a tout d'abord remercié la commission de lui avoir donné l'occasion de préciser quelles ont été sa place et son rôle et ceux de Matignon dans la gouvernance publique liée au dossier EADS.
Puis, après avoir rappelé que l'Etat était le seul des grands actionnaires à ne pas avoir cédé ses actions de ce groupe, il a souligné que le pacte d'actionnaires d'EADS résultait d'un équilibre entre la France et l'Allemagne et que ledit pacte avait fortement limité le pouvoir de l'Etat dans la gouvernance de l'entreprise. Il a ainsi déclaré que l'Etat n'était pas actionnaire direct et n'avait pas de représentant au conseil d'administration ni, a fortiori, dans le management de l'entreprise.
a ajouté que, dans ces conditions, ni Matignon ni le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie n'avait pu être informés des difficultés industrielles du programme de l'A 380 jusqu'à ce qu'elles soient rendues publiques par l'entreprise elle-même, en juin 2006.
Il a ensuite reconnu qu'il y avait eu des problèmes d'information et des difficultés dans la gouvernance au sein du groupe EADS, qu'il a liés au système de codécision. Il a indiqué que les autorités françaises et allemandes avaient eu à coeur de surmonter ce défaut de gouvernance dès qu'elles en ont eu connaissance, citant :
- la décision de nommer M. Louis Gallois co-président d'EADS, en juin 2006, puis co-président d'Airbus, début octobre 2006 ;
- la décision de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République et de Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, de mettre en place une présidence unique d'EADS et d'Airbus.
Evoquant ensuite la gouvernance au sein de l'Etat actionnaire, M. Dominique de Villepin a indiqué que les choix stratégiques sur le niveau de l'actionnariat public dans les entreprises relevaient du Premier ministre, en accord avec le Président de la République et le ministre de l'économie. Ainsi, il a déclaré qu'hormis le choix de maintenir la participation de l'Etat français dans EADS, qu'il a assumé, Matignon s'était abstenu de toute interférence dans la gouvernance de l'Etat actionnaire.
A cet égard, il a précisé que les relations entre les entreprises et l'Etat actionnaire avaient été assurées par l'Agence des participations de l'Etat (APE), sous l'autorité du ministre en charge de l'économie, soulignant l'absence de lien entre Matignon et l'APE. De plus, il a affirmé que Matignon n'avait pas été destinataire de la note de l'APE du 20 janvier 2006 évoquant, dans une optique patrimoniale, une éventuelle cession d'une fraction de la participation de l'Etat, ce qu'il a d'ailleurs jugé « parfaitement normal ».
a ensuite déclaré que Matignon n'avait pas eu davantage de contact direct avec les sociétés SOGEPA et SOGEADE qui portaient l'actionnariat français dans EADS sans contrôle opérationnel de l'activité d'EADS. Il en a conclu qu'il n'y avait donc pas de double instruction possible et que ses collaborateurs, en n'ayant de contact direct qu'avec le ministre chargé de l'économie ou ses collaborateurs, s'étaient conformés à une règle de fonctionnement de l'Etat parfaitement ordonnée dans le domaine économique.
Puis M. Dominique de Villepin a évoqué ce qui s'était passé à Matignon dans les mois qui ont précédé la crise qui a affecté le titre EADS, en juin 2006.
Il a indiqué que le premier rendez-vous entre son cabinet et un représentant du groupe Lagardère sur ce sujet avait eu lieu le 17 janvier 2006, son objet étant d'informer l'Etat des intentions du groupe Lagardère de vendre une partie de ses actions, en application du pacte d'actionnaires, et de demander à l'Etat de participer à cette opération en procédant également à la cession d'une partie de sa participation. Il a précisé qu'à la suite de cet entretien, ses collaborateurs avaient aussitôt vérifié auprès du ministère de l'économie si l'Etat pouvait s'opposer à la cession de ses titres par le groupe Lagardère ou si l'Etat pouvait préempter les titres cédés par Lagardère, ces deux démarches apparaissant impossibles aux termes du pacte d'actionnaires.
Puis, après avoir déclaré que M. Arnaud Lagardère avait lui-même confirmé l'intention de son groupe lors d'un entretien avec M. Pierre Mongin, alors directeur de cabinet du Premier ministre, début février 2006, M. Dominique de Villepin a expliqué qu'une nouvelle réunion s'était tenue, le 22 février 2006, entre son cabinet et un représentant du groupe Lagardère. Il a indiqué qu'à cette occasion, le représentant de Lagardère avait précisé que son groupe souhaitait diminuer de moitié sa participation et ajouté que Daimler-Chrysler avait la même intention, réitérant la demande de Lagardère que l'Etat participe à cette opération. A cet effet, l'Etat aurait dû « libérer » la moitié de ses actions détenues au sein du pacte, c'est-à-dire transformer lesdites actions en actions libres, en vue d'une cession ultérieure sans formalité particulière. Il a ajouté que l'Etat avait alors confirmé son souhait de ne pas s'inscrire dans une perspective de désengagement, même purement hypothétique, du fait de l'importance stratégique de l'industrie aéronautique nationale.
a ensuite indiqué qu'en mars 2006 s'était ouverte la phase d'instruction et de mise en oeuvre de la cession effective de la participation du groupe Lagardère, soulignant que Matignon n'y avait pris aucune part.
Il a déclaré que, le 24 mars 2006, s'était tenue, au niveau du directeur-adjoint de cabinet, une dernière réunion d'information avec un représentant du groupe Lagardère. Ce dernier avait alors confirmé la décision de son groupe de céder sa participation, notifiée le 22 mars 2006, et exposé le mécanisme de vente à terme de ses titres en trois tranches, dont la première en juin 2007, sans toutefois apporter de précision ni sur l'échéancier de la transaction à venir, ni sur l'identité des acheteurs pressentis.
S'agissant de la gouvernance de la CDC, M. Dominique de Villepin a expliqué que trois points lui paraissaient devoir être soulignés :
- l'indépendance de la CDC et ses filiales est garantie par le code monétaire et financier, sa loi fondatrice de 1816 la plaçant « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » ;
- dans le cas particulier de la mise sur le marché des actions d'EADS par le groupe Lagardère, Matignon n'avait donné aucun ordre à la CDC et n'avait, d'ailleurs, pas été informé de la décision d'investissement prise par son directeur général de participer à cette opération, ce que confirment les propos tenus par le directeur financier de la CDC devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 9 octobre 2007 ;
- si un document, remis à ses services par le groupe Lagardère à l'appui de sa demande de fin février 2006, mentionnait l'intérêt potentiel d'un groupe d'investisseurs incluant la CDC, une telle mention paraissait « normale » et n'appelait pas l'attention particulière du gouvernement.
a estimé que son cabinet avait fonctionné dans un parfait respect des règles de déontologie et avec professionnalisme quant à la gouvernance de l'Etat. Il a ajouté avoir transmis les documents remis à Matignon par le groupe Lagardère dans le cadre de ce dossier à l'Autorité des marchés financiers (AMF) dès décembre 2006.
Il a souhaité, pour conclure, rappeler à la commission que son gouvernement avait eu à coeur de se mobiliser dès qu'il avait eu connaissance de difficultés industrielles et de menaces sur l'emploi dans la filière aéronautique et que cela constituait la troisième phase de ce dossier. Il a ainsi cité ses interventions :
- lorsqu'EADS avait annoncé la fermeture du site de la SOGERMA à Mérignac, en avril 2006 ;
- lorsque le plan de restructuration d'Airbus, annoncé en octobre 2006, menaçait de « déstabiliser la filière », un plan d'aide pour la filière d'un montant de 145 millions d'euros étant alors lancé ;
- début 2007, avec le déblocage de 100 millions d'euros pour la filière composite.
a conclu en réaffirmant :
- que Matignon n'avait pas à donner et n'avait pas donné d'autorisation au groupe Lagardère pour la cession de ses actions d'EADS ;
- que Matignon n'avait pas été informé, n'avait donné aucune instruction et n'avait reçu aucune demande de la CDC s'agissant du rachat d'actions d'EADS ;
- qu'il assumait pleinement la décision qu'il avait prise, en plein accord avec l'Elysée et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de ne céder aucune action d'EADS détenue par l'Etat.
Un large débat s'est alors instauré.