Intervention de Hubert du Mesnil

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 septembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Hubert du Mesnil président directeur général de réseau ferré de france

Hubert du Mesnil, président directeur général de Réseau ferré de France :

Je vous remercie de votre accueil et je suis sensible à l'intérêt que vous manifestez pour RFF. Le sujet intéresse tous les transporteurs et tous les voyageurs, il intéresse la nation.

La dernière loi a fait franchir un grand pas dans l'organisation du réseau ferroviaire ; elle a marqué l'ouverture internationale et créé un régulateur qui prendra une part significative dans l'organisation du système. On parle souvent d'un gendarme, mais le Parlement lui a confié un rôle économique - c'est toute la question des péages. Nous lui fournirons tous les éléments nécessaires à cet effet.

Dans le contrat de performance, l'Etat nous a donné une feuille de route et nous avons fixé un cadrage économique, avec un plan d'affaires, qui est un instrument de mesure. Les résultats sont-ils en ligne ? Il n'y a pas suffisamment de trains sur les rails. Afin de développer l'activité et augmenter le nombre de trains, il faut offrir aux trains de bons sillons. Voilà notre mission principale. Elle a un caractère commercial. Pour cela, il faut comprendre ce que les entreprises ferroviaires et les régions attendent de nous. Nous organisons ainsi le cadencement. Nous devons accueillir de nouvelles entreprises européennes et adapter le réseau à la concurrence dans le respect de la sécurité. La concurrence progresse pour les marchandises (+ 15 %), les nouvelles entreprises dépassent 15 % de part de marché, mais c'est aussi parce que Fret SNCF réduit son activité.

RFF s'engage aussi pour le trafic des voyageurs et nous discutons avec Trenitalia comme avec la Deutsche Bahn. Les choses évoluent progressivement. Certains avaient cru que des TGV étrangers circuleraient dès 2010. Ce n'est pas le cas ; pourtant, la complexité n'est pas entretenue à dessein - le régulateur y veillera. Il faut avoir des trains, des conducteurs... Quand la concurrence entrera-t-elle dans les faits ? Les Italiens n'ont pas utilisé leurs sillons cette année. Nous répondrons aux demandes en veillant à la coexistence des entreprises et des activités. C'est aussi pour cela que nous avançons sur le cadencement avec résolution.

Le plan de rénovation représente 13 milliards d'euros d'ici 2015. Nous avons doublé les chantiers, ce qui gêne d'ailleurs la circulation des trains régionaux, nous en avons conscience. Le plan est tenu, le doublement du rythme de la rénovation est une réalité. Nous essayons de réduire les coûts, ce qui nous conduit à arrêter la circulation quand c'est acceptable pour les voyageurs car cela permet une baisse des coûts de plus de 20 %. On ne peut pas faire plus, même si le plan de relance nous a donné un petit coup de pouce, car toute notre capacité technique et financière est mobilisée. Restera la question des lignes qui ne font pas partie du plan de rénovation ; il conviendra d'y réfléchir au cas par cas.

L'équilibre économique devait être atteint à terme selon la formule du coût complet, les recettes couvrant l'entretien et le renouvellement des voies. Nous y reviendrons.

Le développement durable a donné lieu à de nombreuses initiatives. La matière est essentielle mais compliquée et le Grenelle de l'environnement a fixé des orientations ambitieuses. Nous sommes mobilisés sur ces dossiers, car ce serait une erreur de négliger les nuisances au prétexte que le train est par lui-même un moyen de transport écologique. Il faut aussi s'occuper des traverses et du bruit !

RFF a une dette de 28 milliards d'euros. Il nous faut absolument démontrer qu'à moyen terme, nous dégagerons suffisamment de résultats pour la résorber. Si la trajectoire n'y tend pas, si la convergence apparaît illusoire, les pires menaces sont devant nous. Nous avons traversé la crise financière sans trop de difficulté. Adossés à l'Etat, nous avons conservé notre notation AAA. Les banquiers n'en regardent pas moins où nous allons et ils ne répondraient plus présents en cas de divergence, c'est un vrai risque. Or la vertu du contrat de performance est en train d'être minée. Les recettes prévues additionnaient les péages, qui devaient augmenter, et des subventions, qui devaient rester stables. Nous attendions une augmentation des recettes. Or la baisse du trafic de marchandises est plus importante que prévu, et l'on n'a pas constaté de reprise pour ce secteur, qui a encore baissé de 7 % au premier semestre, tandis que les péages du fret sont très faibles (200 millions d'euros sur 4 milliards d'euros).

Côté voyageurs, la croissance était portée par les régions, car, pour les trains nationaux, l'augmentation des TGV est compensée par des suppressions d'autres trains. Conserverons-nous 3 % de croissance l'an dans le transport régional ? Pour les barèmes, la hausse repose sur les TGV, les autres étant simplement réévalués de l'inflation. La croissance de la recette attendue pour les TGV était de 200 millions d'euros, soit 6 % à 9 % l'an. Chaque année, le barème augmente de l'inflation, plus 60 millions d'euros, au titre de la rénovation du réseau et pour tenir compte de la convention de gestion de la SNCF. Une centaine de millions pour l'année 2011 traduit l'effet retraites à la SNCF. Le TGV aide donc à la rénovation du réseau et porte la hausse des coûts d'entretien. Pourra-t-on longtemps continuer comme cela ? Si ce n'était plus le cas, il faudrait que le coût du réseau n'augmente plus, et pour cela, qu'on réorganise l'entretien, ce qui suppose un grand changement. Ne pas aller au bout de l'effort de rénovation serait la pire des choses car si, par exemple, nous ne rénovons qu'un tronçon de la ligne des Alpes, nous ne tirerons pas les profits de la rénovation.

Nous nous inquiétons d'autant plus pour les subventions de l'Etat. Nous rêvions qu'elles demeurent stables, or elles diminuent tous les ans, le gel ayant touché 180 millions d'euros cette année. Cela efface complètement la croissance des péages. Si l'on ne peut pas compter sur cette contribution supplémentaire, jamais nous n'atteindrons l'équilibre du coût complet et c'est tout l'ensemble qui est menacé. Nous avons, et c'est normal, des débats avec la SNCF ; le régulateur refera nos comptes respectifs et se formera une opinion sur le bon équilibre. Traitons ce débat rationnellement et avec professionnalisme. Sous-tarifer une ligne utilisée par une compagnie européenne ne sert pas l'intérêt national : il faut que le train paie le péage autant qu'il le peut. Les hausses de péage ont pu peser sur les résultats de la SNCF, mais la reprise est là et la qualité du produit TGV est telle qu'on peut avoir confiance en son avenir et escompter une croissance.

La dérive dépasse déjà 300 millions d'euros par rapport au contrat de performance. L'évolution des recettes ne suffira pas si les coûts augmentent de 3 % l'an : la rénovation est la meilleure des réponses. Nous travaillons aussi avec SNCF Infrastructures sur la maintenance en nous inspirant des exemples étrangers, allemands et néerlandais par exemple. Il convient, sauf à se faire du souci pour la dette et pour le réseau, de poser la question de notre capacité à porter la dette en tendant vers l'équilibre.

J'ai évoqué l'impact de la réduction de Fret SNCF. S'agissant toujours du fret, nous participons à l'engagement national pour le fret ferroviaire avec la mise en oeuvre d'autoroutes ferroviaires et réservons aux trains de marchandises des sillons de qualité. Nous signons avec les transporteurs des accords de qualité qui prévoient des pénalités si nous ne tenons pas nos engagements - c'est la meilleure contribution que nous puissions apporter à cette activité. Nous croyons, malgré les débats, aux actions en faveur des transports de proximité. Les expériences réussiront-elles ? Nous serions coupables de ne rien faire pour les activités de proximité. Nous n'arrêtons pas les petites lignes et cherchons à les entretenir. Nous pouvons en confier l'entretien à qui le veut et, comme le sait bien M. Patriat, nous venons de le faire dans le Morvan, avec des entreprises locales. Nous baissons les prix et adaptons les lignes : si un transporteur local veut s'organiser pour cela, tentons l'expérience ! Enfin, nous poursuivons l'effort pour l'accès aux ports.

Un mot sur les grands projets. Les projets réalisés en mode classique que sont la LGV Est-2eme phase sur Strasbourg et Rhin-Rhône entre Dijon et Mulhouse se déroulent comme prévu. Nos marchés sont signés dans de bonnes conditions pour nous. Nous avons trois projets de LGV en partenariat public-privé, comme Sud-Europe-Atlantique (Bordeaux-Tours) avec Vinci ; Le Mans-Rennes et le contournement de Nîmes-Montpellier sont en cours de négociation. Les dix-sept projets du Grenelle, soit 70 milliards d'euros, sont à l'étude ou en préparation du débat public. Comme le calendrier de tout cela dépasse notre compétence, je me bornerai à dire que nous nous efforçons d'avoir un comportement responsable dans la concertation et travaillons avec les élus pour concevoir une bonne insertion de ces projets dans les territoires.

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