Dans le même esprit, le forfait heures n’est rien d’autre que l’unification par le bas des dispositifs d’aménagement du temps de travail, tels que la modulation, l’annualisation, le temps partiel modulé ou le travail par cycle ou posté, avec un pouvoir de décision unilatéral de l’employeur en matière d’organisation de l’activité.
Cette évolution s’accomplira, notamment, au travers de l’article L. 3122-3 du code du travail et de la possibilité laissée aux employeurs de retenir la limite haute de 48 heures de travail au cours de certaines semaines, auquel cas les salariés concernés n’auront plus droit à aucune heure supplémentaire. Certes, dans votre texte, la durée légale du travail reste fixée à 35 heures, mais cette disposition est vide de sens.
Enfin, en posant la supériorité des accords d’entreprise sur les accords de branche, vous mettez à mal le principe de faveur ou de la hiérarchie des normes, qui assurait un socle d’égalité des droits des salariés.
Outre ses conséquences sur les conditions de vie et de travail, sur la santé et la sécurité, sur le pouvoir d’achat, cette seconde partie du projet de loi, en instaurant un principe de défaveur, introduit un nouvel élément dans la course à la compétitivité au sein d’une même branche. Elle favorise du même coup le dumping social par le chantage sur le temps de travail et l’intensification de l’activité, puisque la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte des accords socialement les plus défavorables !
En outre, vous institutionnalisez l’individualisation des relations sociales, le « gré à gré », au détriment de la loi, pourtant protectrice.
Force est de le constater, l’objectif visé ici est la recherche du seul intérêt de l’entreprise, censé correspondre à l’intérêt général. On retrouve, dans ce raisonnement, le modèle économique de la « main invisible » d’Adam Smith, fondé sur l’idée que la poursuite de l’intérêt individuel conduit à la réalisation de l’intérêt général.
Toutefois, l’histoire, depuis plus de deux siècles, nous a enseigné que c’était le contraire qui était vrai : ce sont les progrès sociaux, acquis à travers les luttes, qui créent une société viable, parce qu’ils sont partagés par une grande partie de la population !