Intervention de Antoine Bozio

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 25 février 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de M. Antoine Bozio chercheur à l'institute for fiscal studies ifs de londres

Antoine Bozio :

Avant d'évoquer ses propositions et le sujet de la pénibilité, M. Antoine Bozio a dressé un état des lieux du système de retraite en France. Celui-ci est soumis à deux chocs démographiques distincts, dont les conséquences en termes d'équité sont différentes : d'une part, une tendance lente et progressive à l'augmentation de l'espérance de vie, d'autre part, l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom. En outre, le système français revêt une complexité paradoxale, dès lors que les systèmes publics par répartition ont en principe l'avantage d'être plus simples et moins coûteux en termes de gestion que les systèmes par capitalisation. Les régimes de base et complémentaires sont multiples et morcelés et ils obéissent à des règles de solidarité parfois divergentes. Au total, les Français ont plus l'impression de payer un impôt que d'acquérir des droits pour l'avenir. D'un côté, les gestionnaires du système peinent à évaluer les conséquences d'une modification de paramètres ; de l'autre, tant les personnes proches de l'âge de la retraite que les jeunes appréhendent mal le niveau de leur future pension. Enfin, le système est largement défaillant en termes d'équité : il combine plusieurs formes de redistribution, dont les effets sont souvent mal évalués, ce qui amène en définitive à s'interroger sur son but final. Ainsi, la prise en compte des vingt-cinq dernières années de carrière pour le calcul du salaire de référence a des effets redistributifs importants, qui conduisent à pénaliser les personnes connaissant des carrières longues et uniformes.

Dans ce contexte, toute réforme doit être envisagée sur le long terme, c'est-à-dire sur une période de quarante ou cinquante ans, et n'utiliser que des éléments paramétriques conduirait à multiplier les ajustements tous les trois ou quatre ans ; cela ne ferait que renforcer les incertitudes et affaiblir in fine l'ensemble du dispositif. L'objectif de toute réforme doit donc consister à unifier, rendre plus transparent et simplifier. De ce point de vue, un passage à des comptes notionnels, comme l'a fait la Suède, serait bénéfique. Les cotisations sont en effet accumulées sur un compte virtuel permettant de mesurer les droits à pension et sont revalorisées chaque année en appliquant un rendement garanti, qui correspond au taux de croissance des salaires. Le système n'est pas uniquement contributif, puisque la solidarité nationale vient abonder un fonds de réserve permettant de financer à la fois les accidents de carrière personnels et les chocs économiques conjoncturels. Surtout, le niveau des pensions prend mécaniquement en compte l'évolution de l'espérance de vie des générations. En conséquence, ce système intègre en permanence les contraintes budgétaires, évite la brutalité des réformes et est compréhensible pour la population.

Il est vrai que le passage d'un système à un autre pose un problème important de transition. C'est pourquoi il est nécessaire de prendre le temps de redéfinir l'ensemble des paramètres et des éléments redistributifs avant d'adopter un nouveau régime. La Suède a pris ce temps nécessaire de mise en place, contrairement à l'Italie qui a réalisé sa réforme trop rapidement. Par ailleurs, la France connaît un système qui prend en compte les revenus jusqu'à un niveau très élevé, ce qui est rare pour un système public obligatoire. En ce qui concerne le secteur public, les pensions sont aujourd'hui souvent considérées comme une rémunération différée et il serait utile de mieux les distinguer en vue d'unifier les régimes. Enfin, la mise en place d'un système à comptes notionnels ne règle pas en lui-même les dettes du passé ; il sera toujours nécessaire de financer la génération du baby-boom. En revanche, les comptes notionnels permettraient de gérer plus aisément des chocs futurs. Afin de conforter la confiance de la population dans la stabilité du système, il serait utile d'identifier clairement cette dette et d'affecter à son financement des prélèvements obligatoires spécifiques, distincts des cotisations.

En ce qui concerne la pénibilité, il n'est pas certain que ce soit de la responsabilité du système de retraite de traiter cette question. Elle devrait d'abord être réglée par le niveau des rémunérations, comme c'est par exemple le cas pour les personnels affectés sur des plates-formes pétrolières. Elle devrait ensuite être abordée sous l'angle des conditions de travail : sa prise en compte dans le calcul des pensions reviendrait d'une certaine manière à subventionner la pénibilité plutôt que de lutter contre. Surtout, il serait extrêmement difficile d'identifier précisément, tout au long de la vie, les métiers concernés et le niveau de la prise en compte par le système.

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