Permettez-moi, Madame la Présidente, de répondre à votre question en prenant des détours, qui, vous le verrez, ne seront pas des fuites.
En tant que représentante du parti radical de gauche, je dois convenir que ce parti, dans son histoire, ne s'est jamais manifesté par un excès de féminisme. C'est même lui qui, entre les deux guerres, s'est opposé au droit de vote des femmes, lors des débats au sénat sur le vote des femmes de 1935, puis pour le droit des votes des femmes pour l'Assemblée consultative d'Alger en 1944.
Il serait pourtant caricatural de déduire de ces positions l'hostilité unanime du parti radical à la cause des femmes puisque - ceci me semble important - la seule féministe appartenant au gouvernement de Léon Blum était une radicale, Cécile Brunschwig, secrétaire d'État à l'éducation nationale. Entourée des deux autres femmes, nommées secrétaires d'État en 1936, Suzanne Lacore et Irène Joliot-Curie, elle était alors la seule à être résolument engagée dans le mouvement féministe et pour le droit de vote des femmes. Elle a été aidée dans ce combat par Ferdinand Buisson, cofondateur de la ligue des droits de l'Homme et président de la Ligue de l'enseignement, et lui aussi ardent partisan du suffrage féminin.
Investie dans la lutte pour l'égalité des femmes et des hommes depuis de nombreuses années, j'ai poursuivi cet engagement au sein de ce parti, à travers son évolution en « mouvement des radicaux de gauche », puis en « parti des radicaux de gauche », notamment en faisant adopter lors du congrès de janvier 1997 et avec l'appui de son Président, Jean-Michel Baylet, l'inscription dans les statuts du principe de parité, à une époque où peu de partis politiques s'intéressaient au sujet.
Pour ce qui concerne la réforme des collectivités territoriales, la position du Parti radical de gauche est unanime et fondamentalement hostile au dispositif proposé, sous-tendu par des idées contraires aux valeurs démocratiques que nous défendons.
Nous n'adhérons pas au discours de dénonciation du prétendu « millefeuille » territorial, qui serait spécifique à l'organisation territoriale française, alors qu'on retrouve ces différentes strates sous d'autres noms dans la plupart des pays européens, tout en reconnaissant que le nombre important de communes place la France dans une position particulière par rapport à ses voisins. Par ailleurs, il nous semble pour le moins incohérent, au moment où l'on parle de limiter le cumul des mandats, d'instituer un représentant élu cumulant de façon systématique et obligatoire deux mandats fusionnés en un seul. Nous sommes donc hostiles à la création des conseillers territoriaux.
A titre personnel, forte de mon expérience de conseillère générale pendant 5 ans, et de conseillère régionale durant 12 ans, je m'interroge avec inquiétude sur la macrocéphalie qu'entrainerait le triplement du nombre des conseillers régionaux, à l'instar de ceux de la Région Aquitaine, qui devraient passer de 85 à 211, ou de ceux de la Région Midi-Pyrénées, dont le nombre augmenterait de 91 à 255. Ceci va automatiquement affaiblir le poids individuel de chacun des élus, et, corrélativement, renforcer la place de l'exécutif. Mon parti a déjà exprimé son inquiétude à ce sujet à l'Assemblée Nationale et au Sénat.
Pour revenir à la question spécifique de la place des femmes dans les Assemblées élues, il me semble intéressant de souligner que la situation des femmes du Parti radical de gauche reflète exactement les disparités relevées par l'Observatoire de la parité entre les conseils généraux et régionaux : le Parti radical compte une centaine de conseillers généraux, dont 13 seulement sont des femmes, alors que, pour les conseillers régionaux : on compte 31 femmes parmi les 57 conseillers régionaux de notre parti.
Sans revenir en détail sur des éléments chiffrés rappelés dans le rapport de l'Observatoire de la parité, que la délégation connaît bien, je voudrais souligner que la proportion de femmes conseillères municipales, évaluée à 30 % par l'Observatoire de la parité et dont une majorité est élue dans des villes de moins de 3 500 habitants, confirme que les femmes accèdent aux responsabilités électorales lorsque des dispositions obligatoires en faveur de la parité s'appliquent. Elles sont 50% quand la loi s'applique, 30% quand elle ne s'applique pas. Il est de même pour les postes d'adjoint : quand la parité s'impose, elles sont 50%, 30% quand elle ne s'applique pas !!!
Le nombre de femmes élues pour exercer des fonctions exécutives dans les municipalités est encore plus problématique. J'en veux pour preuve la stagnation du nombre de femmes élues maires dans mon département : elles étaient 17 femmes maires sur 550 communes lors de mon accession au conseil général en 1988, leur nombre est à peu près le même aujourd'hui ; nous stagnons depuis des années entre 12 et 15% de femmes maires en France.
Les progrès de la parité sont extrêmement lents avec le scrutin majoritaire : représentant 5 % des conseillers généraux il y a 20 ans, les femmes sont aujourd'hui 12,3 % à être élues au sein des assemblées départementales. Avec 7 % de femmes élues comme responsable d'intercommunalité.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que le Parti radical de gauche est profondément hostile à la réforme, car en plus des raisons de fond dont j'ai donné quelques exemples, nous estimons qu'elle entraînera un recul massif de la place des femmes dans les futures assemblées élues.
A cet égard, les projections réalisées par l'Observatoire de la parité parlent d'elles-mêmes : de 27 % de femmes actuellement élues dans les conseils régionaux et généraux, on observerait un recul à 17 % en prenant pour hypothèse le scrutin mixte initialement proposé (80%-20%°). La situation ne peut qu'être aggravée si on considère le mode de scrutin uninominal adopté à l'Assemblée nationale, qui aboutirait à faire tomber à 12,5 % le nombre d'élues dans les futurs conseils territoriaux.