qui impliquera une hausse des impôts locaux pour les fonctionnaires territoriaux et des versements de l'assurance maladie pour les fonctionnaires hospitaliers. Une telle situation, dans un contexte où s'exprime une certaine forme de populisme, pourrait conduire à utiliser le débat sur les retraites comme un moyen de remettre en cause les services publics.
Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit que les facteurs qui influencent le plus l'évolution des régimes de retraite et leur équilibre sont l'âge d'entrée dans la vie active et l'âge de cessation d'activité. Or, alors que l'entrée dans la vie active est de plus en plus tardive, les comportements en matière d'âge de cessation d'activité ne se sont que peu modifiés malgré l'augmentation continue de l'espérance de vie, et de l'espérance de vie en bonne santé. Les évolutions sur ces questions sont lentes et impliquent d'adapter certains emplois aux seniors, dès lors que les capacités ne sont plus tout à fait identiques à soixante ans qu'à cinquante. En outre, pendant longtemps, les retraites ont été utilisées comme élément de restructuration industrielle, par l'utilisation massive des préretraites.
Abordant alors la réforme du système de retraite, M. Jean-Marie Spaeth a estimé que deux difficultés doivent être surmontées. D'une part, certaines décisions ne font sentir leurs effets qu'après un temps très long, d'autre part la réussite de la réforme ne dépend pas seulement de la modification de paramètres mais surtout d'évolutions des mentalités. L'heure est désormais venue de modifier en profondeur le système pour créer un régime universel. Pour ce faire, le Parlement devrait adopter une loi-cadre définissant le cahier des charges du futur régime tout en procédant aux ajustements paramétriques immédiatement nécessaires, qu'il s'agisse de la modification des durées de cotisation ou de la fixation d'un nouvel âge pivot. La loi devrait définir les conditions de passage de l'ancien au nouveau régime sans remettre en cause les droits acquis jusqu'alors. Ce nouveau système devrait comporter des éléments susceptibles d'influencer les comportements relatifs à l'entrée dans la vie active et à la cessation d'activité. A cette occasion, le mode de financement de la protection sociale pourrait être réexaminé. Ainsi, la politique familiale reste aujourd'hui financée par la masse salariale, ce qui n'est pas totalement cohérent au regard des objectifs de cette politique. Les cotisations destinées à financer cette politique pourraient être prélevées sur l'ensemble des revenus, ce qui pourrait permettre de dégager des marges autorisant le transfert des cotisations vers le financement de la retraite. La transition entre l'ancien et le nouveau système nécessitera en effet des recettes supplémentaires pendant quelques années.