Intervention de Bruno Retailleau

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 décembre 2008 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative pour 2008 — Nomination d'un rapporteur pour avis et examen du rapport oral pour avis

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau, rapporteur pour avis :

a rappelé que la commission des affaires économiques s'était saisie pour avis du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, mais que celui-ci, tout juste adopté par l'Assemblée nationale, ne pourrait pas être examiné par le Sénat avant la fin de l'année 2008. C'est pourquoi le Gouvernement a fait supprimer par l'Assemblée nationale son article 19 relatif à la redevance pour l'insérer sous forme d'article additionnel dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008. C'est donc sur cet article 44 bis du collectif budgétaire qu'il a d'abord proposé à la commission de se prononcer, précisant néanmoins qu'il complèterait son propos par une communication sur un autre article important du collectif, l'article 6 relatif aux quotas d'émission de dioxyde de carbone (CO2).

a effectué un recadrage d'ensemble du débat sur la redevance en exposant le schéma de financement proposé par le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision pour combler le manque à gagner occasionné par la suppression de la publicité sur France Télévisions de 20 heures à 6 heures. Ce manque à gagner a été estimé à 450 millions d'euros par la commission Copé, estimation à laquelle il est préférable de se tenir, même si les chaînes privées l'évaluent à seulement 270 millions d'euros et le cabinet AT Kearney à 215 millions d'euros... Le modèle de financement de France Télévisions initialement prévu par le projet de loi reposait sur une taxe de 3 % (avec abattement de 11 millions d'euros) sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision, devant rapporter 94 millions d'euros, une taxe de 0,9 % (avec abattement de 5 millions d'euros) sur les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d'accès à internet (FAI), dont on attend 379 millions d'euros, et une indexation de la redevance audiovisuelle sur l'inflation, qui pourrait rapporter 40 millions d'euros en 2009, soit un total de 513 millions d'euros couvrant largement le manque à gagner de 450 millions d'euros.

Or l'Assemblée nationale a abaissé le taux de la taxe sur les recettes publicitaires des éditeurs, en le plafonnant à la moitié de l'accroissement constaté de leur chiffre d'affaires, mais avec un taux plancher de 1,5 %. Le rendement attendu serait de 45 millions d'euros, le total des recettes prévues passant alors à 468 millions d'euros, ce qui compense encore largement la perte attendue de 450 millions d'euros.

Néanmoins, M. Bruno Retailleau a jugé qu'il n'était pas envisageable de faire porter 85 % du poids financier de la suppression de la publicité sur France Télévisions par les opérateurs de télécommunications et les FAI, qui n'ont aucun bénéfice à attendre de la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public. En outre, leur activité de distribution de services audiovisuels est marginale dans le chiffre d'affaires -autour de 10 %- et, en plus, elle est exclue de l'assiette de la taxe, ce qui supprime tout lien entre l'objet affiché de cette taxe et ceux qui la supportent. Alors que le plan « France numérique 2012 » attend des investissements ambitieux, véritables leviers de croissance (haut débit pour tous, fibre optique, quatrième licence, dividende numérique), et que le Président de la République a annoncé que cette taxe serait « infinitésimale », le taux proposé représente pour le secteur des télécommunications un prélèvement de 7 % sur ses investissements annuels, ce qui signifie par exemple 380.000 foyers raccordés à la fibre optique en moins chaque année.

De plus, M. Bruno Retailleau a fait observer que les opérateurs finançaient déjà la télévision : en transportant à leurs frais les chaînes publiques sur leurs réseaux, en application de l'obligation de « must carry », en finançant le compte de soutien à l'industrie des programmes (COSIP) à proportion de la part de l'audiovisuel dans leurs activités fixe et mobile, en rémunérant les sociétés d'auteurs (droits de représentation, taxe sur la copie privée), en payant leurs droits d'accès à la vidéo à la demande.

Enfin, au plan juridique, il a indiqué que la constitutionnalité de cette taxe était douteuse : non affectée, elle crée une discrimination à l'encontre de certaines sociétés s'acquittant pourtant comme les autres de l'impôt sur les sociétés et cette discrimination est arbitraire, le lien entre les opérateurs de télécommunications et les images de France Télévisions étant ténu, voire inexistant, pour ceux qui ne proposent même pas d'offre d'accès à ces programmes. De surcroît, elle frappe le chiffre d'affaires des opérateurs sans tenir compte de leur capacité contributive.

C'est pourquoi il a estimé nécessaire de tout mettre en oeuvre pour limiter autant que possible ce prélèvement annoncé sur le secteur des télécommunications et rappelé que la commission Copé avait proposé un taux de 0,5 % pour cette taxe, et non pas de 0,9 %.

Une première piste à explorer est assurément la redevance audiovisuelle, instrument naturel de financement de l'audiovisuel public et ressource affectée, donc garantie pour France Télévisions ; fixé à 116 euros depuis 2002, le montant de la redevance française se situe 45 euros en dessous de la moyenne européenne et presque 100 euros plus bas que celui de la redevance allemande. Un premier impératif est d'indexer la redevance sur l'inflation, ce que prévoyait originellement le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision et ce qui figure désormais l'article 44 bis du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

Une deuxième proposition consisterait à actualiser le taux de la redevance : si son niveau n'avait pas été bloqué depuis 2002, celle-ci atteindrait 131 euros pour 2009 ; comme un point de redevance représente 21,5 millions d'euros, la redevance rapporterait 300 millions d'euros de plus aujourd'hui, ce qui résoudrait en totalité la problématique du financement de France Télévisions. La commission des affaires culturelles a précisément adopté un amendement portant de 116 à 118 euros le montant de la redevance, ce qui rapporterait déjà 43 millions d'euros. En outre, elle propose, par un autre amendement, que la redevance soit indexée sur l'inflation et que le résultat de cette indexation, s'il est décimal, soit arrondi à l'euro supérieur et non à l'euro le plus proche.

a jugé ces deux mesures essentielles, puisqu'elles permettent de transformer la redevance en une ressource dynamique dans la durée. Il a estimé qu'elles pourraient être complétées, lors de l'examen du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, prévu en janvier, et qu'en tout état de cause, quelles n'interdisaient pas de réfléchir à l'aménagement de la taxe prévue sur le secteur des télécommunications. Dans cette attente, il a sollicité le soutien de la commission des affaires économiques à l'égard des deux amendements déposés par la commission des affaires culturelles sur l'article 44 bis du collectif budgétaire.

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