D'abord deux ou trois réactions à ce que je viens d'entendre.
Je suis convaincue qu'il ne faut absolument pas réduire la question des femmes en politique à la proportionnelle. Moi-même je suis une élue du scrutin uninominal mais il faut reconnaître que la majorité des autres sénatrices ont été élues grâce à la proportionnelle. Ensuite je suis toujours agacée d'entendre proclamer que le conseiller général aurait toutes les vertus de la proximité et de la compétence qui s'y attache, tandis que le conseiller régional serait éloigné de ses électeurs et, à la limite, incompétent. Personnellement, j'ai été les deux ; j'étais pourtant la même dans les deux mandats et je m'y comportais de la même manière. Il y a des conseillers régionaux qui font un excellent travail de proximité et, inversement, des conseillers généraux qu'on ne voit jamais. Le tempérament de l'élu compte plus que sa fonction. En revanche, il est sûr que le mode de scrutin a un impact sur la représentation des femmes et Xavier Bertrand, qui vient de s'exprimer, n'a cessé de nous répéter : « J'ai nommé des femmes ici, j'ai nommé des femmes là », à mon sens la promotion des femmes dans la vie politique ne peut pas déprendre de la nomination par les hommes...
J'ai sous les yeux la lettre officielle que François Bayrou a envoyée au Premier ministre lorsque celui-ci a consulté les partis sur le mode de scrutin des conseillers territoriaux et je vous en livre la teneur.
Le Modem est favorable au rapprochement entre conseillers régionaux et généraux par l'instauration d'un même élu qui appartiendrait ainsi aux deux assemblées. Il s'agit moins de simplifier ou de diminuer le nombre de nos élus locaux que de coordonner le plus efficacement possible l'action des deux collectivités locales chargées des stratégies territoriales et de la solidarité, qui se révèlent souvent redondantes ou concurrentes, en tout cas trop étrangères l'une à l'autre.
Un amendement avait été voté au Sénat, sur proposition de l'Union centriste, auquel tout le monde s'était rallié ; il préconisait un scrutin mixte, majoritaire pour représenter les territoires, et partiellement proportionnel pour faire droit au pluralisme et à la parité. Il y avait eu sur cette formule un accord politique et l'UMP avait voté cet amendement.
Nous avons donc été extrêmement surpris de découvrir en commission des lois - avant même d'avoir pu répondre à l'interrogation du Premier ministre, comme la quasi-totalité des formations politiques de notre pays, à la seule exception de l'UMP et d'un parti associé - un amendement du Gouvernement tranchant la question dans le sens du scrutin majoritaire à deux tours dans des cantons redécoupés par ordonnance ! La douche froide ! Comment, dans un tel scénario législatif, parler de « concertation » ?
Je sais bien que la « proportionnelle » est un mot qui fait peur, car il évoquerait le spectre de la IVème République. Mais il s'agit, ici, de scrutins locaux et on n'envisageait de n'introduire qu'une dose de proportionnelle.
Notre avis sur le mode de scrutin n'a pas changé et ses principes sont simples. Nous estimons qu'une loi électorale équitable doit permettre d'assurer plusieurs légitimités. D'abord, une collectivité locale doit assurer équitablement la représentation des électeurs des différents territoires qui la composent. La représentation directe, qui permet aux électeurs de choisir leur élu sur sa personnalité, est une tradition française qui garantit que le tissu des élus couvrira de manière exhaustive et identifiée la mosaïque de ces territoires et des aspirations de ceux qui y vivent. Le mode d'élection qui permet cette représentation est le scrutin uninominal de circonscription ou dans des cantons équitablement composés sous le contrôle de la loi et de commissions arbitrales pluralistes.
Mais deux autres légitimités doivent être prises en compte : celle de la représentation équitable du pluralisme des sensibilités, et celle de la juste parité entre femmes et hommes dans les assemblées. En effet, le scrutin majoritaire peut conduire au monopole d'une ou deux familles politiques, et à la domination, voire à l'exclusion d'un sexe dans la représentation politique. La représentation proportionnelle étant le mode d'élection qui garantit le pluralisme et la parité, nous devons combiner les deux modes de scrutin.
Or, l'amendement gouvernemental marque un retour en arrière par rapport aux scrutins régionaux qui favorisaient la parité. C'est même contraire à la Constitution dont l'article premier édicte dans son deuxième alinéa que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs ».
Nous proposons donc que les conseillers territoriaux soient élus pour partie - les deux tiers environ - au scrutin uninominal majoritaire de circonscription à deux tours, assorti de règles d'encouragement à la mixité dans les candidatures. Le tiers des sièges restant serait attribué au scrutin proportionnel sur la base des suffrages obtenus par les formations politiques au premier tour. Les sièges seraient attribués aux formations ayant dépassé le seuil des 5 % des suffrages exprimés, après prise en compte des sièges obtenus à l'issue du deuxième tour.
Ce mode de scrutin, qui est en vigueur en Allemagne, satisfait à la fois tous les critères d'une représentation équitable, territoriale, paritaire et pluraliste. En plus, s'agissant d'élire une assemblée unique là où il en existait préalablement deux, avec deux règles de représentation différentes, l'équité de la représentation ne peut être sacrifiée sauf à manquer gravement, et pour six ans, aux lois d'équilibre sans lesquelles la démocratie menace de n'être plus que la dictature de la majorité sur des minorités écartées de la représentation.
J'ai siégé dans des conseils régionaux au moment où s'appliquait la proportionnelle intégrale. Il n'y avait, en effet, pas de majorité. Mais, en Europe, on évolue de plus en plus vers des majorités plurielles. Une majorité, ce n'est pas forcément un seul parti, cela peut être une majorité de coalition. Celle de mon conseil municipal rassemble des gens de diverses sensibilités.
De plus, le Gouvernement a eu tort d'augmenter le pourcentage de voix nécessaires pour être présent au second tour, en le faisant passer de 10 à 12,5 % des inscrits. Le pluralisme, cela consiste à reconnaître qu'il existe d'autres partis politiques que les deux grands. C'est la garantie de la démocratie, surtout en période de grave crise économique où les coalitions sont plus nécessaires que jamais. J'ai longtemps enseigné l'histoire, suffisamment pour savoir que la diversité est la garantie de la démocratie.