Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Audition du général jacques mignaux directeur général de la gendarmerie nationale

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner, président :

Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau, Mon Général, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour cette audition consacrée aux crédits de la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2012.

Je voudrais excuser le Président, M. Jean-Louis Carrère, qui participe actuellement, aux côtés du ministre de la défense, M. Gérard Longuet, à la cérémonie d'hommage aux militaires français décédés lors d'opérations extérieures, organisée à la veille du 11 novembre, et qui doit ensuite se rendre, avec le ministre, sur la Base Aérienne 118 de Mont-de-Marsan, dans les Landes, afin de saluer l'action des militaires français ayant pris part à l'opération Harmattan en Libye.

Nous avons entendu hier le ministre de l'intérieur, Claude Guéant - vous étiez d'ailleurs présent lors de cette audition - nous exposer les priorités de son action. Nous souhaiterions toutefois aujourd'hui aborder avec vous plus en détails le projet de budget de gendarmerie nationale pour 2012.

Mais avant, peut-être pourriez vous, Mon Général, nous dire quelques mots sur le bilan que vous tirez du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et de la loi du 3 août 2009, à la lumière notamment du rapport d'évaluation présenté par notre collègue député, M. Alain Moyne-Bressand et notre collègue sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier. Je pense notamment à la préservation du caractère militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés.

Nous serions également intéressés de connaître votre sentiment au sujet des conclusions et des recommandations formulées par la Cour des Comptes dans son récent rapport public sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Dans ce rapport, la Cour considère notamment que les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002 ont été contrastés.

A ce sujet, peut-être pourriez vous nous apporter quelques éclaircissements au sujet des deux circulaires internes datées des 15 et 23 septembre, intitulées « orientations de la lutte contre la délinquance » et « intensification de la lutte contre les atteintes aux biens », et dont des extraits ont été publiés sur Internet et dans le journal Le Monde.

Nous aimerions aussi connaître votre sentiment sur les recommandations formulées par la Cour des comptes, notamment concernant la répartition des effectifs sur le territoire, qui serait uniquement fondée sur la population et qui ne prendrait pas suffisamment en compte la délinquance.

Mais nous souhaiterions surtout vous entendre sur le projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2012. Est-ce que ce budget donne à la gendarmerie nationale les moyens de fonctionner et de répondre aux fortes attentes des élus locaux et des citoyens en matière de sécurité ? Comment parvenez-vous à faire face à la diminution des effectifs de gendarmes et quelles en sont les conséquences, notamment en termes de maillage territorial ou de présence des gendarmes sur le terrain ?

Enfin, peut-être pourriez-vous nous dire un mot de l'action des gendarmes engagés sur les théâtres d'opérations extérieures, notamment en Afghanistan.

Est-ce que les gendarmes français seront concernés par l'allègement de notre dispositif militaire en Afghanistan, à quelle hauteur et selon quel calendrier ? Est-ce que ce retrait partiel concernera le Wardak, où ils sont relativement isolés, ou bien plutôt la Kapisa et Surobi ?

Voilà, Mon Général, quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, nos collègues Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que mes autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire. Mon Général, je vous passe la parole.

Général d'armée Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale.- J'ai le plaisir de répondre cette année encore à l'invitation de votre commission.

Au cours de l'année écoulée, la gendarmerie a répondu présent sur l'ensemble des fronts. Les évolutions du droit et les contraintes budgétaires combinées aux nombreux impératifs missionnels constituent autant de défis et d'enjeux pour la gendarmerie.

Avant de répondre à vos questions, je vais, si vous le permettez, aborder les perspectives budgétaires de la prochaine annuité.

Le cadre d'action de la gendarmerie est bien celui de la maîtrise des dépenses publiques.

Le budget qui m'est alloué reflète la contrainte financière générale mais me donne cependant les moyens en termes de fonctionnement et de management, pour atteindre mes objectifs opérationnels.

En termes d'investissements, la situation est plus tendue. Les dotations ne me permettent pas de renouveler, en effet, mes moyens au rythme connu jusqu'en 2009.

Mon souhait est que nous puissions retrouver dans les années à venir de nouvelles et nécessaires marges de manoeuvre.

Les dotations de la gendarmerie nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 progressent de 2,9 % en autorisations d'engagement, et représentent 7, 892 milliards d'euros, et de 1,7 % en crédits de paiement, pour s'établir à 7 853 milliards d'euros.

Cependant, si l'on fait une lecture sur les seuls crédits que je maîtrise, c'est-à-dire hors pensions, le projet de loi de finances pour 2012 affiche une quasi stabilité des crédits par rapport à l'année 2011 (+1,3 % en AE et -0,7 % en CP).

Concernant les effectifs, le plafond d'emploi 2012 sera de 95 883 ETPT (équivalent temps plein travaillé), soit une baisse de 1 185 ETPT par rapport à 2011. Cette diminution d'effectifs portera sur le périmètre « commandement et soutien » mais aussi sur le périmètre opérationnel.

Je reviendrai, pour répondre à votre question, sur la façon dont nous faisons face à la diminution des effectifs. Mais je rappelle en liminaire qu'il n'y a pas eu et qu'il n'y aura pas de plan de dissolution de brigades.

Si des ajustements s'avèrent nécessaires, ils s'effectueront dans le cadre de mesures locales, prises en fonction du contexte.

La couverture du territoire et le maillage assurés par les brigades constituent en effet plus que jamais les fondamentaux de notre action et de notre efficacité opérationnelle.

Il n'est donc pas question de revenir sur ce point, même s'il est évident qu'ici ou là les effectifs des unités les moins sollicitées connaitront un ajustement. Il va de soi que les unités renforcées ces dernières années, en raison d'une augmentation de leurs charges ou de la pression démographique, ne connaitront aucune contraction de leurs effectifs.

Les dépenses de personnel, hors pensions, sont stables (-2 millions d'euros en 2012). Elles permettent le financement de différentes mesures :

- la dernière annuité de la nouvelle grille indiciaire des militaires (à hauteur de 1,4 million d'euros) ;

- la dernière annuité du PAGRE rénové en 2012 (23,2 millions d'euros) ;

- le nouvel espace statutaire (15,2 millions d'euros) de la grille indiciaire B ;

- la prime pour résultats exceptionnels (15 millions d'euros) ;

La réserve opérationnelle de la gendarmerie bénéficie d'une dotation de 46 millions d'euros en 2012, soit une augmentation de 2 millions d'euros par rapport à 2011. La réserve opérationnelle concrétise le lien gendarmerie-Nation. Pour les jeunes adultes issus de la société civile, notamment étudiants, et qui constituent 37 % de mes réservistes, l'emploi au sein de cette réserve en période estivale est un véritable job d'été. Actuellement, la gendarmerie dispose d'un vivier d'environ 25 000 réservistes, servant en moyenne 17 jours par an. J'ambitionne d'aller jusqu'à 28 000 réservistes à l'avenir.

Enfin, les crédits de personnel au titre des OPEX sont reconduits en 2012 avec une dotation de 11 millions d'euros.

J'en viens maintenant aux crédits de la gendarmerie hors dépenses de personnel (Hors titre 2), c'est-à-dire aux crédits de fonctionnement et d'investissement.

Le fonctionnement courant soutient directement l'opérationnel : le titre 3 fonctionnement courant s'élève au total à 946,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une diminution de -2,1 % par rapport à 2011.

Cette baisse n'est que visuelle. Elle s'explique par le transfert de 25,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement vers l'investissement pour permettre la mise en oeuvre de la réforme du carnet d'habillement.

A périmètre constant, les crédits de fonctionnement courant augmentent de 4,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une hausse de 0,5 %.

Mon objectif est de permettre aux unités opérationnelles de mener à bien l'ensemble de leurs missions. Pour y parvenir, j'ai fait des choix. J'ai décidé de préserver les budgets des régions de gendarmerie en couvrant la totalité des dépenses de loyers, d'énergie et de carburant, y compris l'inflation. Je précise qu'une hausse du coût du litre de 10 centimes se traduit pour moi par une dépense annuelle supplémentaire de 5 millions d'euros !

Pour les autres postes de dépense, je limite l'impact de la baisse des dotations globales à 1,5 % en moyenne à périmètre constant.

Le fonctionnement des unités opérationnelles ne doit pas être réduit davantage.

Pour les OPEX, la dotation de 4 millions d'euros est reconduite. Cette dotation est certes insuffisante mais les besoins complémentaires seront traités en gestion comme en 2011. Je pourrai y revenir en répondant à vos questions.

Les crédits qui reflètent la composante « acquisition » sont les crédits du titre 3 « hors fonctionnement courant », du titre 5 et du titre 6.

Après un recul en crédits de paiement de 13 % en 2011, la contraction de l'investissement en 2012 sera de - 4,9 % en crédits de paiement (249 millions d'euros), mais il est à noter que nous bénéficierons d'une augmentation de 40,6 % en autorisations d'engagement (288,9 millions d'euros) par rapport à la loi de finances de 2011.

Ces dotations permettront de couvrir les engagements antérieurs et les dépenses incompressibles, en particulier le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères et des systèmes d'information, l'habillement (écoles, spécialistes, réforme du carnet d'habillement), les munitions et matériels indispensables pour la sécurité des personnels. Elles permettront également de continuer le renouvellement des véhicules : on livrera en 2012 plus de 2 200 véhicules de brigades. Je rappelle que mon parc comprend environ 30 000 véhicules. Ces moyens nouveaux sont très attendus par mes personnels. Ces dotations permettront aussi d'accentuer notre effort dans le domaine de l'immobilier en engageant pour l'investissement 175,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 110,1 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente respectivement une augmentation de 47 % et 3,1 % par rapport à 2011.

Je précise qu'à ces montants, s'ajouteront 37 millions d'euros en AE et CP pour les travaux d'entretien courant menés par les régions (mises en peinture, menuiserie, plomberie et divers menus travaux).

Je souhaite rappeler ici que mon parc immobilier est composé au total de 77 410 logements répartis au sein de 3 980 casernes domaniales et locatives (65 356 logements, ce qui représente 84,5 % du parc immobilier de la gendarmerie), d'ensembles immobiliers locatifs appartenant aux départements, aux communes, aux offices HLM ou à des opérateurs privés (1 925 logements, soit 2,5 % du parc), ainsi que de prises à bail individuelles (10 129 logements, soit 13 % du parc).

L'âge moyen des logements est de 38 ans. Plus de 70 % des logements domaniaux ont plus de 25 ans.

Les « points noirs » concernent 175 casernes du secteur domanial (3 606 logements, soit 4,6 % du parc) et 58 casernes du secteur locatif (242 logements, soit 0,3 % du parc).

En 2012, mon effort portera sur l'entretien courant et la maintenance des casernes domaniales mais aussi sur l'évolution du parc locatif, notamment grâce à l'implication des collectivités territoriales (dispositif du décret de 1993).

En 2012, j'engagerai 52,7 millions d'euros pour des opérations de maintenance lourde du parc domanial (remise aux normes de plus de 2 200 logements en gendarmerie mobile), je destinerai 38 millions d'euros à des travaux d'entretien courant (domanial et locatif, sous forme principalement de crédits déconcentrés aux régions), je consacrerai 47 millions d'euros aux financements innovants (en les destinant aux 6 AOT relevant du programme, dont 40 millions d'euros seront consacrés à l'hébergement du groupement de gendarmerie départementale du Var et de ses unités subordonnées à La-Valette- du-Var) et j'affecterai 15 millions d'euros de subventions aux collectivités locales en titre 6 pour permettre la mise en chantier de 885 unités logement, qui viendront compléter les 354 livraisons d'unités logement attendues.

Voilà pour les éléments d'ordre budgétaire, mais nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.

J'en viens maintenant aux réponses à vos questions.

En ce qui concerne le bilan du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, comme vous le savez, la loi du 3 août 2009 a consacré le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, tout en garantissant le respect de son identité militaire. Grace au soutien obtenu et à l'enrichissement du texte au Sénat, la gendarmerie a pu conserver l'intégralité de ses capacités et de ses savoir-faire.

Ce transfert a renforcé la synergie entre les deux forces de sécurité intérieure, même si le rapprochement entre police et gendarmerie était déjà bien engagé depuis 2002.

Des réalisations tangibles ont pu être accomplies dans plusieurs domaines.

Ainsi, en matière de systèmes d'information et de communication, nous avons créé un outil commun, le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure : le ST(SI)². A partir de l'existant, des besoins techniques particuliers clairement identifiés et reconnus pour chacune des deux forces, le ST(SI)² va oeuvrer dans le respect des attributions de chaque responsable de programme, pour une meilleure interopérabilité des réseaux, pour une mise à disposition de logiciels professionnels communs et une harmonisation des fichiers opérationnels et bases de données judiciaires.

En matière de police technique et scientifique (PTS), nous avons engagé des réflexions communes et une complémentarité des laboratoires spécialisés.

La réforme de la garde à vue a toutefois rendu la procédure plus complexe, mais nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.

Dans le domaine du soutien logistique, nous avons développé les achats et entretiens de matériels en commun, la mutualisation des structures de l'ECASGN et de l'ECLPN, des ateliers automobiles partagés.

Au niveau central, nous avons transféré une partie de notre fonction immobilière au sein de la direction de l'évaluation et de la performance et des affaires financières du ministère de l'intérieur (DEPAFI). Cette mesure a permis de créer aux cotés du bureau des affaires immobilières de la police nationale (BAIPN) un bureau des affaires immobilière de la gendarmerie (BAIGN).

En matière de ressources humaines, nous avons mis en place le dispositif de la passerelle gendarmerie-police, des échanges croisés dans le cadre de la formation et développé une mutualisation de certaines formations spécialisées.

La coopération entre les deux institutions ne saurait se réduire à un rapprochement de moyens. Elle s'inscrit aussi dans une démarche de complémentarité et d'efficacité opérationnelles

Au plan opérationnel, nous avons donné plus de cohérence à nos zones d'action respectives en procédant à des transferts équilibrés de territoires.

Ainsi, onze communes en zone gendarmerie accolées à de grosse plaques urbaines ou faisant partie de grosses agglomérations ont été rattachées à la police nationale (Marck, Rillieux-la-Pape, Ecully, Chassieu, Feyzin, Septèmes-les-Vallons, Cabriès, Le Haillan, Eysines, Bouliac et Artigues-Près-Bordeaux).

Dans le même temps, sept circonscriptions de sécurité publique implantées en zone majoritairement gendarmerie sont ainsi passées sous notre responsabilité (Fourmies, Annonay, Montbrison, Graulhet, Pertuis, Port-Saint-Louis du Rhône et Libourne).

Parallèlement, ces échanges de territoires ont été complétés par la CORAT (coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et le territoire), qui sur l'ensemble des départements, vient renforcer notre coopération opérationnelle afin de mieux prendre en compte les situations d'urgence et les phénomènes de délinquance communs notamment. Ainsi, les cellules anti-cambriolages (CAC) créées au niveau départemental permettent la systématisation du partage des informations entre les enquêteurs de la gendarmerie et de la police, complétant utilement la mise en commun des fichiers de police judiciaire. Elle permet enfin de mieux coordonner nos dispositifs lorsque cela a du sens. Je prends exemple sur les dispositifs de sécurité déployés à l'occasion des sommets du G8 et du G20, pendant lesquels 10 000 gendarmes et policiers ont agi en parfait accord, dissuadant toute velléité de perturbations par des fauteurs de trouble. Je souligne à cette occasion l'apport des savoir-faire militaires de la gendarmerie, avec la distinction opérée entre la force menante et la force concourante selon la zone d'action ou la capacité mise en oeuvre.

Toutes ces évolutions se sont faites sans que soit remise en cause, l'identité de la gendarmerie qui a trouvé toute sa place au sein du ministère de l'intérieur. Ce constat ressort bien du rapport d'évaluation de la loi sur la gendarmerie établi au cours de l'été par le député M. Alain Moyne-Bressand et la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier, et remis au Premier ministre.

Vous avez évoqué le récent rapport de la Cour des comptes sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Le ministre de l'intérieur a déjà apporté des éléments de réponse, mais je suis heureux de pouvoir vous livrer ici mon point de vue sur certaines de ses conclusions.

Le rapport parle en préalable de « résultats contrastés de la lutte contre la délinquance de 2002 à 2010 », évoquant une baisse des atteintes aux biens, mais une hausse des atteintes aux personnes.

Je vais vous parler de la délinquance constatée par la gendarmerie.

Je souhaiterais vous redonner deux ordres de grandeur : cette délinquance est constituée à 63 % par les atteintes aux biens (AAB) (627 696 faits en 2010). Les atteintes volontaires à l'intégrité physique - AVIP - n'en représentent quant à elles que près de 10 % (95 547 faits en 2010, avec une baisse de 0,3 %, dont seulement 8 859 faits de violences physiques crapuleuses, en hausse de 1,5 %).

Sur la période évoquée par la Cour, la délinquance constatée par la gendarmerie a baissé de 16,7 %. En 2010 et pour la première fois, le nombre de faits est passé en dessous de 1 million (de 1 182 173 faits en 2002 à 984 648 faits en 2010).

Sur cette période de 8 ans, ce sont donc 200 000 victimes en moins dans la zone de compétence de la gendarmerie. Dans le même temps, le taux d'élucidation des crimes et délits est passé de 32 à 40 %. Voilà pour les résultats contrastés du point de vue de la gendarmerie.

La Cour des comptes pointe également la « culture du résultat, érigée en mode de fonctionnement des services de sécurité publique ».

Je préfèrerais parler de culture de la performance. Cette notion me paraît plus conforme à la réalité. Dans sa double acception d'évaluation quantitative et qualitative, elle rend mieux compte de notre démarche. Cette culture de la performance s'impose aujourd'hui à nous comme un impératif : impératif car nous devons rendre publiquement compte de notre action. Impératif car elle découle de l'esprit de la LOLF et des indicateurs du programme annuel de performance, comme la représentation nationale l'a voulu. Impératif enfin car la lutte contre la délinquance n'est pas figée : il nous faut mesurer, d'une manière ou d'une autres, les problématiques auxquelles nous sommes confrontés, analyser l'évolution des phénomènes criminels, pour adapter en conséquence nos réponses voire anticiper les nouvelles menaces. Je pense notamment, dans le domaine de la cybercriminalité, aux escroqueries sur internet.

La culture de la performance - ou du résultat - n'est pas une course à la statistique. Elle permet de mesurer la qualité de notre réponse en matière de sécurité.

Vous avez fait allusion à deux de mes directives écrites du mois de septembre qui ont été rendues publiques, alors qu'il s'agit de documents à usage interne exclusivement.

Ces directives écrites, je les assume pleinement. Des notes de cette nature, j'en signe plusieurs par année. Il est bien dans mes attributions de pilotage de l'action de la gendarmerie de mobiliser mes moyens pour obtenir des résultats concrets.

Je commande et manoeuvre mes moyens. Je veux également tenir les engagements que j'ai pris devant vous pour la sécurité des Français.

Dès lors que j'ai clairement identifié une hausse des cambriolages, j'ai choisi de tout mettre en oeuvre pour en briser la spirale. Sont notamment visées les résidences principales dans lesquelles sont recherchés, en journée pendant les heures ouvrables et en l'absence de leurs occupants partis au travail, argent, or et bijoux.

Le rapport de la Cour des comptes pointe enfin du doigt la répartition des effectifs sur le territoire. Il s'attarde sur le critère de population, soulignant que le critère de délinquance serait plus judicieux.

La pression de la délinquance entre, bien évidemment, en ligne de compte. Mais la gendarmerie est avant tout un service public de sécurité de proximité, dans la profondeur des territoires, même les plus reculés.

Il est hors de question de laisser se déliter notre maillage territorial et de voir s'installer des déserts sécuritaires dans certaines parties du territoire.

La responsabilité de la gendarmerie s'étend sur de vastes espaces territoriaux, qui impliquent une présence partout. Avec aujourd'hui 3 200 brigades territoriales réparties sur 95 % du territoire, la gendarmerie peut dissuader la délinquance par sa seule présence, répondre aux attentes de la population et des élus, veiller les réseaux de communication et les flux, garantir la continuité de la réponse de l'État.

Pour autant, la répartition de nos effectifs, n'est pas figée.

La carte et le format de nos unités évoluent pour les faire correspondre à la réalité de la croissance démographique et de la pression de la délinquance.

J'apporte des réponses structurelles. Ainsi, malgré la baisse globale de mes effectifs, j'ai consenti un effort pour renforcer les 25 groupements de gendarmerie départementale confrontés à la plus forte délinquance. 750 ETP ont ainsi été redéployés à leur profit (dont l'Isère, la Loire-Atlantique, la Haute-Garonne et le Gard), grâce à la dissolution de quinze escadrons de gendarmerie mobile, au lieu des dix prévus.

J'apporte aussi des réponses conjoncturelles. J'accompagne les variations saisonnières de population, hiver comme été. Gendarmes mobiles, réservistes, élèves en formation sont ainsi mis à contribution. Dans les zones touristiques, comme les stations balnéaires ou les stations de ski par exemple, les enjeux sécuritaires et économiques sont étroitement liés.

Concernant votre question sur les diminutions d'effectifs, oui, nous avons réduit nos effectifs. Comme tous les ministères nous avons été mis à contribution.

Ces réductions ont pu être menées sans impact sur les résultats opérationnels. Comme je le rappelais à l'instant, pour la première fois en 2010, nous sommes passés sous la barre des 1 million de crimes et délits constatés par la gendarmerie.

Pour gérer ces baisses d'effectifs, nous avons réformé nos structures de soutien ou les avons mutualisées avec celles de la police nationale. Nous avons fermé 4 écoles en faisant des économies d'échelle. J'ai dissous 15 escadrons de gendarmerie mobile. La gendarmerie de l'armement et la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires ont été transférés au ministère de la défense en 2009. Dans le même temps je n'assure plus, depuis septembre 2011, la mission de garde des Centres de rétention administratif (CRA) reprise par la police nationale.

En 2012, pour absorber la diminution des effectifs, je ferai évoluer mon périmètre de commandement et de soutien (états-majors, groupe de commandement) et j'adapterai mon dispositif opérationnel partout où cela a du sens (création du groupe d'observation et de surveillance en Guyane, renforcement des effectifs de l'office central de lutte contre la délinquance itinérante).

Enfin, en réponse à votre question sur les OPEX, je voudrais rappeler que la gendarmerie a connu en 2011 un fort engagement aux côtés des armées dans les interventions extérieures. Toutefois, je souhaite que s'applique le principe anglo-saxon du « first in ; first out », c'est-à-dire que les interventions en OPEX soient pour une durée limitée. C'est pourquoi j'ai retiré la majorité des gendarmes de la mission EULEX Kosovo.

En Côte d'Ivoire, la gendarmerie mobile a été engagée au sein de l'opération Licorne. 160 gendarmes ont été déployés pendant sept mois sans possibilité de relève, affectés à la protection de nos ressortissants et de leurs biens. Je tiens à souligner la qualité exceptionnelle de nos relations avec les armées.

En Haïti, deux escadrons de gendarmerie mobile ont été déployés, avant d'être retirés.

Enfin, notre engagement en Afghanistan se poursuit. Il y a quelques semaines, je me suis à nouveau rendu sur place et j'ai pu prendre toute la mesure de la situation et du travail remarquable accompli par nos forces, insérées au sein de la zone d'action de la brigade Lafayette.

Depuis 2009, ce sont déjà 1 000 gendarmes qui se sont succédé sur le théâtre. Ils y effectuent notamment à Wardak, dans le cadre de la « NATO training mission », mais en communiquant en français avec les autres formateurs européens, des missions de formation et d'assistance des forces de sécurité intérieure locales. Je précise qu'à la demande de la France, la sécurité du camp a été renforcée par les forces afghanes.

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