La commission auditionne le général d'armée Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « gendarmerie » de la mission Sécurité).
Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau, Mon Général, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour cette audition consacrée aux crédits de la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2012.
Je voudrais excuser le Président, M. Jean-Louis Carrère, qui participe actuellement, aux côtés du ministre de la défense, M. Gérard Longuet, à la cérémonie d'hommage aux militaires français décédés lors d'opérations extérieures, organisée à la veille du 11 novembre, et qui doit ensuite se rendre, avec le ministre, sur la Base Aérienne 118 de Mont-de-Marsan, dans les Landes, afin de saluer l'action des militaires français ayant pris part à l'opération Harmattan en Libye.
Nous avons entendu hier le ministre de l'intérieur, Claude Guéant - vous étiez d'ailleurs présent lors de cette audition - nous exposer les priorités de son action. Nous souhaiterions toutefois aujourd'hui aborder avec vous plus en détails le projet de budget de gendarmerie nationale pour 2012.
Mais avant, peut-être pourriez vous, Mon Général, nous dire quelques mots sur le bilan que vous tirez du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et de la loi du 3 août 2009, à la lumière notamment du rapport d'évaluation présenté par notre collègue député, M. Alain Moyne-Bressand et notre collègue sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier. Je pense notamment à la préservation du caractère militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés.
Nous serions également intéressés de connaître votre sentiment au sujet des conclusions et des recommandations formulées par la Cour des Comptes dans son récent rapport public sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Dans ce rapport, la Cour considère notamment que les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002 ont été contrastés.
A ce sujet, peut-être pourriez vous nous apporter quelques éclaircissements au sujet des deux circulaires internes datées des 15 et 23 septembre, intitulées « orientations de la lutte contre la délinquance » et « intensification de la lutte contre les atteintes aux biens », et dont des extraits ont été publiés sur Internet et dans le journal Le Monde.
Nous aimerions aussi connaître votre sentiment sur les recommandations formulées par la Cour des comptes, notamment concernant la répartition des effectifs sur le territoire, qui serait uniquement fondée sur la population et qui ne prendrait pas suffisamment en compte la délinquance.
Mais nous souhaiterions surtout vous entendre sur le projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2012. Est-ce que ce budget donne à la gendarmerie nationale les moyens de fonctionner et de répondre aux fortes attentes des élus locaux et des citoyens en matière de sécurité ? Comment parvenez-vous à faire face à la diminution des effectifs de gendarmes et quelles en sont les conséquences, notamment en termes de maillage territorial ou de présence des gendarmes sur le terrain ?
Enfin, peut-être pourriez-vous nous dire un mot de l'action des gendarmes engagés sur les théâtres d'opérations extérieures, notamment en Afghanistan.
Est-ce que les gendarmes français seront concernés par l'allègement de notre dispositif militaire en Afghanistan, à quelle hauteur et selon quel calendrier ? Est-ce que ce retrait partiel concernera le Wardak, où ils sont relativement isolés, ou bien plutôt la Kapisa et Surobi ?
Voilà, Mon Général, quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, nos collègues Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que mes autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire. Mon Général, je vous passe la parole.
Général d'armée Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale.- J'ai le plaisir de répondre cette année encore à l'invitation de votre commission.
Au cours de l'année écoulée, la gendarmerie a répondu présent sur l'ensemble des fronts. Les évolutions du droit et les contraintes budgétaires combinées aux nombreux impératifs missionnels constituent autant de défis et d'enjeux pour la gendarmerie.
Avant de répondre à vos questions, je vais, si vous le permettez, aborder les perspectives budgétaires de la prochaine annuité.
Le cadre d'action de la gendarmerie est bien celui de la maîtrise des dépenses publiques.
Le budget qui m'est alloué reflète la contrainte financière générale mais me donne cependant les moyens en termes de fonctionnement et de management, pour atteindre mes objectifs opérationnels.
En termes d'investissements, la situation est plus tendue. Les dotations ne me permettent pas de renouveler, en effet, mes moyens au rythme connu jusqu'en 2009.
Mon souhait est que nous puissions retrouver dans les années à venir de nouvelles et nécessaires marges de manoeuvre.
Les dotations de la gendarmerie nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 progressent de 2,9 % en autorisations d'engagement, et représentent 7, 892 milliards d'euros, et de 1,7 % en crédits de paiement, pour s'établir à 7 853 milliards d'euros.
Cependant, si l'on fait une lecture sur les seuls crédits que je maîtrise, c'est-à-dire hors pensions, le projet de loi de finances pour 2012 affiche une quasi stabilité des crédits par rapport à l'année 2011 (+1,3 % en AE et -0,7 % en CP).
Concernant les effectifs, le plafond d'emploi 2012 sera de 95 883 ETPT (équivalent temps plein travaillé), soit une baisse de 1 185 ETPT par rapport à 2011. Cette diminution d'effectifs portera sur le périmètre « commandement et soutien » mais aussi sur le périmètre opérationnel.
Je reviendrai, pour répondre à votre question, sur la façon dont nous faisons face à la diminution des effectifs. Mais je rappelle en liminaire qu'il n'y a pas eu et qu'il n'y aura pas de plan de dissolution de brigades.
Si des ajustements s'avèrent nécessaires, ils s'effectueront dans le cadre de mesures locales, prises en fonction du contexte.
La couverture du territoire et le maillage assurés par les brigades constituent en effet plus que jamais les fondamentaux de notre action et de notre efficacité opérationnelle.
Il n'est donc pas question de revenir sur ce point, même s'il est évident qu'ici ou là les effectifs des unités les moins sollicitées connaitront un ajustement. Il va de soi que les unités renforcées ces dernières années, en raison d'une augmentation de leurs charges ou de la pression démographique, ne connaitront aucune contraction de leurs effectifs.
Les dépenses de personnel, hors pensions, sont stables (-2 millions d'euros en 2012). Elles permettent le financement de différentes mesures :
- la dernière annuité de la nouvelle grille indiciaire des militaires (à hauteur de 1,4 million d'euros) ;
- la dernière annuité du PAGRE rénové en 2012 (23,2 millions d'euros) ;
- le nouvel espace statutaire (15,2 millions d'euros) de la grille indiciaire B ;
- la prime pour résultats exceptionnels (15 millions d'euros) ;
La réserve opérationnelle de la gendarmerie bénéficie d'une dotation de 46 millions d'euros en 2012, soit une augmentation de 2 millions d'euros par rapport à 2011. La réserve opérationnelle concrétise le lien gendarmerie-Nation. Pour les jeunes adultes issus de la société civile, notamment étudiants, et qui constituent 37 % de mes réservistes, l'emploi au sein de cette réserve en période estivale est un véritable job d'été. Actuellement, la gendarmerie dispose d'un vivier d'environ 25 000 réservistes, servant en moyenne 17 jours par an. J'ambitionne d'aller jusqu'à 28 000 réservistes à l'avenir.
Enfin, les crédits de personnel au titre des OPEX sont reconduits en 2012 avec une dotation de 11 millions d'euros.
J'en viens maintenant aux crédits de la gendarmerie hors dépenses de personnel (Hors titre 2), c'est-à-dire aux crédits de fonctionnement et d'investissement.
Le fonctionnement courant soutient directement l'opérationnel : le titre 3 fonctionnement courant s'élève au total à 946,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une diminution de -2,1 % par rapport à 2011.
Cette baisse n'est que visuelle. Elle s'explique par le transfert de 25,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement vers l'investissement pour permettre la mise en oeuvre de la réforme du carnet d'habillement.
A périmètre constant, les crédits de fonctionnement courant augmentent de 4,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une hausse de 0,5 %.
Mon objectif est de permettre aux unités opérationnelles de mener à bien l'ensemble de leurs missions. Pour y parvenir, j'ai fait des choix. J'ai décidé de préserver les budgets des régions de gendarmerie en couvrant la totalité des dépenses de loyers, d'énergie et de carburant, y compris l'inflation. Je précise qu'une hausse du coût du litre de 10 centimes se traduit pour moi par une dépense annuelle supplémentaire de 5 millions d'euros !
Pour les autres postes de dépense, je limite l'impact de la baisse des dotations globales à 1,5 % en moyenne à périmètre constant.
Le fonctionnement des unités opérationnelles ne doit pas être réduit davantage.
Pour les OPEX, la dotation de 4 millions d'euros est reconduite. Cette dotation est certes insuffisante mais les besoins complémentaires seront traités en gestion comme en 2011. Je pourrai y revenir en répondant à vos questions.
Les crédits qui reflètent la composante « acquisition » sont les crédits du titre 3 « hors fonctionnement courant », du titre 5 et du titre 6.
Après un recul en crédits de paiement de 13 % en 2011, la contraction de l'investissement en 2012 sera de - 4,9 % en crédits de paiement (249 millions d'euros), mais il est à noter que nous bénéficierons d'une augmentation de 40,6 % en autorisations d'engagement (288,9 millions d'euros) par rapport à la loi de finances de 2011.
Ces dotations permettront de couvrir les engagements antérieurs et les dépenses incompressibles, en particulier le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères et des systèmes d'information, l'habillement (écoles, spécialistes, réforme du carnet d'habillement), les munitions et matériels indispensables pour la sécurité des personnels. Elles permettront également de continuer le renouvellement des véhicules : on livrera en 2012 plus de 2 200 véhicules de brigades. Je rappelle que mon parc comprend environ 30 000 véhicules. Ces moyens nouveaux sont très attendus par mes personnels. Ces dotations permettront aussi d'accentuer notre effort dans le domaine de l'immobilier en engageant pour l'investissement 175,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 110,1 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente respectivement une augmentation de 47 % et 3,1 % par rapport à 2011.
Je précise qu'à ces montants, s'ajouteront 37 millions d'euros en AE et CP pour les travaux d'entretien courant menés par les régions (mises en peinture, menuiserie, plomberie et divers menus travaux).
Je souhaite rappeler ici que mon parc immobilier est composé au total de 77 410 logements répartis au sein de 3 980 casernes domaniales et locatives (65 356 logements, ce qui représente 84,5 % du parc immobilier de la gendarmerie), d'ensembles immobiliers locatifs appartenant aux départements, aux communes, aux offices HLM ou à des opérateurs privés (1 925 logements, soit 2,5 % du parc), ainsi que de prises à bail individuelles (10 129 logements, soit 13 % du parc).
L'âge moyen des logements est de 38 ans. Plus de 70 % des logements domaniaux ont plus de 25 ans.
Les « points noirs » concernent 175 casernes du secteur domanial (3 606 logements, soit 4,6 % du parc) et 58 casernes du secteur locatif (242 logements, soit 0,3 % du parc).
En 2012, mon effort portera sur l'entretien courant et la maintenance des casernes domaniales mais aussi sur l'évolution du parc locatif, notamment grâce à l'implication des collectivités territoriales (dispositif du décret de 1993).
En 2012, j'engagerai 52,7 millions d'euros pour des opérations de maintenance lourde du parc domanial (remise aux normes de plus de 2 200 logements en gendarmerie mobile), je destinerai 38 millions d'euros à des travaux d'entretien courant (domanial et locatif, sous forme principalement de crédits déconcentrés aux régions), je consacrerai 47 millions d'euros aux financements innovants (en les destinant aux 6 AOT relevant du programme, dont 40 millions d'euros seront consacrés à l'hébergement du groupement de gendarmerie départementale du Var et de ses unités subordonnées à La-Valette- du-Var) et j'affecterai 15 millions d'euros de subventions aux collectivités locales en titre 6 pour permettre la mise en chantier de 885 unités logement, qui viendront compléter les 354 livraisons d'unités logement attendues.
Voilà pour les éléments d'ordre budgétaire, mais nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.
J'en viens maintenant aux réponses à vos questions.
En ce qui concerne le bilan du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, comme vous le savez, la loi du 3 août 2009 a consacré le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, tout en garantissant le respect de son identité militaire. Grace au soutien obtenu et à l'enrichissement du texte au Sénat, la gendarmerie a pu conserver l'intégralité de ses capacités et de ses savoir-faire.
Ce transfert a renforcé la synergie entre les deux forces de sécurité intérieure, même si le rapprochement entre police et gendarmerie était déjà bien engagé depuis 2002.
Des réalisations tangibles ont pu être accomplies dans plusieurs domaines.
Ainsi, en matière de systèmes d'information et de communication, nous avons créé un outil commun, le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure : le ST(SI)². A partir de l'existant, des besoins techniques particuliers clairement identifiés et reconnus pour chacune des deux forces, le ST(SI)² va oeuvrer dans le respect des attributions de chaque responsable de programme, pour une meilleure interopérabilité des réseaux, pour une mise à disposition de logiciels professionnels communs et une harmonisation des fichiers opérationnels et bases de données judiciaires.
En matière de police technique et scientifique (PTS), nous avons engagé des réflexions communes et une complémentarité des laboratoires spécialisés.
La réforme de la garde à vue a toutefois rendu la procédure plus complexe, mais nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.
Dans le domaine du soutien logistique, nous avons développé les achats et entretiens de matériels en commun, la mutualisation des structures de l'ECASGN et de l'ECLPN, des ateliers automobiles partagés.
Au niveau central, nous avons transféré une partie de notre fonction immobilière au sein de la direction de l'évaluation et de la performance et des affaires financières du ministère de l'intérieur (DEPAFI). Cette mesure a permis de créer aux cotés du bureau des affaires immobilières de la police nationale (BAIPN) un bureau des affaires immobilière de la gendarmerie (BAIGN).
En matière de ressources humaines, nous avons mis en place le dispositif de la passerelle gendarmerie-police, des échanges croisés dans le cadre de la formation et développé une mutualisation de certaines formations spécialisées.
La coopération entre les deux institutions ne saurait se réduire à un rapprochement de moyens. Elle s'inscrit aussi dans une démarche de complémentarité et d'efficacité opérationnelles
Au plan opérationnel, nous avons donné plus de cohérence à nos zones d'action respectives en procédant à des transferts équilibrés de territoires.
Ainsi, onze communes en zone gendarmerie accolées à de grosse plaques urbaines ou faisant partie de grosses agglomérations ont été rattachées à la police nationale (Marck, Rillieux-la-Pape, Ecully, Chassieu, Feyzin, Septèmes-les-Vallons, Cabriès, Le Haillan, Eysines, Bouliac et Artigues-Près-Bordeaux).
Dans le même temps, sept circonscriptions de sécurité publique implantées en zone majoritairement gendarmerie sont ainsi passées sous notre responsabilité (Fourmies, Annonay, Montbrison, Graulhet, Pertuis, Port-Saint-Louis du Rhône et Libourne).
Parallèlement, ces échanges de territoires ont été complétés par la CORAT (coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et le territoire), qui sur l'ensemble des départements, vient renforcer notre coopération opérationnelle afin de mieux prendre en compte les situations d'urgence et les phénomènes de délinquance communs notamment. Ainsi, les cellules anti-cambriolages (CAC) créées au niveau départemental permettent la systématisation du partage des informations entre les enquêteurs de la gendarmerie et de la police, complétant utilement la mise en commun des fichiers de police judiciaire. Elle permet enfin de mieux coordonner nos dispositifs lorsque cela a du sens. Je prends exemple sur les dispositifs de sécurité déployés à l'occasion des sommets du G8 et du G20, pendant lesquels 10 000 gendarmes et policiers ont agi en parfait accord, dissuadant toute velléité de perturbations par des fauteurs de trouble. Je souligne à cette occasion l'apport des savoir-faire militaires de la gendarmerie, avec la distinction opérée entre la force menante et la force concourante selon la zone d'action ou la capacité mise en oeuvre.
Toutes ces évolutions se sont faites sans que soit remise en cause, l'identité de la gendarmerie qui a trouvé toute sa place au sein du ministère de l'intérieur. Ce constat ressort bien du rapport d'évaluation de la loi sur la gendarmerie établi au cours de l'été par le député M. Alain Moyne-Bressand et la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier, et remis au Premier ministre.
Vous avez évoqué le récent rapport de la Cour des comptes sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique. Le ministre de l'intérieur a déjà apporté des éléments de réponse, mais je suis heureux de pouvoir vous livrer ici mon point de vue sur certaines de ses conclusions.
Le rapport parle en préalable de « résultats contrastés de la lutte contre la délinquance de 2002 à 2010 », évoquant une baisse des atteintes aux biens, mais une hausse des atteintes aux personnes.
Je vais vous parler de la délinquance constatée par la gendarmerie.
Je souhaiterais vous redonner deux ordres de grandeur : cette délinquance est constituée à 63 % par les atteintes aux biens (AAB) (627 696 faits en 2010). Les atteintes volontaires à l'intégrité physique - AVIP - n'en représentent quant à elles que près de 10 % (95 547 faits en 2010, avec une baisse de 0,3 %, dont seulement 8 859 faits de violences physiques crapuleuses, en hausse de 1,5 %).
Sur la période évoquée par la Cour, la délinquance constatée par la gendarmerie a baissé de 16,7 %. En 2010 et pour la première fois, le nombre de faits est passé en dessous de 1 million (de 1 182 173 faits en 2002 à 984 648 faits en 2010).
Sur cette période de 8 ans, ce sont donc 200 000 victimes en moins dans la zone de compétence de la gendarmerie. Dans le même temps, le taux d'élucidation des crimes et délits est passé de 32 à 40 %. Voilà pour les résultats contrastés du point de vue de la gendarmerie.
La Cour des comptes pointe également la « culture du résultat, érigée en mode de fonctionnement des services de sécurité publique ».
Je préfèrerais parler de culture de la performance. Cette notion me paraît plus conforme à la réalité. Dans sa double acception d'évaluation quantitative et qualitative, elle rend mieux compte de notre démarche. Cette culture de la performance s'impose aujourd'hui à nous comme un impératif : impératif car nous devons rendre publiquement compte de notre action. Impératif car elle découle de l'esprit de la LOLF et des indicateurs du programme annuel de performance, comme la représentation nationale l'a voulu. Impératif enfin car la lutte contre la délinquance n'est pas figée : il nous faut mesurer, d'une manière ou d'une autres, les problématiques auxquelles nous sommes confrontés, analyser l'évolution des phénomènes criminels, pour adapter en conséquence nos réponses voire anticiper les nouvelles menaces. Je pense notamment, dans le domaine de la cybercriminalité, aux escroqueries sur internet.
La culture de la performance - ou du résultat - n'est pas une course à la statistique. Elle permet de mesurer la qualité de notre réponse en matière de sécurité.
Vous avez fait allusion à deux de mes directives écrites du mois de septembre qui ont été rendues publiques, alors qu'il s'agit de documents à usage interne exclusivement.
Ces directives écrites, je les assume pleinement. Des notes de cette nature, j'en signe plusieurs par année. Il est bien dans mes attributions de pilotage de l'action de la gendarmerie de mobiliser mes moyens pour obtenir des résultats concrets.
Je commande et manoeuvre mes moyens. Je veux également tenir les engagements que j'ai pris devant vous pour la sécurité des Français.
Dès lors que j'ai clairement identifié une hausse des cambriolages, j'ai choisi de tout mettre en oeuvre pour en briser la spirale. Sont notamment visées les résidences principales dans lesquelles sont recherchés, en journée pendant les heures ouvrables et en l'absence de leurs occupants partis au travail, argent, or et bijoux.
Le rapport de la Cour des comptes pointe enfin du doigt la répartition des effectifs sur le territoire. Il s'attarde sur le critère de population, soulignant que le critère de délinquance serait plus judicieux.
La pression de la délinquance entre, bien évidemment, en ligne de compte. Mais la gendarmerie est avant tout un service public de sécurité de proximité, dans la profondeur des territoires, même les plus reculés.
Il est hors de question de laisser se déliter notre maillage territorial et de voir s'installer des déserts sécuritaires dans certaines parties du territoire.
La responsabilité de la gendarmerie s'étend sur de vastes espaces territoriaux, qui impliquent une présence partout. Avec aujourd'hui 3 200 brigades territoriales réparties sur 95 % du territoire, la gendarmerie peut dissuader la délinquance par sa seule présence, répondre aux attentes de la population et des élus, veiller les réseaux de communication et les flux, garantir la continuité de la réponse de l'État.
Pour autant, la répartition de nos effectifs, n'est pas figée.
La carte et le format de nos unités évoluent pour les faire correspondre à la réalité de la croissance démographique et de la pression de la délinquance.
J'apporte des réponses structurelles. Ainsi, malgré la baisse globale de mes effectifs, j'ai consenti un effort pour renforcer les 25 groupements de gendarmerie départementale confrontés à la plus forte délinquance. 750 ETP ont ainsi été redéployés à leur profit (dont l'Isère, la Loire-Atlantique, la Haute-Garonne et le Gard), grâce à la dissolution de quinze escadrons de gendarmerie mobile, au lieu des dix prévus.
J'apporte aussi des réponses conjoncturelles. J'accompagne les variations saisonnières de population, hiver comme été. Gendarmes mobiles, réservistes, élèves en formation sont ainsi mis à contribution. Dans les zones touristiques, comme les stations balnéaires ou les stations de ski par exemple, les enjeux sécuritaires et économiques sont étroitement liés.
Concernant votre question sur les diminutions d'effectifs, oui, nous avons réduit nos effectifs. Comme tous les ministères nous avons été mis à contribution.
Ces réductions ont pu être menées sans impact sur les résultats opérationnels. Comme je le rappelais à l'instant, pour la première fois en 2010, nous sommes passés sous la barre des 1 million de crimes et délits constatés par la gendarmerie.
Pour gérer ces baisses d'effectifs, nous avons réformé nos structures de soutien ou les avons mutualisées avec celles de la police nationale. Nous avons fermé 4 écoles en faisant des économies d'échelle. J'ai dissous 15 escadrons de gendarmerie mobile. La gendarmerie de l'armement et la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires ont été transférés au ministère de la défense en 2009. Dans le même temps je n'assure plus, depuis septembre 2011, la mission de garde des Centres de rétention administratif (CRA) reprise par la police nationale.
En 2012, pour absorber la diminution des effectifs, je ferai évoluer mon périmètre de commandement et de soutien (états-majors, groupe de commandement) et j'adapterai mon dispositif opérationnel partout où cela a du sens (création du groupe d'observation et de surveillance en Guyane, renforcement des effectifs de l'office central de lutte contre la délinquance itinérante).
Enfin, en réponse à votre question sur les OPEX, je voudrais rappeler que la gendarmerie a connu en 2011 un fort engagement aux côtés des armées dans les interventions extérieures. Toutefois, je souhaite que s'applique le principe anglo-saxon du « first in ; first out », c'est-à-dire que les interventions en OPEX soient pour une durée limitée. C'est pourquoi j'ai retiré la majorité des gendarmes de la mission EULEX Kosovo.
En Côte d'Ivoire, la gendarmerie mobile a été engagée au sein de l'opération Licorne. 160 gendarmes ont été déployés pendant sept mois sans possibilité de relève, affectés à la protection de nos ressortissants et de leurs biens. Je tiens à souligner la qualité exceptionnelle de nos relations avec les armées.
En Haïti, deux escadrons de gendarmerie mobile ont été déployés, avant d'être retirés.
Enfin, notre engagement en Afghanistan se poursuit. Il y a quelques semaines, je me suis à nouveau rendu sur place et j'ai pu prendre toute la mesure de la situation et du travail remarquable accompli par nos forces, insérées au sein de la zone d'action de la brigade Lafayette.
Depuis 2009, ce sont déjà 1 000 gendarmes qui se sont succédé sur le théâtre. Ils y effectuent notamment à Wardak, dans le cadre de la « NATO training mission », mais en communiquant en français avec les autres formateurs européens, des missions de formation et d'assistance des forces de sécurité intérieure locales. Je précise qu'à la demande de la France, la sécurité du camp a été renforcée par les forces afghanes.
Mon général, pourriez-vous faire un point de situation sur le recrutement dans la gendarmerie, le profil des gendarmes, et les passerelles police/gendarmerie ? Par ailleurs, pendant longtemps les recrutés étaient issus des zones rurales, constatez-vous une évolution à ce niveau ?
Ensuite, pourriez-vous dresser un panorama de la question du financement des OPEX dans lesquelles les gendarmes sont engagés ? Jusqu'à présent le surcoût des OPEX est assuré par des redéploiements de crédits. J'imagine qu'il doit être difficile pour les responsables de vivre avec cette incertitude financière.
Enfin, qu'en est-il des communautés de brigades, qui permettent de mutualiser les moyens tout en préservant la proximité ? Pourriez-vous revenir sur ce point ?
Mon général, je voudrais revenir sur la question des risques nouveaux et en particulier les cyber-attaques. Quelle est la contribution de la gendarmerie nationale face à ces menaces ?
Ensuite, vous avez évoqué la coopération entre la police et la gendarmerie. Je souhaiterais savoir, notamment sur le trafic de stupéfiants, comment se déroule la coopération avec les douanes ?
S'agissant du budget, en matière d'investissements, les intentions sont affichées, mais pour quelle réalisation effective ? Depuis 2007 le montant des dotations accordées chute, de 970 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2007 on passe à 161 millions aujourd'hui ! En crédits de paiement, nous passons de 570 à 122 millions d'euros.
Enfin, cette année il n'y aurait pas de plan de fermeture de brigades, uniquement des « ajustements » avez-vous dit. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Général d'armée Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale - Le Président M. Gérard Larcher m'a interrogé sur le recrutement. La situation est difficile. Les flux de recrutement ont sensiblement baissé au cours des dernières années. Il a donc été nécessaire de les relancer, c'est pourquoi des campagnes de communication ont été menées. Pour un coût relativement réduit de 350 000 euros, ces campagnes de communication obtiennent de bons résultats. Nous avons plus de 5 candidats pour un poste pour la catégorie des sous-officiers, et 2,5 candidats pour un poste pour les gendarmes adjoints volontaires. Aujourd'hui le recrutement est plus urbain que rural, et certaines régions sont déficitaires en candidatures. Le recrutement évolue pour devenir un véritable concours de la fonction publique. Les premiers concours sont organisés en 2012. Nous avons actuellement plus de 15 000 candidats pour près de 3 000 places.
A l'initiative de Mme Michèle Alliot-Marie, une passerelle a été créée entre les gendarmes et les gardiens de la paix. On a reçu cette année 150 candidatures de part et d'autre. La sélection a été faite en tenant compte de la motivation et des états de service de chacun. Après trois mois de formation, ils ont rejoint leurs unités. Je rappelle que les affectations avaient été préalablement présentées afin qu'il n'y ait pas d'ambigüité. Les retours sont tous positifs.
Vous m'avez également interrogé sur l'aspect financier des OPEX. Les difficultés se posent surtout sur le volet fonctionnement et les équipements, plutôt que sur la masse salariale. Je préfèrerais avoir des crédits dimensionnés à hauteur de nos besoins.
Enfin, les communautés de brigades permettent aussi de trouver un équilibre entre le statut militaire et le temps libre. Il est nécessaire de s'adapter à l'évolution sociologique de la société. En moyenne, un gendarme travaille 210 jours par an.
vous m'avez interrogé sur les nouvelles menaces. Celles-ci sont une réalité. Il faut se protéger en interne. Grâce aux réseaux radio police/gendarmerie, plusieurs dispositions ont déjà été mises en oeuvre, d'autres sont envisagées. En externe, les réseaux sociaux permettent aux émeutiers de se regrouper très facilement, comme on a pu le voir en Grande-Bretagne cet été. Le SGDSN pilote un travail sur cette question. L'idée pourrait être de mettre en place un couvre-feu numérique, à voir avec les pouvoirs publics afin de ne pas porter atteinte aux libertés publiques. Nous possédons des experts très compétents en matière de cybercriminalité.
Sur la coopération avec les douanes, elle est opérationnelle et permet de meilleures capacités d'action. En début d'année, à Millau, un « go fast » a été intercepté grâce à la coopération entre le GIGN et les douanes. Idem en outre-mer. Quant au réseau commun police/gendarmerie pour les drogues, il permet d'identifier les axes et de mener des actions partenariales.
Enfin, sur la question budgétaire, il y a une forte chute des investissements. Certes, les autorisations d'engagement sont en hausse en 2012, mais ce qui permet réellement de financer les acquisitions ce sont les crédits de paiement, qui sont en baisse. Toutefois, on ne peut pas engager de crédits de paiement sans autorisation d'engagement. La modernisation des unités est indispensable, mais certains investissements doivent être différés. Je pense notamment au programme de renouvellement des blindés à roue de gendarmerie mobile.
La gendarmerie nationale a pris toute sa place au sein du ministère de l'intérieur, tout en conservant son statut militaire. Pourtant, nous recevons parfois les échos d'une certaine grogne des gendarmes. Qu'en est-il exactement ?
Ma deuxième question porte sur les OPEX et en particulier la formation dispensée à la police afghane et l'accompagnement des policiers afghans sur le terrain, comme j'avais pu le constater lors d'un déplacement sur place à vos côtés. Ne conviendra-t-il pas de maintenir un volet formation sur le terrain dans ce pays après 2014 ?
Je suis un élu de Seine-Saint-Denis. Dans ce département il n'y a plus de gendarmes alors que le besoin est réel. N'est-ce pas un handicap pour la gendarmerie de ne pas être dans les territoires populaires ?
Enfin, sur la question des recrutements, pourriez-vous nous indiquer le taux de féminisation de la gendarmerie et si des programmes sont mis en place en faveur de la diversité ?
Je voudrais revenir sur le problème du logement. Les crédits affectés baissent, ce qui pèse sur la rénovation des logements qui en ont pourtant besoin, cela participe de la grogne des gendarmes et de leur famille. Afin de résoudre ce problème, est-ce que les opérations de partenariat public/privé (PPP) sont une solution ? Combien de PPP sont menés aujourd'hui ?
Enfin, sur la question de l'orpaillage en Guyane, ce problème a évolué depuis une dizaine d'années. Avant, les équipes étaient composées de 4 ou 5 garimpeiros, aujourd'hui les camps d'orpaillage comprennent entre 150 et 180 personnes, parfois lourdement armés et n'hésitant pas à ouvrir le feu sur les gendarmes, avec toutes les conséquences que cela implique en matière criminelle. Pourquoi la gendarmerie est-elle toujours en première ligne sur ces opérations, alors que des légionnaires sont présents sur place et qu'ils paraissent mieux armés pour agir ? Par ailleurs, la Guyane étant française, de telles opérations ne sont pas considérées comme des OPEX et n'ouvrent donc pas droit à des primes ou médailles pour l'implication dont les gendarmes font preuve.
Général d'armée Jacques Mignaux - A M. Jacques Gautier, sur la question de la prétendue grogne des gendarmes, je crois qu'il convient de la relativiser. On a aujourd'hui beaucoup réduit les facteurs de mécontentement en améliorant la communication au sein de la gendarmerie, en oeuvrant pour une plus grande transparence. Avec la réforme de la concertation et la mise en place de référents, la création d'un forum interne de discussion, des outils de dialogue interne ont été mis en place. Alors parfois, suite à des décisions ou déclarations, il peut y avoir des montées de mécontentement, mais nous restons très attentifs sur cette question.
A propos de l'Afghanistan, le volet formation est très important, mais cette formation peut aussi se dérouler sur le territoire français, par exemple à Saint-Astier. Nous n'avons pas vocation à nous maintenir sur place si la sécurité n'est plus assurée. Nous ferons face à nos engagements sans nous mettre en position de vulnérabilité.
M. Gilbert Roger m'a interrogé sur la logique territoriale. L'idée est qu'il ne doit pas y avoir de doublons avec la police nationale. Il est toutefois nécessaire de rester au contact de toute la population.
Le taux de féminisation de la gendarmerie est actuellement de 16,4 %. Ce chiffre est en croissance permanente. Quant à la diversité du recrutement, nous avons une classe d'excellence à Paris, nous avons sélectionné et accompagné 15 jeunes. Les résultats sont probants. Nous allons recommencer et créer également des classes d'excellence dans chaque DOM-COM.
Pour répondre à M. René Beaumont, en matière de logement, les PPP existent, 6 sont actuellement en cours, mais cela coûte globalement 30 % plus cher qu'une opération classique via le décret de 1993.
Quant à l'orpaillage clandestin en Guyane, la diffusion de cartes détaillées dans les années 90 a certainement contribué à son développement. Il existe plusieurs centaines de sites qui sont des reproductions en Guyane de ce qu'il se passe au Brésil ou au Surinam. Une section de recherche a été créée à Cayenne. Quant à l'opération Harpie, il s'agit d'une opération de police judiciaire et administrative avec le concours des armées, notamment sur le plan logistique. L'usage des armes est volontairement limité lors des opérations, ce qui fait aussi baisser le seuil de violence des clandestins.
Un des éléments très favorables de la coopération police/gendarmerie est la synergie technologique qui en découle. Y a-t-il des éléments de recherche sur la modernisation des outils technologiques grâce à ces synergies ?
Enfin pour revenir à la question de la cybercriminalité, internet favorise la délinquance masquée. Quels éléments de recherche avez-vous sur cette question ?
Comment envisagez-vous la coordination entre la réserve de gendarmerie et l'ensemble des autres réserves qui existent aujourd'hui ?
A la lumière de ce qui s'est passé en Alsace, un meilleur équilibre dans la présence des escadrons de gendarmerie mobile sur le territoire peut-il être mis en place ?
Pouvez-vous faire le point sur l'octroi à l'administration pénitentiaire de la charge du transfert des détenus ?
Quelles ont été les conséquences pour la gendarmerie de la réforme de la garde à vue ?
Enfin, pourriez-vous faire un point sur la question des carburants ?
Une remarque sur la question de l'immobilier, qui est très importante, notamment son impact sur le moral et la grogne des gendarmes. C'est réellement une question à suivre de près.
Quant à la possibilité de mettre en place un couvre-feu numérique sous certaines conditions, il conviendra de l'encadrer très précisément par le droit.
Pourriez-vous faire un point sur la situation de Jean-Hugues Matelly ?
Général d'armée Jacques Mignaux - Pour répondre à M. Joël Guerriau, nous sommes très attentifs à la question de la recherche et du développement. Nous travaillons actuellement sur la question de la reconnaissance faciale, mais également sur d'autres outils permettant d'aller plus vite et plus loin, sans pour autant supprimer des effectifs sur le terrain.
Sur la question d'internet, nous menons des opérations avec Interpol notamment dans les domaines de la lutte contre la contrefaçon ou la pédopornographie. Des opérations simultanées ont été déclenchées dans 80 pays sous le contrôle des autorités judiciaires locales.
M. Jean-Marie Bockel m'a interrogé sur les réserves. Il est nécessaire de se coordonner, il y a actuellement un problème de gouvernance à ce niveau, on reste attentif à cela. Sur les escadrons de gendarmerie mobile, je considère que leur nombre actuel ne peut plus être baissé. Je pense notamment à l'utilisation de ces escadrons outre-mer. Il existe un seuil incompressible et celui-ci a été atteint.
A M. Marcel-Pierre Cléach, concernant la reprise des transfèrements judiciaires par l'administration pénitentiaire, je voudrais rappeler que depuis janvier dernier, la gendarmerie a du transférer 130 ETP, 1 million d'euros en crédits de fonctionnement et la cession d'un certain nombre de véhicules est en cours. L'administration pénitentiaire doit donc être au rendez-vous pour reprendre cette tâche et nous espérons qu'elle le sera le plus rapidement possible.
En ce qui concerne la réforme de la garde à vue, on constate une baisse de 20 % des gardes à vue au niveau national, mais une hausse de 10 % pour les cambriolages. La gendarmerie nationale s'adapte à la loi, il y a une flexibilité des personnels mais cela a un coût. Il faut s'organiser, et cela nécessite plus d'enquêteurs et plus de moyens.
Enfin, sur la question des carburants, nous sommes abonnés au marché du service des essences des armées (SEA). Nous bénéficions de deux modes d'approvisionnement : remplissage de nos cuves par le SEA ; approvisionnement aux bornes des compagnies pétrolières à partir de cartes-carburants mises en place dans les véhicules.
Pour répondre à M. Jean Besson, à l'avenir je pense qu'il sera indispensable de réfléchir à une adaptation de la présence de la gendarmerie dans certaines zones très peu peuplées.
Enfin, sur la question de M. Jeanny Lorgeoux, le chef d'escadron Mattely a franchi la ligne rouge selon le Conseil d'État, mais cela n'implique pas la radiation. Il a payé son dû : il a été suspendu de ses fonctions pendant plusieurs mois et a reçu un blâme du ministre. Aujourd'hui, j'ai tourné la page. J'ai demandé à mes services d'examiner la possibilité de l'affectation de cet officier en administration centrale l'été prochain.
La commission auditionne M. Edouard Courtial, secrétaire d'Etat chargé des Français de l'étranger, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Français de l'étranger » de la mission Action extérieure de l'Etat).
Je vous prie d'excuser l'absence de M. Carrère, président de la commission, retenu à Mont-de-Marsan, où le ministre rend hommage aux troupes qui sont intervenues en Libye.
Nous sommes heureux de vous recevoir, monsieur le ministre. Nous souhaitons que vous nous éclairiez sur votre action aux côtés de M. Juppé, ministre d'Etat. Bien que nous soyons en période budgétaire, votre audition ne s'inscrit pas dans ce cadre puisque vous ne disposez pas de crédits d'intervention. En revanche, pouvez-vous nous éclairer sur la préparation, dans les pays étrangers, des échéances électorales de 2012, présidentielle et législatives avec, pour la première fois, l'élection de onze députés représentant les Français de l'étranger ? Les difficultés qu'a mentionnées M. Juppé au Canada sont-elles isolées ou affectent-elles d'autres pays ?
Pouvez-vous nous retracer les mensures prises par nos consulats pour assurer la préparation de ces élections, ainsi que leur coût, et la réparation de ceux-ci entre le ministère des affaires étrangères et celui de l'intérieur ? L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), les sénateurs représentants ces Français sont-ils associés à cette préparation ?
Voila quarante-trois jours que le Président de la République et le Premier ministre m'ont fait l'honneur de me charger des affaires relatives aux Français de l'étranger auprès de M. Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes.
Voilà quarante-trois jours que je suis constamment au contact des Français de l'étranger, au ministère et surtout sur le terrain, au plus près des réalités. Je me suis d'abord rendu à Maurice pour représenter notre pays à la Conférence de l'Océan indien, puis dans une dizaine de pays. J'effectuerai la semaine prochaine un déplacement aux Etats-Unis.
Mon apprentissage a été rapide. Je me suis expliqué sur des prises de position antérieures qui ne traduisaient pas une bonne approche de ma part, tant en matière de bi-nationalité que de fiscalité. Je n'ajoute rien aux regrets que j'ai présentés. Si j'évoque ce point, ce n'est pas pour raviver inutilement la controverse, mais pour souligner que l'idée qui m'animait reflétait un sentiment assez répandu chez nos compatriotes à l'égard des Français qui ont fait le choix de vivre hors de France.
Car, lorsqu'on demande à nos compatriotes ce qu'ils pensent des Français de l'étranger, ils répondent le plus souvent que ce sont des privilégiés à la vie facile et dorée alors qu'eux sont confrontés aux duretés de l'existence. C'est d'ailleurs aussi l'image que véhiculent les documentaires télévisés sur les diplomates.
Je m'en rends compte chaque jour davantage à la faveur de mes contacts avec les Français que je rencontre lors de mes déplacements. Pour avoir passé plus de la moitié de mon temps hors de France depuis ma prise de fonction, je connais mieux maintenant la réalité des rues de Shanghai, de Manille ou de Port-au-Prince. Elle est bien différente de ce qu'on imagine habituellement.
Dans ce contexte, mon rôle est double : d'abord, faire prendre conscience que les Français de l'étranger font partie intégrante de la nation, qu'ils sont confrontés à des difficultés de vie quotidienne comme tout le monde, avec des contraintes différentes selon le pays où ils vivent. Si vous ouvrez un manuel de géographie sur la France, vous constatez qu'on y parle à peine des Français d'Outre-mer et encore moins des Français de l'étranger. Or, Français de France, Français d'outre-mer et Français de l'étranger forment tous le peuple français. Il serait temps qu'on prenne la mesure d'une situation pourtant évidente à mes yeux.
Je veux ensuite mobiliser les Français de l'étranger autour de l'idée qu'ils sont aux avant-postes de la mondialisation, qu'ils sont aussi des acteurs du développement, du rayonnement et de l'influence de la France. Les Français de l'étranger ne sont pas une poignée d'originaux, à la vie facile, partis au loin courir l'aventure. Ils représentent désormais une masse dont il faut prendre la mesure et définir en leur faveur une véritable politique.
Il y avait au 1er janvier 2010, 1 504 000 inscrits au registre des Français établis hors de France, c'est-à-dire entre deux et deux millions et demi de Français puisqu'une grande partie d'entre eux, pour toutes sortes de raison, ne juge pas utile de se faire connaître de l'autorité consulaire.
Le nombre des Français établis hors de France a augmenté de 14,06 % de 1990 à 2000 et de 50 % de 2000 à 2010. Les conditions de l'expatriation ont considérablement évolué en 50 ans. L'intensification des échanges, les perspectives professionnelles, la possibilité de suivre un cursus universitaire ou une formation hors de France conduisent un nombre croissant de Français à s'expatrier non plus définitivement mais pour quelques années, dans des pays différents, en alternance avec des retours en France. Les séjours à l'étranger se banalisent et deviennent l'élément valorisant d'un curriculum vitae.
Les Français de l'étranger ne sont plus simplement des Français qui vivent hors de France. La vie à l'étranger leur confère un particularisme, variable selon le lieu de résidence. Ce particularisme doit être pris en compte par une intervention interministérielle afin de mettre en place une véritable politique. Ils ont besoin au Gouvernement d'un interlocuteur attentif et privilégié. C'est ce qu'ils me disent lors de mes déplacements car ils ressentent la nomination d'un membre du Gouvernement chargé des Français de l'étranger comme une marque d'intérêt significative à leur égard.
Mon rôle de secrétaire d'Etat chargé des Français de l'étranger ne consiste pas à faire des coups, ni à vouloir attacher mon nom à une loi ou à me lancer dans des réformes qui ne verraient pas le jour avant la présidentielle et les législatives.
En outre, je n'ai que peu de moyens propres. Je n'ai comme soutien administratif que les directions et services du ministère des affaires étrangères, mis à ma disposition, « en tant que de besoin », en particulier la direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire et le centre de crise. Je peux évidemment recourir au concours des services des autres ministères. Mon cabinet comporte le minimum de membres prévu par le Premier ministre, soit six collaborateurs. Je ne dispose d'aucun crédit de fonctionnement propre.
Ma véritable force réside dans mon action de terrain : je veux être un ministre de proximité et agir hors de France, comme je le fais dans ma commune ou ma circonscription, pour avoir une perception directe des préoccupations des Français de l'étranger en allant voir, chez eux, à Wuhan, ceux qui me racontent leur première expérience de l'expatriation, ou à Manille - où aucun ministre français ne s'était rendu depuis 2006 - des jeunes Français qui ont créé une boulangerie, ou à Singapour, les élèves de l'ESSEC. Je rencontre aussi les représentants d'associations, d'entreprises, les sénateurs et les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger mais aussi les consuls, les consuls généraux et leurs collaborateurs dont je salue la très haute qualité. Je m'attacherai à préserver leurs moyens, afin qu'ils puissent travailler dans de bonnes conditions parmi leurs compatriotes, leur apporter des services administratifs mais aussi contribuer à maintenir un lien social, un lien avec leurs racines, avec leur culture, avec en définitive, leur civilisation.
Tous ces contacts me servent à établir un état des lieux et à travailler pour l'avenir. La sécurité, la protection sociale et les aides à la scolarité sont les trois préoccupations majeures de nos compatriotes. J'ai d'ailleurs tenu à les faire figurer comme telles dans mon décret d'attributions. Publié hier au Journal officiel, ce texte met l'accent de façon explicite sur le rôle qui m'est attribué au sein du Gouvernement, sous l'autorité du ministre d'Etat.
A ces trois grands chapitres, je souhaite ajouter des champs d'actions prioritaires : je veux dresser un état général de toutes les dispositions juridiques applicables aux Français de l'étranger. Résider hors du territoire national ne leur confère aucun privilège et ne les soustrait à aucun de leurs devoirs, mais ne les écarte pas non plus du bénéfice des droits reconnus à tout Français. Cependant, peu de textes spécifiques leur sont consacrés. Dans la plupart des cas, ils sont inclus dans le champ d'application de textes plus généraux.
En second lieu, je veux avoir une meilleure approche de la vie et des préoccupations des Français dans les grandes régions du monde, en m'appuyant sur l'AFE. J'ai d'ailleurs demandé à ses membres de me faire parvenir les propositions de simplifications administratives qui, à coût constant, dépoussiéreraient certaines formalités ou procédures. Je sais que la Commission européenne a déjà travaillé sur ces sujets et je lui demanderai d'établir un panorama de la vie des Français dans les pays de l'Union en mettant en évidence les difficultés.
Je souhaite aussi travailler en tables rondes géographiques lors des sessions de l'AFE. Une première expérience de ce genre, une table ronde « Europe », a été menée à l'occasion de la session plénière de septembre.
En troisième lieu, nous devrons réfléchir à des politiques d'ensemble, notamment en matière sociale.
A l'écoute de tous les Français de l'étranger, je veux être celui qui porte leurs préoccupations au sein du Gouvernement. Je souhaite avoir une action interministérielle concrète en travaillant directement avec mes collègues pour trouver des pistes et des solutions afin de faciliter la vie de nos compatriotes expatriés.
J'ai annoncé à l'AFE que j'avais une ambition pour les Français de l'étranger : je souhaite qu'ils s'affirment en France et dans le monde. L'année prochaine, la participation électorale aux deux grandes échéances démocratiques sera déterminante. En votant, les Français de l'étranger enverront un message à la Nation. Ils diront leur fierté de faire ce geste civique et républicain, ils diront qu'ils ont conscience de faire partie d'une même et seule nation en dépit de leur éparpillement sur la surface du globe, ils diront qu'ils sont chacun une parcelle du peuple français. Au-delà des résultats proprement dits, c'est-là que réside à mes yeux un des véritables enjeux de 2012.
Je souhaite aussi mobiliser leur énergie, leur force et leur dynamisme au service de la France dans le contexte de la globalisation économique. J'ai en mémoire deux phrases prononcées devant des communautés françaises, la première par le Président de la République, à Washington, le 6 novembre 2007 : « Je veux vous dire une chose : on a besoin de vous. Votre pays a besoin de vous parce qu'ici vous êtes au contact du monde ». La deuxième, par le Premier ministre, à Abidjan, le 14 juillet dernier : « Chaque Français doit se souvenir que la France est une grande Nation, mais que cette grandeur n'existe pas sans effort et sans vertu individuelle. Chacun de nous doit se demander ce qu'il peut faire pour son pays, parce que son avenir ne dépend pas seulement de l'Etat ou des responsables politiques, il dépend aussi du courage, du civisme, de la générosité qui doivent inspirer chaque individu ».
Ces deux citations orientent ma réflexion.
Les Français de l'étranger ressentent directement les vibrations du monde. Au contact de réalités, profondément différentes de la France métropolitaine ou d'outre-mer, ils voient le monde et la France avec un regard particulier, sous un angle plus aigu et plus critique, relativisant et replaçant à leur juste proportion les événements de la vie. Avec le recul qu'impose l'éloignement, mais confrontés au mouvement du monde, ils mesurent et soupèsent avec lucidité les forces et faiblesses de la France.
Si les Français de l'étranger sont une force, cette force doit être mobilisée. Mais il faut également leur montrer que la France les apprécie et compte sur eux : nous devons les valoriser et non pas les stigmatiser en faisant d'eux des nantis. L'étranger n'est pas un Eldorado, c'est un champ de compétition où il faut être excellent pour réussir car la confrontation avec un univers différent est, au départ, une source de difficultés plus qu'un avantage.
C'est à cette prise de conscience collective que je veux oeuvrer. (Applaudissements à droite)
Lors de la plénière de l'AFE en septembre, vous avez dit vouloir faire de 2014 l'année des Français de l'étranger. Nous fêterons en effet le centenaire de la Première guerre mondiale et vous voulez rendre hommage aux Français de l'étranger qui se sont engagés pour défendre la patrie.
L'année de l'outre-mer a sensibilisé nos compatriotes à la richesse de nos territoires ultra-marins mais la plupart des évènements se sont déroulés en métropole. En 2014, peut-être sera-t-il bon de sensibiliser nos compatriotes aux Français de l'étranger mais cela pourrait aussi être l'occasion aussi de faire la promotion de la France dans ces pays d'accueil.
Pourquoi ne pas également rendre hommage aux anciens combattants étrangers qui se sont joints à nos troupes et leur reconnaître ce statut ?
Le programme 151 traite de la rémunération du personnel affecté à la délivrance des visas. Il faudrait également se préoccuper du coût de ces visas pour les demandeurs, du fait de l'externalisation des procédures. Certes, le système mis en place a permis de supprimer certaines files d'attentes mais les demandeurs doivent payer à la fois le consulat et le prestataire. Ainsi, au Caire, la société TLScontact organise les rendez-vous et constitue le dossier du demandeur mais il en coûte 24 euros. Cette externalisation ne devrait pas pénaliser les demandeurs : avez-vous prévu quelque chose en ce domaine ?
Autre problème : en Algérie, une expérimentation d'externalisation des données biométriques est en cours. En septembre 2009, la CNIL a émis de sérieuses réserves sur l'éventuelle utilisation de ces données par le prestataire de service et par les autorités locales. Comme l'expérimentation va être élargie aux consulats de Londres et d'Istanbul, ces remarques ont-elles été prises en compte ?
Les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre, confirment que vous mériteriez d'être un Français de l'étranger. Nous partageons votre point de vue, que nous soyons de droite, de gauche ou du centre.
J'ai sous les yeux deux décrets d'attribution, celui de votre prédécesseur et le vôtre, monsieur le ministre. Celui de M. Douillet tenait en une phrase, « Il assiste le ministre d'Etat et connaît les affaires des Français de l'étranger qu'il lui confie ». C'est assez vague. En revanche, celui qui vous concerne est très précis puisqu'il fait référence aux questions relatives à la représentation des Français de l'étranger, à leur sécurité, à leur protection sociale et à l'enseignement du français à l'étranger. Or, tous ces points intéressent au plus haut point les Français de l'étranger.
J'en viens à l'enseignement du français à l'étranger. Depuis 2007, beaucoup d'efforts ont été faits en ce domaine : le montant des bourses a été multiplié par deux en quatre ans. La prise en charge des frais de scolarité coûte une trentaine de millions. Quelle sera la politique du Gouvernement en ce domaine ?
Les élections : le système est difficile à mettre en place et je remercie les personnels des consulats qui mettent à jour les listes électorales et qui préparent le vote par Internet pour les députés. La question du vote par correspondance devra encore être précisée. Je note un retard dans la publication des textes relatifs aux candidats députés, notamment en ce qui concerne les dispositions financières. Avez-vous des informations de Matignon ?
Je vous félicite enfin d'avoir reconnu le rôle de l'AFE. Cette assemblée n'est pas assez souvent sollicitée.
Je confirme les propos que j'ai tenus deux jours après ma nomination devant l'AFE, madame Conway-Mouret : je souhaite que 2014 soit l'année des Français de l'étranger. Ce sera l'occasion à la fois de mieux faire connaître l'importance des Français de l'étranger à nos compatriotes et d'inciter les Français de l'étranger à faire la promotion de la France dans leur pays d'accueil. Je partage votre point de vue concernant les commémorations de la Grande guerre.
En ce qui concerne les visas, je n'ai pas de compétence propre : les ministères des affaires étrangères et de l'intérieur exercent une tutelle commune.
Merci, monsieur del Picchia, pour les paroles aimables que vous avez eues à mon égard. Vous vous êtes réjouis de mon décret d'attribution qui me permet, en effet, d'en revenir au coeur du métier : la représentation, la sécurité, la protection sociale et l'enseignement. En même temps, je pourrai disposer du centre de crise autant que de besoin.
S'agissant des bourses et des frais de scolarité, ces sujets sont de la plus haute importance. Je suis absolument convaincu de l'importance de notre système d'enseignement du français à l'étranger : il s'agit d'un outil culturel et politique exceptionnel, un instrument de rayonnement. Nous devons donc nous employer à le faire vivre. Je souhaite que le Gouvernement continue sur la voie tracée en 2007 par le Président de la République. Certes, l'objectif est ambitieux et le chemin un peu rude, mais, depuis 2007, l'aide à la scolarisation s'est considérablement accrue. La mise en place de la prise en charge des frais de scolarité (PEC) ne s'est pas faite au détriment des bourses puisque le montant de celles-ci est passé de 50 à 90 millions d'euros tandis que le budget global était porté à 120 millions d'euros.
Vous avez aussi évoqué les élections législatives et la sortie de décrets relatifs au financement et aux comptes de campagne. Ils devraient être publiés très prochainement.
Vous voulez tous que l'AFE joue un rôle plus important. Je lui ai demandé de me soumettre ses réflexions. Mi-décembre, je rencontrerai son bureau et nous verrons quelles sont ses propositions. Je suis très satisfait des contacts que j'ai pu avoir avec les conseillers de l'AFE : ce sont des gens de qualité qui connaissent leur sujet. Je souhaite que cette assemblée joue un rôle plus important qu'à l'heure actuelle. Elle a tout mon soutien.
En 43 jours, vous avez visité 11 pays. Quelles sont vos premières impressions ?
Je me félicite que nous ayons un secrétaire d'Etat chargé des Français de l'étranger.
J'ai été un des seuls sénateurs des Français de l'étranger à ne pas souhaiter la création de députés représentant les Français de l'étranger. Pourquoi ? Un retour historique s'impose : en 1980, François Mitterrand avait prévu la création de tels députés. Après des négociations que j'ai menées avec Guy Penne et Michel Charasse, et avec le Président du Sénat, M. Mitterrand a tenu en quelque sorte son engagement puisqu'il a doublé le nombre de sénateurs représentants les Français de l'étranger en les faisant passer de six à douze. Quand M. Sarkozy a annoncé qu'il voulait des députés des Français de l'étranger, je me suis rapidement rendu compte que mes onze collègues n'élevaient aucune objection. Je me suis donc rangé à leur avis et j'ai voté la réforme. J'ai d'ailleurs bien fait car la révision constitutionnelle est passée à deux voix... S'il n'y a pas de problèmes particuliers pour certaines circonscriptions comme la Suisse ou le Benelux, j'en vois en revanche de majeurs pour des circonscriptions plus vastes : je rappelle que l'une d'entre elles regroupe 49 pays ! Comment un député va-t-il pouvoir exercer correctement son mandat ? Ces députés ne vont-ils pas être choisis par les deux grands partis et non pas par les élus de terrain ? D'ailleurs, les membres de l'AFE n'ont pas été très gâtés en ce qui concerne le choix des circonscriptions.
En second lieu, je m'interroge sur le taux de participation à ces élections. L'éloignement de nos compatriotes fait qu'il leur est très difficile de voter, même si des efforts ont été faits pour faciliter leur vote. Mais je m'inquiète du taux de participation qui risque de nuire à l'image de nos compatriotes expatriés. Vous êtes décidé à faire un effort en ce domaine et je vous en félicite.
J'en viens à la couverture sociale des Français de l'étranger. J'ai déposé un amendement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale afin que ces derniers puissent s'affilier à l'assurance volontaire vieillesse, car désormais, nos compatriotes français qui sont nés à l'étranger, qui y ont toujours vécu et qui ne peuvent justifier de cinq ans de cotisations à l'assurance maladie en sont exclus alors que cette assurance avait été créée pour eux. Une décision de la Cour de cassation - qui d'ailleurs empiète de plus en plus sur les prérogatives du Parlement - leur interdit toute affiliation. Un ressortissant sénégalais ayant travaillé en France avait en effet demandé à pouvoir adhérer à l'assurance volontaire vieillesse réservé aux Français de l'étranger. Pour qu'il n'y ait pas de discrimination, la Cour a estimé que cette personne pouvait adhérer, ce qui est tout à fait normal. En revanche, suite à un amendement de M. Dominique Leclerc voté l'année dernière, un décret a interdit aux Français de l'étranger n'ayant pas cotisé en France au moins cinq ans d'adhérer à l'assurance volontaire vieillesse. Je ne puis accepter cette discrimination. J'ai déposé un amendement mais l'on m'a opposé l'article 40 : pourtant, il s'agit d'une cotisation volontaire, payée par l'adhérent, mais on m'a rétorqué que cette assurance était déficitaire et mon amendement aurait accru les charges de l'Etat ! Un exemple de cette discrimination que je dénonce : un des fils de Dominique de Villepin né à l'étranger et qui a toujours vécu à l'étranger ne peut pas adhérer à cette assurance. Trop, c'est trop.
Je me félicite que nous ayons un secrétaire d'Etat chargé des Français de l'étranger. Je suis en revanche beaucoup plus sceptique sur l'affaire des députés. L'action de nos collègues sénateurs représentant les Français hors de France est très efficace. A chaque fois que je voyage, je constate à quel point les délégués des Français de l'étranger sont reconnus. L'arrivée des députés va troubler les repères.
Quel sera le coût de la campagne législative pour ces députés ? Le décret n'a pas encore été publié, mais avez-vous une idée des moyens qui leur seront octroyés ? Quand ils auront été élus, quelle sera leur ligne budgétaire, notamment pour les grandes circonscriptions ?
Merci de suivre avec une telle attention mes déplacements dans le monde, monsieur Charon...
Lors de chacun des onze déplacements, j'ai constaté que notre réseau d'enseignement était partout synonyme d'excellence. Nous disposons là, en effet, d'un grand outil d'influence et de rayonnement.
Les trois piliers que sont la scolarisation, la protection sociale et la sécurité rendent ma mission de coordination interministérielle complexe, et les priorités ne sont pas identiques à Port-au-Prince et à Shanghai.
Monsieur Cantegrit, je vous félicite pour la discipline dont vous avez fait preuve malgré votre désaccord de principe avec la création des députés élus par les Français de l'étranger. J'ignorais que François Mitterrand l'eût envisagée il y a une trentaine d'années... Au demeurant, j'y vois la conclusion logique d'un mouvement de reconnaissance dont la première étape remonte à la Constitution du 4 octobre 1958. La loi du 7 juin 1982 a ensuite instauré l'élection au suffrage universel des délégués et l'élection des douze sénateurs par les seuls membres élus du CSFE, devenu l'AFE. J'observe que cette évolution institutionnelle semble appréciée par nos compatriotes. Certes, avec un territoire incluant la Russie et l'Australie, la onzième circonscription est extrêmement vaste, mais il n'y a pas là d'inconvénient majeur, puisque l'étiquette politique joue un rôle prédominant dans toute élection législative. Je rejoins votre analyse quant à l'importance cruciale du taux de participation à l'occasion de ce nouveau scrutin. Nous devons tous faire oeuvre de pédagogie. C'est pourquoi j'utilise chaque déplacement pour inciter nos concitoyens à s'inscrire sur les listes électorales et à voter. La hausse des abstentions lors des scrutins présidentiels depuis une trentaine d'années est inquiétante.
Vous connaissez parfaitement l'assurance vieillesse, sujet technique s'il en est, monsieur Cantegrit. Après 43 jours de fonction, je confesse ne pas le maîtriser totalement ce sujet, mais je serais heureux de reprendre la discussion avec vous.
Monsieur Pozzo di Borgo, merci pour vos paroles aimables à mon endroit. Vous aussi avez exprimé des réserves sur la création de onze circonscriptions législatives hors de France. Le coût de la campagne n'est pas totalement calé. Comment l'action des nouveaux parlementaires sera-t-elle financée ? Je vous renvoie à la décision que l'Assemblée nationale prendra. C'est elle qui a réservé des segments aériens pour les députés dont la circonscription est éloignée de Paris, par exemple en Corse. Pourquoi ne prendrait-elle pas de décision concernant ses membres élus hors de nos frontières ?
Ancien député de l'Oise, j'ai sincèrement regretté d'avoir signé il y a quelques mois une proposition de loi controversée. La présence des députés élus par les Français de l'étranger permettra une veille législative écartant toute disposition séduisante pour les habitants de l'hexagone, mais dévastatrice pour ceux qui résident à l'extérieur. Le Président de la République ne s'est pas trompé.
Il faut donc instaurer la même chose à l'Assemblée nationale. La proposition de loi à laquelle je viens de faire allusion n'aurait pas franchi le stade de la rédaction si nous avions eu des députés élus par les Français de l'étranger.
La création du secrétariat d'État me réjouit, car nos concitoyens ont besoin de se sentir mieux identifiés et soutenus au sein de l'équipe gouvernementale.
Je tiens à souligner un fait : les Français expatriés ne sont pas tous riches, il y a parmi eux des jeunes partis dans des conditions incertaines pour leur avenir. Or, ambassades et consulats ne sont pas équipés pour soutenir nos concitoyens pauvres. À Casablanca, une association bénévole intervient en faveur de jeunes Français ayant tenté leur chance sur place. Comment comptez-vous aider nos compatriotes pauvres de l'étranger ? J'en ai vu aussi en Argentine. Leurs difficultés sociales étant réelles, comment comptez-vous faire jouer la solidarité nationale ?
Pensez-vous que la localisation géographique des consulats soit appréciée par les Français de l'étranger éloignés des capitales ?
Ma deuxième question concerne les passeports biométriques, dont la délivrance est précédée de deux rencontres en métropole, mais d'une seule à l'étranger. Or, les demandeurs, dans certains pays, peuvent être des criminels notoires. Les précautions sont-elles toutes prises dans les consulats, à l'instar de ce qui se passe sur le territoire national ?
- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président -
Je suis très attentif à la politique sociale. La réalité des difficultés est indéniable au Maroc, mais aussi à Shanghai, ville où certains Français tentent de rester sans titre de séjour, car ils pensent y avoir trouvé un eldorado, par exemple à l'occasion d'un stage. J'ai vu des associations leur accorder un soutien.
Au sein de l'Union européenne, nous avons prorogé le filet de sécurité transitoire, qui permet d'attribuer à nos compatriotes des aides sociales plus élevées que celles en vigueur dans le pays de résidence.
La répartition géographique des consulats pose parfois problème, notamment en Espagne, où la fermeture du consulat de Malaga n'a pas été sans inconvénient. En dix ans, nous avons supprimé une dizaine de consulats généraux et ouvert à peu près autant de consulats généraux ou de consulats généraux à gestion simplifiée, nous avons composé avec l'explosion du nombre des Français résidant en Chine.
Notre pays dispose aujourd'hui d'un réseau formé de 496 consuls honoraires. J'ai réuni les consuls honoraires en Espagne, avec l'ambassadeur de France. Il est vrai que le passeport biométriques est délivré à l'étranger après un seul déplacement, mais je me suis assuré de toutes les questions de sécurité.
Lorsque le passeport biométrique n'est pas délivré à temps, l'administration délivre un passeport provisoire de couleur verte. Celui dont j'étais porteur m'a valu de gros ennuis en Israël, où sa couleur verte a suscité de la suspicion et des contrôles répétés.
Distinguer le passeport ordinaire du document temporaire n'est pas illégitime, mais certains pays sont plus tatillons que d'autres. Je suggère une couverture noire ou bleue.
La commission nomme rapporteurs :
Jean-Marie Bockel sur le projet de loi n° 3813 (AN - 13e législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la Brigade franco-allemande ;
Xavier Pintat sur le projet de loi n° 3856 (AN - 13e législature) autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X ;
Jacques Gautier sur le projet de loi n° 3876 (AN - 13e législature) autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques.