De plus, les dispositions de la seconde partie de votre texte lui promettent des négociations difficiles, pour lesquelles il aura bien besoin de tout son temps. S’il doit cumuler la participation à ces discussions avec ses fonctions d’élu, il ne sera plus guère disponible pour le travail en entreprise…
Néanmoins, je comprends tout à fait la volonté des partenaires sociaux d’éviter qu’un délégué ne représente que lui-même : cet argument, avancé par les signataires de la position commune, se vérifie, malheureusement, dans certaines entreprises.
A contrario, la création d’un représentant de section syndicale apparaît comme un nouveau droit accordé aux organisations syndicales. Ce nouvel acteur, distinct du délégué syndical, bénéficierait du statut de salarié protégé et de quatre heures de délégation chaque mois, afin, notamment, de préparer les élections professionnelles. Toutefois, son statut est des plus précaires et le temps qui lui est accordé est bien limité pour qu’il puisse atteindre véritablement ces objectifs. Nous présenterons donc quelques amendements pour remédier à cette difficulté.
Quant au financement du dialogue social, qui fait l’objet de l’article 8 du projet de loi, j’approuve la volonté de le clarifier, mais la rédaction de cette disposition ne nous semble pas tout à fait claire.
Monsieur le ministre, ce texte, qui vise à rénover la démocratie sociale, passe néanmoins sous silence la question du statut, de la formation, de la fin du mandat et du déroulement de carrière de l’élu syndical ; aucune de ses dispositions ne porte sur l’information syndicale des salariés, par exemple en cas de conflit, et il n’ouvre aucun droit nouveau pour l’activité syndicale dans les petites entreprises.
Au final, alors que, selon vos propres termes, ce projet de loi serait « ambitieux » et « historique », sa première partie nous laisse un goût d’inachevé !
Pourtant, le renforcement de la démocratie sociale passe nécessairement par la dévolution aux salariés et à leurs organisations syndicales de nouveaux droits et pouvoirs, qui devraient s’étendre à toutes les décisions essentielles concernant la gestion, le niveau et la qualité de l’emploi, les conditions de travail, les choix industriels et les décisions d’investissement, les opérations stratégiques de rachat, de fusion, de délocalisation ou de cession d’activités. Voilà qui aurait été « ambitieux » et « historique » !
Malheureusement, vous avez pris la rénovation par le petit bout de la lorgnette, en évitant soigneusement tout ce qui pouvait apparaître comme une introduction de la démocratie participative dans l’entreprise, en privant les salariés de leur droit à la parole et à la contestation, en ne permettant pas à leurs représentants de peser véritablement sur les choix stratégiques des entreprises. Alors que, dans de nombreux conflits, ces femmes et ces hommes sont porteurs de projets de substitution, rien dans votre texte ne les renforcera.
Bien sûr, vous vous abritez derrière la position commune adoptée par les syndicats et les organisations patronales, tout en soutenant que celle-ci n’a pas vocation à être transposée dans la loi et en mettant d’ailleurs vos paroles en musique, puisque vous la foulez aux pieds, dans le mépris le plus total des partenaires sociaux.
En effet, la seconde partie de ce texte n’est que l’illustration d’une profonde contradiction entre votre volonté affichée de rendre tout son sens au dialogue social et vos actes qui consistent, au contraire, à museler les partenaires sociaux et à imposer votre idéologie du travail !
Monsieur le ministre, la réduction du temps de travail est un processus historique émancipateur, objet d’un long combat du mouvement ouvrier, et bien que les résultats du passage aux 35 heures soient contrastés, elle n’en reste pas moins un instrument important de la lutte contre le chômage et de l’amélioration des conditions de vie.
Ainsi, qu’il s’agisse de l’INSEE ou du MEDEF, chacun reconnaît que « le processus de RTT a conduit […] à un rapide enrichissement de la croissance en emplois […] et ceci, sans déséquilibre financier apparent pour les entreprises ».
En outre, selon une étude de la DARES, la direction des études du ministère de l’emploi, qui date de 2005, quelque 60 % des parents de jeunes enfants déclarent que la réduction du temps de travail leur a permis de mieux concilier vie familiale et activité professionnelle.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu’à l’instar de la productivité du travail le dynamisme démographique est un facteur de la croissance économique potentielle ! Or, pour relancer celle-ci, qui se trouve au plus bas après la mise en œuvre, ces dernières années, d’une politique de relance par l’offre, vous persistez dans cette voie, arguant que nos concitoyens seraient moins productifs que leurs homologues d’autres pays dits « développés » et qu’il faudrait donc « réhabiliter le travail » ! Où est la réhabilitation du travail lorsque n’importe quel emploi précaire ou saisonnier va devenir une offre raisonnable d’emploi, que l’on devra accepter sous peine de subir une réduction considérable de ses allocations de chômage ?
Contrairement à l’idée que vous souhaitez véhiculer, selon laquelle les salariés français seraient moins productifs que ceux des autres pays, le rapport du Bureau international du travail de septembre 2007 indique que la France affiche l’un des taux de productivité du travail les plus élevés au monde, puisqu’elle arrive juste derrière les États-Unis et la Norvège, qui se trouve en tête dans ce domaine.
Aussi, pourquoi vouloir rendre plus facile le recours aux heures supplémentaires, en supprimant au passage l’autorisation de l’inspecteur du travail, alors que, aujourd’hui, malgré un plafond qui s’établit à 220 heures, seules 54 % des entreprises y ont recours, ce qui représente, en moyenne et par salarié, 5, 9 heures supplémentaires dans le mois ? Vous le voyez, monsieur le ministre, une nouvelle augmentation du contingent d’heures supplémentaires, pour le porter jusqu’à 405 heures par an, n’est pas à ce point « vitale » pour nos entreprises, tant s’en faut !
Pourtant, vous allez encore plus loin dans la déréglementation du temps de travail en portant atteinte au repos compensateur, inscrit dans le marbre de la loi en 1976 et qui était jusque-là obligatoire car il protège la santé et la sécurité des travailleurs. Monsieur le ministre, vous qui affirmez vous soucier de la santé des salariés, vous devriez être plus attentif au repos compensateur !