Intervention de Jean Desessard

Réunion du 17 juillet 2008 à 15h00
Démocratie sociale et temps de travail — Discussion générale

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Bien au contraire, avec ce projet de loi, vous provoquez un véritable renversement de la négociation sociale. En effet, vous permettez aux accords d’entreprise de prévaloir sur les accords de branche, même pour une disposition moins favorable. Ce faisant, vous isolez les entreprises, atomisez le salariat et ruinez la négociation collective, qui faisait la force du salariat face à la toute-puissance patronale.

Non seulement les accords d’entreprise primeront, mais ils ne seront même pas conclus selon le principe majoritaire. Ce projet de loi aurait pu, là encore, être une belle occasion de renforcer la démocratie sociale. Vous auriez pu imposer le principe majoritaire pour la conclusion des accords. Au lieu de cela, vous avez consacré une simple « non-opposition ». Dorénavant, toute organisation qui obtient 30 % des voix pourra conclure seule un accord s’il ne rencontre pas l’opposition de syndicats représentatifs ayant obtenu au moins la moitié des voix.

Enfin, vous mettez en danger le pluralisme et l’indépendance des syndicats, notamment parce que les petits syndicats professionnels seront contraints de s’affilier à des syndicats catégoriels nationaux pour continuer d’exister. Tel est le cas du Syndicat national des journalistes, dont nous reparlerons plus tard. Nous avons d’ailleurs déposé des amendements pour remédier à cette situation.

Ce projet de loi n’est donc que le reflet de la considération que porte le Gouvernement aux partenaires sociaux. Vous affichez votre volonté de promouvoir la négociation et de consulter les partenaires sociaux, mais dans les faits c’est à marche forcée que vous conduisez ce que vous nommez la négociation !

Ainsi, vous avez indiqué consulter les syndicats sur le projet de réforme des 35 heures, mais vous ne leur avez pas laissé le temps de la concertation ! Au bout de trois mois à peine, vous décidez de légiférer, parce que tout cela ne va pas assez vite ! Votre consultation n’était qu’une mascarade.

Vous avez décidé, quoi qu’il arrive, d’attaquer les 35 heures et d’anéantir toute idée de réduction et de partage du temps de travail ! M. Dassault a dit tout le mal qu’il pense des 35 heures, des salariés qui prennent des vacances, qui ont des loisirs ou qui s’occupent de leur famille !

Vous allez à rebours de l’histoire des avancées sociales et ne faites que propulser la France dans le jeu du dumping social !

J’en veux pour preuve les articles 16 et 17 du projet de loi, qui tendent à rendre caduques l’idée même de temps de travail, celle de repos compensateur, et à instaurer une société du « travailler toujours plus pour gagner, à terme, de moins en moins » !

En prévoyant de fixer par accord d’entreprise le contingent annuel des heures supplémentaires et la contrepartie en repos, l’article 16 du projet de loi soumet les salariés à l’arbitraire des patrons. Il ne restera plus, comme limite légale, que les 48 heures hebdomadaires fixées par la législation européenne ou les 44 heures prévues par le droit français sur une moyenne de douze semaines.

Avec l’article 17, vous flexibilisez à outrance le temps de travail. Vous étendez sur la semaine les conventions de forfait en heures, jusqu’alors applicables aux seuls cadres, pour des questions évidentes d’autonomie dans l’organisation de leur travail et de leur emploi du temps.

Ensuite, vous rendez applicables à tous les salariés des conventions de forfait sur l’année. Une fois encore, ces négociations ne feront l’objet que d’un accord d’entreprise !

Voilà comment, en deux articles, vous inversez le rapport de force social. Là où le caractère collectif de notre droit permettait de protéger les salariés, vous accentuez encore l’inégalité du rapport de force avec l’employeur ! Vous renvoyez la question du temps de travail et du repos des travailleurs à une discussion individuelle entre salarié et travailleur.

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