Conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, le Premier ministre nous a transmis, entre le 15 et le 26 juillet, quinze projets de conventions dont dix ont été examinés dans le cadre d'une procédure écrite à laquelle chacun d'entre vous a pu participer.
Nous examinons aujourd'hui cinq projets de conventions qui mobilisent trois milliards d'euros. A l'issue de cette réunion, la commission se sera prononcée sur trente-quatre conventions. Il restera un projet à examiner, celui de l'aménagement du plateau de Saclay financé par l'emprunt national à hauteur d'un milliard d'euros consomptibles.
Je souligne tout d'abord que les observations antérieures de la commission des finances ont été partiellement prises en compte. Par lettre en date du 25 août dernier, François Fillon a répondu, pour la seconde fois, aux observations de la commission et s'est félicité de la collaboration entre le Parlement et le Gouvernement.
S'agissant de la transparence du processus de décision, la commission a été entendue sur deux points :
- d'une part, le commissariat général à l'investissement consignera par écrit toutes les raisons pour lesquelles la sélection finale des projets s'écarterait des évaluations des jurys d'experts, ce qui permettra au Parlement d'exercer, le cas échéant, sa mission de contrôle ;
- d'autre part, les projets de conventions comprenant des processus de sélection dérogatoires ont été modifiés afin de clarifier les conditions dans lesquelles cette sélection pouvait avoir lieu. Il s'agit de financement hors appel à projets, c'est-à-dire hors processus compétitif.
S'agissant de l'opération Campus, qui avait suscité de fortes réserves de notre part, le projet de convention a été modifié conformément à nos souhaits :
- d'une part, l'articulation des fonds de l'emprunt avec les fonds issus de la vente d'une partie des actions EDF a été précisée. Rappelons en effet que cette opération, d'un montant de cinq milliards d'euros, est financée par deux catégories de fonds chacun faisant l'objet d'un conventionnement entre l'Etat et l'Agence nationale de la recherche (ANR) : d'un côté, l'emprunt national à hauteur de 1,3 milliard d'euros, de l'autre côté, le produit de la vente d'une partie des titres EDF à hauteur de 3,7 milliards d'euros ;
- d'autre part, l'utilisation des produits financiers des intérêts a été clarifiée. La convention établit nettement une distinction entre la phase transitoire précédant la signature des contrats de partenariats publics privés et la période postérieure à la conclusion de ces partenariats ;
- enfin, un processus de conventionnement spécifique a également été prévu entre les fondations de coopération scientifique, bénéficiaires des intérêts des fonds de l'emprunt, et les établissements universitaires, bénéficiaires de l'opération Campus, ceci afin de garantir le paiement des loyers des partenariats publics-privés.
S'agissant du processus d'évaluation de certains projets, deux conventions ont été modifiées suite aux remarques de la commission :
- concernant l'augmentation des fonds propres d'OSEO opérée par le programme d'investissements d'avenir, un indicateur de performance relatif aux cofinancements bancaires a été ajouté ;
- concernant la formation en alternance, le Premier ministre confirme que le programme d'investissements d'avenir ne doit pas se substituer à l'effort des collectivités territoriales en la matière. Je note également que la convention a été modifiée afin de préciser que les appels à projets seront portés à la connaissance des réseaux consulaires.
S'agissant enfin du projet « Initiatives d'excellence », le Commissariat général à l'investissement n'a pas souhaité suivre les recommandations de la commission des finances qui estimait raisonnable de doubler la période probatoire des Campus sélectionnés (huit ans au lieu de quatre ans) avant de leur attribuer définitivement les dotations en capital. La commission avait fait valoir que l'impact des réformes en cours était difficile à apprécier et avait notamment cité les conclusions de la Cour des comptes concernant la mise en place des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ainsi que leur faible impact sur la structuration du paysage universitaire à ce jour, quatre ans après leur création.
S'agissant de la possibilité de créer des partenariats entre les lycées français à l'étranger et les établissements membres d'une Initiative d'excellence, il est indiqué que ces lycées pourront se rapprocher des établissements d'enseignement supérieur pour développer des formations d'excellence. Le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur serait en outre prêt à examiner les conditions dans lesquelles ces partenariats pourraient s'intégrer dans une Initiative d'excellence.
S'agissant des projets de convention examinés par la commission aujourd'hui, un seul appelle selon moi une réserve substantielle.
Il s'agit du projet de convention relative aux internats d'excellence et au développement de la culture scientifique. La rédaction du projet, et plus particulièrement la ventilation proposée des crédits, confirment les doutes exprimés par notre commission lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, à savoir le manque d'expertise préalable et d'arbitrages concernant l'attribution d'une somme de 300 millions d'euros au « développement de la culture scientifique et [à l']égalité des chances, notamment dans les quartiers de la politique de la ville ». Nous avions d'ailleurs proposé de supprimer ces crédits, ces derniers ne répondant en aucun cas aux exigences de justification requises lors de la discussion d'un projet de loi de finances rectificative. A ce jour :
- seuls 50 millions d'euros, soit 16,6 % du montant initial, sont fléchés sur cette action. Ainsi, sur l'ensemble du programme, 150 millions d'euros restent à attribuer, le projet de convention prévoyant que le commissaire général à l'investissement pourra allouer cette somme soit aux internats d'excellence, soit au développement de la culture scientifique, le critère étant la qualité des projets proposés ;
- contrairement à d'autres actions, la composition du comité de pilotage appelé à sélectionner les projets relatifs à la culture scientifique n'a pas été décidée ;
- la formulation générale de la nature des projets financés au titre de la culture scientifique ne permet pas de discerner l'exacte plus-value du programme d'investissements d'avenir, si ce n'est la compensation d'une diminution des subventions de l'Etat en faveur des réseaux et des fondations ayant inscrit cette mission dans leurs objectifs.
Au regard de ces éléments, je souhaite que le commissaire général à l'investissement fasse preuve de la plus grande vigilance afin de garantir la plus-value de l'emprunt national sur l'ensemble des actions votées par le législateur. A ce titre, je rappelle qu'il existe une procédure de redéploiement des crédits et que celle-ci a vocation à s'appliquer, après information du Parlement, si l'exécution du programme d'investissements d'avenir n'est pas satisfaisante.
S'agissant des autres projets de convention transmis, je souligne à nouveau souligner le caractère optimiste des effets de leviers envisagés grâce à l'appui des collectivités territoriales. Je souhaiterais également que la rédaction de la convention relative au véhicule du futur soit renforcée quant à la nécessaire prise en compte de l'ensemble des soutiens publics dans l'analyse économique des projets qui seront examinés. En effet, la filière automobile a été particulièrement soutenue lors de la crise financière et économique, cela ne peut être éludé.
Avant de conclure, j'aimerais aborder la question de la couverture des coûts de gestion de l'Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du programme d'investissements d'avenir. Je souhaite avoir communication de la convention financière prévue entre l'Etat et l'agence concernant les frais de gestion qu'elle supporte au titre de la mise en oeuvre des actions financées par l'emprunt. En effet, contrairement aux autres projets de convention transmis, les projets devant être signés avec l'ANR, premier délégataire des fonds de l'emprunt, ne comprennent aucun développement sur cet aspect. Or, les coûts de gestion constituent un point de vigilance de la part de la commission comme cela l'avait été indiqué lors de nos premières observations.
Nous arrivons ainsi au terme d'un processus au cours duquel le Sénat aura pleinement joué son rôle. Pour assurer le suivi de crédits dépensés hors du circuit budgétaire classique, la commission a exercé un contrôle encore plus vigilant qu'à l'ordinaire, de façon à éviter toute banalisation des procédés dérogatoires. Le message a, espérons-le, été entendu.