Mais, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, cette question est venue compléter les sujets soumis à la réflexion des partenaires sociaux. Un document d’orientation leur a été adressé au mois de décembre dernier, afin qu’ils déterminent ensemble, par la négociation collective, l’organisation du temps de travail la mieux adaptée au développement de l’entreprise comme à la satisfaction des attentes des salariés.
Sur cette question, les partenaires sociaux n’ont pu parvenir à un accord ayant une réelle portée : ils n’ont prévu qu’un dispositif expérimental, limité, et ne permettant pas de donner plus de souplesse au dispositif actuel.
Il est impératif, je pense, de tenir les engagements qui ont été pris devant les Français pendant la campagne présidentielle. Or la réforme des 35 heures figurait parmi ces engagements comme une priorité. Cela a toujours été clair, alors pourquoi s’en étonner aujourd’hui ?
Le Gouvernement a décidé d’avancer. Je rappelle que d’autres chantiers importants sont engagés sur le même principe du dialogue social, par exemple en matière d’assurance chômage, de prise en compte de la pénibilité de l’emploi, de formation professionnelle.
La place des syndicats en France est assez paradoxale. Le syndicalisme est présent au sein des entreprises et la quasi-totalité des salariés sont couverts par des conventions collectives. Pourtant, le taux de syndicalisation est très faible : avec 5 % seulement, la France se situe au dernier rang des pays d’Europe.
Cette situation n’est pas saine. Le manque d’adhérents remet en cause la légitimité même des accords signés par les syndicats. De plus, certains syndicats n’ont pas à prouver leur représentativité, car ils bénéficient d’une présomption irréfragable depuis 1966.
Il est temps de moderniser la représentativité syndicale pour la fonder sur un ensemble de critères objectifs et la rendre plus crédible aux yeux des Français. Le projet de loi privilégie le critère de l’audience, car, en démocratie, la légitimité s’acquiert par le vote. En reprenant les termes de la position commune, il place les organisations syndicales devant le défi de leur propre dimension démocratique. Une refonte du paysage syndical est prévisible.
Le texte place l’entreprise au cœur des négociations. Il s’agit d’une avancée majeure dans la perspective du renforcement de la participation effective des salariés au devenir de leur entreprise.
Je pense qu’il serait souhaitable que le dialogue social dans les très petites entreprises puisse également évoluer. Ce point a été évoqué par les députés, ainsi que par la commission des affaires sociales du Sénat, et je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.
Je voudrais également parler du financement des organisations syndicales, car le droit n’a pas évolué depuis la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884, qui, en créant les syndicats professionnels, n’a pas prévu d’obligation de publication de leurs comptes.
Le projet de loi, en posant que l’un des critères de la représentativité sera désormais la transparence financière et en prévoyant une procédure de certification et de publication des comptes, franchit une étape essentielle.
J’en viens à la question du temps de travail.
Vouloir imposer un modèle unique de durée du travail me semble contreproductif. Depuis le passage aux 35 heures, nos entreprises ont perdu toute marge de manœuvre. Dans de très nombreux secteurs d’activité, les entreprises se plaignent de difficultés grandissantes pour recruter la main-d’œuvre qualifiée dont elles ont besoin, et même la main-d’œuvre tout court. Nous ne disposons pas de la flexibilité nécessaire aujourd’hui pour faire face à la concurrence à l’échelon mondial.
L’assouplissement du dispositif des 35 heures constitue une priorité afin de permettre aux entreprises de recourir aux heures supplémentaires, sans lesquelles elles seront incapables de répondre à la demande et devront abandonner des parts de marché.
À cet égard, les Français sont lucides : dans leur grande majorité, ils considèrent que les 35 heures représentent un frein à la compétitivité des entreprises.