Au cours d'une première séance, la commission procède, conjointement avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à l'audition de M. Hubert du Mesnil, président directeur général de Réseau Ferré de France.
Au nom de Jean Arthuis et en votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à M. Hubert du Mesnil.
Nous avons à coeur de vous accueillir chaque année car, avec ses 29 000 kilomètres de réseau et ses investissements, la situation de RFF intéresse l'ensemble des élus, surtout après la dernière loi de régulation des activités ferroviaires. Un ancien député, Pierre Cardo, vient d'ailleurs de prendre la tête de l'autorité qui est chargée de cette régulation.
Je m'associe à ces paroles de bienvenue. Nous sommes heureux de vous entendre, monsieur du Mesnil, à un moment où votre établissement public se trouve à la croisée des chemins avec la loi du 8 décembre 2009, votre engagement sur une démarche de performance et l'ouverture du trafic international à la concurrence depuis décembre 2009. Vous avez eu des résultats intéressants en 2009 mais, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, vous avez évoqué une dérive structurelle du système en raison d'une baisse des recettes, d'une lourde dette et d'une augmentation des coûts d'entretien du réseau. Or chacun se rappelle les conditions de la mise en place de RFF. C'est dire notre intérêt, d'autant plus que le Gouvernement va devoir procéder à un ajustement des crédits, notamment des crédits d'intervention. Comment moderniser le réseau quand les ressources se compriment ? Nous avons parmi nous une administratrice de l'établissement, en la personne de Fabienne Keller.
Je vous remercie de votre accueil et je suis sensible à l'intérêt que vous manifestez pour RFF. Le sujet intéresse tous les transporteurs et tous les voyageurs, il intéresse la nation.
La dernière loi a fait franchir un grand pas dans l'organisation du réseau ferroviaire ; elle a marqué l'ouverture internationale et créé un régulateur qui prendra une part significative dans l'organisation du système. On parle souvent d'un gendarme, mais le Parlement lui a confié un rôle économique - c'est toute la question des péages. Nous lui fournirons tous les éléments nécessaires à cet effet.
Dans le contrat de performance, l'Etat nous a donné une feuille de route et nous avons fixé un cadrage économique, avec un plan d'affaires, qui est un instrument de mesure. Les résultats sont-ils en ligne ? Il n'y a pas suffisamment de trains sur les rails. Afin de développer l'activité et augmenter le nombre de trains, il faut offrir aux trains de bons sillons. Voilà notre mission principale. Elle a un caractère commercial. Pour cela, il faut comprendre ce que les entreprises ferroviaires et les régions attendent de nous. Nous organisons ainsi le cadencement. Nous devons accueillir de nouvelles entreprises européennes et adapter le réseau à la concurrence dans le respect de la sécurité. La concurrence progresse pour les marchandises (+ 15 %), les nouvelles entreprises dépassent 15 % de part de marché, mais c'est aussi parce que Fret SNCF réduit son activité.
RFF s'engage aussi pour le trafic des voyageurs et nous discutons avec Trenitalia comme avec la Deutsche Bahn. Les choses évoluent progressivement. Certains avaient cru que des TGV étrangers circuleraient dès 2010. Ce n'est pas le cas ; pourtant, la complexité n'est pas entretenue à dessein - le régulateur y veillera. Il faut avoir des trains, des conducteurs... Quand la concurrence entrera-t-elle dans les faits ? Les Italiens n'ont pas utilisé leurs sillons cette année. Nous répondrons aux demandes en veillant à la coexistence des entreprises et des activités. C'est aussi pour cela que nous avançons sur le cadencement avec résolution.
Le plan de rénovation représente 13 milliards d'euros d'ici 2015. Nous avons doublé les chantiers, ce qui gêne d'ailleurs la circulation des trains régionaux, nous en avons conscience. Le plan est tenu, le doublement du rythme de la rénovation est une réalité. Nous essayons de réduire les coûts, ce qui nous conduit à arrêter la circulation quand c'est acceptable pour les voyageurs car cela permet une baisse des coûts de plus de 20 %. On ne peut pas faire plus, même si le plan de relance nous a donné un petit coup de pouce, car toute notre capacité technique et financière est mobilisée. Restera la question des lignes qui ne font pas partie du plan de rénovation ; il conviendra d'y réfléchir au cas par cas.
L'équilibre économique devait être atteint à terme selon la formule du coût complet, les recettes couvrant l'entretien et le renouvellement des voies. Nous y reviendrons.
Le développement durable a donné lieu à de nombreuses initiatives. La matière est essentielle mais compliquée et le Grenelle de l'environnement a fixé des orientations ambitieuses. Nous sommes mobilisés sur ces dossiers, car ce serait une erreur de négliger les nuisances au prétexte que le train est par lui-même un moyen de transport écologique. Il faut aussi s'occuper des traverses et du bruit !
RFF a une dette de 28 milliards d'euros. Il nous faut absolument démontrer qu'à moyen terme, nous dégagerons suffisamment de résultats pour la résorber. Si la trajectoire n'y tend pas, si la convergence apparaît illusoire, les pires menaces sont devant nous. Nous avons traversé la crise financière sans trop de difficulté. Adossés à l'Etat, nous avons conservé notre notation AAA. Les banquiers n'en regardent pas moins où nous allons et ils ne répondraient plus présents en cas de divergence, c'est un vrai risque. Or la vertu du contrat de performance est en train d'être minée. Les recettes prévues additionnaient les péages, qui devaient augmenter, et des subventions, qui devaient rester stables. Nous attendions une augmentation des recettes. Or la baisse du trafic de marchandises est plus importante que prévu, et l'on n'a pas constaté de reprise pour ce secteur, qui a encore baissé de 7 % au premier semestre, tandis que les péages du fret sont très faibles (200 millions d'euros sur 4 milliards d'euros).
Côté voyageurs, la croissance était portée par les régions, car, pour les trains nationaux, l'augmentation des TGV est compensée par des suppressions d'autres trains. Conserverons-nous 3 % de croissance l'an dans le transport régional ? Pour les barèmes, la hausse repose sur les TGV, les autres étant simplement réévalués de l'inflation. La croissance de la recette attendue pour les TGV était de 200 millions d'euros, soit 6 % à 9 % l'an. Chaque année, le barème augmente de l'inflation, plus 60 millions d'euros, au titre de la rénovation du réseau et pour tenir compte de la convention de gestion de la SNCF. Une centaine de millions pour l'année 2011 traduit l'effet retraites à la SNCF. Le TGV aide donc à la rénovation du réseau et porte la hausse des coûts d'entretien. Pourra-t-on longtemps continuer comme cela ? Si ce n'était plus le cas, il faudrait que le coût du réseau n'augmente plus, et pour cela, qu'on réorganise l'entretien, ce qui suppose un grand changement. Ne pas aller au bout de l'effort de rénovation serait la pire des choses car si, par exemple, nous ne rénovons qu'un tronçon de la ligne des Alpes, nous ne tirerons pas les profits de la rénovation.
Nous nous inquiétons d'autant plus pour les subventions de l'Etat. Nous rêvions qu'elles demeurent stables, or elles diminuent tous les ans, le gel ayant touché 180 millions d'euros cette année. Cela efface complètement la croissance des péages. Si l'on ne peut pas compter sur cette contribution supplémentaire, jamais nous n'atteindrons l'équilibre du coût complet et c'est tout l'ensemble qui est menacé. Nous avons, et c'est normal, des débats avec la SNCF ; le régulateur refera nos comptes respectifs et se formera une opinion sur le bon équilibre. Traitons ce débat rationnellement et avec professionnalisme. Sous-tarifer une ligne utilisée par une compagnie européenne ne sert pas l'intérêt national : il faut que le train paie le péage autant qu'il le peut. Les hausses de péage ont pu peser sur les résultats de la SNCF, mais la reprise est là et la qualité du produit TGV est telle qu'on peut avoir confiance en son avenir et escompter une croissance.
La dérive dépasse déjà 300 millions d'euros par rapport au contrat de performance. L'évolution des recettes ne suffira pas si les coûts augmentent de 3 % l'an : la rénovation est la meilleure des réponses. Nous travaillons aussi avec SNCF Infrastructures sur la maintenance en nous inspirant des exemples étrangers, allemands et néerlandais par exemple. Il convient, sauf à se faire du souci pour la dette et pour le réseau, de poser la question de notre capacité à porter la dette en tendant vers l'équilibre.
J'ai évoqué l'impact de la réduction de Fret SNCF. S'agissant toujours du fret, nous participons à l'engagement national pour le fret ferroviaire avec la mise en oeuvre d'autoroutes ferroviaires et réservons aux trains de marchandises des sillons de qualité. Nous signons avec les transporteurs des accords de qualité qui prévoient des pénalités si nous ne tenons pas nos engagements - c'est la meilleure contribution que nous puissions apporter à cette activité. Nous croyons, malgré les débats, aux actions en faveur des transports de proximité. Les expériences réussiront-elles ? Nous serions coupables de ne rien faire pour les activités de proximité. Nous n'arrêtons pas les petites lignes et cherchons à les entretenir. Nous pouvons en confier l'entretien à qui le veut et, comme le sait bien M. Patriat, nous venons de le faire dans le Morvan, avec des entreprises locales. Nous baissons les prix et adaptons les lignes : si un transporteur local veut s'organiser pour cela, tentons l'expérience ! Enfin, nous poursuivons l'effort pour l'accès aux ports.
Un mot sur les grands projets. Les projets réalisés en mode classique que sont la LGV Est-2eme phase sur Strasbourg et Rhin-Rhône entre Dijon et Mulhouse se déroulent comme prévu. Nos marchés sont signés dans de bonnes conditions pour nous. Nous avons trois projets de LGV en partenariat public-privé, comme Sud-Europe-Atlantique (Bordeaux-Tours) avec Vinci ; Le Mans-Rennes et le contournement de Nîmes-Montpellier sont en cours de négociation. Les dix-sept projets du Grenelle, soit 70 milliards d'euros, sont à l'étude ou en préparation du débat public. Comme le calendrier de tout cela dépasse notre compétence, je me bornerai à dire que nous nous efforçons d'avoir un comportement responsable dans la concertation et travaillons avec les élus pour concevoir une bonne insertion de ces projets dans les territoires.
Je vous remercie de cet exposé très clair. Nous mesurons le dynamisme de votre équipe : RFF n'est plus une structure de défaisance de la dette de la SNCF. Nous avons compris votre projet, vos ambitions, mais aussi vos contraintes. Comment l'ouverture à la concurrence se passe-t-elle, quel est le potentiel de concurrence et n'y a-t-il pas un risque de saturation des sillons ?
Quelles sont les perspectives de remboursement de la dette et ne s'agit-il pas, suivant l'expression de Jean-Pierre Fourcade, d'une « dette perpétuelle » ? Qu'adviendra-t-il en cas de pression sur les taux ? D'ailleurs, quels taux obtenez-vous sur les 28 milliards d'euros et comment ferez-vous en cas de baisse de 10 % des crédits d'intervention qui atteignent 2,3 milliards d'euros?
Une entreprise qui nous demande un sillon doit respecter des règles techniques de sécurité (ce qui relève surtout de l'établissement public de sécurité ferroviaire). Les trains ont en effet été dimensionnés en fonction des réseaux de chaque pays, de sorte que les Italiens peuvent prétendre que nous leur compliquons volontairement les choses et que les Français peuvent dire la même chose en Italie.
S'agissant des sillons, le « document de référence » est un mode d'emploi du réseau ferroviaire disponible sur Internet. Il définit en particulier le calendrier d'inscription. Les demandes pour 2011 devaient être formulées en avril ; nous les traitons avant septembre et répondons à 80 % des demandes, l'année nouvelle commençant dès décembre. Resteront les sillons de dernière minute pour le fret. L'Italie et l'Allemagne déposent des demandes, nous rentrons en discussion : combien de trains, à quelle vitesse ? Le processus de concertation est continu. Les sillons non utilisés doivent être annulés assez tôt pour ne pas être facturés. Un Milan-Paris est possible à condition que les voyageurs pris en charge dans une gare française intermédiaire ne représentent qu'une fraction minoritaire des passagers.
Des décomptes doivent être opérés.
Ce n'est possible que sur des liaisons au trafic très important. A vrai dire, Milan-Chambéry, d'une part, et Chambéry-Paris, d'autre part, apparaissent plus intéressants qu'un Milan-Paris, qui peut se faire par avion. En revanche, la contrainte sera moindre pour la Deutsche Bahn quand elle ira jusqu'à Londres via Lille.
D'une part, l'on ne peut pas toujours répondre à la demande, d'autre part l'antériorité n'établit aucun droit : nous devons redistribuer les sillons chaque année entre toutes les demandes. Nous avons néanmoins des discussions avec la SNCF pour lui réserver des sillons sur plusieurs années, mais cela n'est possible que pour une partie de la capacité et, le moment venu, RFF est obligé d'ouvrir.
Pour un contrat de cinq ans, nous pensons pouvoir viser environ 70 %. Le régulateur examinera nos propositions dans le cadre européen.
Concernant la dette, le taux moyen d'intérêt des 28 milliards est de 4,5 %. Nous avons bénéficié de la baisse des taux : la crise nous a été, à cet égard, favorable puisque l'économie a atteint 300 millions d'euros. Mais notre capacité à rembourser cette dette se dégrade actuellement et une partie de cette dette finira par être perpétuelle. Il y a deux ans, nous avions dans l'idée que RFF pourrait commencer à se désendetter en 2020 mais cette perspective a disparu avec l'augmentation des coûts et la baisse des recettes. La dette va donc continuer d'augmenter.
La subvention de l'Etat ne peut-elle apparaître comme le moyen de la rembourser, ce qui en ferait une dette « maastrichtienne » ?
La subvention de désendettement a été transformée en complément des péages, en contrepartie d'une augmentation de ceux-ci. Si ce n'est plus possible, notre adossement à l'Etat apparaîtra comme notre seul soutien et l'on ne pourra pas entretenir la fiction du désendettement.
Alain Fouché et moi-même sommes administrateurs de RFF et je précise qu'il s'agit d'une petite entreprise, environ deux cents fois plus petite que la SNCF en nombre de salariés. Les deux entreprises sont, du reste, liées par une convention de gestion : RFF est censé gérer les sillons mais il confie cette tâche à des salariés qui sont restés agents de la SNCF et elle supporte ainsi 160 millions d'euros de surcharge financière liée aux statuts des salariés. Le péché originel est là ! Et l'on a pu croire que RFF était une structure de défaisance. Mais l'établissement a des compétences propres : construction de lignes, rénovation, gestion de la dette... Laquelle, soit dit en passant, représente seulement une année de dette de la sécurité sociale !
« Il n'y a pas suffisamment de trains sur les rails », dit M. du Mesnil. Effectivement, les régions ont consenti des investissements considérables, qu'il faut rentabiliser. Des trains en plus grand nombre, c'est moins de pollution et moins de dépenses sur les infrastructures routières. Nous devons nous interroger sur les deux questions de la concurrence et des coûts d'exploitation de la SNCF, dans ce qui est un domaine d'excellence de la France.
Je veux souligner également que le bon entretien du réseau produit un cercle vertueux car le trafic cadencé qu'autorise un réseau en bon état engendre des recettes supplémentaires, alors que, quand l'infrastructure vieillit trop, la structure n'est plus rentable et coûte cher.
Il aurait fallu plus de temps pour un sujet de cette importance. M. du Mesnil nous a parlé de la rénovation du réseau. Le rapport de l'Ecole polytechnique de Lausanne, en septembre 2005, a souligné le mauvais état du réseau et recommandé de compléter le réseau à grande vitesse en le maillant avec le réseau classique afin d'assurer une bonne irrigation des territoires. Je dresserai un bilan un peu différent de celui exposé par le président de RFF. L'extension du réseau à grande vitesse passe de plus en plus souvent par des partenariats public-privé ; et les régions sont obligées d'intervenir pour enrayer le vieillissement du réseau classique, voyez le cas de l'Auvergne et de Midi-Pyrénées.
La dette de 28 milliards d'euros pénalise considérablement RFF. La seule solution pour répondre à ce défi est de vendre les biens immobiliers qui ne sont pas nécessaires à l'exploitation, de développer le fret ferroviaire et d'augmenter les péages, qui ne sont pas parmi les plus élevés d'Europe. Le Grenelle de l'environnement impose, dans le total du trafic de marchandises, une part modale du non-routier et du non-aérien de 25 % (essentiellement le fluvial et le ferroviaire) : il est donc temps de redonner à RFF des marges de manoeuvre et de demander à l'Etat un plan de réorganisation de la dette. Les parlementaires ne pourront pas faire longtemps l'autruche, ils devront aider l'Etat à prendre des décisions. Il n'y a pas de solution sans résorption de l'endettement de RFF.
Les régions participent à l'achat des trains, à l'entretien du réseau, au cadencement du trafic, à la construction de nouvelles lignes à grande vitesse : tout cela finit par engloutir plus d'un quart de leurs budgets ! Les financements inscrits dans les conventions avec la SNCF ont augmenté de 55 % en quatre ans. M. Pépy me dit que ce sont les péages qui alourdissent le coût des conventions. Cela devient intenable ! L'offre de trains se réduit ; la ligne Besançon-Dijon-Cherbourg par Caen s'arrêtera à la fin de l'année faute d'équilibre financier. Les régions ont participé au plan de relance de l'Etat pour la régénération du réseau. Pourront-elles continuer ? Leur situation financière leur imposera inévitablement de réduire la voilure.
N'allez pas entretenir l'illusion que des lignes à grande vitesse pourront être construites sur tous les territoires : Rhin-Rhône avec une branche sud et ouest, Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, Lyon-Marseille-Barcelone-Italie, ligne Sud longeant l'A39 entre Dijon et Lyon, qui ferait gagner trois minutes pour un coût de 4 milliards d'euros... Non, tout ne sera pas possible !
Les LGV sont des investissements de long terme. Il faut respecter le Grenelle de l'environnement. La fongibilité des investissements est inscrite pour les projets prévus après 2025. Mais ne serait-il pas possible d'élaborer un business plan, au moins pour les vingt ans à venir, regroupant les différents projets prévus ?
Les banques font confiance à RFF. Elles ont été aidées par l'Etat il y a quelques mois. A leur tour, elles pourraient apporter leur contribution en finançant plus largement les partenariats public-privé. La Caisse des dépôts pourrait y participer.
Les entreprises françaises et les entreprises étrangères acquittent-elles les mêmes péages ? Si oui, la concurrence paraît respectée, mais en réalité elle ne l'est pas puisque seules les françaises financent la rénovation des sillons par la puissance publique. Nous avons en fait de la concurrence déloyale.
Le contournement de Nîmes-Montpellier par une ligne à grande vitesse est une avancée, après la réalisation du Perpignan-Figueras transfrontalier. Mais il y a un chaînon manquant : Montpellier-Perpignan ! La mission Querrien, en 1990, prévoyait sa réalisation sous dix ans ; on nous l'annonce aujourd'hui dans les dix ans à venir. L'attente aura duré trente ans ! Chacun sait pourtant le goulot d'étranglement qui existe sur le plus grand axe européen de LGV, de l'Europe du Nord jusqu'à Séville. Le tronçon Montpellier-Perpignan sera-t-il construit dans dix ans ou attendrons-nous encore trente ans ? Et que devient le Narbonne-Toulouse, pour désenclaver Toulouse ?
La région Midi-Pyrénées a dépensé 500 millions d'euros pour la rénovation des voies et l'on nous a annoncé ensuite la suppression de 3 000 à 4 000 kilomètres de lignes ! Il ne faut pas appliquer aux territoires ruraux une vision trop sectaire, dit pourtant le Président de la République. Vous faites disparaître, dans votre schéma national, presque toutes les lignes de fret et le trafic des TER ! Qu'en est-il de la traversée du Massif central vue du côté de RFF ?
J'évoquerai le lien entre les contrats de projet et le schéma national des infrastructures de transport, en prenant l'exemple de la ligne de l'extrême Ouest breton. Le contrat de projet comprenait une ambition précise : mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris. Quelques travaux ont été programmés, qui feront descendre la durée du trajet à trois heures quarante. Mais ensuite ? Le schéma national a modifié sans délibération la priorité, qui devient le barreau vertical Rennes-Nantes. Comment peut-on piétiner ainsi les contrats de projets ?
Vous avez choisi Vinci pour construire la ligne à grande vitesse du Sud-Est Atlantique. Mais quel est le poids de la rémunération des actionnaires privés sur le coût du projet ? N'aurait-il pas été moins onéreux de recourir à un emprunt bancaire pour un tel investissement, pour lequel les collectivités territoriales seront sollicitées ?
La Deutsche Bahn, en Allemagne, reprend les wagons isolés. La même chose est-elle envisageable en France ? Pourquoi nous renvoie-t-on aux opérateurs privés, alors que Proxirail est tombé à l'eau ?
La situation de RFF empire d'année en année. Et songez au risque si les taux augmentent... Il y a un vrai problème et si effectivement la dette est de 28 milliards d'euros, RFF doit tout faire pour augmenter ses recettes. On vous sent évoluer dans une concurrence obligée, dans laquelle vous privilégiez l'opérateur historique au détriment des recettes. Il conviendrait d'adopter une attitude plus moderne et de considérer la concurrence comme un atout.
La suppression des trains est une réalité dans la région Midi-Pyrénées et en Haute-Garonne. Quand on habite Bagnères-de-Luchon, par exemple, il vaut mieux partir à pied que d'attendre sur le quai un train pour Saint-Gaudens... Le département et la région ont consenti un effort de respectivement 320 et 450 millions d'euros, mais ils n'ont pas encore la certitude que les choses sérieuses vont commencer pour Bordeaux-Toulouse. On brandit le spectre maastrichtien lorsqu'il s'agit de la dette de RFF mais on ne s'émeut de rien lorsque les collectivités sont sollicitées en dehors de toutes leurs compétences. Mais la convention a été signée ce matin pour le Bordeaux-Toulouse : il semble que l'on soit, si je puis me permettre, sur la bonne voie !
Quel est l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur votre entreprise ? L'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) a été créée pour éviter les effets d'aubaine. Maintenant que vous êtes déficitaire presque structurellement, n'y a-t-il pas là une marge de négociation pour trouver un peu d'oxygène ?
Quel est le coût moyen au kilomètre d'une construction de ligne à grande vitesse, d'une rénovation de l'existant et d'une électrification ?
A l'Etat de prendre les décisions qui relèvent de sa compétence : choix des programmes de lignes à grande vitesse, choix des modes de financement, promotion des objectifs du Grenelle de l'environnement... Nous exécutons les étapes décidées par le Gouvernement. Je suis donc incapable de vous dire quand et comment seront financés les 70 milliards d'euros d'investissement. Notre métier est de discuter avec les riverains, de rénover les voies, de réaliser les programmes décidés, de faire fonctionner le réseau.
Partenariat public-privé ou non, la question est ouverte. Nous aurons bientôt des retours d'expérience, puisque sur cinq projets mis en oeuvre actuellement, trois le sont dans le cadre d'un partenariat public-privé, deux dans un cadre classique. Sans les PPP, nous ne pourrions mener les cinq de front. Quant au bilan du coût, nous en saurons plus dans quelque temps. Il est certain que la rémunération du capital est plus lourde. Et il me semble illusoire de penser que les PPP constituent une solution pour les 70 milliards d'euros d'investissements. Les banques apportent l'argent, même si, durant la crise économique, elles voulaient la garantie de l'Etat ; mais on est impressionné par les capacités industrielles déployées lorsque les contrats sont regroupés.
RFF a remis en service des petites lignes ces dernières années. Et ce sont souvent les riverains qu'il faut convaincre car ils sont dérangés par le trafic, notamment le fret... Qu'on ne nous fasse pas le procès de la fermeture des lignes, nous avons rouvert de petites lignes, comme Flamboin-Montereau, et, si notre rôle est parfois de nous interroger sur l'utilité de voies sur lesquelles ne circule presque aucun train, nous n'avons pas à décider seul, surtout quand la région a fait beaucoup pour rénover et moderniser les lignes. Il faut voir les choses au cas par cas, mais sachez que ce n'est jamais un plaisir que de fermer une ligne.
RFF n'est ni pour ni contre la concurrence. Est-ce que Trenitalia et Deutsche Bahn nous trouvent bienveillants à l'égard de l'opérateur historique ? Est-ce que la SNCF nous juge trop bienveillants à l'égard de ses concurrents étrangers ? Il faut adapter notre fonctionnement à la concurrence mais sans précipitation, raisonnablement. Nous sommes déjà à 16 % de part de marché pour les étrangers. Jusqu'à présent notre attitude a été jugée irréprochable et, si nous étions condamnés pour distorsion de concurrence, je considérerais que nous aurions commis une faute grave.
C'est l'Etat qui a élaboré le projet de schéma national des infrastructures de transport. Nous serons consultés, vous le serez aussi, à chacun de formuler ses avis sur des améliorations souhaitables ou des ajustements au nom de la cohérence. Nous n'oublions pas l'objectif de Brest-Paris en trois heures et voulons y travailler. Il faudra mettre sur ce point le schéma en cohérence avec les contrats. Quant à la traversée centrale, c'est à l'Etat de dire comment et quand il mettra en oeuvre ce projet qui tient à coeur aux Espagnols.
Je préside l'association européenne des gestionnaires d'infrastructures, tous les pays connaissent les mêmes problématiques. Mais nous le savons, il ne faut pas s'attendre à ce que l'Europe apporte des financements.
Pour répondre à la question du président Emorine, la construction d'une nouvelle ligne coûte 15 à 25 millions d'euros au kilomètre ; la rénovation, 1 million ; l'électrification, quelques millions.
Il est évident que l'avenir d'une partie du réseau dépend de notre capacité à gérer les wagons isolés ou du moins les petits trains. Je sais que la SNCF déclare qu'elle n'est plus en mesure de le faire. Et je ne suis pas certain que d'autres puissent le faire à sa place. Mais nous résigner et fermer serait une décision gravissime pour les entreprises industrielles. Nous devons tout essayer. Ce n'est pas la Deutsche Bahn qui va nous proposer de gérer ce fret ; si des entreprises locales, avec des moyens sobres, souhaitent essayer, il faut les suivre et les encourager et faire en sorte que les péages ne soient pas dissuasifs.
L'imposition forfaitaire est un poste en forte augmentation dans le budget de RFF. Les subventions ont été réorganisées l'an dernier, et la valeur ajoutée ayant augmenté, l'assiette de l'IFER s'est élargie, indépendamment de la réforme de la taxe professionnelle. En effet, les subventions de désendettement, d'exploitation et de renouvellement ont été fondues en une seule, qui figure dans le compte de résultats.
La plafonnement de 3,5 % s'applique à une valeur ajoutée beaucoup plus large. Avez-vous une idée de l'évolution de l'IFER ? Et « quid » de la subvention ?
Nous n'avons guère d'indications sur le montant que nous devrons acquitter l'an prochain. Il est question d'une baisse de 10 % de la subvention.
Si la dette de RFF était gérée par France Trésor, cela ne coûterait-il pas moins cher ?
En effet. La différence est de 15 points de base.