Rappelant le contexte de la proposition de loi, M. Daniel Soulage, rapporteur, a constaté que les exploitations agricoles vivaient sous la menace constante d'un accident climatique : coup de grêle ou de gel, période de sécheresse, excès d'humidité, inondation... Le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) a longtemps été l'unique moyen d'indemniser les agriculteurs, mais il connaît certaines limites : longueur des délais d'indemnisation, nécessité d'une reconnaissance du caractère de calamité agricole, faiblesse des montants versés. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé de « sortir » progressivement certaines productions couvertes par le fonds et de renvoyer, pour leur garantie, à des mécanismes assurantiels.
Tout en reconnaissant les imperfections couramment reprochées au fonds, M. Daniel Soulage, rapporteur, a estimé que celui-ci joue et devrait continuer de jouer un rôle très important de « filet de sécurité » réactivable en cas de nécessité. Quand bien même l'existence sur le marché de produits d'assurance adaptés permettrait de retirer certaines filières du fonds, comme cela sera le cas des grandes cultures dès 2009, il serait utile de le conserver au moins partiellement, notamment pour indemniser les pertes de fonds ou de cultures non assurables.
a mentionné le développement depuis longtemps de plusieurs produits d'assurance : contre la grêle, contre le gel, plus récemment contre plusieurs risques combinés (grêle, gel, sécheresse, inondation ou excès d'eau, ainsi que de vent), avec le soutien de l'Etat et souvent des collectivités territoriales, qui versent une partie des primes d'assurance. Suite au décret du 14 mars 2005 et à la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, l'assurance récolte a démarré rapidement, avec environ 60.000 contrats. Sa progression a ensuite été beaucoup plus lente, puisque moins de 70.000 contrats sont aujourd'hui souscrits. Elle couvre plus du quart des surfaces assurables, mais avec des différences notables selon les productions : près de 30 % pour les grandes cultures, 12 % pour la viticulture, et moins d'1 % pour les cultures fruitières.
a souligné que l'assurance récolte permettait des remboursements plus rapides et plus élevés, ainsi qu'une gestion des risques plus responsable de la part de l'agriculteur. La condition de son succès réside toutefois dans un soutien résolu de la part des pouvoirs publics, car le niveau des risques est tel qu'un grand nombre d'exploitants ne pourraient pas acquitter la prime d'assurance si l'Etat ne la subventionnait en partie. Par ailleurs, il est indispensable que ce dernier donne de nouvelles possibilités de réassurance pour permettre le développement des secteurs déjà couverts, ainsi que la couverture de la filière élevage.
Evoquant les négociations qui se poursuivent à Bruxelles dans le cadre du « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) et de la réflexion sur la période postérieure à 2013, M. Daniel Soulage, rapporteur, a salué l'action du Gouvernement et, en particulier, du ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, pour son combat opiniâtre en faveur de notre modèle agricole. En particulier, des sommes devraient être redéployées à l'intérieur du « premier pilier » (aides à la production) en vue d'apporter un complément au financement de l'assurance récolte. Ainsi les subventions à l'assurance, qui correspondraient à 60 % de la prime, seraient prises en charge pour les deux tiers par des fonds européens, le reste étant apporté par les Etats membres. Les discussions se poursuivent sur ce point, l'entrée en vigueur du dispositif étant attendue pour 2010.
S'interrogeant sur la proposition de rendre obligatoire l'assurance récolte, M. Daniel Soulage, rapporteur, a d'abord noté qu'il s'agissait d'améliorer l'efficacité du système, de le rendre plus juste et de réduire les primes par une plus grande mutualisation des risques. Les assureurs demandent en effet des primes exorbitantes si les seuls à payer sont ceux qui présentent un risque important, alors que le coût pour chacun serait moins élevé si tous participaient. Il a toutefois relevé plusieurs difficultés :
- on ne rend habituellement obligatoires que les assurances santé ou celles qui sont associées à la responsabilité civile à l'égard des tiers : elles permettent de garantir l'indemnisation de la victime, quelle que soit la capacité financière du responsable ;
- dans une période où les marges budgétaires de l'Etat sont très réduites, les sommes en jeu, qui s'élèvent aujourd'hui à 32 millions d'euros, seraient sans doute multipliées par dix si tous les exploitants étaient assurés, cette évaluation ne prenant même pas en compte le secteur de l'élevage. L'Etat participe en effet au paiement des primes, lesquelles risqueraient d'être beaucoup plus importantes pour les agriculteurs qui actuellement ont fait le choix de ne pas s'assurer ;
- si certains agriculteurs ne s'assurent pas aujourd'hui, ce n'est pas seulement par manque de solidarité, mais en raison de l'absence d'un produit assurantiel adapté à leurs besoins. C'est le cas en particulier pour les cultures fourragères ;
- il faudrait mettre en place des formalités et des procédures de contrôle lourdes pour vérifier que tout le monde est assuré, ainsi que des sanctions contre ceux qui ne le sont pas ;
- enfin, à l'étranger, l'assurance récolte n'est pas rendue obligatoire à l'heure actuelle. En Espagne, pays qui a trente ans d'expérience en ce domaine, la moitié seulement des exploitations sont assurées, alors que l'Etat y consacre des sommes dix fois plus importantes qu'en France.
a souhaité que l'examen de cette proposition de loi permette de faire le point sur ce dossier, au moment où l'assurance récolte tend à remplacer le FNGCA pour certaines productions et où un accord sur le sujet entre les instances communautaires est prévu le 19 novembre. Tout en encourageant le Gouvernement dans ces négociations, il a mis l'accent sur la nécessité d'un engagement ferme et d'une visibilité à long terme sur l'assurance, mais aussi sur la réassurance, indispensables facteurs de réussite pour le développement de l'assurance récolte. Il a déploré que, dès 2009, la subvention publique à la prime d'assurance diminue de 35 % à 25 % pour les grandes cultures, alors que la situation de ce secteur est bien moins favorable qu'en 2007. Il a approuvé en revanche la réévaluation à 40 % du taux de soutien pour l'assurance des productions arboricoles et viticoles, ainsi que le relèvement de la dotation pour aléas (DPA), même si celui-ci est à nuancer compte tenu de la diminution de la déduction pour investissements (DPI).
En conclusion, M. Daniel Soulage, rapporteur, a jugé que, comme l'avaient déclaré toutes les personnes auditionnées, il était inenvisageable, ou en tout cas prématuré, de rendre obligatoire l'assurance récolte. Il a ajouté que le débat en séance publique fournirait l'occasion d'interroger le ministre et, si possible, d'obtenir de sa part un engagement sur son soutien à ce dispositif. Il a demandé en conséquence à la commission de ne pas adopter la proposition de loi.